Le Dictionnaire de Moréri (Lyon, 1683) cite ce distique dans son article sur Joconde {a} (tome 2, page 305), en vantant ses multiples talents :
« Il savait la théologie, la philosophie, les belles-lettres et les langues, ce qui lui acquit beaucoup de réputation. Joconde fit un voyage à Rome où il fit une recherche particulière de toutes les antiquités, comme de l’architecture, de la sculpture et des inscriptions, dont il composa un livre qu’il envoya à Laurent de Médicis. {b} Il composa des observations sur les Commentaires de César, et il fut le premier qui dessina le pont que cet empereur fit faire sur le Rhin. {c} Joconde s’arrêta aussi à la cour de l’empereur Maximilien, où il enseigna les langues à Scaliger ; {d} et étant venu à Paris, il fit bâtir, l’an 1507, le pont Notre-Dame {e} et le Petit-Pont. On y voit encore, sur une table de marbre, ce distique que Sannazar fit à ce sujet :
Iucundus geminum imposuit tibi Sequana Pontem
Hunc tu iure potes dicere Pontificem. {f}
Budé reconnaît que Joconde fut son maître dans l’architecture, et qu’il lui expliqua les livres de Vitruve, sur lesquels ce religieux fit des commentaires. {g} On dit que ce fut par son moyen qu’on trouva dans une bibliothèque de Paris la plupart des Épîtres de Pline qu’Alde Manuce imprima. » {h}
- Johannes Jucundus (Giovanni Giocondo, Jean Joconde), franciscain (cordelier), né à Vérone vers 1433, mourut en 1515.
- Sous le titre de Mundus novus [Nouveau Monde], Jucundus a traduit de l’italien en latin et publié en 1503 une lettre que le navigateur Amerigo Vespucci (Florence 1454-Séville 1512) avait envoyée à Laurent de Médicis, dit le Magnifique (1449-1492) ; mais il s’agit d’un récit de voyage et non d’un recueil d’antiquités.
- Il existe au moins quatre éditions (parues entre 1513 et 1543) des commentaires de Jucundus sur les œuvres de Jules César. Le futur dictateur de Rome (qui n’en fut jamais empereur) a fait construire deux ponts en bois franchissant le Rhin près de Coblence, en 56 et 53 av. J.‑C.
- V. notes [4], lettre 692, pour Maximilien ier, qui a régné sur l’empire germanique de 1493 à 1519, et [5], lettre 9, pour Jules-César Scaliger (né en 1484), qui servit à la cour de ce souverain.
- La construction des six arches en pierre du pont Notre-Dame (v. note [73], lettre 219), qui va de la rive droite de la Seine à l’île de la Cité, fut achevée en 1507. Dans son prolongement, le Petit-Pont joint l’île à la rive gauche.
- « Pour toi, Seine, Jucundus a édifié deux ponts !
Tu peux à juste raison le dire pontife. »
Littré DLF a glosé sur l’origine du mot pontife, pontifex (v. note [41], notule {c}, du Grotiana 1) : « de pons, pont, et facere, faire, parce que, dans l’ancienne Rome, les pontifes étaient chargés du pont Sublicius [premier et plus ancien pont de Rome sur le Tibre], qui était sacré. Mais cette étymologie n’est rien moins que certaine. On en a proposé quelques autres parmi lesquelles on peut relever : facere in ponte, sacrifier sur le pont ; en effet, les pontifes sacrifiaient sur le pont Sublicius et y accomplissaient certaines cérémonies. On a aussi rapporté le ponti du composé à l’osque pomtis, cinq ; cela signifierait les cinq sacrificateurs, et serait analogue à quinquevir. »
V. note [38] du Naudæana 2 pour Sannazar (Jacopo Sannazaro).
- Jucundus a donné une édition latine des dix livres de Vitruve sur l’architecture (v. supra note [6]). Un exemplaire de 1523 (sans lieu ni nom, in‑8o), conservé à la BnF (Gallica), porte une annotation manuscrite attribuée à l’humaniste Guillaume Budé (v. note [6], lettre 125).
- Alde Manuce l’Ancien (v. note [16], lettre latine 38) a donné une des premières éditions des Lettres de Pline le Jeune (Venise, 1508).
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