[Ms BIU Santé no 2007, fo 183 ro | LAT | IMG]
Au très distingué M. Johann Paul Felwinger, professeur de philosophie, à Nuremberg. [a][1][1][2]
Je dois tant au très distingué M. Volckamer, [3] notre très grand ami, le meilleur et le plus savant des hommes, que je reconnais être tout à fait incapable de lui rendre la pareille. Il m’a si généreusement ménagé votre bienveillance et votre affection pour moi qu’elles alourdissent encore toutes mes dettes envers lui. Voilà qui me plaît fort, souffrez donc, très distingué Monsieur, que je m’ajoute au nombre de vos amis et vous remercie pour toutes les thèses et tous les opuscules que vous m’avez envoyés ; ils me procurent un extrême plaisir et égayent de temps à autre mes heures de loisir. Je vous sais particulièrement gré pour vos Disputationes metaphysicæ que vous m’avez si généreusement dédiées et naguère envoyées avec une préface qui me fait honneur. [2][4] Je souhaite pouvoir vous rendre la pareille, comme je ferai certainement si Dieu me le permet. Si vous songez à envoyer votre fils en France, [5] faites-le vers mars ou avril, ou même mai, après que diffugere nives, et redeunt jam gramina campis arboribusque comæ ; [3][6] car maintenant, un froid très scélérat nous accable ; il est, pour ainsi dire, intolérable et presque personne ne le peut supporter. Qu’il vienne donc chez nous, je le recevrai dans ma maison, il visitera notre grande ville, il verra le roi, la cour et le Parlement ; il fréquentera nos Écoles, qui sont illustres dans le monde entier ; il apprendra à parler français. Je l’accueillerai ici pendant trois mois sans que cela vous coûte rien. Vale, très savant Monsieur, et aimez-moi.
De Paris, le 22e de janvier 1665.
Vôtre de tout cœur, Guy Patin.
Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Paul Felwinger, ms BIU Santé no 2007, fo 183 ro.
Nuremberg (Franconie, à présent Bavière) avait établi son université à Altdorf (v. note [32], lettre 155).
Ces Disputationes metaphysicæ [Disputations (Thèses) métaphysiques] que Johann Paul Felwinger avait dédicacées (plutôt que dédiées, v. note [1], lettre latine 321) à Guy Patin (nomini meo inscriptæ) ne correspondent à aucun titre que j’aie su trouver parmi ses publications d’alors.
Hanc ipsam materiam cum sub alia facie Johannes Crellius, Francus, qui cæteris Photinianis in Sophisticationibus voluit superior, si non supremus esse, proponere conetur, et sub speciosiore forma Lectori virus suum propinare audeat in Epistola quadam, […] quam cum Amicorum quidam non ultimus mecum communicavit, vidi non parum ad dilucidationem discursus de Revelatione facturum esse…
[Quand, sous une autre apparence, Johannes Crellius, {a} natif de Franconie, qui a voulu surpasser les autres photiniens en sophistication, {b} voire devenir le plus grand d’entre eux, entreprend de proposer cette matière même, et ose présenter au lecteur son poison sous une forme spécieuse dans une lettre, (…) que quelqu’un, qui n’est pas le dernier des amis, m’a communiquée…]. {c}
- V. note [3], lettre latine 365.
- Précurseurs des sociniens du xvie s. (v. note [13], lettre 127), les photiniens étaient une secte hérétique, apparue au ive s. sous l’impulsion de Photin, évêque de Galatie, soutenant « que non seulement Jésus-Christ n’était qu’un pur homme, mais encore qu’il n’avait commencé à être le Christ que quand le Saint-Esprit descendit sur lui dans le Jourdain ; et qu’il est appelé Fils unique par la seule raison que la Sainte Vierge n’en eut point d’autre » (L’Encyclopédie).
- La critique de cette lettre manuscrite que Crellius avait adressée à Joachimus Peuschelius, pasteur de Nuremberg, occupe tout le livre de Felwinger. Il est audacieux de penser que Patin a pu être l’informateur de Felwinger ; mais il était fort curieux des hérésies chrétiennes (intérêt qu’il partageait avec son ami Christiaen Utenbogard qui avait été lié aux remontrants néerlandais), en étant bien capable de facéties plus surprenantes encore que celle-là. Le retour allusif de Guy Patin sur ce sujet, dans sa lettre à Felwinger du 28 août 1665, peut étayer cette supposition.
« les neiges auront fondu et qu’auront déjà reparu les herbes dans les plaines et les feuillages sur les arbres » (Horace, v. note [5], lettre 857).
Ce fils de Johann Paul était Johann Jodocus (Josse) Felwinger (1644-1672). La légende de son portrait gravé (posthume) le dit IV Doctorand. in Academia Altdorfina Politic. Profess. Publicus ordinarus [futur docteur en l’un et l’autre droits (civil et ecclésiastique, iure utroque), professeur public de politique en l’Université d’Altdorf], avec ces deux vers en son honneur :
Adspice Doctrinæ Pietatis Sedulitatis
Effigiem ; atque Spei dona sepulta dole ! [Contemple ce portrait qui reflète la piété et de l’application à la doctrine, et pleure de talentueuses promesses que voici ensevelies !]
Ms BIU Santé no 2007, fo 183 ro.
Clarissimo viro, D. Io. Paulo Felwingero, Philosophiæ Professori, Noribergam.
Amicissimo nostro et virorum optimo-doctissimo, D.Cl. Volcamero tam multa debeo, ut me
solvenda planè imparem me esse agnoscam : tot debitis meis novum ecce superpondium
adjecit tua in me benevolentia, et amor tuus, quem ipse, singulari sua humanitate, tam
facilè generosè mihi conciliavit : Euge ergo Vir Cl. et patere ut Tuis accedam, et gratias agam pro
singulis quæ antehac ad me misisti, Thesibus et libellis, quibus impensè delector, et inter-
dum otium fallo : præsertim v. pro tuis Disput. Metaphysicis, quas Nomini meo inscriptas tam
liberaliter cum honorifica Præfatione antehac misisti. Gratias inquam Tibi ago, et utinam
possim referre, quod faciam certè si Deus dederit. Si cogitas de Filio tuo in Galliam mittendo,
mitte circa Martium aut Aprilem, aut Majum postquam diffugere nives, et redeunt jam gramina cam-
pis arboribusque comæ : nunc enim urget frigus sceleratissimum, et ut ita dicam intolerabile, et
ac vix cuiquam ferendum : veniat ad me, ædibus meis eum excipiam, magnam nostram Urbem
lustrabit, Regem, Aulam et Senatum videbit, Scholas nostras toto Orbe illustres fre-
quentabit, Gallicè loqui discet, et per tres menses eum hîc detinebo absque ullo tuo sumptu.
Vale, vir doctissime, et me ama. Parisijs, 22. Ianu. 16645. Tuus ex animo, Guido Patin.