Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre II, note 90.
Note [90]

Internet facilite à présent beaucoup l’accès à ces trois sources (sans tout de même en faire un jeu d’enfant, notamment pour la deuxième, qui m’a donné du fil à retordre, et pour la troisième, qui m’a mené bien plus loin que je ne comptais aller). S’il n’y trouve pas le même intérêt que moi, le patient lecteur aura la gentillesse d’excuser mon acharnement à bien comprendre ce qu’écrivait Guy Patin.

  1. Aristote, problème intitulé Pourquoi quand on est ivre est-on impuissant à l’acte sexuel ? (à l’endroit cité par Patin, traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1891) :

    « N’est-ce pas parce qu’il faut alors qu’un lieu du corps soit plus échauffé que tout le reste ? Ce qui les empêche d’accomplir l’acte, c’est la quantité de chaleur répandue dans leur corps entier. La chaleur qui résulte du mouvement est plutôt éteinte par le milieu où elle va, parce que, dans les ivrognes, il y a beaucoup d’humidité dont la coction n’est pas faite. De plus, la liqueur séminale vient de la nourriture ; et il faut toujours qu’il y ait digestion de la nourriture qui, remplissant le corps, le rend propre et le pousse à l’acte vénérien. C’est pour cela qu’en vue de l’accomplissement de l’acte, il y a des médecins qui recommandent de déjeuner fortement et de souper légèrement, afin que les matières non digérées soient moins abondantes que les matières bien digérées. »

  2. La traduction latine de l’Actuarii Zachariæ filii de spiritus animalis nutritione liber [Livre d’Actuarius, fils de Zacharie, sur la nutrition de l’esprit animal] est le liber secundus [second livre] des œuvres d’Actuarius (v. note [3], lettre de Charles Spon, datée du 21 novembre 1656) qui sont dans les Medicæ artis principes, post Hippocratem et Galenum… [Les princes de l’art médical qui sont venus après Hippocrate et Galien…] (Genève, 1567, v. note [10], lettre latine 61). Son chapitre x est intitulé Bis ne eadem die assumendus cibus, necne ? [Faut-il ou non consommer de la nourriture deux fois par jour ?] (Bibliothèque de Genève, e‑rara, colonnes 33‑34) :

    Quoniam vero quæris ex me, num ad sanitatis tutelam spiritusque animalis persistentiam præstet semel quotidie, an bis potius cibum capere : ego satius esse crediderim, ut distributo in tria cibo omni meridie portionibus duabus vescaris, reliqua sub noctem, nam et assiduam ita cerebrum humectationem sentit, et facilior conciliatur somnus, et longius spiritus perdurat irrigatu iugi fotus, nec facile ita ignescere continget ob ieiunium, neque refirgerari : siquidem utrunque eveniat temporis ac temperamentorum diversitate. Quod si inualuerit consuetudo, nec velis bis rei eidem vacare, possis consuetudinem servare, quæ naturales facultates in habitu iam induerit, ut citra detrimentum aliquod eæ tanto temporis intervallo opus peragant : præterea autem, ut non durabilior ita spiritus sit, certe nitidior euadet, quem admodum sane posterius docebimus in orationis repetione.

    [Néanmoins, puisque tu me demandes si, pour la préservation de la santé et la persistance de l’esprit animal, il vaut mieux prendre un ou deux repas par jour, je croirais, quant à moi, préférable que tu répartisses toute ta ration quotidienne en trois portions : deux à manger au milieu de la journée, et le reste dans la soirée ; car ainsi le cerveau jouit d’une humectation continue, le sommeil vient plus facilement et l’esprit reste plus longtemps en éveil grâce à l’irrigation de la fomentation conjointe, sans se laisser aisément échauffer ni refroidir par le jeûne, puisque l’un ou l’autre de ces deux effets peut survenir suivant la diversité de la saison et des tempéraments. Si tu en as pris l’habitude et ne veux pas y revenir, tu peux la conserver : tes facultés naturelles s’y sont déjà accoutumées et ses bons effets persisteront fort longtemps sans le moindre préjudice ; mais en outre, si la longévité de l’esprit vital ne s’en trouve pas augmentée, il sera rendu plus resplendissant, comme nous le découvrirons plus pleinement dans la suite de mon discours].

  3. Galien (loc. cit., Kühn, volume 6, pages 332‑334, traduit du grec) :

    Ergo tutius est imbecillo seni exiguum dare ter die, sicut Antiochus medicus solitus est se cibare, jam quidem annos natus plus quam octoginta, ac quotidie ad forum progrediens in eum locum, ubi concilium civium convenerat, interim etiam longa via ad ægros invisendos pergens. Cæterum domo in forum quasi trium stadiorum spatium pedibus confecit ; quo etiam modo infirmos, si quos prope habebat, invisit. Longius vero si quo erat eundum, partim gestatus in sella, partim vehiculo vehebatur. Erat autem ei domi cellula quædam, quæ hyeme calebat camino, æstate citra ignem bene temperatum aërem habebat. In hac mane omnino fricabatur tam æstate quam hyeme, utique dejecta prius alvo. In foro autem loco aliquo circiter horam diei tertiam vel ad summum quartam sumpsit panem cum Attico melle plerumque cocto, rarius crudo. Postea partim cum aliis commentans, partim ipse solus aliquid legens, ad septimam usque horam perseverabat. Ab hac tum in publico balneo fricabatur, tum vero exercitabatur aptis scilicet seni exercitationibus ; de quarum forma paulo post agemus. Mox lotus prandebat mediocriter, primum iis sumptis, quæ alvum dejiciunt, post hæc maxime piscibus, vel quos saxatiles vocant, vel qui in alto mari degunt. Rursus in cœna piscium esu abstinuit, sed boni succi aliquid, ac quod facile putresceret, sumpsit, utique aut alicam cum mulso, aut avem ex jure simplici. Atque hæc quidem victus ratione Antiochus in senio usus sensibus illæsis membrisque omnibus integris ad extremum duravit. Telephus autem grammaticus provectiore quam Antiochus ætate fuit, ut qui centum fere annos vixerit. Is vero hyeme bis mense lavabatur, æstate quater, mediis harum temporibus ter. Quibus vero diebus non lavabatur, iis circa tertiam horam unctus est cum exigua frictione ; mox mel optimum crudum alicæ in aqua coctæ permixtum esitabat, idque ei pro jentaculo satis fuit. Prandebat septima hora, aut paulo citius, primum oleribus sumptis, deinde piscibus gustatis, aut avibus ; vespere autem tantum panem ex vino diluto edebat.

    [À un faible vieillard, il est donc plus sain de donner une petite quantité de nourriture trois fois par jour : ainsi le médecin Antiochus {a} avait-il coutume de s’alimenter ; et il a bien vécu plus de quatre-vingts ans, en se rendant tous les jours au forum, là où l’assemblée des citoyens se réunissait, tout en continuant à cheminer longuement pour visiter des malades. Pour aller de sa maison au forum, il devait parcourir quelque trois stades {b} à pied, tout en passant aussi voir des patients, s’il en avait aux alentours ; s’il s’en trouvait plus loin, il s’y rendait soit à cheval, soit en voiture. En sa maison, il avait une chambre particulière qu’un poêle tenait bien chaude en hiver, mais sans feu et bien aérée en été. Il s’y frictionnait entièrement le matin, tant l’hiver que l’été, après s’être soulagé l’intestin. En quelque lieu du forum, vers la troisième heure du jour, ou la quatrième, tout au plus, il mangeait du pain avec du miel d’Attique, le plus souvent cuit, mais plus rarement cru. Ensuite, soit en compagnie d’autres gens, soit tout seul, il lisait jusqu’à la septième heure. {c} Cela fait, il se rendait au bain public pour une toilette, puis s’adonnait aux exercices physiques de son âge (dont nous parlerons un peu plus loin). Une fois propre, il s’alimentait avec modération, mangeant d’abord des mets qui soulagent l’intestin puis, principalement des poissons, soit ceux qu’on appelle saxatiles, {d} soit ceux qui vivent au large des côtes. En revanche, au souper, il s’abstenait de poisson, consommant quelque aliment de bon suc et de digestion aisée, comme de la semoule avec du vin miellé ou un simple bouillon de volaille. Avec ce régime, Antiochus a conservé la pleine jouissance de sens intacts et d’un corps ingambe jusqu’à l’âge le plus avancé. En devenant presque centenaire, le grammairien Telephus {e} a surpassé Antiochus en longévité. Lui se lavait deux fois par mois en hiver, quatre fois en été, et trois fois dans les saisons intermédiaires ; mais les jours où il ne se lavait pas, il s’oignait légèrement de baume, après quoi, il prenait son petit déjeuner, se contentant du meilleur miel, cru et mêlé à de la semoule cuite dans l’eau. Il déjeunait à la septième heure ou un peu plus tôt, mangeant d’abord des légumes, puis du poisson ou de la volaille. Le soir, il ne prenait que du pain trempé dans du vin dilué].


    1. Antiochus a dû à Galien de figurer dans les biographies médicales. Panckoucke le dit romain et ajoute qu’« Aétius et Paul d’Égine nous ont conservé quelques compositions de sa façon ». Le remarquable index des « Princes de l’art médical » (source de la citation 2 supra) conduit à une Antiochi hiera [hière (mélange laxatif) d’Antiochus] (sermon iii, première tétrade des œuvres d’Aétius, à la fin du chapitre cxiv, colonne 137, repère C) ; Aétius en fournit la composition, la dit active contre la mélancolie (folie), l’épilepsie et le sang épais (sanguis fæculentus), mais ne donne pas la moindre précision sur la biographie de son créateur.

    2. Soit un peu moins de 600 mètres.

    3. Le jour romain, du lever au coucher du soleil, était divisé en 12 heures égales (dont la durée variait donc au fil des saisons) ; la septième heure correspondait toujours au midi solaire.

    4. V. supra note [46].

    5. Gerardus Johannes Vossius (v. note [3], lettre 53) a parlé de Telephus à la fin du chapitre xvi (page 480) du dernier de ses quatre livres de Historicis Græcis [des Historiens grecs] (Leyde, 1651, v. note [6], lettre 162) :

      Telephus, Τηλεφος, grammaticus Pergamenus, multæ ex<i>stimationis fuit tempore Hadriani Cæsaris. Ut cognoscimus ex Julio Capitolino in vita Veri (nisi is potius Spartianus ;) qui refert, Verum Cæsarem in Latinis usum grammatico Scauro ; in Græcis, Telepho : quem non alium esse a Pergameno, plane adsentio summo viro, Claudio Salmasio. Multa is edidit ad historiam patriam pertinentia. Ut Pergami descriptionem : item de Pergameno Augustali libros ii ; adhæc de regibus Pergamenis libros v. Idem res Atticas illustravit, tum opere de Atheninesium legibus, et moribus ; tum altero περι των Α’θηνησι δικαστηριων. Adhæc literis mandavit vitas Comicorum et Tragicorum. Alia quoque multa producit, quorum elenchum apud Suidam videre est. Meminit et Telephi Aristophanis scholiastes in Plutum.

      [Telephus, Têléphos, grammairien de Pergame, a joui d’une grande estime au temps de l’empereur Hadrien. {i} Voilà ce que nous apprend Julius Capitolinus dans la Vie de Verus (à moins que son auteur ne soit Spartianus), où il relate que l’empereur Verus suivit l’enseignement des grammairiens Scaurus, pour le latin, et Telephus, pour le grec. {ii} Je partage entièrement l’avis de l’éminent M. Claude Saumaise sur le fait qu’il ne venait pas d’ailleurs que de Pergame. Il a publié de nombreux ouvrages sur l’histoire de sa patrie : une description de Pergame ; deux livres sur Pergame au temps d’Auguste ; cinq livres sur les rois de Pergame. Il a aussi enrichi l’histoire attique, tant par son ouvrage sur les lois et les mœurs des Athéniens que par son autre sur les tribunaux d’Athènes. Il a encore écrit les vies des Comiques et des Tragiques, ainsi que de nombreux autres traités dont Suidas fournit une liste. {iii} On cite encore des commentaires de Telephus sur le Plutus d’Aristophane]. {iv}

      1. Hadrien a régné sur l’Empire romain de 117 à 138.

      2. Julius Capitolinus est l’auteur de la Vie de Verus (empereur romain de 161 à 169) qui est dans l’Histoire auguste (livre v), où il écrit (chapitre ii, § 5, page 171) : « Il suivit les leçons du grammairien latin Scaurinus, le fils de Scaurus qui avait été le grammairien d’Hadrien, des Grecs Telephus, Héphæstion et Harpocration, etc. » Spartianus est un autre des auteurs de l’Histoire auguste.

      3. V. note [47] du Grotiana 2.

      4. V. note [7], lettre 952.

        Aucun des nombreux ouvrages de Telephus n’a survécu aux siècles. Le savant Vossius n’a pas établi de lien entre ce grammairien grec et celui dont a parlé Galien, mais la chronologie rend son identification plausible, sinon certaine.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Traité de la Conservation de santé (Guy Patin, 1632) : Chapitre II, note 90.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8169&cln=90

(Consulté le 03/12/2024)

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