À Charles Spon, le 14 septembre 1643

Note [3]

La question des préadamites était alors capitale pour les chrétiens, car directement liée à celles de l’ancienneté du monde et de l’humanité (v. note [48], lettre Borboniana 1 manuscrit), et de la véracité de la Genèse biblique : v. notule {a}, note [7] du Patiniana 3, pour le dogme chrétien relatif à Adam, qui réfutait alors catégoriquement toutes les autres interprétations.

On appelait préadamites les êtres humains qui ont vécu avant Adam et Ève. Le système du préadamisme (qui n’était admis que par une minorité de sceptiques impies) préservait l’authenticité de l’Écriture Sainte en admettant l’existence de deux Créations : la première est la Création générale, qui a été l’origine du monde physique, où l’homme existe déjà dans toutes les parties du Globe ; la seconde Création consiste simplement dans le choix par Dieu d’un peuple particulier, le peuple juif, dont Adam fut le premier père. Le Déluge n’a submergé que la Judée, et il s’ensuit que toutes les races humaines ne descendent pas de Noé. Les gentils, antérieurs à la seconde Création, n’ont pu être détruits par Dieu à cause de leurs péchés car, n’ayant pas de lois positives données par Dieu, ils ne commettaient pas de péchés. Les Chaldéens, les Égyptiens et les Chinois sont beaucoup plus anciens qu’Adam.

Guy Patin faisait ici l’annonce, anticipée de 12 ans (v. note [30], lettre 401), des :

Præadamitæ, sive Exercitatio super Versibus duodecimo, decimotertio, et decimoquarto, capitis quinti Epislolæ D. Pauli ad Romanos. Quibus indicuntur Primi Homines ante Adamum conditi.

[Les Préadamites ou Essai sur les versets 12, 13 et 14 du chapitre v de l’épître de saint Paul aux Romains, {a} où il est indiqué que de premiers hommes ont été créés avant Adam]. {b}


  1. Ces trois versets annocent que :

    « Voilà pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché, la mort, et qu’ainsi la mort a passé en tous les hommes, du fait que tous ont péché ; car jusqu’à la Loi il y avait du péché dans le monde, mais le péché n’est pas imputé quand il n’y a pas de loi ; cependant la mort a régné d’Adam à Moïse, même sur ceux qui n’avaient point péché d’une transgression semblable à celle d’Adam, figure de celui qui devait venir. »

  2. Anonyme, sans nom [Daniel et Louis Elsevier], ni lieu [Amsterdam], 1655, in‑4o de 52 pages, précédées d’une introduction de 10 pages, Synagogis Iudæorum universis, quotquot sunt per totum Terrarum odbem sparsæ [À toutes les communautés de juifs, où qu’elles soient dispersées sur toute la Terre].

Effectivement connu des lettrés dès 1643 (v. note [5], lettre 402), le livre des Préadamites excita en Europe une polémique violente. Le Parlement de Paris le condamna au feu en 1655 et son auteur, Isaac de La Peyrère, fut arrêté à Bruxelles l’année suivante. Il fit mine de se rétracter en abjurant le protestantisme et fut relâché avec l’appui du prince de Condé (v. notes [5], lettre 452, et [6] du Patiniana 3). Dans sa lettre du 20 novembre 1656 à Hugues ii de Salins, Patin, à propos de Caïn et Abel, a ajouté une autre justification biblique à la cause des préadamites (v. note [8] de cette lettre).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 14 septembre 1643, note 3.

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(Consulté le 25/04/2024)

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