Cet article, bien plus badin que le précédent, n’en est pas moins précieux pour notre édition, car il procure une preuve indubitable que Guy Patin connaissait parfaitement le Borboniana manuscrit et l’avait en sa possession : il l’a cité partiellement (sans les vers), mais mot pour mot, dans le 4e paragraphe du mémoire, écrit de sa propre main trois ans plus tard (1641), contre les consultations charitables de Théophraste Renaudot (« Page 60… », v. ses notes [8] et [9]), pour la défense de son collègue et ami René Moreau (v. note [28], lettre 6).
Curieusement, Tallemant des Réaux (tome i, page 370) cite le même quatrain dans son historiette sur le courtisan libertin Guillaume i de Bautru, comte de Serrant : {a}
« La meilleure chose qu’il ait faite, c’est un impromptu {b} pour réponse à un que lui avait envoyé M. Le Clerc, intendant des finances, {c} qui était de Montreuil-Bellay. {d} Or, l’on dit en proverbe : Les clercs de Montreuil-Bellay qui boivent mieux qu’ils ne savent écrire. {e} Voici ce que c’est… » {e}
- V. note [15], lettre 198.
- Littré DLF sur impromptu : « tout ce qui est fait sur-le-champ et sans préparation. […] Lat. in, “ en ”, dans, et promptu, “ visibilité, mise dehors ”, de promere, “ étaler, faire voir ” ; in promptu veut dire “ visiblement, publiquement, aux yeux de tous ” ; in promptu aliquid facere, “ faire quelque chose sous les yeux des assistants ” ; de là la transition à faire une chose sur-le-champ, à la minute, devant vous. »
Ce genre de pièce poétique écrite au pied levé portait le nom de silve (v. note [40] du Borboniana 6 manuscrit).
- Thomas ii Le Clerc, seigneur de Blicourt, n’était pas seulement « premier commis de M. de Puisieux » (Pierre Bruslart, vicomte de Puisieux, secrétaire d’État en 1606, disgracié en 1624) : {i} dans son Nobiliaire de Picardie… {ii} Jean Haudicquer de Blancourt le dit seigneur de Blicourt, dans le Beauvaisis, conseiller d’État puis intendant des finances en 1623, marié en 1607 à Suzanne le Sergent, fille de Claude, auditeur des Comptes ; Thomas ii était le 3e fils de Thomas i, seigneur du Plessis, époux de Marguerite Louchard (en 1556), avait été enseigne puis lieutenant dans le régiment de Picardie, et commissaire des guerres en 1594.
- V. note [8], lettre 49.
- Paris, Robert-Jean-Baptiste de la Caille, 1693, in‑4o de 578 pages, page 117.
- Montreuil-Bellay, en Anjou (Maine-et-Loire), était le chef-lieu d’une importante élection de 57 paroisses. Elle possède toujours un imposant château qui appartenait alors à Henri ii d’Orléans, duc de Longueville (v. note [22], lettre 39), beau-frère du Grand Condé et du prince de Conti. Outre Thomas Le Clerc, le médecin René Moreau y avait vu le jour (en 1587).
Dans un article intitulé La Cérémonie de l’abbé sans l’eau à Montreuil-Bellay, {i} P. Marchegay donne cette description du lieu :
« Montreuil-Bellay, dit Joseph Grandet {ii} dans une note manuscrite conservée parmi les papiers de M. Toussaint Grille, {iii} est une petite ville du diocèse de Poitiers, pour le spirituel, et pour le temporel, d’Anjou, ressortissant de Saumur. Il y a un prieuré de bénédictins fondé pour douze moines, réduit à huit, puis présentement à quatre, dont deux sont l’un curé, et l’autre vicaire de la paroisse ; il vaut 4 000 livres de rente et dépend de l’abbaye de Saint-Nicolas (d’Angers). Le duc de Brissac est seigneur de Montreuil-Bellay, baronnie qui vaut 11 000 à 12 000 livres de rente. Le château est assez beau et situé sur une éminence. Dans la cour du château est une magnifique chapelle, dédiée à Notre-Dame dans son Assomption, servant d’église collégiale à treize chanoines, dont les prébendes {iv} valent 300 livres, quatre enfants de chœur, un sacristain. »
- Revue de l’Anjou et de Maine-et-Loire, publiée sous les auspices du Conseil général du département et du Conseil municipal d’Angers, Angers, Cosnier et Lachèse, 1854, in‑8o, troisième année, tome deuxième, chapitre i, pages 81‑82.
- Joseph Grandet (1646-1724), prêtre d’Angers, a laissé des mémoires sur l’histoire religieuse.
- Toussaint Grille (1766-1850), moine augustin puis prêtre jusqu’en 1793, devint directeur de la bibliothèque municipale d’Angers et fut toute sa vie un grand collectionneur de manuscrits.
- V. note [6] du Borboniana 10 manuscrit.
- P. Marchegay a mis ce proverbe sur le dos des chanoines de Montreuil-Bellay, dans sa note (1), page 82 :
« Avant 1626, ces chanoines, nommés par le baron, n’étaient pas très lettrés, témoin le vieil adage cité par Bruneau-Tartifume : {i} Les clercs de Montreuil-Bellay, qui boivent mieux qu’ils n’écrivent. Ce dicton était trop peu flatteur pour ne pas provoquer des protestations nombreuses. Au dernier siècle notamment un curé de Montreuil cultivait la poésie, et ses amis se gardaient bien de tenir ses œuvres secrètes. Un mauvais plaisant, auquel on les avait communiquées, décocha contre lui l’épigramme suivante, qui a été aussi recueillie par M. Toussaint Grille :
“ Vous me demandez mon suffrage
Sur les vers de notre curé ;
Bien volontiers, sans persiflage,
Mes amis, je vous le dirai :
Ah, loin que je blesse
le moins du monde son orgueil,
Pour bénir l’eau, {ii} pour chanter la grand’messe,
Vive le curé de Montreuil ! ” »
- Les manuscrits de Jacques Bruneau de Tartifume (1574-1636), chroniqueur d’Anjou, sont conservés à la bibliothèque d’Angers.
- Chaque année, depuis 1522, le dimanche de Pentecôte, en expiation d’une insulte proférée contre le seigneur du lieu, l’abbé prieur de Montreuil-Bellay offrait une pièce de vin aux habitants, puis l’un d’eux était jeté dans la rivière (et aussitôt repêché). La coutume fut abolie en 1767.
- Suit le quatrain de Bautru, que je n’ai pas vu imprimé ailleurs.
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