L. française reçue 38.  >
De Charles Spon,
le 15 mai 1657

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Charles Spon, le 15 mai 1657

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(Consulté le 05/10/2024)

 

De Lyon, ce 15e de mai 1657.

Monsieur, [a][1][2]

Je vous donne avis de la réception des deux vôtres, l’une du 24e d’avril et l’autre du 8e du courant, dont je vous remercie avec tous les ressentiments que la gratitude peut inspirer à une personne accablée de vos courtoisies, vous suppliant de ne vous dégoûter jamais de m’honorer de ces agréables visites que vous me rendez de loin par un mouvement de bonté que vous avez pour moi sans que je l’aie mérité. C’est par votre moyen que je sais une grande partie de ce qui se passe par le monde, de quoi je vous ai des obligations infinies, ne souhaitant rien avec plus de passion que de m’en pouvoir acquitter quelque jour. Ce matin est parti de cette ville, avec le messager de Paris, un brave jeune homme écossais nommé M. Brusius, [3] lequel vient de se faire recevoir docteur en médecine en l’Université de Valence, [4] où il a été reçu avec grand applaudissement, à ce que m’en a mandé M. Le Bon, [5] doyen de ladite Université. Je lui ai baillé un mot de lettre pour vous afin qu’il se puisse donner l’honneur de vous aller faire la révérence et jouir de quelque moment de votre entretien pendant le séjour d’une année qu’il fait état de faire à Paris. Je l’ai aussi chargé d’un petit paquet de livres qu’il m’a promis de vous rendre de ma part. Tout présentement, j’ai rencontré fortuitement par < la > ville M. Le Gagneur [6] votre collègue, lequel m’a salué et fait excuse de ne m’être venu voir, disant n’en avoir eu la commodité et qu’il partait d’ici demain matin avec son patron. [7][8] Dieu le veuille bien conduire et détourner le mauvais pronostic de sa belle-sœur, qui n’est pas peut-être sans fondement. [1] Il s’en va en un pays qui est assez souvent le cimetière des Français, mais particulièrement quand les maladies épidémiques se mettent de la partie, comme elles font aujourd’hui en ces quartiers-là.

M. Guillemin, [9] mon collègue, est toujours à Turin [10] au service de Madame Royale, [11] de laquelle on nous assure qu’il est très bien vu, par-dessus tous les autres médecins de cour qui sont auprès d’elle. S’il peut réussir dans la cure de sa maladie, je ne doute point qu’il ne soit très bien satisfait de ses peines. L’on dit déjà que l’autre jour, elle lui fit présent d’une belle plaque d’argent du prix de 100 pistoles. Le sieur D’Aquin, [12] que M. Vallot [13] y a dépêché, y est bien aussi arrivé, mais il n’a pas encore fait parler de soi comme l’autre. Peut-être n’est-il pas si raffiné, ou bien il est venu plus tard qu’il ne fallait. La cour de Savoie [14] passe aujourd’hui pour être l’une des plus délicates en fourberie qui soit au monde. Les dupes n’y sont pas les bienvenues, cela ne serait pas mon élément, qui n’ai pour partage qu’une simplicité sans artifice.

Le sieur Fourmy [15] libraire n’a point encore obtenu le privilège de ses Mémoires du maréchal de Tavannes, [2][16] ce qui l’empêche de débiter ledit livre. On lui en fait espérer un, de quoi je doute fort, mais il s’en faut encore donner un peu de patience. Les lettres des jansénistes [17] que vous m’avez envoyées sont d’excellentes pièces, je suis bien aise que les Hollandais se soient avisés de les faire réimprimer. [3] Peut-être trouvera-t-on moyen d’ajuster les différends de cette Nation-là avec cette Couronne ; ce que j’ai quelque intérêt de souhaiter, ayant un frère capitaine en ce pays-là qui s’en pourrait trouver mal, [18] quoiqu’à la vérité il soit dans Breda, [19] ville qui appartient à la Maison d’Orange, et non à Messieurs les États. [4] Il y a de quoi déplorer la calamité de notre siècle, plein de malheurs et de confusions de toutes parts, qui semblent plutôt se devoir accroître que diminuer vu la désunion des grands et la malice de ceux qui les gouvernent. L’on nous assure ici que, depuis le décès de M. Mestrezat le ministre[20] l’on avait résolu d’envoyer quérir en Hollande le sieur Alexandre Morus, [21] qui est natif de Castres [22] au haut Languedoc et non de Genève comme l’on vous a donné à entendre. Il a bien été ministre dans Genève, mais il n’en est pas. Il me semble qu’il serait bien tantôt temps que l’Assemblée du Clergé se séparât : [23] ils ont bien assez mangé les pauvres curés de village et ont bien assez fulminé contre les pauvres religionnaires. [5][24][25] Ces jours passés, se tint en cette ville un synode de tous les curés d’ici autour pour être avertis chacun en son particulier de la contribution qu’ils ont à fournir pour le roi et pour les dépens des supérieurs qui ont tenu leurs assises à Paris. Je ne doute point que les Mémoires de la vie et fortune du défunt cardinal de Richelieu ne soient des pièces pleines de flatterie puisque c’est de la part de Mme d’Aiguillon [26] qu’elles doivent être imprimées. [6][27] Je vous prie me mander quand vous m’écrirez si vous n’avez point pu retirer quelque ouvrage ni mémoire de feu M. Riolan. [28] Je ne sais comment on pourrait faire pour mettre au jour les traités de M. Hofmann qui vous restent. [29] Celui de Humoribus me semble très beau, [30] je crois que si l’on pouvait trouver à le faire imprimer séparément, que cela réveillerait l’envie à plusieurs de voir les deux autres traités du même, de Spiritibus et de Partibus similaribus[7] Notre M. Cellier [31] est allé en quelque voyage, au retour duquel il m’a dit qu’il imprimerait les Observations de Rivière, [32] ses Institutions se vendant fort bien. [8] Je pensais d’aller plus loin, mais le jour commence à faillir et il est temps de prendre congé de vous, comme je fais, vous assurant d’être inviolablement, toute ma vie, Monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur.

Spon, D.M.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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