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Instruments

Les premières représentations d’instruments

Les premières représentations d’instruments de chirurgie sont de l’époque de l’Égypte ancienne visibles sur une stèle du Temple de Kom-Ombo (1er siècle avant J.-C.) et une stèle de l’époque romaine (1er siècle après J.-C.). Sur parchemin, c’est sur le trentième livre du traité d’Abulqasis (936-1013), L’Al-Tasrif (La pratique pour celui qui ne peut compter), consacré à la chirurgie, que figurent 28 instruments très schématisés mais réellement destinés à la dentisterie, en particulier dans deux célèbres manuscrits, celui de Bamberg et celui de Montpellier. Moins schématiques sont les gravures de ces mêmes instruments dans Albucasis, Libri tres, publié à Strasbourg, en 1532. Il en est de même pour ceux regroupés en planches à la fin de la La chirurgie d’Abulcasis, traduction de Lucien Leclerc, 1861.

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Page de titre : Albucasis (936-1013), Chirurgia Libri tres, J. Schott, Strasbourg, 1532
(BIU Santé 00055)
Page de titre : La chirurgie d’Abulcasis, traduction de Lucien Leclerc, Paris, J. -B. Baillière, 1861
(BIU Santé 30707)

Chaque instrument est présenté avec la manière de l’utiliser.

Pour cautériser
Cautère et gaine(gravure, Albucasis, Chirurgia Libri tres, J. Schott, Strasbourg, 1532, p. 131)
« Quant à la cautérisation par le feu, prenez une canule en fer ou en cuivre, dont le corps sera suffisamment épais pour protéger la bouche du malade contre la chaleur du feu ; faites entrer dedans un cautère jusqu’au centre de la dent, et appuyez avec la main jusqu’à refroidissement du cautère » (La chirurgie d’Abulcasis, traduction de Lucien Leclerc, Paris, J. -B. Baillière, 1861, p. 27-29)

Pour cautériser

Pour ruginer (détartrer)
15 rugines (gravure, Albucasis, Chirurgia Libri tres, J. Schott, Strasbourg, 1532, p. 173)
« De la rugination des dents avec le fer »
« Il se dépose parfois à la surface interne ou externe des dents ou entre les gencives des concrétions grossières et difformes : les dents prennent une coloration noire, jaune ou verte (selon le tartre), puis consécutivement les gencives s’altèrent et les dents se déchaussent » (La chirurgie d’Abulcasis, traduction de Lucien Leclerc, Paris, J. -B. Baillière, 1861, p. 97)

Pour ruginer (détartrer)

Abulqasis, Al-Tasrif, 30e vol. Instruments à détartrer
(Ms du XIVe siècle, Bibliothèque de l’École de médecine de Montpellier, 89ter [T] )
Abulqasis, Al-Tasrif, 30e vol. Instruments à détartrer
(Bamberg, Öffentliche Bibliothek, MS.Med. 8 LIII ff. 1-27 [T] )
Pour limer
Lime(gravure, Albucasis, Chirurgia Libri tres, J. Schott, Strasbourg, 1532, p. 176)
« Du sciage des dents proéminentes », L’instrument doit être en fer indien et à tranchant très aigu. La section durera plusieurs jours en raison de la dureté de la dent. Il faut éviter d’ébranler les voisines. Si la proéminence est telle qu’on puisse la limer, il faut le faire avec une lime en fer indien. [ ...] S’il y a quelque dent écaillée, qui blesse la langue en parlant, il faut la limer jusqu’à ce que vous ayez fait disparaître la cassure, qu’elle soit nette et polie, qu’elle ne blesse plus la langue et ne gêne plus la parole » (La chirurgie d’Abulcasis, traduction de Lucien Leclerc, Paris, J. -B. Baillière, 1861, p. 102-103)

Pour limer

Pour extraire : Abulqasis dit comme les Anciens, qu’« il faudra différer autant que possible l’extraction » ; sa technique est nettement inspirée de celle de Celse et elle inspirera à son tour Guy de Chauliac, Ambroise Paré et bien d’autres.

Pour extraire
Une pince (gravure, Albucasis, Chirurgia Libri tres, J. Schott, Strasbourg, 1532, p. 175)

Pour extraire

Pour extraire
Une autre pince et cinq leviers pour « extraire les racines des dents et les fragments des maxillaires » (gravure, Albucasis, Chirurgia Libri tres, J. Schott, Strasbourg, 1532, p. 175)
« De l’extraction des dents »
« Vous devez combattre par tous les moyens et […] différer autant que possible leur extraction. En effet, les dents une fois arrachées, ne peuvent plus se remplacer [...] Une fois que vous êtes bien certain de l’identité de la dent douloureuse, il faut inciser tout autour avec un bistouri d’une certaine force et écarter la gencive de tous les côtés. Vous agirez ensuite sur la dent avec le doigt ou avec des pinces légères, petit à petit jusqu’à ce qu’elle branle. Saisissez-là avec de fortes pinces, après avoir placé la tête du malade entre vos genoux et l’avoir fixé, de manière qu’il ne puisse remuer. Tirez sur la dent dans le sens de sa longueur pour ne pas risquer de la rompre […] Si la dent est percée ou cariée, vous en remplirez la cavité avec du linge que vous presserez fortement avec la pointe d’un stylet fin [ ...] Gardez-vous bien de la casser, car il en resterait une portion qui occasionnerait des douleurs plus fortes que d’abord » (La chirurgie d’Abulcasis, traduction de Lucien Leclerc, Paris, J.-B. Baillière, 1861, p. 98-99)

Retenir qu’Abulqasis déclare ce que bien de ses successeurs feront à leur tour :

« Un praticien intelligent et exercé dans son art saura inventer de nouveaux instruments en raison de chaque circonstance et de chaque maladie »

Dans d’autres manuscrits sont présentés soit des instruments seuls, soit conjointement la représentation d’une scène dentaire.

Enluminure du XIVe siècle
Une extraction dentaire où l’on remarque le collier de dents porté par l’opérateur, preuve et emblème de sa dextérité. La pince-davier est de taille respectable
(Jacobus Anglicus, Omne Bonum (Opusculum), 1326-1347)
(BL Ms Royal 6E VI (vol. II), Fo 503b, British Library, London)

Enluminure du XIVe siècle

Manuscrit persan du XVe siècle
La tête du patient est appuyée sur les genoux de l’opérateur qui tient une pince au long manche, un autre opérateur approche une autre pince du feu, tandis qu’un autre attise un foyer un peu éloigné des protagonistes. Sont exposés plusieurs instruments dont une pince, deux sortes de daviers-tenailles et deux instruments indéfinis. En haut à gauche de cette miniature, on aperçoit des têtes curieuses qui ne perdent rien de cette scène
(Abu’l Qasim Firdusi, (930-1020), Châh Nâmeh ou Livre des rois, poème épique)
(BnF Ms Suppl. Persan 443 f° 363 v°)

Manuscrit persan du XVe siècle

Manuscrit turc du XVe siècle
Cautérisation des gencives à travers une longue canule comme celle d’Abulqasis et inventée par Ali ibn-al-Abbas al Magusi (930-994) de Bagdad.
(Charaf ed-Din (1404-1468), Chirurgie des Ilkhani (1465-1466) (une des nombreuses scènes peintes par l’auteur lui-même)
(BnF Ms Suppl. Turc 693 LI chap. 20, f° 28 v°)

Manuscrit turc du XVe siècle

Dessin à la plume allemand du XVe siècle
On remarque particulièrement l’ambiance sereine de cette scène d’extraction dentaire, la petitesse de l’instrument utilisé et la position ergonomique de l’opérateur derrière le patient assis sur une sorte de piédestal. Celui-ci suit attentivement des yeux le regard de la personne (accompagnante, aide de l’opérateur ?) qui est face à lui, pleine d’empathie, lui tenant la main et posant son autre main sur son épaule. À remarquer aussi la coiffe arabe de l’opérateur
(Schachzabelbuch, 1467)
(Landesbibliothek, Stuttgart, Cod. Poet. 2°2), tiré d’un manuscrit de Konrad von Ammenhausen (vers 1300)

Dessin à la plume allemand
du XVe siècle

Première édition imprimée d’instruments (1478)
Petits bois gravés d’instruments de chirurgie en silhouette noire (très inspirés de ceux d’Albuqasis), tirés de Chirurgia magna (1363) de Guy de Chauliac (1290 ?-1368)
(Le Guidon de la practique en cyrurgie, traduite en français par Nicolas Panis, Lyon, 1478)
(FRBNF30564056)

Première édition imprimée
d’instruments (1478)

Instruments plus précis et élégants, dans cette édition de 1498
(Cyrurgia Guidonis de Cauliaco & Cyrurgia Bruni, Theodorici, Rolandi, Lanfranci, Rogerii, Bertapalie, Venise, Octave Scot, 1498)
(BIU Santé 186/MF n° 172)

Instruments plus précis
et élégants, dans cette
édition de 1498

Recueil formé par un praticien pour son propre usage (?), fin XVe-début XVIe
À partir de la Chirurgia (1275) de Guillaume de Salicet (1201-1277)
Scalpels & grattoirs
Daviers, leviers, tenailles, etc.
(BnF Ms Lat. 7138 f° 201)

Recueil formé par un
praticien pour son
propre usage (?),
fin XVe-début XVIe

Au XVIe siècle, les scènes dentaires sont représentées seules ou incluses dans de plus vastes scènes de genre. Les arracheurs de dents sont de plus en plus nombreux, courant les campagnes au secours de tous ceux qui ne pouvaient avoir recours aux chirurgiens-barbiers. Grands étaient les risques de fractures dentaires, maxillaires et gravissimes, voire mortels, les accidents hémorragiques.

Scène dentaire extérieure
Le patient est assis sur un banc entouré de ceux qui attendent leur tour
L’arracheur de dents. Hans Weiditz (1495-1537). École allemande, gravure, 1531, tirée d’une série intitulée « Frost spiegel » de Pétrarque
(Pennsylvania Academy of Fine Arts)
Page titre de l’Artzney Buchlein (1530)
Intervention dentaire dans une apothicairerie (?)
Première édition de l’ouvrage anonyme Artzney Buchlein, Leipzig, Michael Blum, 1530 (15 rééditions jusqu’en 1576)

Page titre de l’Artzney
Buchlein
(1530)

Le patient est installé sur un fauteuil bas avec accoudoirs (Artzney Buchlein, Leipzig, Michael Blum, 1530, détail)
Gravure aquarellée de 1582 (instruments nettement représentés)
Un arracheur de dents, accompagnée de cette légende :
« Quand je tire à quelqu’un la dent & la douleur,
Il pisse en sa chemise et change de couleur.
Les plus mauvais, je fais tenir par trois ou quatre,
Car en leur faisant mal, ils me pourraient bien battre » (BnF)
Cette légendefait écho à Urbain Hémard (1548 ?-1592), « Quelquefoys c'est le seul & extrême remède que d'arracher la dent en laquelle la matière est desjà pourrie & la carie commencée, & que les remèdes qui ont esté employez n'ont de rien servi, il faut que le chirurgien qui est contraint d'opérer en cela à faute d'un arracheur de dents qui se trouvent exprès aux grandes villes, soit exercé à cest œuvre : autrement, s'il ne le faict nettement, il ne peut éviter la répréhension des assistans ny du malade »
(Recherche de la vraye anathomie des dents, nature et propriété d’icelles, Lyon, Benoist Rigaud 1582)
(réédition Rodez, Société des lettres, sciences et arts de l’Aveyron, 2009)
(BIU Santé 38859)

Gravure aquarellée
de 1582 (instruments
nettement représentés)