< L. 457.
> À Charles Spon, le 12 décembre 1656 |
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
À Charles Spon, le 12 décembre 1656
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Je viens d’apprendre que les jésuites [2] ont obtenu un arrêt du Conseil d’en haut, [3] par lequel il est défendu à qui que ce soit de plus écrire contre eux, et principalement à ceux du Port-Royal [4] que ces passefins appellent jansénistes [5] et par modestie chrétienne, hérétiques recuits et renforcés ; et même, il est défendu à qui que ce soit de lire de tels écrits diffamatoires de la bonne renommée de ces bons pères nés pour tourmenter les gens de bien, ce qu’ils font pour empêcher le cours de ces bonnes lettres [6] que j’ai céans pour vous envoyer, et à M. Gras notre bon ami. [1] J’en ai 15 et une réponse à la 12e. On dit qu’il en viendra encore une, et puis après que l’auteur se reposera en amassant toujours de nouvelles matières, donec immutatio veniat, [2][7] en cas que les bons pères aient alors fait signifier et publier leur arrêt de défense ; ce qu’on dit qu’ils ne feront qu’après que le P. Annat, [8] confesseur du roi, aura achevé le livre auquel il travaille pour réponse à ces belles lettres qui leur font tant de peine et qui mettent tant d’ignominie sur leur front. [3] On mit hier dans la Bastille [9] un conseiller de la Cour nommé M. de Chenailles, [10] qui est de la prétendue réformée, avec un capitaine nommé le chevalier Des Prez, [11] à cause de certaines lettres surprises, par lesquelles ils sont accusés d’avoir quelque intelligence avec le prince de Condé [12] pour lui faire livrer Saint-Quentin [13] en Picardie. [4] Il semble que toute la nature travaille à chercher les moyens de ruiner cette grandeur de la superbe et sourcilleuse Maison d’Espagne, et néanmoins on n’en peut venir à bout. Les jésuites disent que c’est permission de Dieu, je le crois aussi, mais non pas dans leur sens : Dieu se sert des Espagnols comme des bourreaux pour affliger le monde et éprouver la patience des gens de bien ; et par même raison, il endure qu’il soit des jésuites et autres méchants larrons, traîtres, espions, hypocrites, usuriers, partisans et autres pestes du siècle ; addo verum [5] que les gens de bien ont beaucoup à souffrir dans ce monde pour la quantité des méchants qui y dominent fort tyranniquement. Aujourd’hui Messieurs les Gens du roi sont entrés dans la Grand’Chambre et ont demandé que le Parlement nommât des commissaires pour examiner et faire le procès aux deux ci-dessus nommés, ce qui a été fait. On a député pour cela les doyen et sous-doyen de la Grand’Chambre, savoir MM. Ferrand [14] et Champrond, [15] et M. Magdelaine, [16] conseiller aux Enquêtes qui est de même religion que M. de Chenailles, qui est l’accusé ; mais ce troisième s’en est excusé, disant qu’il est son allié. [6] On a mandé les prisonniers de la Bastille [17] à la Conciergerie [18] et leur procès est sur le bureau. Un courrier a apporté ici la nouvelle de la mort du roi de Portugal [19] dont la veuve est reconnue régente, [7][20][21] et le fils roi, [22] qui est manchot. [8] Le cardinal Mazarin [23] produit contre M. de Chenailles huit lettres écrites de sa propre main au prince de Condé. Il a été interrogé, on dit qu’il se défend fort mal. Je vous donne le bonjour et suis, Monsieur, votre très humble, etc. Paris, ce 12e de décembre 1656. | |||||||||||||
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Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr | |||||||||||||
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