Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-4, note 12.
Note [12]

Tout ce qui est connu de Petronas ou Petron, médecin grec posthippocratique (vraisemblablement actif au ive s. av. J.‑C.), provient de Celse, {a} au chapitre ix, Curatio semitertianæ febris, quæ ημιτριταιοι dicitur [Traitement de la fièvre demi-tierce, qu’on appelle hémitritée] (livre iii de Medicina [de la Médecine], pages 137‑138) : {b}

Neque hercule ista curatio nova est, qua nunc quidam traditos sibi ægros, qui sub cautioribus medicis trahebantur, interdum contrariis remediis sanant. Siquidem apud antiquos quoque ante Herophilum et Erasistratum, maximeque post Hippocratem fuit Petron quidam, qui febricitantem hominem, ubi accepterat, multis vestimentis operiebat, ut simul calorem ingentem, sitimque excitaret. Deinde, ubi paulum remitti cœperat febris, aquam frigidam potui dabat ; ac, si moverat sudorem, explicuisse se ægrum judicabat : si non moverat, plus etiam aquæ frigidæ ingerebat, et tum vomere cogebat. Si alterutro modo febre liberaverat, protinus suillam assam, et vinum homini dabat. Si non liberaverat, decoquebat aquam sale adjecto, eamque bibere cogebat, ut vomendo ventrem purgaret.

Et intra hæc omnis ejus medicina erat. Eaque non minus grata fuit his, quos Hippocratis successores non refecerant ; quam nunc est his, quos Herophili vel Erasistrati æmuli diu tractos non expedierunt. Neque ideo tamen non est temeraria ista medicina ; quia plures, si protinus a principiis excepit, interemit. Sed, cum eadem omnibus convenire non possint, fere, quos ratio non restituit, temeritas adjuvat. Ideoque ejusmodi medici melius alienos ægros, quam suos nutriunt. Sed est circumspecti quoque hominis, et novare interdum, et augere morbum, et febres accendere ; quia curationem, ubi id, quod est, non recipit, potest recipere id, quod futurum est.

[Grands dieux ! il n’y a rien de moins nouveau que la méthode que certains appliquent aujourd’hui à leurs malades, et qui guérit parfois, à l’aide de remèdes contraires, ceux dont des médecins trop circonspects faisaient traîner les maux. Ainsi trouve-t-on chez les Anciens, avant Hérophile et Érasistrate, et bien après Hippocrate, un dénommé Petron {c} qui, de prime abord, emmitouflait le patient fiévreux, pour provoquer chaleur intense et soif. Ensuite, quand la fièvre commençait un peu à régresser, il lui faisait boire de l’eau froide ; et si la sudation venait, il disait au malade qu’il l’avait tiré d’affaire ; sinon, il lui faisait ingérer plus encore d’eau froide, et le faisait vomir. Quand aucun de ces deux procédés ne venait à bout de la fièvre, il poursuivait en lui faisant prendre du porc rôti et du vin ; et en cas de nouvel échec, il faisait bouillir de l’eau salée, et prescrivait de la boire afin de purger le ventre par le vomissement.

Voilà en quoi consistait toute sa médecine ; et elle ne fut pas moins secourable à ceux que les successeurs d’Hippocrate n’avaient pas rétablis qu’elle ne l’est maintenant {d} aux malades longtemps traités sans succès par les disciples d’Hérophile ou d’Érasistrate. Pour autant, cette méthode est téméraire, car elle tue bien des malades auxquels on l’applique en première intention. Les mêmes moyens ne pouvant toutefois convenir à tous, il arrive que la témérité vienne en aide à ceux qu’un traitement rationnel n’a pas secourus. Aussi les médecins de cette espèce soignent-ils mieux ceux des autres, que les leurs. Le propre du médecin prudent est donc aussi parfois d’innover, en aggravant la maladie et en excitant la fièvre, parce que, si ce traitement ne convient pas à la circonstance présente, il pourra être ultérieurement utile].


  1. V. note [13], lettre 99.

  2. Édition de Leyde, 1657, par Johannes Antonides Vander Linden, v. note [20], lettre de Charles Spon, datée du 28 août 1657.

  3. Cela situe Petronas entre le ve (Hippocrate) et le iiie s. av. J.‑C. (Érasistrate, v. note [23], lettre 324, disciple de Hiérophile).

  4. Le peu qu’on sache de la vie de Celse le donne pour contemporain de l’empereur Auguste, soit au tout début de l’ère chrétienne.

En dépit de son contenu tout à fait compatible avec les lectures et les idées de Guy Patin, cet article ne vient pas de lui : les rédacteurs de son Esprit l’ont emprunté au chapitre iv, page 63 des Essais de médecine de Jean Bernier (Paris, 1683, v. note [53] du Faux Patiniana II‑2), et l’ont assorti d’un commentaire de leur cru (ou issu d’une source que je ne me suis pas acharné à trouver) sur le rôle du heureux hasard dans la guérison des maladies. Comme le Faux Patiniana, Bernier appelle « révolutions dans le corps » les méthodes curatives de Petronas.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-4, note 12.

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(Consulté le 19/03/2024)

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