Note [15]
Un désaveu (mot écrit en français dans le manuscrit), ou dénégation, est un « acte par lequel on déclare n’avoir point autorisé quelqu’un à faire ce qu’il a fait ou dit » (Littré DLF).
V. note [5], lettre 81, pour la famille Cornuti : Jacques (ou Jacques-Philippe), docteur régent de la Faculté de médecine de Paris mort le 23 août 1651, sa nièce, Marie Germain, et son épouse, Anne Bergeret.
En un latin inélégant et approximatif, le doyen Jean Piètre a expliqué la provenance et la raison de cet emprunt de trois mille livres tournois dans les Comm. F.M.P. de janvier 1649 (tome xiii, fo ccclxxxii vo‑ccclxxxiii ro) quand la Fronde parlementaire se transformait brutalement en véritable guerre civile :
Die xii. Ianuarij convocatis per apparitorem doctorib. omnib. in scholas superiores deliberaturis de re gravissima et quæ longiores moras non patebatur. Quod M. Joannes Pietre Decanus verba fecit plurimos doctores domum suam venisse conquestum cogi se ex Senatus consulto conferre certam pecuniam in commune rerum adversarium subsidium et postulatum ut facultatem convocaret et consuleret utrum singuli doctores de suo quisque petitam pecuniam conferrent an et communi Facultatis ærario eadem penderetur Facultas quamvis suum ærarium exhaustum intelligeret seque adhuc in ære alieno esse propter Corbiensem tumultum recordaretur, tum satis consideret propter immunitatem antiquis regum nostrorum privilegijs sibi concessam et Senatus consultis sæpius confirmatam vim fieri nemini Doctori iure posse ut aliquid nummorum contribueret. Censuit tamen ne in maxima et publica calamitate communi civium saluti atque ex parte defuisse videretur, atque recusanti vis aliqua in præsenti Facultatis mutuo accipiendam esse pecuniam ad tria millia libellarum eamque numerandam cuicumque Supremus Senatus decrevisset. Quod autem rogavit decanus ut sibi comites et administri de collegio Doctores aliquot adjungerentur. Facultas eodem temporis articulo nominavit M.M. Franciscum Guenault, Dionysium Allain, Franciscum Blondel, Nicolaum Richard qui cum Decano et Censore eam rem curarent ; atque ita ex concilij sententiam pronuntiavit et conclusit Decanus.
Die xiii. Ianuarij Supremum Senatum Decanus adijt, comitib. M.M. Fran. Guenault, Dionys. Allain, Franc. Blondel, Nic. Richard, Quint. Thevenin, et pollicitus est nomine Facultatis in subsidium rerum afflictarum tria millia libellarum postulavit etiam ut Senatus consulto caveretur ne ulla vis fieret singulis doctorib. neve cogerentur aliquio præterea in commune conferre. Haud satis liberaliter Doctores Medicos excepit princeps Senatus et quia præter immunitatem atque egestatem Facultatis ultro venire dixerat Decanus oblatum pecuniam pro sui ordinis conditione ingentem et postulaverat quasi reciprocam a Senatu gratiam ut ab omni reliqua taxatione Doctor. Med. liberarentur ; id non petentib. concedi, qui has suæ collationis conditiones ferrent ea gratia indignos. His dictis cum Decanus respondere pararet, Senatores omnes qui frequentissimi aderant ei silentium et nutib. et acclamationib. indixerunt. Itaque Salutato Senatu recessit cum suis Collegis Decanus.
Eodem die numerata fuit summa trium millium libellarum apud Decanum a M. Iacobo Cornuty qui eam Facultati fœneratus est nomine Mariæ Germaine a conditione ut vigesima pars illius summæ singulis annis pro usura penderetur. Syngrapha de ea re deposita est apud Nottarium Nomine Caron qui habitat in vico Sti Mederici.
Illico eadem summa delata fuit domum D. Prevost Sammert Senatoris huic negotio præfecti ; numeratâ pecuniâ (coram et ab ipsis MM. Blondel, Richard, Thevenin), denegata fuit quæ petebatur a Decano aliquæ pecuniæ solutæ ex scripto testificatio.
[Le 12e de janvier, sur convocation portée par le bedeau, tous les docteurs se sont assemblés pour délibérer d’une affaire de toute première gravité et qu’il était impossible de faire tarder plus longtemps. Me Jean Piètre, doyen, en a parlé à plusieurs docteurs qui sont venus le voir chez lui : il est vivement marri de l’arrêt du Parlement demandant à la Faculté de contribuer financièrement à l’effort public pour affronter les circonstances adverses, {a} et de se réunir pour décider si la somme qu’on lui demande viendra des deniers personnels de chaque docteur ou de leur trésor commun, bien qu’on sache et se souvienne qu’il est entièrement vide, hormis l’argent qu’elle a emprunté en raison du désordre de Corbie. {b} Nul ne peut légitimement forcer un docteur à une contribution financière, comme l’a suffisamment établi l’immunité que les anciens privilèges de nos rois nous ont conférée et que maints arrêts du Parlement ont confirmée. Néanmoins, en ce profond désastre public, la Faculté, pour ne pas paraître refuser de prendre sa part dans le salut commun des citoyens, sous prétexte de ne pas alourdir sa dette courante, a décidé qu’elle consentira une contribution de trois mille livres, quoi que décrète la Grand’Chambre. Le doyen a demandé que quelques compagnons et assistants se joignent à lui pour cette démarche ; à cette fin et sur-le-champ, ont été désignés Mes François Guénault, Denis Allain, François Blondel et Nicolas Richard pour accompagner le doyen et le censeur. {c} Ainsi le doyen a-t-il prononcé la sentence de la Compagnie et a-t-il conclu la séance.
Le 13e de janvier, le doyen s’est rendu à la Grand’Chambre, avec Mes François Guénault, Denis Allain, François Blondel, Nicolas Richard et Quentin Thévenin, où, au nom de la Faculté, il a promis trois mille livres pour venir en aide aux afflictions publiques ; il a aussi demandé que l’arrêt du Parlement s’abstienne d’exercer toute pression individuelle sur les docteurs et de les soumettre à nouveau à toute contribution supplémentaire. Le premier président {d} n’a pas reçu fort courtoisement les docteurs en médecine parce que, outre l’immunité et l’indigence de la Faculté, le doyen avait mis en avant le fait que le don consenti représentait pour elle une somme considérable, et aussi parce qu’il avait demandé au Parlement, dans un esprit de faveur réciproque, de libérer les docteurs de tous leurs autres impôts. La Cour refusa de donner suite à cette demande, jugeant indignes d’une telle grâce des requérants qui soumettaient leur générosité à des conditions pareilles. Sur ces mots, comme le doyen s’apprêtait à répondre, tous les conseillers, qui étaient présents en très grand nombre, lui imposèrent silence, par leurs gestes comme par leurs cris. C’est ainsi qu’après avoir salué l’assemblée, le doyen s’est retiré avec ses collègues.
Le même jour, chez le doyen, Me Jacques Cornuti a compté la somme de trois mille livres qu’il prête à la Faculté pour le compte de Marie Germain, à condition que la vingtième partie de ce capital lui soit payée chaque année à titre d’intérêts. L’acte concluant cet accord a été déposé chez un notaire dénommé Le Caron, rue Saint-Merri. {e}
Ladite somme fut portée au domicile de M. Le Prévost-Samer, conseiller commis pour cette affaire ; {f} une fois l’argent compté (par et en présence des Mes Blondel, Richard et Thévenin), on leur a refusé l’attestation écrite du règlement qu’avait demandée le doyen].
- La cour avait quitté Paris pour Saint-Germain le 6 janvier 1649 (v. note [26], lettre 164). Placées sous les ordres du prince de Condé, les troupes royales commençaient à encercler Paris pour un blocus qui allait durer trois mois (v. note [4], lettre 166).
- V. note [30] des Affaires de l’Université en 1650‑1651, pour la menace que les Espagnols firent peser sur Paris en prenant Corbie au mois d’août 1636.
- Quentin Thévenin (v. note [21], lettre 294).
- Mathieu i Molé.
- V. note [4] de Comment le mariage et la mort de Robert Patin ont causé la ruine de Guy pour Jean Le Caron, notaire au Châtelet.
Le prêt se faisait « au denier vingt », c’est-à-dire avec cinq pour cent d’intérêt annuel. V. note [15] des Comptes de la Faculté le 26 janvier 1652 pour le versement de deux annuités (300 livres) de la rente convenue à Anne Bergeret, veuve de Cornuti, à l’intention de Marie Germain. Cette dépense n’est plus apparue dans les Comptes du 6 février 1653 (ce qui laisse supposer que le capital avait été remboursé entre-temps, mais ils n’en ont pas fait état).
- Ce « Prevost Sammert » du manuscrit ne peut correspondre qu’à Jean Le Prévost de Saint-Germain, abbé de Samer (près de Boulogne-sur-Mer), conseiller clerc à la Grand’Chambre du Parlement de Paris (Dubuisson-Aubenay).
L’accablement de la Compagnie et du doyen réapparaît aussi un peu plus loin dans les Commentaires (ibid., fo ccclxxxiv vo‑ccclxxxv ro), quelques jours avant la fin du siège de Paris qui eut lieu le 31 mars 1649 (v. note [1], lettre 170) :
Die lunæ 1a Martij convocata Facultate ad funus ducendum M. Nicolao Pietre Antiquiori Decano cum verba fecisset Decanus. Coram Doctoribus qui frequentissimi convenerant se quidem convocandam curasse Facultatem in scholas superiores hora 1a pomeridiana eiusdem diei sed non posse ipsum adesse propter recentem conduti patris luctum. Itaque interim se posse narrare Facultati de qua re agendum foret. Nomine Senatus Parisiensis sibi tanquam Decano Facultatis Medicinæ allatam esse schedulam qua jubetur Facultas singulis mensibus mille libellas in belli subsiduium pendere sibi quidem non videri quicquam eiusmodi præstare posse Facultatem, ipsa deliberaret pro arbitrio et suam absentiam excusaret valde rogare. Facultas una voce excusavit decanum, rem, autem ad comitia remisit atque ita conclusit Decanus.
Eodem die hora 1a post meridiem convocatis doctorib. omnib. in scholas superiores cum M. Renatus Chartier rem a Decano acceptam retulisset de nova collatione a Senatu iussa. Facultas decrevit nihil separatim a reliquis Facultatib. super ea re definiendum esse adeundum D. Rectorem ut primo quoque tempore comitia Universitatis de ea re haberet, atque ita conclusit loco Decani absentis ex concilij sententia M. Renatus Chartier.
[Le lundi 1er mars, la Faculté a été convoquée pour célébrer l’office funèbre de Me Nicolas Piètre, ancien de l’École, où le doyen a pris la parole. Il a dit aux docteurs présents, venus en très grand nombre, avoir certes assemblé la Faculté dans les salles hautes des Écoles à une heure de l’après-midi ce même jour, mais ne pouvoir y être présent en raison du chagrin que lui causait le décès récent de son père. {a} Il a néanmoins pu annoncer à la Faculté ce sur quoi elle allait débattre : le Parlement de Paris lui a fait porter, comme doyen de la Faculté de médecine, un billet ordonnant à la Compagnie de verser chaque mois un subside de mille livres pour l’effort de guerre ; la Faculté lui en semblait totalement incapable, mais il la laissait en délibérer, en lui demandant instamment de bien vouloir excuser son absence ; elle lui a unanimement accordé cette grâce et a renvoyé l’affaire à une assemblée ultérieure ; et ainsi le doyen en a-t-il conclu.
Le même jour, à une heure de l’après-midi, tous les docteurs ont été convoqués dans les salles hautes, où Me René Chartier {b} a parlé du billet reçu par le doyen touchant la nouvelle contribution que le Parlement a ordonnée. La Faculté a décrété ne pouvoir rien décider sur cette affaire indépendamment des autres facultés, et qu’il fallait aller voir le recteur afin que, dès que possible, il réunisse l’Université pour en discuter ; et ainsi Me René Chartier, en lieu et place du doyen absent, en a-t-il conclu sur cet avis de la Compagnie].
- Nicolas Piètre (v. note [5], lettre 15), père de Jean, le doyen d’alors, était mort le samedi 27 février 1649.
- Après la mort de Nicolas Piètre, René Chartier (v. note [13], lettre 35) était passé en cinquième position sur le tableau d’ancienneté des docteurs régents, derrière (1) Michel Toutain (nouvel ancien, mort le 11 octobre suivant), (2) Jean ii Riolan (beau frère de Nicolas Piètre), (3) Denis Guérin et (4) Charles Bouvard ; il devait être le doyen d’âge de ceux qui étaient présents ce jour-là.