Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 1, note 71.
Note [71]

V. notes [4], lettre 986, sur Apollonius de Tyane, et [5], lettre 608, sur l’« Apologie des grands hommes » de Gabriel Naudé (Paris, 1625) ; ce passage ne se trouve pas à la page 168, comme indiqué dans le Naudæana imprimé, mais aux pages 293‑295 :

« Je dirai premièrement que cet Apollonius Tyanéen pouvait être quelque homme vertueux, et d’un esprit fort et puissant, qui se servit bien à propos des spéculations de la philosophie et des avantages de sa nature pour commander à celle des rois et des princes, et s’approcher autant des héros et demi-dieux qu’il se tira loin du commun des hommes. D’où Sidonius Apollinaris a pris sujet d’honorer beaucoup l’un de ses amis qui était conseiller et homme de grande autorité auprès d’Euarix, roi des Goths, {a} le faisant entrer en comparaison avec ce philosophe. Lege virum, lui dit-il, (fidei catholicæ pace præfata) in plurimis similem tui, id est, a divitibus ambitum nev divitias ambientem, cupidam scientiæ, continentem pecuniæ, inter epulas abstemium, inter purpuratos linteatum. {b} Ce qui pourrait peut-être sembler étrange en la bouche d’un évêque, et d’un ami qui en veut louer un autre, s’il n’était constant, par les témoignages d’Eusèbe et de Cassiodore, {c} que cet Apollonius était un philosophe insigne et un homme très sage ; ou qu’il fallût plutôt croire les autorités de saints Jérôme et Justin qui donnent pour cause de toutes ses opérations merveilleuses la connaissance qu’il avait de la nature, et le défendent à pur et à plein {d} du crime de la magie, le premier disant en l’épître à Paulin, Apollonius sive Magus, ut vulgus loquitur, sive Philosophus, ut Pythagorici tradunt ; {e} et le dernier, beaucoup plus manifestement, en ses questions aux orthodoxes, Apollonius ut vir naturalium potentiarum et dissensionum atque consensionum earum peritus, ex hac scientia mira faciebat, non authoritate divina, hanc ob rem in omnibus indiguit assumptione idonearum materiarum quæ eum adiuvarent ad id perficiendum quod efficiebatur. » {f}

Et plus loin (pages 297‑298) :

« Mais comme toutes les choses du monde les plus fabuleuses ont quelque sujet, et que les fards ont au-dessous quelque corps ferme et solide, aussi faut-il croire et confesser que ce gros volume farci de tels mensonges ne fut composé par Philostrate qu’à dessein d’opposer les miracles de ce philosophe {g} à ceux de Jésus-Christ, pour frapper les fondements de notre religion et rendre les peuples incertains < sur > lequel ils doivent plutôt suivre et respecter, ou notre Rédempteur, ou Apollonius. »


  1. V. note [28], lettre 282, pour Sidonius Apollinaris, évêque du ve s. Euric a régné sur les Wisigoths de 466 à 484.

  2. « Lis sa vie et tu verras qu’il était semblable à toi en bien des choses (à l’exception de la foi catholique) : recherché par les riches, sans rechercher les richesses ; plein d’amour pour la science, et de mépris pour l’or ; sobre au milieu des festins ; vêtu de simple drap au milieu des gens couverts de pourpre » (Lettres de Sidonius Apollinaris, livre viii, épître iii, à son ami Léon).

  3. V. note [16] du Patiniana I‑2.

  4. Absolument.

    V. note [16], lettre 81, pour saint Jérôme. Saint et martyr de l’Église chrétienne au iie s., le philosophe Justin de Naplouse est notamment auteur d’un volumineux ensemble de Quæstiones [Questions].

  5. « Apollonius le Mage, comme dit la foule inculte, ou le Philosophe, comme disent les pythagoriciens » (épître 103).

  6. « Apollonius, en fin connaisseur des puissances naturelles, et de leurs discordances et concordances, avait tiré merveilles de cette science, non pas par autorité divine, parce qu’il n’en avait aucune, mais en prenant en compte les matières appropriées qui pouvaient l’aider à parfaire ce qui était accompli » (question 24).

  7. Apollonius.

Pour les contes qu’on aurait brodés sur la vie d’Apollonius, Naudé écrivait, pages 296‑297 :

« Hiéroclès avait tout pris son narré de Philostrate, {a} et Philostrate avait fait le sien à la requête de l’impératrice Julie, {b} comme l’on compose aujourd’hui des amours et romans, à la prière et pour l’entretien des reines et des princesses. »


  1. V. notes [1] du Borboniana 6 manuscrit pour Hiéroclès Sossianos, et [41], lettre 99, pour Philostrate d’Athènes.

  2. Julia Domna, épouse de Septime Sévère (v. note [5], lettre 564), se laissa mourir de faim en 217, quand elle apprit la mort de son fils Caracalla, assassiné par son frère Geta.

    Auguste Bougot a développé ce point dans son Introduction (pages 17‑19) aux Œuvres de Philostrate (Paris, Renouard, 1881) :

    « Julia Domna aimait la philosophie ; elle avait une vive curiosité pour les croyances religieuses des différents peuples ; son héros était le fameux Apollonius de Tyane qui avait été à la fois un sage, un dévot et un faiseur de miracles.

    Elle chargea Philostrate de raconter la vie du thaumaturge ; pour un sophiste, il semble qu’il ne pouvait y avoir de tâche plus agréable. Apollonius haranguait les villes, donnait des conseils aux peuples, aux rois, aux particuliers : quelle admirable occasion pour composer des discours remplis d’ingénieuses pensées, écrits dans le style attique le plus pur ! Apollonius avait parcouru l’Égypte, la Perse ; c’était le lieu de reprendre ce parallèle si fréquent chez les auteurs anciens, mais toujours lu, paraît-il, avec un nouveau plaisir, entre la civilisation grecque et les mœurs des peuples barbares. Apollonius avait pénétré jusque dans l’Inde : or l’Inde était alors un pays inconnu où la Grèce, toujours éprise de merveilleux, plaçait des hommes étranges et le théâtre de faits extraordinaires. Apollonius était un érudit : que de maximes, que d’allusions aux poètes de la Grèce, que de citations il était permis de lui mettre dans la bouche, en un pareil ouvrage ! Apollonius enfin avait interprété les cérémonies de la religion, les attributs des divinités, les pieuses coutumes ; or cette exégèse était aussi du domaine des sophistes ; elle était de plus dans le goût des contemporains et dans celui de Julia Domna.

    Les Anciens, sentant que toutes leurs traditions étaient menacées par l’avènement d’une nouvelle doctrine, d’une nouvelle philosophie, semblent s’être divisés en deux camps : les uns qui, comme Lucien, hâtent l’œuvre de destruction ; les autres qui, comme Philostrate, cherchent à régénérer les croyances par des explications nouvelles. C’était là, il faut l’avouer, une ample et belle matière offerte à un talent de sophiste.

    Un des sujets que les sophistes choisissent le plus volontiers quand ils écrivent, c’est le récit d’un banquet entre sophistes : chacun des convives, en effet, apporte son écot d’histoires, d’anecdotes ; toute la science de l’époque peut être ainsi passée en revue ; l’écrit devient une petite encyclopédie où les plus petits détails de l’érudition ont leur place, comme les plus grandes questions de morale et de philosophie. La vie d’Apollonius présentait à l’écrivain les mêmes facilités de discourir un peu sur tout ; de plus, elle avait l’avantage de permettre une unité moins factice.

    Julia Domna, en chargeant Philostrate de cette biographie, lui avait remis sur Apollonius les mémoires d’un certain Damis qui avait accompagné le philosophe dans ses voyages en Asie. Ces mémoires qui étaient restés inconnus jusque là, elle les tenait elle-même d’un parent de Damis. […]

    On a contesté l’existence de ce Damis et de ces mémoires qui auraient servi à Philostrate, sous prétexte que le récit du sophiste est rempli de fables, de contradictions, d’inexactitudes historiques et géographiques. Cet argument ne nous paraît pas concluant : d’abord Damis, compagnon d’un homme illustre qui semble avoir fait plus d’une fois un métier de charlatan, a bien pu, lui aussi, ajouter ses propres imaginations aux faits dont il avait été témoin ; puis ces mémoires, remis à Julia Domna par un parent de Damis, étaient peut-être bien une œuvre de seconde main, composée non par Damis, mais d’après ses récits ; on pense bien que Philostrate n’a pas eu recours, pour constater l’authenticité des manuscrits, aux règles d’une véritable critique. Enfin, pourquoi Philostrate, s’il inventait Damis, ne dirait-il pas qu’il a trouvé ses manuscrits, comme il le dit du livre de Maxime d’Égée, au lieu de prétendre qu’il les tient de Julia Domna ? »

V. notes [60] et [61] du Naudæana 2 pour d’autres propos de Naudé sur Apollonius.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
Naudæana 1, note 71.

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(Consulté le 27/04/2024)

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