Note [26] | |
Son homonyme, le cardinal Mazarin, principal ministre du royaume de France, fut immensément plus célèbre que son oncle, le R.P. jésuite Giulio Mazzarini (ou Mazzarino, Palerme 1544-Bologne 1622). Ce premier Giulio avait assuré l’ascension sociale de son frère cadet, Pietro (v. supra note [1]), en le faisant entrer au service des Colonna, et veillé à l’instruction de son neveu chez les jésuites de Rome. Paul Guth (page 10 de son Mazarin) dit que « ce Bossuet de Sicile […] étincela pendant quarante ans dans les plus fameuses chaires d’Italie. Sa voix de prédicateur passa les Alpes. » Trois de ses ouvrages ont en effet été traduits en français :
Partiales, mais méticuleuses et bien documentées, les Annales de la Société des soi-disant jésuites, ou Recueil historique-chronologique de tous les actes, écrits, dénonciations, avis doctrinaux, requêtes, ordonnances, mandements, instructions pastorales, décrets, censures, bulles, brefs, édits, arrêts, sentences, jugements émanés des tribunaux ecclésiastiques et séculiers. Contre la doctrine, l’enseignement, les entreprises et les forfaits des soi-disant jésuites, depuis 1552, époque de leur naissance en France, jusqu’en 1763 de l’abbé Jean-Antoine Gazaignes (Paris, sans nom, 1764, in‑4o de 852 pages, tome premier) procurent les preuves écrites de graves déboires que Giulio Mazzarini connut, dans les années 1570-1580, quand il s’éleva vigoureusement contre le rigoureux gouvernement de la Compagnie. L’argument en est résumé dans le préambule (pages 155‑156) de la Lettre de M. Antoine Jannotti de Montagnan, archevêque d’Urbin, écrite de sa propre main à saint Charles [Borromée], archevêque de Milan, touchant un jésuite scandaleux (datée du 25 août 1584) : « Le règne d’Acquaviva, {a} loin de remédier aux abus, en introduisit de plus grands encore ; le despotisme fut porté à son comble. “ Et voilà, dit Mariana, jésuite, {b} la source de tous nos maux : la monarchie du général est à mon avis ce qui nous perd et nous accable. Ce n’est point parce que c’est une monarchie, mais parce qu’elle n’est pas bien tempérée : c’est une bête féroce qui ravage et qui renverse tout ce qu’elle touche ; singularis ferus depastus est eam. {c} Est-il en effet rien de plus déplorable et plus digne de compassion que d’entendre les plaintes que l’on fait de toutes parts ? Si nous ne mettons cette bête dans les chaînes, nous n’avons point de repos à attendre. ” À la vue de ces désordres, les plus grands hommes de ce siècle prédirent tous l’entière décadence de la Société. L’archevêque d’Urbin {d} le disait hautement, malgré l’affection particulière qu’il avait pour les jésuites. Il voyait, au grand scandale de la religion, le même Jules Mazzarin, jésuite, qui avait été ignominieusement chassé du diocèse de Milan, semer en 1584 (quatre ans après l’élection du général Acquaviva) le trouble et la division dans son diocèse, se liguer avec quiconque avait reçu quelque mortification de son tribunal, s’ingérer dans toutes les fonctions du ministère sans son approbation, porter son insolence même jusqu’à le menacer et lui dire, avec toute la hauteur d’un jésuite, qu’il avait fait la barbe à bien d’autres, {e} et qu’il pourrait bien lui apprendre à vivre. Quel monstre que ce prétendu religieux ! et ses excès pouvaient-ils demeurer impunis ailleurs que dans la Société des jésuites, où les charges sont très souvent le prix des plus grands crimes ? Ce qui fait dire à Mariana, jésuite, qu’il n’y a aucune société de voleurs qui puisse subsister sans justice et sans équité, et qu’on ne trouve point cette justice dans la Société de Jésus, puisqu’on n’y observe pas même la loi naturelle. L’archevêque d’Urbin gémissait sur les désordres du P. Mazzarin ; {f} et ne sachant quels moyens prendre pour les arrêter, il écrivit à saint Charles {g} et le supplia de lui marquer ce qu’il devait faire, voyant de pareils excès, et devant en attendre de plus fâcheux encore. » {h} Dans son Mascurat (Jugement de tout ce qui a été imprimé contre le cardinal Mazarin, Paris, 1650, v. note [127], lettre 166), Gabriel Naudé a été bien plus disert sur le compte du P. Mazarini et de sa famille (pages 49‑51) : « Puisque tous ces moines et chevaliers n’attaquent la noblesse des Mazarins que par des ouï-dire, pourquoi ne me sera-t-il pas permis {a} de les défendre avec de pareilles armes, vu que, suivant la règle du droit, Nihil est tam naturale, quam eo genere quidque dissolvere, quo colligatum est ? {b} Et cela étant, je t’assure qu’ils n’auront point d’avantage sur moi, voire même que j’en aurai plutôt sur eux, à cause des faussetés, sottises et contrariétés dont leurs libelles sont tout farcis, dum habent animum, comme disait Plaute, falsiloquum, falsificum, falsijurium. {c} J’ai donc pris information, depuis quinze jours seulement, de tout ce que le sieur Bernardin, qui est le plus ancien serviteur italien que le cardinal ait en sa maison, pouvait savoir de la famille de son maître. Et après avoir conféré ce qu’il m’en a dit avec ce que je me suis pu souvenir d’en avoir appris à Rome, ou trouvé dans mes livres, on peut dire assez probablement que le grand-père du dit cardinal avait trois fils, dont les deux plus âgés prirent l’habit de religion, l’un en celle des jésuites, savoir le P. Jules Mazzarin, et l’autre sous la règle des capucins ; et que pour le troisième, {d} il l’amena à Rome lorsqu’il n’était encore âgé que de sept ou huit ans. […] Il est bien vrai que, pour ce qui est du jésuite, j’ai quelques circonstances assez probables pour croire qu’il n’était que frère naturel du sieur Pietro ; je sais aussi assurément que ce fut la seule cause qui empêcha Clément viii {e} de le nommer au cardinalat, comme il avait eu dessein de faire, pour modérer un peu la trop grande autorité d’un des principaux supérieurs de cette Compagnie. Or, comme il était le plus âgé des trois, aussi a-t-il été appelé le premier à jouir de la récompense que Dieu a préparée aux peines et aux travaux des gens de bien, car, après avoir prêché quinze ans à Bologne, avec plus d’applaudissement que personne n’avait jamais fait auparavant lui, demum in eadem urbe, repentina ictus apoplexia, quatriduo extinctus est, die 22. Decembris, anno salutis m. dc. xxii. ætatis lxxviii. Religionis lx. {f} Au reste, le cardinal doit à ce bon père que le nom des Mazzarin n’était point inconnu en France lorsqu’il y vint, en 1628, offrir son service au roi et au cardinal de Richelieu, car il y avait déjà plus de vingt ans que l’on y lisait neuf ou dix gros volumes in‑4o de ses ses prédications italiennes, tant sur le Sermon de Notre Seigneur in monte, {g} que sur le Colosse babylonien, et sur le Miserere et Gloria Patri, faites par ledit Jules Mazzarin, lequel avait des talents si avantageux pour la chaire que ceux qui n’ont pu entendre ses sermons ont été bien aises de les lire, et même de les faire traduire en français par deux différents interprètes, comme aussi en latin ; esquelles {h} deux langues ils ont déjà été imprimés tant de fois et en si diverses façons qu’ils sont maintenant communs à tout le monde. Itaque, comme ajoute Alegambe, in præcipuis ac celeberrimis Italiæ civitatibus, totos xl. annos de loco superiore verba faciens, magno auditorum concursu et plausu, immortalem sibi gloriam, et Societati decus comparavit. {i} Le même père enseigna aussi la théologie à Paris, Philosophiam Panormi, Parisiis Theologiam docuit, {j} et gouverna plusieurs collèges et maisons de son Ordre, Collegia Genuense et Ferrariense Rector, domum Panormitanam Præpositus administravit. {k} À quoi je puis encore ajouter, pour l’avoir appris à Rome de certains jésuites mes amis, qui le pouvaient bien savoir, qu’il avait fait plusieurs voyages et traité fort heureusement beaucoup d’affaires importantes avec les ducs de Parme, de Modène et d’Urbin ; et qu’il était tellement estimé et considéré à Rome qu’il ne se passait guère de jour sans qu’il reçût la visite de deux ou trois cardinaux, soit qu’ils lui désirassent parler ensemble, ou séparément. » {l} Additions et corrections du P. de Vitry « Naudé assure dans le Mascurat {a} que le P. Jules Mazarin eût été fait cardinal par Urbain viii sans ce défaut de naissance. {b} Il mourut d’apoplexie à Bologne le 22 décembre 1622, âgé de 77 ans, selon Naudé, ou de 78 ans, selon Alegambe. » {c} |
Imprimer cette note |
Citer cette note
x
Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
Autres écrits : Ana de Guy Patin : Naudæana 4, note 26. Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8195&cln=26 (Consulté le 05/12/2024) |