À Charles Spon, le 13 avril 1657, note 29.
Note [29]

V. notes [7] et [8], lettre 457, pour la reine régente du Portugal, Louise de Guzmán (de 1633 à 1666), son combat pour l’indépendance de son État contre les Espagnols, et pour son fils Alphonse vi (qui régna de 1655 à 1667).

Quelque soixante ans plus tôt, Sébastien ier (Dom Sebastião, Lisbonne 1554-1578) et le cardinal Henri (Henrique i, 1512-1580), son grand-oncle, avaient successivement porté la couronne du Portugal : de 1569 à 1578, pour le premier, et de 1578 à 1580 pour le second.

Fils posthume de l’infant Jean de Bragance, Sébastien était âgé de trois ans quand lui échut la couronne de son aïeul Jean iii le pieux (roi de 1521 à 1557), sous la tutelle de sa grand-mère, Catherine de Castille, sœur de Charles Quint, de 1557 à 1562, puis sous celle du cardinal Henri de 1562 à 1569, année où Sébastien commença à régner. D’une dévotion outrée et d’une ambition démesurée, il voulut marcher sur les traces d’Alexandre le Grand et forma le projet gigantesque de passer le détroit de Gibraltar, soumettre l’Afrique, pénétrer dans les Indes, en Perse, revenir en Europe par la Turquie et arracher Constantinople à l’islamisme. La victoire de Lépante (1571) lui parut être un signe du Ciel, il leva des troupes, passa à Tanger et commença la guerre contre les Maures. Après une première campagne victorieuse, Philippe ii, roi d’Espagne, le fils de Charles Quint, qui convoitait le Portugal, excita Sébastien, son neveu, à secourir Moulay Mohammed, sultan déchu du Maroc (v. note [1], lettre 701). Sébastien repartit pour le Maroc, mais se heurta à la formidable armée du vieux sultan Moulay Abd al-Malik. Il fut tué à la bataille dite des Trois Rois (Ksar el-Kébir, 4 août 1678, ainsi nommée parce que les deux sultans y périrent aussi), et son armée fut presque entièrement exterminée.

Le cardinal Henri, cinquième fils du roi Manuel ier, prit sa succession. Il avait été nommé archevêque de Braga en 1533, grand inquisiteur en 1539, archevêque d’Évora en 1540, puis cardinal en 1545. Ennemi puis allié des jésuites, il leur confia la création de l’Université d’Évora (1559). Quand il reçut la couronne, il était cacochyme, phtisique, brisé par l’âge et par la maladie, et ne prenait pour toute nourriture que du lait de femme, ce qui ne l’empêcha pas de songer un instant à demander au pape l’autorisation de se marier, dans le fol espoir de donner un héritier au trône. Toutefois, il renonça à ce projet, abandonna la direction des affaires d’État à Christovam de Moura, et se montra plein de faiblesse et d’irrésolution. N’ayant pas voulu reconnaître pour son héritier dom Antonio, prieur de Crato et neveu de Jean iii, il entra en négociation avec Philippe ii et lui offrit la Couronne de Portugal, que le roi d’Espagne accepta bien volontiers à la mort du cardinal-roi, en 1580, après avoir fait taire, par la puissance de son armée, les nombreux autres prétendants (v. note [9] du Borboniana 10 manuscrit). Le Portugal ne redevint un royaume indépendant qu’après la révolution de 1640 qui plaça sur le trône la Maison de Bragance.

V. note [1] du Patiniana 3, pour les « faux Sébastien », imposteurs qui se manifestèrent vainement après sa mort pour reprendre sa couronne.

Dans trois de ses lettres françaises, Guy Patin a dit que la Maison d’Autriche était « du bien d’autrui riche », blâmant son avidité à marier ses fils à des filles uniques très richement dotées – Marie de Bourgogne (v. note [19], lettre 312), puis Jeanne de Castille (dite la Folle, v. note [4], lettre 692) – et à bâtir ainsi le giganteque empire des Habsbourgs. La paternité de ce brocard semble lui appartenir.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 13 avril 1657, note 29.

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(Consulté le 28/03/2024)

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