Gilles Ménage, Origines de la langue française (pages 37‑38) :
« D’antimonium. Mathiole sur Dioscoride : Stibium recentioribus Medicis, Chymicis ac Seplasiariis, qui Mauritanorum doctrinam sequuntur, Antimonium dicitur, quod hoc nomine Seraphis et Avicenna Stibium appellaverint. {a} Il est difficile de dire d’où vient antimonium. Fallopius au livre qu’il a fait des métaux croit qu’il a été dit par corruption pour achomadium. Arabes vocant athmad, et achiman, vel archman : unde Chimistæ Seplasiarii deduxere achamadium ; et, ab hac voce postea antimonium. {b} Vossius dans son de Vitiis Sermonis, au mot stibium, parle de l’origine d’antimonium en ces termes : {c} Usus eius est mulieribus in fucanda facie : quod, quia dedecet homines religiosos, eo Italis antimonio videtur usurpari : ab anti, contra, et Italico Moine, Monachus. {d} Cette étymologie est ridicule. Et d’ailleurs, le mot de moine est français, et non pas italien. L’étymologie rapportée par Furetière dans les Essais de son Dictionnaire universel, n’est pas plus raisonnable. {e} Encore une fois, il est difficile de dire d’où vient ce mot. Les Arabes ont appelé ithmid l’antimoine, du grec stimmi ; mais l’analogie ne permet pas qu’on fasse antimonium d’ithmid. »
- « Le stibium est appelé antimoine par les médecins, chimistes et parfumeurs [v. note [6] de la lettre de Thomas Bartholin, datée du 17 juillet 1647] modernes, qui suivent la doctrine des Arabes parce que Seraphis et Avicenne l’ont ainsi nommé. »
- « Les Arabes l’appellent athmad et achiman ou archman : d’où les chimistes parfumeurs ont déduit acamadium, et de là ensuite antimonium. »
- Cette définition ne figure pas dans les :
Gerardi Joannis Vossii de Vitiis sermonis et glossematis latino-barbaris libri quatuor, partim utiles ad pure loquendum, partim ad melius intelligendos posteriorum seculorum scriptores.
[Quatre livres de Gerardus Johannes Vossius {i} sur les vices latino-barbares du discours et du langage : à la fois pour parler avec plus de pureté et pour mieux comprendre les écrivains des sicles passés]. {ii}
Ménage l’a empruntée à la page 492 de l’Etymologicon Linguæ Latinæ [Étymologie de la langue latine] du même Vossius. {iii}
- V. note [3], lettre 53.
- Amsterdam, Ludovicus Elzevirius, 1645, in‑4o de 824 pages
- Ibid. 1662, in‑4o, v. note [20], lettre 352.
- « Les femmes l’utilisent pour se farder le visage : et parce que cela ne convient pas aux hommes de religion, on a vu les Italiens employer le mot antimonio, formé de anti, contre, et moine, moine. »
- C’est celle du moine qui empoisonna ses collègues, v. note [8], lettre 54.
Littré DLF a poursuivi dans la voie indiquée par Ménage :
« On l’a fait venir, d’après sa composition apparente, d’anti-moine, c’est-à-dire contraire aux moines ; mais cette étymologie ne se fonde absolument sur rien, aucune anecdote de quelque authenticité ne nous apprenant comment un pareil sobriquet aurait pu être donné à ce métal. Quelques-uns le font venir de anti et de monos, {a} en le justifiant par le fait que ce métal ne se trouve jamais seul ; certains, d’antimenein, indiquant qu’il fortifie les corps. Antimonium se trouve dans les écrits de Constantin l’Africain, {b} De Gradibus, médecin salernitain qui vivait à la fin du xie s. D’autres, avec raison, ce semble, tirent ce mot de l’arabe athmoud ou ithmid. Athmoud est devenu facilement, dans le latin barbare, antimonium. D’un autre côté, la forme propre de l’arabe est ithmid, et vient sans aucun doute du grec stimmi, qui est dans stibium ; de sorte que, par un jeu singulier de l’altération des langues, antimoine et stibium seraient un mot identique. »
- Monos signifie seul en grec.
- V. note [55], lettre latine 351.
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