À André Falconet, le 4 mai 1663, note 14.
Note [14]

Philippe Des Portes (Desportes, Chartres 1546-abbaye Notre-Dame de Bonport à Pont-de-l’Arche, Normandie 1606), abbé et poète de cour français, est auteur d’une œuvre abondante, principalement influencée par les maîtres latins et italiens. Il dut sa fortune à l’amitié du duc Anne de Joyeuse (v. notule 1‑{a}, note [47] du Borboniana 8 manuscrit) qui lui fit obtenir la protection du roi Henri iii : pour ses talents de plume, le souverain lui donna 30 000 livres et plusieurs abbayes, dont celle de Tiron (en 1582, v. note [7] du Borboniana 10 manuscrit). Il quitta pourtant le parti du roi pour prendre celui des Guise, se retirant à Rouen auprès de Villars (v. infra note [15]) dont il devint le conseiller, avant de se séparer de lui pour une querelle de jupons, que Tallemant des Réaux a contée dans son historiette sur Des Portes (tome i, pages 37‑40, v. note [7] du Borboniana 10 manuscrit).

L’abbé de Tiron faisait un bon usage de ses nombreux bénéfices : il s’était formé une riche bibliothèque, qu’il ouvrait volontiers à tous les savants. La qualité de ses vers lui a valu le surnom de Tibulle français. Jacques Davy Duperron (v. note [20], lettre 146) fut disciple de Des Portes (v. la fin de la note [64] du Borboniana 4 manuscrit). V. notes [46][48] du Borboniana 8 manuscrit pour un complément d’informations sur Des Portes.

Guy Patin renvoyait à ce passage de l’Histoire universelle de Jacques-Auguste i de Thou (livre cxxxvi, règne de Henri iv, année 1608 (Thou fr, volume 14, page 517) :

« Je vais maintenant parler des hommes illustres dans les belles-lettres, qui finirent leur carrière cette année. Le premier qui se présente est Soffrede ou Sofroi de Calignon, {a} chancelier de Navarre, natif de Grenoble en Dauphiné, à qui peu d’hommes peuvent être comparés, par rapport à l’esprit et au savoir. Il avait beaucoup d’expérience et de dextérité dans les affaires, et une douceur de mœurs admirable. Dès ma première jeunesse, j’avais lié au collège une étroite amitié avec lui : les guerres, l’absence et différentes circonstances firent que dans la suite cette amitié fut peu cultivée ; mais dans ces derniers temps nous l’avions renouée. J’ai travaillé avec lui durant trois ans entiers à procurer l’édit de Nantes. À l’âge de 56 ans et quelques mois, il fut attaqué de la maladie dont il mourut ; cet homme, qui avait toujours été si enjoué, tomba tout à coup dans une sombre mélancolie. Comme il était dans un grand assoupissement causé par une pesanteur de tête, je lui parlai et ma voix le réveilla. Il me dit ces mots : Les gens de bien ne doivent pas être attachés à la vie. Paroles d’un triste augure, qui annonçaient sa mort prochaine et les malheurs dont l’État était menacé.

Philippe des Portes de Chartres mourut le 6 octobre près du Pont-de-l’Arche, {b} dans l’abbaye de Bonport dont il était abbé, âgé de 61 ans. Il mena une vie fort douce, toujours prêt à obliger tout le monde, et s’adonna à la poésie avec beaucoup de succès ; en sorte qu’après Ronsard, Du Bellay et Belleau, {c} on peut dire que ce fut un de nos premiers poètes. Son talent pour les vers ne l’empêcha point d’entrer dans les plus grandes affaires. Dans ce temps que le duc de Joyeuse était tout-puissant à la cour, sous le règne de Henri iii, il était lui-même tout-puissant auprès de ce duc. Lorsqu’il eut été tué, {d} il quitta la cour et se remit à l’étude. Ce fut alors qu’il travailla à sa paraphrase des Psaumes en vers français, ouvrage très estimable. » {e}


  1. V. supra note [3].

  2. En Normandie, aujourd’hui dans le département de l’Eure (v. note [44], lettre 197).

  3. Rémy Belleau (Nogent-le-Rotrou 1528-Paris 1577), l’un des cinq autres poètes de la Pléiade.

  4. À la bataille de Coutras.

  5. Cent Psaumes de David, mis en vers français… (Rouen, Raphaël du Petit Val, 1600, in‑12).

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 4 mai 1663, note 14.

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(Consulté le 29/03/2024)

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