L. latine 110.  >
À Melchior Sebizius,
le 17 octobre 1658

[Ms BIU Santé no 2007, fo 75 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Melchior Sebizius, à Strasbourg. [a][1]

Je serais parfaitement ingrat et indigne de cet amour dont vous m’avez jusqu’ici entouré, si je ne tenais pour des bienfaits et votre dernière lettre, et les livres, et les opuscules, et les thèses que vous m’avez envoyés ; [2] et pour que le péché d’indifférence et de négligence ne me souille point, je tiens à vous supplier de bien vouloir me permettre de reconnaître ces marques de votre bienveillance par quelque modeste compensation. Je vous enverrai au plus vite le Heurnius, le Varanda, le Riolan, ou tout autre livre que vous voudrez, si vous me faites savoir ce qui vous plairait. [1][3][4][5] Je souhaite fort que vous me l’indiquiez en toute simplicité car c’est ainsi que je me libérerai de ma promesse et satisferai ma volonté. Je me suis entretenu de votre liste de plantes exotiques avec notre collègue François Blondel qui est très appliqué à l’étude de la botanique et y est aguerri presque au delà de ce qu’on peut imaginer. [6] Il nous promet et même doit nous donner pousses et graines, mais pas avant d’avoir déterminé, en examinant une liste que vous m’aurez envoyée, les raretés qui vous manquent et celles que vous possédez déjà. Dans votre intérêt, vous établirez donc ce répertoire où vous désignerez les plantes par le nom qui leur est attribué dans le catalogue ou Pinax de Bauhin, [2][7] afin que la diversité des dénominations n’engendre plus aucune confusion. Vous n’avez rien à espérer du Jardin royal parce que ceux qui en ont l’intendance sont occupés ailleurs et à d’autres affaires. [8] Je serais aussi en tort si je ne vous remerciais pas pour la gravure d’un médecin de peste, qui m’a vraiment semblé ridicule. [3][9] J’adresse mes profondes salutations à votre très distingué fils, [10] dont je ne décevrai pas la bonne opinion s’il attend de moi quelque service que ce soit. Vale et aimez-moi.

Votre Guy Patin en toute franchise.

De Paris, le 17e d’octobre 1658.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Melchior Sebizius, ms BIU Santé no 2007, fo 75 vo.

1.

V. notes :

2.

Cette référence botanique de l’époque était le Pinax (catalogue illustré) de Caspar Bauhin (v. note [17], lettre 544), publié pour la première fois en 1596.

3.

Sans doute s’agissait-il de la caricature, encore célèbre aujourd’hui, du Doctor Schnabel von Rom [Docteur Bec de Rome], gravée par Paulus Fürst en 1656 et signée Columbina, ad vivum delineavit [Colombine l’a dessinée sur le vif]. On y voit un médecin enveloppé dans un manteau à longues manches, qui le couvre de la tête aux pieds, portant chapeau, lunettes et masque à bec de corbeau ; il a les mains gantées et tient dans la droite une longue baguette dont l’extrémité porte des ailes et un sablier. Un poème macaronique (v. note [19], lettre 488) germano-latin (dont la traduction demande plus d’érudition que je n’en ai) encadre le personnage.

Le masque de ce Medico della peste reste un classique du carnaval de Venise et serait la copie de la protection qu’avait inventée Charles Delorme durant son séjour à Venise (v. note [12], lettre 529).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 75 vo.

Clar. viro D.D. Melchiori Sebizio, Argentinam.

Et postremam tuam Epistolam, et libros, et libellos, et quas ad me
misisti Theses, nisi beneficij loco habeam, omnino ingratus sim, et eo, quo me
hactenus complexus es, amore indignus : ne qua igitur mihi hæreat
αχαρισιας et negligentiæ culpa, exoratum te volo, uti me istas tuæ
benevolentiæ tesseras exiguo aliquo hostimento sinas agnoscere. Heurnium,
Varandæum, Riolanum,
aut quos voles alios libros quantocyus mittam, si,
quod à Te mihi candidè significari peropto, placere Tibi intellexero : ita dum
fidem liberabo, animum explero meum. Tuum peregrinarum stirpium Indicem
communicavi cum Collega nostro Fr. Blondel, rei Botanicæ studiosissimo, penèq.
supra quàm dici potest perito. Plantas et semina pollicetur, ultróq. daturus est :
sed non antequam ex misso à Te Indice conjecerit, quænam Te rariores
plantæ deficiant, et quas penes Te habeas. Dum a. in eam rem tuam conficies
Indicem unde ut plantas ipsas ijsdem designes nominibus, quib. compellantur in
Bauhini Catalogo et Pinace, ne quid alioquin obscuritatis pariat nominum
varietas. Ex Horto regio nihil Tibi sperandum est, quod qui ipsi præfecti
sunt, alió occupati sint, aliarúmq. satagant rerum. Peccaturus quoque
sim nisi et Tibi gratias agam pro Medici pestilentis effigie, quæ mihi
planè videtur ridicula. Multam salutem impertio clarissimo Filio tuo,
qui si à me omne genus officiorum expectet, non fallam ejus opinionem.
Vale, et me ama.

Tuus aere et libra Guido Patin.

Paris. 17. Oct. 1658.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Melchior Sebizius, le 17 octobre 1658

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1143

(Consulté le 26/04/2024)

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