Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-6, note 3.
Note [3]

Proserpine ou Perséphone (Fr. Noël) :

« Fille de Cérès et de Jupiter, {a} fut enlevée par Pluton, dieu des enfers, {b} lorsqu’elle cueillait des fleurs, et malgré la résistance opiniâtre de Cyané, sa compagne. Cérès, affligée de la perte de sa fille, voyagea longtemps pour la chercher. Ayant appris le nom du ravisseur, elle demanda que Jupiter la fît revenir des enfers, ce que le dieu lui accorda, pourvu qu’elle n’y eût encore rien mangé. Esculape ayant déposé qu’elle avait mangé quelques grains de grenade, {c} Proserpine fut condamnée à rester dans les enfers, en qualité d’épouse de Pluton, et de reine de l’empire des ombres. »


  1. Cérès, déesse des moissons (v. note [18], lettre 539), était réputée sœur et épouse de Jupiter.

  2. V. note [16], lettre 514, pour Pluton, dieu des enfers (Orcus des Romains).

  3. V. note [5], lettre 551, pour Esculape, dieu de la médecine, dont le diagnostic semble à prendre pour une grossesse de Proserpine, fruit des ardeurs de Pluton.

  • Les vers latins sont de John Owen, intitulés Hevæ et Proserpinæ collatio [Parallèle entre Ève et Proserpine] : {a}

    « Pour un vain espoir et l’illusion de quelque profit, le serpent a emporté Ève, et la ruse de Pluton {b} a rendu Proserpine captive. Pourquoi son père chassa-t-il Ève du paradis ? Parce qu’elle avait mangé la pomme, mais elle ignorait que le malin s’y tenait. Vierge ignorante du mal caché, Proserpine serait sortie des enfers si elle n’avait pas mangé le fruit. {c} Ève fut la proie de la mort, {d} et Proserpine, celle de Pluton ; l’une était la fille de Iahvé, l’autre, celle de Jupiter. Toutes deux ont goûté au fruit interdit et en ont subi la punition : elles ont péri, l’une pour avoir cueilli un fruit, l’autre, des fleurs. »


    1. Épigramme 54, livre deuxième, page 184 (Amsterdam, 1647, v. note [41] du Borboniana 10 manuscrit).

    2. Dis (Ditis au cas génitif) est un autre nom de Pluton.

    3. Proserpine serait sortie des enfers si elle n’y avait pas mangé quelques grains de grenade.

    4. Une fois chassés de l’Eden, Adam et Ève devinrent « proies de la mort » parce qu’ils n’eurent plus accès à l’arbre de vie qui les rendait immortels.

  • François i de La Mothe Le Vayer a cité l’intégralité de ce poème dans la seconde partie de son traité De la Vertu des païens, De Platon et de la secte académique, {a} avec cette introduction (tome premier, pages 603‑604) :

    « Il y en a qui apparient le sacrifice d’Isaac, {b} ou celui de Jephté, {c} à celui d’Iphigénie, {d} pour qui la fable substitue une biche. Comme cet autre conte de Baucis et Philémon, si bien narré dans le huitième livre de la Métamorphose d’Ovide, {e} semble avoir quelque conformité avec la sortie de Loth de sa ville, suivie de l’embrasement de Sodome et de Gomorrhe. {f} […] Voici comme un poète anglais a fait la réduction de ce que l’histoire d’Ève a de commun avec la fable de Proserpine. » {g}


    1. Œuvres, Paris, 1662, v. note [26], lettre 557.

    2. Célèbre épisode de la Genèse où un ange retient la main d’Abraham qui veut offrir son fils Isaac en sacrifice à Dieu.

    3. Dans le Livre des Juges, Jephté exécute sa fille en remerciement à Dieu pour avoir exaucé le vœu qu’il a fait avant de gagner la guerre d’Israël contre les Ammonites.

    4. V. note [30] de l’Autobiographie de Charles Patin pour Iphigénie, que Diane transforma en biche pour lui épargner le sacrifice auquel elle l’avait condamnée.

    5. Zeus et Hermès voyageant incognito, nul ne veut offrir leur offrir l’hospitalité ; deux pauvres vieillards, Philémon et Baucis, les accueillent avec bonté ; les dieux se vengent en détruisant la ville, mais épargnent le couple qui leur a donné asile et le couvrent de richesses.

    6. Dans la Genèse Dieu prévient Loth et sa famille de s’enfuir avant la destruction de Sodome et Gomorrhe.

    7. Après d’autres exemples, La Mothe Le Vayer se servait d’Owen (Audoïnus, cité dans la marge) afin d’expliquer pourquoi l’Église condamnait comme impies les comparaisons entre les vieux mythes païens et les récits chrétiens tirés de la Bible.

  • Ces deux références éclairent le propos et l’origine de l’article du Faux Patiniana, sans toutefois permettre de savoir s’il est issu de l’esprit de Guy Patin (mais il ne citait pas Owen) ou si c’est plutôt (comme je pense) une autre attribution apocryphe de ses rédacteurs. La connaissance de la Bible par les auteurs païens antiques, grecs et latins, n’en est pas moins un sujet de haut intérêt exégétique, que caressaient volontiers les sceptiques libertins.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-6, note 3.

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(Consulté le 01/11/2024)

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