L. latine reçue 27.  >
De Thomas Bartholin,
le 18 octobre 1662

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – De Thomas Bartholin, le 18 octobre 1662

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(Consulté le 19/03/2024)

 

[Bartholin c, pages 151‑155 | LAT | IMG]

À Guy Patin à Paris. [a][1][2]

Votre obligeance et votre attention me dépassent, vous me faites rougir d’être si lent à vous répondre. Nos très distingués amis, MM. Wormius, [3][4] m’ont remis les quatre lettres que vous m’avez envoyées, [1] et j’y réponds par cette simple petite page, qui vous remercie pour votre fort bonne disposition à mon égard et pour votre joie d’avoir reçu mes livres, qui est si grande que vous songez sans rire à m’en récompenser par d’autres. En vérité, toutes les productions de vos médecins de Paris qu’il vous plaira de m’expédier me feront grand plaisir, car leur érudition est si grande que rien de ce qui sort de leurs cabinets non demorsos ungues sapiat[2][5] Je n’ai encore vu aucun des opuscules de Petit ; l’Arétée qu’il met tous ses soins à éditer nous fera connaître l’intelligence et la science de cet homme ; [3][6][7] après la vaste moisson qu’il en a faite, Henisch lui a en effet laissé de quoi glaner. [4][8][9] Je ne cesse de déplorer la mort de Des Gorris, et fais le vœu que de si grands hommes cessent de trépasser. [10] Je désire avec avidité la thèse de Piètre de secanda ad pubem vesica[5][11][12] pour voir de quelle manière elle soulage l’impatience inquiète des lithiasiques. Dans son Partus Cæsareus, Rousset [13][14] loue à tue-tête cette manière de tailler la vessie, [6] ainsi que je l’ai récemment écrit et moi-même reconnu ; et Hilden n’a pas osé la condamner entièrement : il l’a très abondamment décrite et s’est conformé à l’avis de ce chirurgien qui lui a donné le nom de franconienne. [7][15][16] En cas de très gros calcul, la taille se trouve fort simplifiée, quand le passage par le col resserré de la vessie est plus difficile et périlleux ; mais si cette section n’est pas coutumière à vos cystotomistes, c’est je crois que d’autres difficultés la restreignent. L’incision césarienne ne leur est au contraire pas inconnue et je me souviens avoir entendu raconter, quand j’étais en France, que la femme d’un certain chirurgien n’avait pas mis au monde autrement plusieurs de ses enfants. Un cystotomiste de Castres [17] est ici en grande réputation, il taille par le périnée sans recourir au grand appareil ; un très noble personnage de notre pays a, dit-on, récemment éprouvé sa dextérité à extraire un très gros calcul qu’il avait dans la vessie, et nous attendons son heureux retour ici d’un jour à l’autre. [8] Votre narration de la vie d’Aubry est digne de foi, elle a frappé l’esprit de ceux qu’appâtaient les immenses promesses que ses imprimés ont divulguées ; [18] les pages qu’on nous a expédiées d’Allemagne étaient si emphatiques qu’elles garantissaient la résurrection d’Esculape ou d’Hermès. [9][19][20] Ainsi la rumeur est-elle très souvent mensongère. Vous ne m’écrivez pas si on a augmenté l’Œconomia Hippocratica. Si elle paraît sans qu’on y ait rien ajouté, je préférerai l’édition de Francfort dont nous nous sommes servis jusqu’ici car les productions des libraires genevois fourmillent d’erreurs et plus propres à procurer des sachets pour emballer le poivre et l’encens que des livres de bons auteurs. [10][21] Notre imprimeur s’affaire déjà sur mes Epistolæ medicinales. J’en ai quelques centuries toutes prêtes, vous leur donnerez du lustre par vos lettres qui débordent d’amitié et sont toujours remplies d’érudition. [11] Vous nous avez fourni un heureux exemple d’adresse consommée en guérissant la dysenterie de notre ami Flescher. [22][23] vous avez porté un juste jugement sur la disposition inflammatoire de son mésentère ; [24] cela me rappelle ce que Marcello Donati, [25] au chapitre vii, livre iv Hist. Med., et Bontius, [26] observation vii Med. Ind., ont observé à l’ouverture des cadavres. [12][27][28] En 1652, j’ai vu les mêmes excréments érugineux chez ma fille puînée ; elle a pourtant survécu, tandis que mon aînée a succombé à un flux très abondant de matières pures. Pour elle, je crois sincèrement que, comme il arrive parfois, la conformation particulière de cette année-là a pu induire une épidémie et hâter le trépas ; j’y ai pourtant vu survivre certains malades dont les déjections étaient sanglantes. Je me réjouis vraiment que votre malade, mon compatriote, soit déjà convalescent après la dissipation de sa fièvre et de son flux de matière maligne ; il a frôlé la mort et son vieux père souhaite son retour ici. Pour le Celse de Rhodius, je vais vous dire ce qu’il faut en espérer : [29][30] tout ce qu’a laissé notre défunt ami est passé entre les mains de son parent, Thomas Bangius, très digne professeur de notre Université, qui m’a remis et confié tout ce qu’il a pu y trouver concernant Celse ; [13][31] j’ai donc tout ce que Rhodius a rédigé sur Celse, ses notes et le lexique presque complet qu’il en a établi. Je me suis promis de remettre tout en ordre quand j’en aurai le loisir, afin que la république des lettres ne soit pas privée d’un si grand trésor et d’un labeur si assidu ; mais ce sera pour moi une gigantesque tâche car il y règne un grand désordre. Je suis aussi en possession des divers textes, des notes et du lexique de Rhodius sur Vegetius mulomedicus ; [14][32][33] peut-être y mettrai-je la main, mais je suffirai difficilement à tant de travail. L’Homme de Descartes est-il arrivé chez vous ? À vrai dire, il me semble que c’est l’homme de Platon, et qu’il faut le chercher dans sa République[15][34][35] J’ai vu qu’on a réimprimé mes Paralytici N.T. à Bâle ; il ne me reste aucun exemplaire de la première édition, non plus que de mon Spicilegium primum[16][36] La Vita sobria de Cornaro a été publiée ici par mes soins en danois pour l’usage du public, je crois inutile de vous l’envoyer. [17][37] Mes disputations sur la pleurésie, la variole et les secondines ont trop peu de valeur pour entrer dans votre bibliothèque ; [18][38][39][40] elle est destinée à des livres plus rares, dont vous êtes l’insatiable dévoreur et le souverain maître. [41] Je vous écrirai plus longuement à une autre occasion. Vale, éminent Monsieur, et aimez-moi comme vous en avez coutume. Mes frères vous saluent obligeamment, [42] ainsi que le très distingué M. Simon Pauli qui vous estime fort, comme très digne disciple de votre prédécesseur Riolan. [43][44] Vale. De Copenhague, le 18 octobre 1662.

Tout à vous.

Th. Bartholin.


Rédaction : guido.patin@gmail.com — Édition : info-hist@biusante.parisdescartes.fr
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