Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Grotiana 1, note 26.
Note [26]

V. note [30], lettre 195, pour Dominicus Baudius et ses « Épîtres » (Amsterdam, 1647), avec un exemple des défenses qu’il a prononcées en faveur de Juste Lipse. René Pintard (Pintard a, note 5, page 73) renvoie à cinq autres de ses lettres. Baudius y exprime à la fois :

  • son affection et son admiration pour Juste Lipse, en dépit de la bruyante dévotion pour la Sainte Vierge qui consterne les protestants ;

  • son mépris pour le ton du livre de George Thomson contre Lipse ;

  • sa profonde tristesse à l’annonce de la mort de son ancien maître, survenue à Louvain dans les premières heures du jeudi 23 mars 1606 ;

  • son irritation contre Joseph Scaliger pour son écrasant pouvoir académique et pour la fausseté de ses sentiments à l’égard de Lipse.

  1. Lettre à Cornelius vander Myle, à La Haye, datée de Leyde, le 18 décembre 1605 (centurie ii, lettre xv, pages 172 ‑175) :

    A Iusto Lipsio V.C. et Senecam accepi muneri, et literas plenas effusissimæ humanitatis ac benevolentiæ. Nunquam erit quin amem et observem eximium hominem, optime de tota re literaria meritum, quanquam me Divarum virginum ex animo miseret, quibus apud cordatos judices famam suam intemperanter decoxit. Sed illustribus ingeniis concedendum est, ut interdum hallucinentur. Seneca nomen ejus iterum in solido locabit.

    [En cadeau de Juste Lipse, j’ai reçu son Sénèque {a} et une lettre emplie de bienveillance et débordante de gentillesse. Jamais je ne cesserai d’aimer et de respecter cet homme incomparable, le plus méritant de toute la république des lettres, bien que je me fusse volontiers passé de ces vierges saintes qui ont absolument ruiné sa réputation aux yeux des sages censeurs ; mais il faut autoriser les brillants génies à divaguer de temps en temps. Sénèque rétablira solidement son renom].

  2. Lettre à Petrus Scriverius (v. note [51] du Grotiana 2), à Amsterdam, datée de Leyde, le 4 avril 1606 (centurie ii, lettre xxvii, pages 191‑193) :

    Ante discessum tuum acceperat epistolam a cive Antverpiensi, Francisco Sweertio, si forte hominem nosti, qua certiorem eum faciebat de afflictissima valetudine summi viri Iustii Lipsii. Sed quia nimis sane familiariter loquebatur homo, quem negat Scaliger se de nomine nosse, nec unquam antea quidquam literarum ab eo se accepisse recordabatur, falsi suspectas habuit eas literas, statueratque, si mendacium deprehensum foret, eas primo quoque tempore ad ipsum Lipsium mittere, ut intelligeret quam otiose nonnulli male feriati de ejus corio luderent. Sed ô tristem et acerbum omnibus bonis casum ! etsi non nemini gratum et optatum fore arbitror, qui gratis optimum mortalium oderunt. Hic mihi in mentem venit serio optare, quod per delicias et fictam clementiæ simulationem vovebat impurissimus tyrannorum, Utinam literas nescirem ! ne infelix noster stylus interpres et delator esset tam tristis et sinistri nuncii. Nam, dicendum est, quid enim circumvehor omnia verbis ? fuit heu ! fuit, illud immortalitate dignum ingenium, et ad sedes beatas commigravit, si qua pios respectant numina ; talis enim fuit, talem eum prædicabo frementibus omnibus invidis, nec me ab amoris constantia unquam dimovebunt jejunæ ambitiunculæ, et gratuitæ pravitates quorundam, quos non nescis. Tuum est etiam pro parte non deesse propugnandæ ejus existimationi, quem de facie invisum, amore non vulgari dignatus est. Nunc nihil aut parum causæ est, cur editionem meorum poematum ulterius sufflaminare debeam. Nam, ut verum apud te solens fabuler, non erat inter minimas cunctationis causas metus offendendi talem virum : cujus gratiam in præcipua parte felicitatis meæ deputabam. Nunc eum mors nobis exemit vigesimo tertio die præteriti mensis Martii, hora secunda matutina. Sepultus est apud Minoritas ante divæ Virginis altare.

    [Avant votre départ, il {b} avait reçu une lettre de Franz Sweerts, {c} citoyen d’Anvers que vous connaissez peut-être, lui confirmant la santé fort précaire de l’éminent M. Juste Lipse. Scaliger disait ne pas même connaître de nom celui qui lui écrivait, et ne se souvenait pas d’avoir jamais reçu lettre de lui ; et comme son correspondant s’exprimait vraiment avec excessive familiarité, il avait décidé d’envoyer sur-le-champ cette lettre à Lipse pour savoir si elle ne cherchait pas à le tromper, tant certaines personnes mal intentionnées prenaient plaisir à le dire au bord de la tombe. Ô l’amer et triste malheur qui frappa alors tous les honnêtes gens ! même si je pense qu’il a été espéré et trouvé plaisant par quelques-uns de ceux qui avaient injustement haï le meilleur des mortels. M’est alors sérieusement venu à l’esprit ce souhait qu’a exprimé, par moquerie et par faux air de clémence, le plus impie des tyrans : Utinam literas nescirem ! {d} afin que ma malheureuse plume ne soit pas l’interprète et l’annonciatrice d’une si triste et sinistre nouvelle. Il faut pourtant bien le dire, et pourquoi m’attarderais-je à faire des phrases ? Ce génie fut, hélas, mais fut bel et bien digne de l’immortalité, et il nous a quittés pour les lieux de béatitude, si qua pios respectant numina. {e} Tel il fut, et je le dirai à tous ceux qui frémissent de jalousie, et ni les petites ambitions faméliques ni les vilenies gratuites de certaines gens, dont vous n’ignorez pas qui ils sont, ne m’écarteront de la constance de mon amour. À vous aussi, et en tout, il appartient de ne pas faillir à défendre sa réputation car, en dépit des apparences, elle est digne d’une affection hors du commun. Je n’ai maintenant aucune raison, autre que mauvaise, pour devoir reporter plus longtemps la publication de mes poèmes. {f} À dire vrai, comme j’en ai l’habitude avec vous, la crainte de heurter un tel homme n’était pas l’une des moindres raisons de mes atermoiements, car j’accordais la plus belle part de ma félicité à la faveur de lui être agréable. Aujourd’hui, la mort nous l’a enlevé, le vingt-troisième jour du mois de mars dernier, à deux heures du matin. On l’a enterré aux Cordeliers, {g} devant l’autel de la Vierge.].

  3. Lettre à Adrianus a Blyenborch, à Dordrecht, sans lieu ni date (centurie ii, lettre lvi, pages 241‑243) :

    Præterito die Sabbathi venit ad me Georgius Tomsonus vir egregie doctus gente Scoto-Britannus, mihique obtulit recens a se Londini editum libellum, hac, ni fallor, inscriptione, (nam alii utendum dedi) Vindex veritatis contra nefariam sententiam Lipsii de fato, de fraudibus, et sacrilegam opinionem de miraculis Idoli Sichemiensis. Opus est sane non ineruditum, et quod arguat scriptorem multæ lectionis : nisi quod supra modum modestiæ effervescit ; quo nomine etiam serio reprehensus est ab heroë Scaligero. Magna ingenia difficulter reprimi possunt, sed interim μηθεν αγαν με τερπει. Adversus colluviem nefariam **, qui velut Harpyæ contractu omnia fædant in mundo, nihil potest esse nimium aut immodicum : sed Lipsius veteribus in rem literaria et in juventutem nostram officiis meritus est, ut ejus potius misereri debeamus, quam revelare nuditatem.

    [Samedi dernier, j’ai reçu la visite de George Thomson, Breton d’Écosse remarquablement savant, et il m’a offert le petit livre qu’il a publié à Londres, intitulé (si je ne me trompe, car je l’ai prêté) « Le Vengeur de la vérité contre le jugement de Lipse sur le destin et sur les crimes, et contre son opinion sacrilège sur les miracles de l’Idole de Sichem ». Cet ouvrage ne manque absolument pas d’érudition et les arguments de l’auteur montrent qu’il a beaucoup lu ; mais sa modestie s’égare beaucoup trop, si bien que Scaliger, notre demi-dieu, l’en a sévèrement blâmé. {h} Les grands esprits peuvent être difficiles à contenir, mais cela dit, rien n’est plus plaisant. Rien n’est excessif ni immodéré contre les immondices abominables ** qui flétrissent tout en ce monde, comme par l’étreinte de la Harpie. {i} Toutefois, pour les services qu’il a jadis rendus, Lipse a mérité la reconnaissance de la république des lettres et de notre jeunesse, si bien que nous devons plutôt déplorer que mettre au jour son dénûment].

  4. Lettre à Cornelius vander Myle, à La Haye, datée de Leyde, le 3 avril 1606 (centurie ii, lettre lviii, pages 244‑246) :

    Iam enim pro certo intelleximus, illud immortalitate dignum ingenium e vivis excessisse, hora secunda matutina, vigesimo tertio die Martii : sepultusque est apud Minoritas ante D. Virginis altare. Significavit hoc triste nuncium per literas Franciscus Sweertius infelix avis και μαντις κακων ; neque enim alias unquam scripsit ad heroem Scaligerum, quam quo tempore magni viri terris erepti sunt, ut ei jure possimus occinere carmen quod Calchanti Agamemnon Homericus occinit Αιει τοι τα κακ εστι φιλα φρεσι μαντευεσθαι. Initio suspectas habuit falsi priores tabulas D. Scaliger, quibus tantum significabat Lipsium quidem esse depositæ ac pene conclamatæ salutis, sed tamen adhuc vivere. Verum porteriores literæ dubitationem omnem sustulerunt, ita definite omnia et sigillatim indicabant. Quamvis omnia cadere possint in sacram illam cohortem, quæ in homines ab omni pudore et pudicitia derelictos, tamen non est credibilis tantus in ullo furor, ut gratis et animi causa tam splendide mentiri velit. Ad summam κειται Πατροκλος. Porro in re mea nihil est actum, quod quidem sciam. Non statui unquam amplius tam liberaliter operam meam et omnem Baudium devovere publicis utilitatibus, quando mercedis et gratiæ loco video mihi esse subeundas offensiones et tempestates invidiæ.

    [Nous devons maintenant tenir pour assuré que ce génie digne de l’immortalité a quitté le monde des vivants, à deux heures du matin, le 23 mars, et qu’il a été inhumé en l’église des Cordeliers {g} devant l’autel de la Vierge. La lettre de Franz Sweerts, oiseau de mauvais augure et prophète de malheur nous a annoncé cette triste nouvelle ; quant à Scaliger, notre demi-dieu, il n’a jamais rien fait d’autre que de lui écrire ces mots : « Au moment où de grands hommes quittent ce monde, nous pouvons légitimement réciter le vers que chanta Agamemnon à Calchas : Toujours ce sont les maux qu’aime à prédire ton âme. » {j} M. Scaliger a d’abord tenu à tort pour suspecte sa première lettre, lui annonçant seulement que la santé de Lipse était vraiment dans un état alarmant, voire presque désespéré, mais qu’il était encore en vie. Sa lettre ultérieure a pourtant dissipé tous ses doutes, en lui exposant précisément et distinctement la cruelle vérité. Bien que tout puisse arriver dans ce bataillon sacré, réunissant des hommes qui ont abandonné toute honte et toute pudeur, {k} il n’est pas croyable que Scaliger ait été saisi d’une folie telle qu’il ait, gratuitement et sciemment, voulu mentir si effrontément. En somme, Patrocle est mort. {l} En outre, que je sache, rien n’est encore réglé dans l’affaire qui me concerne. Je ne me suis pourtant jamais tant dévoué à mon travail : Baudius s’est tout entier consacré à ses devoirs publics ; mais au lieu de faveurs et de récompenses, il voit s’insinuer contre lui les attaques et les orages de la jalousie]. {m}

  5. Lettre à Fredericus Sandius, à Arnheim, datée du 27 avril (nouveau style, grégorien, 17 avril julien) 1606, sans lieu (centurie iii, lettre l, pages 393‑395) :

    De Thomsono fefellit te nominis similitudo, non enim noster Richardus optimus virorum hunc sacrum et horribilem composuit, sed alius gente Scotius, prænomine Georgius, nupere quidem mihi in Anglia notus, sed non de ea nota quæ se posteritati notabilem fecit cum tam inclementer immisericorditerque, atque etiam, si est dicendum, prorsus illiberaliter egit cum viro inter paucissima seculi ingenia multis de causis eminenti ; cujus quidem delirationes non excuso, sed tamen reverentius talem excepi verum fuit. Ego etiamsi centum habeam linguas, tamen nunquam ero disertus ejus periculo ac dispendio ; sed quidquid in nobis ingenii est, militabit ipsi, et ipsius gloriæ, salva tamen religionis et veritatis majestate. Arbitror te non ignorare eum ex vivis decessisse vicesimo secundo die mensis præteriti, cum per dies tantum quinque decubuisset. Placide constanterque dicitur peregisse hunc extremum vitæ actum. Omnibus bonis flebilis occidit, paucis flebilior quam mihi ; tamen quia fortiter et severa lege amavi hominem, sæpe ex animo vovi ut prius ivisset ad superos, quam suas Divas limine protulisset.

    [Pour Thomson, la similitude de nom vous a trompé : ce n’est pas notre ami Richard, {n} le meilleur des hommes, qui a commis ce sacrilège horrible, mais un autre Thomson, Écossais, prénommé George. J’ai récemment fait sa connaissance en Angleterre, mais son mérite ne le rendra pas célèbre aux yeux de la postérité, tant il a manqué de clémence et de miséricorde, et aussi, il faut bien le dire, de loyauté, quand il a attaqué un homme qui, à de nombreux égards, fait partie du tout petit nombre de génies qui ont brillé en ce siècle. Je n’excuse certes pas ses égarements, mais j’ai tenu sa sincérité pour fort respectable. Même si j’avais cent langues, jamais je ne les utiliserais pour le dénigrer et pour le blâmer ; mais de toute la force de mon talent, je militerai pour sa cause et pour sa gloire, sans pourtant aller jusqu’à violer l’honneur de la religion et de la vérité. Je pense que vous n’êtes pas sans savoir qu’il nous a quittés le 22e jour du mois dernier, après une maladie qui n’a duré que cinq jours. Il a, dit-on, affronté ce dernier acte de sa vie avec calme et fermeté. Il est mort pleuré de tous les honnêtes gens, mais peu l’ont plus pleuré que moi ; toutefois, parce que j’ai profondément et très sincèrement aimé cet homme, j’ai souvent souhaité de toute mon âme qu’avant de monter aux cieux, il eût d’abord mis au jour toutes ses déesses]. {o}


    1. Lipse a dû une bonne part de son renom à ses brillants commentaires sur les œuvres complètes de Sénèque le Jeune et de Tacite. La première édition de son Sénèque a paru en 1605 (Anvers, Plantin, in‑fo).

    2. Scaliger noster : « Notre cher (Joseph) Scaliger », que Baudius a ironiquement qualifié plus loin de heros, « demi-dieu ».

    3. V. note [3], lettre 584, pour Franz Sweerts. Sa lettre à Scaliger, écrite vers la mi-mars 1606, est aujourd’hui perdue

    4. « Pussé-je ne pas savoir écrire ! » ; Suétone, Vie de Néron (chapitre x) :

      Et cum de supplicio cuiusdam capite damnati ut ex more subscriberet admoneretur : “ Quam vellem ”, inquit, “ nescire literas ! ”

      [Un jour que, selon l’usage, on lui demandait de signer la condamnation d’un criminel, il dit : « Comme je voudrais ne pas savoir écrire ! »]

    5. « s’il est des divinités qui aient des égards pour les cœurs vertueux » (Virgile, Énéide, chant i, vers 603).

    6. V. note [36] du Patiniana I‑3 pour la Domenici Baudii Poematum nova editio [Nouvelle édition des Poèmes de Dominicus Baudius] parue à Leyde en 1607.

    7. Les biographes de Lipse donnent l’église Saint-François de Louvain pour lieu de sa sépulture. J’ai préféré emprunter à Scaliger (v. infra notule {l‑i}) ma traduction de Minoritas en « Cordeliers », c’est-à-dire le couvent des frères mineurs (franciscains) de Louvain.

    8. V. supra note [25] pour le livre de George Thomson contre Lipse (Londres, 1606).

      Dans deux de ses lettres, datées de Leyde le 14 mars 1606 et envoyées à Londres, Joseph Scaliger a donné son avis sur cet ouvrage.

      • À Johannes de Laet (Ép. Lat. livre iv, lettre ccccxliii, page 809) :

        De libro Georgii Thomsonii gratias ago. Mitius illi cum Lipsio agendum, et alia via cum illo congrediendum fuit. Nam præfractam illam et gladiatoriam violentiam non laudo. Non enim tanquam “ vindex veritatis ”, ut ipse profiteretur, sed tanquam ultor offensæ alicuius cum eo agit, quum tamen ab eo nunquam ne verbulo quidem ullo læsus aut perstrictus fuerit. Sed huius sæculi eiusmodi ingenia sunt : nihil scribunt sine contumelia. In quo genere Loiolitæ familiam ducunt. Sed illi palam contumeliosum genus scribendi profitentur, hominibus tamen modestis, et qui aliam religionem profitentur, nebulonum exemplum sequendum non est, præsertim adversus eos a quibus iniuriam non acceperint, et quos amice castigare, quam sine causa contumeliose accipere gloriosius est.

        [Je vous remercie pour le livre de George Thomson. Il devait agir avec plus de douceur envers Lipse et le combattre autrement, car je ne loue pas cette inflexible violence, digne d’un gladiateur. De fait, il ne se comporte par envers lui comme le « vengeur de la vérité » qu’il prétend être, mais comme le justicier de quelque offense, alors que Lipse n’a jamais écrit le moindre petit mot qui pût le blesser ou le piquer. Ainsi en va-t-il pourtant des esprits de ce siècle : ils n’écrivent rien sans faire outrage. En quoi, les loyolites mènent la bande : {i} ils professent ouvertement ce genre d’écriture offensante ; les hommes vertueux, qui pratiquent l’autre religion ne doivent pas suivre l’exemple de ces vauriens, à plus forte raison contre ceux qui ne les ont en rien offensés, car il y a plus de gloire à reprendre aimablement qu’à injurier sans raison].

        1. Le blâme de Scaliger passait du livre de Thomson, pasteur calviniste écossais, aux jésuites qui avaient converti Lipse.

      • À Richard Thomson (Ép. Lat. livre iii, lettre ccxli, page 517) :

        Legi Georgii Thomsonii Scoti ea quæ in Lipsium magis æmulatione quam veritatis amore scripsit. Agnosco doctrinam in homine, sed modestiam requiro.

        [J’ai lu ce que l’Écossais George Thomson {i} a écrit contre Lipse avec plus de passion que d’amour de la vérité. Je sais reconnaître la science d’un homme, mais j’y demande de la modestie].

        1. George Thomson n’avait pas de lien de parenté avec le destinataire de la lettre, Richard Thomson, érudit anglo-flamand qui était ami de Scaliger et d’Isaac Casaubon.

    9. V. notule {b‑ii}, triade 82 du Borboniana manuscrit (note [41]), pour les Harpies.

      La phrase me semble ne prendre son sens qu’en y remplaçant les deux astérisques par « des jésuites » [Jesuitarum], dont l’influence avait abouti à la conversion de Lipse au catholicisme et à sa bigoterie.

    10. Les deux citations grecques traduites en italique viennent du chant i de l’Iliade (vers 106‑107) : paroles d’Agamemnon au devin grec Calchas, à qui il reprochait la noirceur de ses présages (v. note [55] de l’Autobiographie de Charles Patin).

      Ce que dit Baudius et la chronologie mènent à conclure qu’après sa lettre de la mi-mars à Scaliger, mentionnée dans la notule {c} supra, Franz Sweerts lui en a écrit une seconde, dans les jours suivant la mort de Lipse, mais elle aussi perdue, qui contenait le propos rapporté entre guillemets. Scaliger ne donna pas foi à la la nouvelle qu’elle contenait (v. infra sa lettre à Paul Choart de Buzenval).

    11. Plutarque (Vie de Pélopidas, chapitre xix) donne le nom de « bataillon sacré » (iéros lokhos en grec, sacra cohors en latin) à l’unité d’élite, formée de 300 couples d’hommes, qu’avait créée le général thébain Gorgidas au ive s. av. J.‑C. Sous la plume de Baudius, il faut sans doute y voir une pique contre le petit cercle d’érudits européens dont Scaliger était le centre.

    12. Homère (L’Iliade, chant xviii, vers 20) : paroles du messager annonçant sans ménagement à Achille la mort de son très cher Patrocle, tué par Hector (v. note [27], lettre 989). On devine que Baudius reprochait amèrement à Scaliger son indifférence en apprenant la mort de Lipse.

    13. Dans le première partie de sa lettre, Baudius a expliqué à Sandius ses déboires académiques, en lien avec la mise sous la presse de ses Poemata (v. supra notule {f}), que l’Université de Leyde, où Scaliger régnait en maître tout-puissant, refusait de voir paraître, à cause des impiétés qu’ils contenaient. Le mensonge de Scaliger était donc sans sans relation avec la mort de Lipse qui avait depuis longtemps perdu tout crédit en Hollande.

    14. V. supra seconde sous-notule {i} de la notule {h}.

    15. Les merveilles de son esprit.

Outre la lettre de Scaliger à Isaac Casaubon, écrite de Leyde, le 22 avril 1606 (v. supra note [16]), sa Correspondence (volume 6) en contient deux qui ont parlé du décès de Lipse.

  • Scaliger, de Leyde, à Paul Choart de Buzenval, ambassadeur de France aux Provinces-Unies, non datée (pages 337‑338) :

    « On m’a écrit d’Anvers que Lipse serait mort un vendredi, enterré aux Cordeliers à Louvain. {a} Mais celui qui m’a écrit ceci m’est suspect pour beaucoup de raisons. » {b}

  • Johannes Wowerius (v. note [23] du Grotiana 2), d’Anvers, le 17 avril 1606, à Scaliger (pages 387‑388) :

    O tui meique luctus acerbitatem, quam postuma etiam ista pagina scio nimio augebit ! Hanc immortalis nunc vero Lipsius paucis ante obitum diebus, cum illi adessem, perscripserat. Sed, eheu, morbus et mors supervenit, et quam ideo mittere non potuit, ego sic signatam et in musæo repertam, ecce offero. Iam colligis quam paucis diebus a laboribus scriptionibusque ad æternam transierit quietem, sane constanter, placide, et sine ulla querela. Excessit autem xi Kal. Aprilis, post mediam noctem, cum quatuor tantum diebus primum ex tussi, post ex gravissima febri, lectulo adhæsisset. Me cum duobus aliis curatorem supremæ voluntatis suæ scripsit. Bibliothecam vero, omnemque literariam supellectilem, fidei meæ commisit donec pronepos ex sorore heres adolescat.

    [Ô dureté de votre chagrin et du mien ! et je sais que cette lettre posthume l’augmentera encore. Lipse, que voici désormais immortel, vous l’avait écrite, quand je lui avais rendu visite quelques jours avant son décès. Mais, hélas ! la maladie et la mort l’ont emporté, et je n’avais alors pu vous l’envoyer. Je l’ai gardée précieusement et l’ai retrouvée dans mon cabinet, la voici donc. {c} Vous savez déjà que peu de jours après qu’il eut cessé de travailler et d’écrire, il a pris le chemin qui mène au repos éternel fort résolument, paisiblement et sans plainte. Il a rendu l’âme le 22 mars, peu après minuit, {d} n’ayant dû s’aliter que depuis quatre jours, d’abord à cause d’une toux, puis d’une fièvre très ardente. Avec deux autres, il m’a désigné par écrit comme exécuteur de ses dernières volontés. {e} Il m’a confié sa bibliothèque et tous ses papiers, dont l’arrière-petit-fils de sa sœur héritera quand il aura atteint l’âge adulte].


    1. Le couvent que Baudius appelait Minoritas, v. supra notule {g}.

    2. Seconde lettre de Franz Sweerts dont parlait Baudius (v. notule {j} supra). La date exacte à laquelle Scaliger écrivait la présente nous fait malheureusement défaut.

    3. Lettre de Lipse à Scaliger, datée de Louvain, le 12 mars 1606 (ibid. pages 343‑344) ; en voici le résumé établi par les éditeurs de la Correspondence (traduit de l’anglais) :

      « Lipse a parlé de Scaliger avec Johannes Woverius d’Anvers, exécuteur testamentaire de Lipse. Il est heureux que Scaliger ait reçu son portrait. La vertu engendre la jalousie, même aux temps les plus favorables, et les cyniques sont maintenant partout. Le mieux est d’ignorer leurs attaques. Les mérites d’hommes tels que Scaliger plaideront d’eux-mêmes en sa faveur et la postérité le vengera. Scaliger ne devrait pas répondre aux attaques sur ses ancêtres : il lui suffit d’être le fils de son père. »

    4. Très exactement, le 23 mars à deux heures du matin. La lettre de Woverius est celle qui a convaincu Scaliger que Sweertius lui avait dit la vérité dans la seconde lettre qu’il lui avait écrite dans les jours suivant la mort de Lipse.

    5. V. note [23] du Grotiana 2.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Grotiana 1, note 26.

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(Consulté le 13/11/2024)

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