L. latine 166.  >
À Johannes Antonides Vander Linden,
le 13 avril 1661

[Ms BIU Santé no 2007, fo 102 vo | LAT | IMG]

Au très brillant M. Johannes Antonides Vander Linden, à Leyde.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je réponds sans délai à votre dernière que M. Angot m’a tout récemment remise. [2] Mentel et Petit tiendront leurs promesses pour l’Arétée[3][4][5] Je vous envoie une lettre de ce même Petit. J’espère mettre l’Hippocrate de Zwinger dans le grand paquet que je vous prépare ; je le recherche donc pour vous l’envoyer et il n’est pas si rare. Ensuite, vous l’enverrez à votre ami qui enseigne à l’Université de Souabe et que, si vous voulez bien, vous saluerez de ma part. [1][6][7] J’attendrai patiemment vos thèses, [8] comme vous attendrez vous-même les livres que je vous apprête et que je vous enverrai dès que je les aurai reçus, à savoir le Galien de Chartier, le Paolo Zacchias et d’autres. [2][9][10][11] J’ai ici la Methodus de Hierovius, reliée avec d’autres sous ce titre : Methodi medicinales duæ, in quibus vera et legitima consiliorum medicinalium, etc. [3][12]

N’imprime-t-on pas à Rotterdam les œuvres complètes d’Érasme ? C’est ce qu’affirme ici notre ami Sorbière. [4][13][14] Il est bien vrai que Mazarin s’en est allé, mais je ne sais où : il est en effet mort sans aucune inquiétude de ses affaires et de l’autre vie ; sans nul effroi, comme quelqu’un qui ne croirait en rien, ne craindrait rien, n’espérerait rien. [15] Et voilà bien la religion des Italiens, en particulier des princes et des grands qui tirent si bien et si facilement profit de la religion : ils ne l’enseignent et ne la professent qu’en apparence. [16] Un lent mal l’a longtemps rongé et il semblerait qu’il ne fût pas mort si les médicastres auliques [17] ne l’avaient pas tué à la fin, pour le plus grand bien de la France, avec leur vin énétique imprégné d’antimoine et leurs grains narcotiques d’opium. [18][19][20] Par leur puissante action, propter nos homines et propter nostram salutem, tandem descendit ad inferos[5][21] Je n’ai pas vu cette cruelle épigramme qui circule chez vous contre lui, et n’en ai encore vu aucune en latin. Il en court certaines en français, elles ne sont pas fort bonnes, mais féroces, comme sont les talents satiriques des hommes, et pleines d’insolence. À la vérité, un si grand vaurien en a mérité bien plus. Si cette épigramme latine a été rude, recopiez-la, je vous prie, et envoyez-la-moi. [6] Je salue tous nos amis, en particulier l’excellent M. Rompf. [22] Je n’ai plus rien de nouveau à vous écrire. Vale, très distingué Monsieur, et continuez, comme vous faites, d’aimer celui qui est

entièrement votre Guy Patin de tout cœur.

De Paris, le 13e d’avril 1661.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johannes Antonides Vander Linden, ms BIU Santé no 2007, fo 102 vo.

1.

Hippocratis Coi Asclepiadeæ gentis sacræ coryphæi viginti duo commentarii tabulis illustrati : Græcus contextus ex doctiss. vv. codicibus emendatus. Latina versio Iani Cornarij innumeris locis correcta. Sententiæ insignes per Locos communes methodice digestæ. Theod Zvingeri Bas. studio et conatu.

[Vingt-deux commentaires d’Hippocrate de Cos, coryphée de la gent sacrée des Asclépiades, {a} enrichis de tables. Le texte grec a été amendé à partir des manuscrits des plus savants hommes. La traduction latine de Janus Cornarius {b} a été corrigée en d’innombrables endroits. Les sentences remarquables ont été méthodiquement réunies en lieux communs. {c} Sur l’initiative et par les soins de Theodor Zwinger]. {d}


  1. V. note [5], lettre 551, pour les Asclépiades, dont Hippocrate était tenu pour le coryphée (meneur).

  2. V. note [35], lettre 406.

  3. Citations.

  4. Bâle, aux frais des évêques, 1579, in‑fo.

    V. notes [34], lettre 297, pour Theodor Zwinger, compilateur et commentateur de cette anthologie hippocratique gréco-latine de 594 pages (sans les index), et [2], lettre 794, pour la traduction du corpus hippocratique en latin par Cornarius (ibid. 1546).


L’Université de Souabe était celle d’Ingolstadt en Souabe bavaroise, fondée en 1472.

2.

V. notes [4], lettre latine 138, pour les tomes vii et xi des œuvres d’Hippocrate et Galien éditées par René Chartier (Paris, 1649), que Johannes Vander Linden attendait toujours, et [10], lettre 568, pour la nouvelle édition des « Questions médico-légales » de Paolo Zacchias (Lyon, 1661).

3.

Methodi medicinales duæ in quibus vera et legitima consiliorum medicinalium instituendorum ratio et indicationum doctrina traditur. Propositæ in celeberrima Academia Patavina, a viris nobiliss. et excellentis. professorib. D.D. Alberto Bottono et Æmilio Campolongo. Nunc primum in lucem editæ opera et studio Lazari Susenbeti Philos. et Med. D. Accessit Bartholomæi Hierovii M.D. methodus chirurgica, et quæstionum medicinalium practicarum decas i.

[Deux Méthodes médicales où sont présentées la véritable et légitime manière de fonder les consultations médicales et la doctrine des indications, que les excellents et très nobles professeurs, MM. Albertus Bottonus et Æmilius Campolongus, {a} ont exposées devant la très célèbre Université de Padoue. Éditées pour la première fois par le travail et les soins de Lazarus Susenbetus, {b} docteur en médecine et en philosophie. On y a ajouté la Méthode chirurgicale et une Décade de questions médicales pratiques de Bartholomæus Hierovius, {c} docteur en médecine]. {d}


  1. Albertino Bottoni (mort en 1596) et Emilio Campolongo (1560-1604) étaient professeurs de médecine à Padoue.

  2. Lazarus Susenbeth (1570-1626), médecin allemand natif d’Eschwege en Hesse.

  3. V. note [8], lettre latine 156.

  4. Francfort, Petrus Fischerus, 1595, in‑8o.

4.

Les Œuvres complètes d’Érasme avaient été publiées en 1540 à Bâle (v. note [4], lettre 331). Le projet de les rééditer à Rotterdam alléchait fort Guy Patin, mais n’a pas abouti. Elles n’ont reparu qu’au début du xviiie s. (Leyde, Van der Aa, 1703-1706, 11 volumes in‑fo).

5.

« pour nous les hommes et pour notre salut, il est enfin descendu aux enfers » (altération du Credo catholique, v. note [4], lettre latine 159).

6.

Dans ses lettres à divers correspondants, Guy Patin a recopié plusieurs vers français et latins sur la mort de Mazarin : distiques ou plus longues épigrammes, v. la fin de la lettre 690 pour un copieux échantillon. Je n’ai pas trouvé l’épigramme latine, qui circulait en Hollande et dont Johannes Antonides Vander Linden avait parlé à Patin.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 102 vo.

Clarissimo viro D. Io. Ant. Vander Linden, Lugd. Batavorum.

Ecce tuæ nuperrimè accipitæ per D. Angot, statim respondo, Vir Cl.
Mentelius et Petitus promissis stabunt pro Aretæo. Ejusd. Petiti
Epistolam ad Te Mitto. Cum magno illo fasciculo quem Tibi destino, spero
Te habiturum Hipp. Zuingeri, quem ideo sum quæsiturus, ut ad Te mittam, nec
adeo rarus est : postea mittes ad Amicum illum tuum qui docet in Acad. Sorava :
quem quoque si volueris, meo nomine salutabis. Theses vestras patienter expectabo,
ut Tu singula qua Tibi paro, quæq. missurus sum quum accepero, nempe Gal.
Charterij, P. Zacchiæ, et alia. Hierovij Methodum
hîc habeo cum alijs
compactam : cujus lemna tale est.

Methodi medicinales duæ, In quib. vera et legitima Consiliorum Medic. etc.
* Atrox illud Epigramma quod apud vos in illum circumfertur, non vidi, neq.
ullum apud hactenus Latinum vidi : Gallica quædam circumferuntur non
admodum bona, sed acerba, ut sunt hominum ingenia satyrica, et procacitate
plena. Revera tantus nebulo longè plura meruit. Si atrox illud Epi-
gramma latinum fuerit, describe quæso, et mitte. Amicos omnes nostros saluto,
præsertim v. optimum Romphium. Quod ad Te scribam, nihil mihi superest
novi. Vale igitur, Vir Cl. et me quod facis, amare perge, qui sum totus

* Currúnt ne Roterdami sub prælo Des. Erasmi opera omnia ? quod hîc
noster Sorberius affirmat. Revera abijt Mazarinus, sed quò nescitur :
obijt enim admodum securus rerum suarum, et alterius vitæ : planè intrepidus,
quasi qui nihil crederet, nihil timeret, nihil speraret : et hæc ipsa est Italorum
religio, præsertim Principum et Magnatum, qui tam bene, tam facilè rem
faciunt de religione quàm docent, et in specie profitentur. Diu conflicta-
tus est cum morbo lento, nec moriturus fuisse videbatur, nisi tandem aulici
medicastri eum summo Galliæ bono necassent, cum suo vino enetico ex stibio
infuso, et granulis ex opio narcoticis, quorum ope ac opera, propter nos homines et
propter nostram salutem tandem descendit ad inferos.

Tuus ex animo Guido Patin.

Parisijs, die 13. Aprilis, 1661.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johannes Antonides Vander Linden, le 13 avril 1661

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(Consulté le 26/04/2024)

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