Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Borboniana 5 manuscrit, note 24.
Note [24]

« comme raconte Sanderus. {a} Voyez Famianus Strada de Bello Belgico, décade i, pages 93, 94, 95, etc. {b} Voyez les Elogia Belgica de Miræus, in‑4o, page 3, et le Vesontiones de Jean-Jacques Chifllet, pages 317 et suivantes. » {c}


  1. V. supra note [22] pour Antonius Sanderus sur le cardinal de Granvelle.

  2. Famiano Strada a abondamment parlé du cardinal de Granvelle dans son « Histoire de la guerre de Flandre ». {i} La référence à l’édition latine indiquée par le Borboniana correspond à la biographie de Granvelle, ornée de son portrait (pages 79‑87) :

    « Antoine Perrenot naquit à Besançon, ville du comté de Bourgogne, et eut pour père Nicolas, seigneur de Granvelle, qui sortait d’une famille d’entre le peuple et qui, selon quelques-uns, était fils d’un serrurier […]. Mais, comme Antoine de Granvelle avait l’esprit excellent, et qu’il était aidé par les sciences qu’il avait apprises avec applaudissement dans les plus célèbres académies de l’Europe, il acquit facilement, sous la conduite de son père, cette parfaite prudence qui est requise dans les affaires ; de sorte qu’ayant été appelé à l’administration de l’État, il fit connaître à l’empereur qu’il n’était pas tant appuyé par les mérites de son père que par sa propre vertu. Il l’égala en beaucoup de choses, et le surpassa en beaucoup d’autres, principalement par la vivacité de son esprit, ayant bien souvent lassé cinq secrétaires en leur dictant en même temps des lettres en diverses langues, car il en savait sept parfaitement. Mais surtout, il surpassa son père par son éloquence, en quoi l’on dit qu’il ne cédait à personne de son siècle. Il n’avait que vingt-quatre ans et son père vivait encore lorsque, étant déjà évêque d’Arras, il parla si hautement et avec tant de force dans le concile de Trente pour l’empereur Charles Quint. Il fut reçu entre les principaux conseillers de l’Empire et de Flandre ; il accompagna l’empereur dans ses fameuses expéditions, et paya quelquefois de sa personne dans les occasions de la guerre. Il fut envoyé en ambassade aux princes et aux républiques, et exécuta beaucoup de choses par la seule force de son éloquence, qu’il savait conduire avec une merveilleuse sagesse, sans qui l’éloquence est une abondance importune, et la maladie d’un esprit qui ne saurait se retenir. Lorsque l’empereur se fut dépouillé de l’Empire, il passa de son service au service du roi Philippe, avec un témoignage glorieux de son mérite et de sa vertu, car on publiait en ce temps-là que l’empereur avait dit, en partant de Flandre, {ii} qu’Antoine de Granvelle était le seul dont il aurait souhaité que son fils se fût servi dans ses plus importantes affaires. »

    Plus proche conseiller de Marguerite de Parme, qui gouverna les Pays-Bas de 1559 à 1567, le cardinal ne parvint pas à y maintenir la paix entre la Couronne d’Espagne et les Flamands protestants, partisans de la sécession des provinces du nord. En 1564, le roi Philippe ii lui donna congé. Il se retira en Franche-Comté ; mais en 1575, le souverain le rappela à ses côtés, à Madrid, où il demeura principalement chargé des affaires d’Italie jusqu’à sa mort, en 1586. Historien jésuite, Strada a conclu le séjour flamand de Granvelle par cette explication, partiale mais intéressante, de son échec dans une phase cruciale de la naissance des Provinces-Unies (pages 86‑87) :

    « Tous ceux à qui le désir de régner était plus considérable que la religion connivaient avec les hérétiques qu’on y voyait venir de tous côtés, nourrissaient secrètement les conspirations des séditieux, et faisaient enfin toutes choses pour faire connaître combien c’était mal à propos que le roi confiait tous les Pays-Bas à l’orgueil de Granvelle. Ils tâchaient, par même moyen, ou de lui faire perdre le gouvernement de la Flandre, et peut-être la faveur du roi, ou de le tenir toujours enveloppé dans les soins {iii} des troubles et des émotions populaires. Enfin, ils virent l’un et l’autre effet et, outre cela, une chose que plusieurs d’entre eux ne méditaient pas : ils virent que par la faction des hérétiques, qui commençait à s’élever, et par la licence des séditieux qui s’était augmentée, on se dépouilla peu à peu de la modestie et de la crainte des lois ; que beaucoup de provinces des Pays-Bas sortirent du respect et de la fidélité qu’elles devaient au prince ; et qu’un grand nombre de personnes de condition ayant été attirées au même parti, on excita dans les Flandres de si horribles embrasements qu’on n’a pu depuis les éteindre, ni par le sang des peuples, ni par la ruine des villes, ni par la désolation des provinces. […] Il est vrai que plusieurs d’entre les nobles souhaitaient ces séditions et méditaient, il y avait longtemps, quelque changement et quelques nouveautés dans le gouvernement des Pays-Bas. Et ceux-là étaient de deux sortes : les uns, par un désir d’une plus grande liberté, ou par la persuasion de leurs femmes, qu’ils avaient épousées dans quelques villes d’Allemagne infectées par l’hérésie, perdaient de jour en jour la révérence et le respect de la religion catholique ; et penchant par ce moyen vers le parti des hérétiques, ils le fomentaient {iv} sans honte et souhaitaient qu’il devînt le plus puissant à la ruine de la religion. Les autres, ayant dissipé leurs biens et leurs richesses, avaient besoin des troubles de l’État pour soutenir leur condition et leur dignité : en effet, un grand nombre de nobles, s’imaginant qu’il eût été honteux aux Flamands de se laisser vaincre par des étrangers, et principalement par les grands d’Espagne, en la magnificence des habits et des armes, en la quantité des serviteurs et suivants, au nombre et en l’équipage des chevaux, avaient, dans ces combats d’honneur, épuisé de grandes richesses, avec plus de perte que les Espagnols, qui étaient pour la plupart beaucoup plus riches que les Flamands. C’est pourquoi, comme ils n’avaient plus de fonds ni de patrimoines capables de continuer ces dépenses, ne laissant pas néanmoins, avec un petit bien, d’avoir encore un grand courage {v} qui voulait conserver son estime ; et que d’ailleurs, les hérétiques promettaient aux nobles, et principalement aux gouverneurs des villes où ils s’étaient retirés, de grandes sommes d’argent s’ils les voulaient prendre en leur protection et empêcher qu’ils ne fussent chassés ou punis, comme on l’observait en ce temps-là, quelques-uns se résolurent de soutenir la cause de ces hérétiques ; et considérant leur intérêt plutôt que le salut et la tranquillité des peuples, ils abusaient par leurs feintes et par leurs dissimulations la gouvernante et Granvelle, qui ne pensaient de leur côté qu’à pacifier tant de tumultes. Enfin, ils n’étaient pas fâchés de ces troubles et de ces séditions où ils faisaient un commerce qui leur était si profitable. »

    1. Traduite en français par Pierre Du Ryer (Paris, 1644, v. note [33], lettre 192).

    2. Abdication de Charles Quint en 1555 (v. note [39] du Grotiana 2).

    3. Soucis.

    4. Soutenaient.

    5. Une grande ardeur.

  3. Cette fort opulente, mais instructive et rare bibliographie sur les Perrenot de Granvelle se conclut par deux citations qui renvoient à des panégyriques inconditionnels du cardinal, louant sans retenue sa très brillante carrière politique et ecclésiastique :

    • Les Elogia Belgica d’Aubertus Miræus (Aubert Le Mire) {i} contiennent le bref éloge de Granvelle (pages 3‑5) ;

    • sous le nom d’Antonius ii, Granvelle est le 86e prélat de la seconde partie (pages 317‑322), de archiepiscopis Bisontinis, et aliis Civitatis Bisontinæ Ecclesiasticis rebus [des archevêques bisontins, et les autres affaires ecclésiastiques de la cité de Besançon], des  :

      Ioan. Iac. Chiflletii Patricii, Consularis, et Archiatri Vesontini Vesontio Civitas Imperialis libera, Sequanorum Metropolis. Plurimis, nec vulgaribus Sacræ, Prophanæque historiæ Monumentis illustrata, et in duas partes distincta,

      [À Besançon, Cité impériale libre, capitale des Séquanes, {ii} de Jean-Jacques Chifflet, {iii} gentilhomme conseiller et archiatre bisontin. Illustrée par les ouvrages, nombreux et peu communs, de l’histoire sacrée et profane, et divisée en deux parties] ; {iv}

      1. Anvers, 1609, v. note [3‑3], lettre 584.

      2. Bourguignons.

      3. V. note [18], lettre 104.

      4. Lyon, Claudius Cayne, 1618, in‑4o illustré de 328 pages.

    Pour équilibrer et terminer ce long portrait d’un éminent politique hispano-germanique du xvie s., j’emprunte à Jean-François Le Petit (Histoire des Pays-Bas, v. supra note [21]) ce paragraphe violemment accusateur, intitulé Quelle a été la vie privée du cardinal (pages 33‑34) :

    « Nous avons récité en somme les artifices, dextérités et pratiques de notre cardinal à se faire grand, lui et les siens, et à s’y maintenir sans aucun respect ni du service de son prince, ni du bien public, ni de la justice et bonne police ; ni même de la religion, qui lui servait d’un manteau à double fourrure, et dont il se voulait montrer si grand zélateur, et tant bien en tout et partout s’en savait prévaloir, comme si sans lui toute religion et piété s’en fût envolée hors du monde, encore qu’en lui n’y eut qu’athéisme. Car si on considère en particulier quelle, combien débordée, lascive et détestable a été toute sa vie, jusques en sa grande vieillesse, on n’y trouvera que toute vilenie, ordure, infamie, et les plus puants, infects et abominables vices qu’on saurait décrire de nul autre. Ses paillardises, adultères, son orgueil insupportable, et ses autres perfections {a} de corps et d’esprit, le firent chasser de Milan, de Rome et de Naples. Toutefois, cela ne diminua en rien son crédit en la cour d’Espagne. Tant que finalement, pendant qu’il employait tous les nerfs de ses sens à tout troubler et à nous tourmenter par deçà, {b} par ses lettres et instructions, il acquit, à son très grand déshonneur, et perte non jamais recouvrable du roi son maître, ce beau proverbe, Du cardinal, la braguette a fait perdre la Goulette. {c} Sa vie était partout si dissolue, et si manifestement, que sa maison était une sentine et cloaque de toute vilenie. Il se montra extrêmement animé contre les abatteurs et briseurs d’images, dont il montrait avoir quelque occasion ; {d} car il en faisait si grand cas qu’en tous les endroits de sa maison, sous prétexte d’être grand amateur de l’art statuaire et des pièces antiques ou rares, on y voyait force statues et images, tant de fonte que de taille, en bosse ou de plat, {e} les plus lascives et impudiques qu’on eût su trouver, de personnages d’hommes et de femmes nus. Davantage, en son cabinet, sous les figures de Vénus, Pallas, Junon, Cérès, etc., il avait, portraitées au vif, nues, toutes les plus qualifiées dames, damoiselles et bonnes bourgeoises desquelles il avait abusé. Quant à la somptuosité de son logis, des délices des viandes et d’autres appâts de lubricité, on n’en parle point, car elles ont été assez connues à un chacun qui a hanté sa maison. Feignant se montrer curieux des secrets de nature et de la mathématique, il couvrait honnêtement sa magie, où il était maître passé ; avec laquelle il entremêlait les sorts, vénéfices {f} et empoisonnements, desquels il se savait fort dextrement aider ; jusques à avoir abreuvé de ses drogues, par charge de son maître, ce bon prince, l’empereur Maximilien second, lorsqu’il n’était encore que roi des Romains, {g} comme ledit sieur le déclara à ses amis, mais ne l’osa publier. Depuis, le cardinal accourut de Naples à Rome pour empoisonner ce jeune seigneur de grande espérance, Charles, prince de Clèves, pour seulement avoir fait quelque peu de difficulté de baiser la pantoufle du pape. {h} Au reste, il se montrait si zélé à la parole de Dieu qu’ordinairement elle lui servait de farcerie, {i} comme il lui échappait assez souvent des traits de la bouche, qui témoignent suffisamment l’impiété cachée en son cœur. » {j}


    1. Accomplissements.

    2. Ici en Flandre : Le Petit, « greffier de Béthune », ne dissimulait pas son adhésion à la Réforme.

    3. V. supra note [20].

    4. Chaque fois qu’il en avait occasion. Le refus des représentations artistiques du corps humain est une caractéristique du calvinisme le plus rigoureux, qui les tient pour une forme d’idolâtrie ou de débauche.

    5. Tant en métal moulé qu’en pierre taillée, tant en haut-relief qu’en bas-relief.

    6. Sortilèges.

    7. Maximilien de Habsbourg (1527-1576), fils aîné de l’empereur Ferdinand ier et donc neveu de Charles Quint, a été élu roi des Romains en 1562, puis a régné sur l’Empire de 1564 à sa mort, sous le nom de Maximilien ii. Ce prince, attiré par la Réforme (mais qui demeura catholique toute sa vie), avait adhéré à la faction qui s’opposa à Charles Quint pour entraver son dessein de céder ses deux couronnes à Philippe d’Espagne, son fils. Quand en 1552, Maximilien était tombé malade, on avait accusé son cousin Philippe d’avoir tenté de l’empoisonner (avec l’aide de Granvelle), mais c’était dix ans avant que Maximilien fût sacré roi des Romains.

    8. Charles-Frédéric de Clèves (1555-1575), fils aîné de Guillaume le Riche, duc de Clèves, de Juliers et de Berg, mourut de la variole à Rome lors d’un pèlerinage auprès du pape Grégoire xiii. Les historiens n’ont pas accrédité ce qu’en disait ici Le Petit.

    9. Moquerie.

    10. Après Georg Horn, Guy Patin, dans sa lettre du 28 septembre 1655, a donné Granvelle en exemple du séjanisme (v. sa note [21]) et l’a rangé parmi les plus insignes « sangsues du peuple ».

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    Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
    Borboniana 5 manuscrit, note 24.

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    (Consulté le 19/04/2024)

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