Note [84] | |
L’article du Moréri sur le théologien réformateur tchèque Jean Hus (Jan Huss, 1373-1415) est bien plus riche que l’abrégé moralisateur fourni par L’Esprit de Guy Patin : « Recteur de l’Université de Prague, son nom, qui signifie oie, était celui d’un petit bourg de Bohème {a} où il naquit de parents de la lie du peuple. Il [reçut le degré de bachelier ès arts à Prague l’an 1393, et celui de maître en 1395, et fut fait prêtre en 1400. Presqu’aussitôt qu’il eut été ordonné, il] entreprit de renouveler les erreurs des vaudois et de Wiclef, {b} qu’il commença à publier en Bohème l’an 1407 avec une ardeur incroyable. Il ajouta depuis de nouvelles erreurs à celles de Wiclef, se joignit à Jérôme de Prague {c} et se fit un grand nombre de disciples. Ils prêchaient que les réprouvés ne sont point membres de l’Église, que saint Pierre n’en a point été le chef, et d’autres erreurs que nous marquerons en parlant des hussites. {d} Ces hérétiques causèrent des maux incroyables dans la Bohème. Le roi Venceslas {e} s’en mit peu en peine parce qu’il ne songeait qu’à ses plaisirs et à la bonne chère ; mais l’empereur Sigismond, {f} frère et héritier présomptif de ce roi, crut avec raison qu’il ne devait pas négliger d’apaiser ces troubles. Il écrivit à Venceslas et envoya de ses gens à Jean Hus pour lui persuader de venir défendre sa doctrine devant le concile de Constance, {g} où cet empereur devait se trouver. Jean Hus ne le refusa pas et fit d’abord afficher, devant la porte du palais et devant celle des églises de Prague, qu’il irait à Constance rendre compte de sa foi. Il fit encore afficher cet écrit dans plusieurs villes d’Allemagne. Ensuite, il se mit en chemin et arriva à Constance au mois de novembre 1414. L’empereur lui avait envoyé un sauf-conduit. On employa sept mois à examiner ses opinions. On envoya deux évêques en Bohème pour informer de la doctrine qu’il avait prêchée et enseignée, dont ils firent leur rapport au concile. On nomma des commissaires pour recevoir la déposition des témoins et pour examiner les propositions qu’on avait tirées de ses livres, et il eut lui-même la permission de parler et de se défendre. Les plus habiles hommes qui étaient à Constance travaillèrent à lui persuader d’abjurer ses erreurs. Il le promit, puis il le refusa ; de sorte que, persistant à soutenir ses erreurs, il fut condamné à être brûlé avec ses livres ; ce qui fut exécuté le 16e de juillet 1415. Un auteur de sa secte qui était présent à son supplice dit que Jean Hus monta sur le bûcher avec une grande intrépidité, et qu’il mourut en chantant des psaumes et en invoquant le nom de Jésus-Christ. Les protestants se plaignent de ce qu’on le fit mourir malgré le sauf-conduit que lui avait donné l’empereur Sigismond. On répond à cela qu’ils n’ont peut-être pas examiné ce sauf-conduit, que nous avons dans Cochlæus, dans Bzovius et ailleurs, {h} car il paraît que le concile n’y avait point de part ; et qu’outre cela, ce n’était qu’une recommandation aux villes, chez qui Jean Hus arrivait, de le bien recevoir et de le laisser passer librement. Ses disciples le mirent au nombre de leurs martyrs. Les protestants rapportent beaucoup de fables au sujet de Jean Hus, et disent qu’en mourant, il s’était écrié qu’on faisait mourir une oie ; mais que cent ans après sa mort, il renaîtrait un cygne de ses cendres, qui soutiendrait la vérité qu’il avait défendue. Ce cygne est, selon les protestants, Luther {i} et ses disciples […], qui firent graver diverses pièces de monnaie de l’un et de l’autre, sous la forme d’une oie et d’un cygne. » |
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
Autres écrits : Ana de Guy Patin : L’Esprit de Guy Patin (1709), Faux Patiniana II-7, note 84. Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8220&cln=84 (Consulté le 05/12/2024) |