Texte
Jean ii Riolan
Responsiones duæ (1655),
Responsio ad Pecquetianos
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Réfutation du Panégyrique apologétique
en faveur de Pecquet, écrit par deux médecins
de Paris,
contre Jean Riolan,
plus ancien maître de la Faculté de Paris, qu’ils ont diffamé. [1][1]

Sicut fortis equus spatio qui sæpe supremo
Vicit Olympia, nunc senio confectus quiescit
[2][2]

Riolan, en l’âge avancé qu’il a atteint par la grâce de Dieu, devrait maintenant prendre du repos et jouir d’une honnête oisiveté, en récompense de tant de travaux qu’il a endurés

Nullius addictus iurare in verba Magistri[3][3]

Il se soumet néanmoins volontiers au conseil d’Aristote, qui écrit au chapitre xi, livre iii des Politiques : « Le médecin doit rendre compte de sa charge aux autres. » [4][4] Deux docteurs en médecine de Paris, sectateurs et partisans de Pecquet (ainsi se proclament-ils en effet dans le titre et à la fin de ce livre diffamatoire) m’ont lancé ce défi. [5][6][7] J’ai donc décidé que mon rôle était de préserver ma réputation saine et sauve, et de repousser les insultes et calomnies qu’ils ont hardiment et malicieusement répandues contre moi. [Page 52 | LAT | IMG]

« Qui ne protège pas sa bonne réputation commet la même faute que celui qui abandonnerait sa patrie et ses parents. Chacun est tenu de défendre son propre renom », dit la sainte Écriture. Les jurisconsultes tiennent pour cruel « celui qui néglige sa renommée ». [5][8] Ceux qui rédigent des libelles diffamatoires sous un nom inventé ou sous celui d’un autre le font soit par honte d’écrire des faussetés ou des insolences, soit par crainte de l’infamie et des représailles ; tandis que celui qui écrit et expose la vérité ne craint rien, il donne le témoignage de sa sincérité et de sa bonne conscience.

————— hic murus aheneus esto,
Nil conscire sibi, nullâ pallescere culpâ
[6]

Et il proclamera hardiment :

Me me adsum qui feci, in me conuertite ferrum[7][9]

Les empereurs ont désapprouvé ce genre d’écrits et ont condamné leurs auteurs à de très lourdes peines, tant dans l’Antiquité que de nos jours, comme a fait Charles Quint. [10] Ulpien a déclaré que l’auteur ou le divulgateur d’un libelle diffamatoire ne peut témoigner en justice, [11] et Horace avait remarqué avant lui que :

Pœnáque lata fuit, quæ nollet carmine quemquam
Describi
.

L’empereur Auguste[12] selon Dion Cassius, [13] livre lvi, « instruit que des libelles diffamatoires avaient été composés contre quelques citoyens, les fit rechercher et fit brûler par les édiles ceux qui furent trouvés dans Rome, et par les magistrats de chaque endroit ceux qu’on trouva au dehors ; il punit même quelques-uns de leurs auteurs ». [8]

« Hyginus Thalassius écrit à Iatrophilus Pecquetianus » : ce sont deux médecins de Paris qui défendent et approuvent le livre sur les Veines lactées ; ils ne veulent pas faire connaître leur nom, pensant que sous [Page 53 | LAT | IMG] le masque d’un autre, ils ont sagement cousu une peau de lion sur leur peau de renard pour mordre et déchirer Riolan, comme fait le lion, et exécutent furtivement ce méfait comme fait le renard,

Astutam vapido seruant sub pectore Vulpem[9][14]

Ils disent Riolan ténébreux, décrépit, un cadavre ambulant qui a un pied dans la tombe, et croient qu’il reste silencieux parce que son intelligence va s’émoussant et chancelle ; qu’ils sachent pourtant bien que s’ils ont une épée à la maison, je ne manquerai pas d’une longue javeline, [10]

————nam charta parata est,
et calamus, nec scribenti [grata] otia desunt
 ; [11][15]

et si vous me lancez que vous avez bien des épées, je vous répondrai, comme fit Castricius de Plaisance dans Valère Maxime, et ego annos ! [12][16] Ni mes années de sagesse ni l’infirmité de mon corps ne mettront un frein aux forces de mon esprit, qui sont encore robustes, « car lorsque je faiblis, je deviens plus fort, dit saint Paul, ma puissance se déploie dans la faiblesse », [17] Nec recusabo, quamuis spectatus satis, et iam rude donatus, iterum me antiquo includere ludo[13]

Deux docteurs de Paris conspirent contre Riolan, mais le plus jeune, en tant que plus impudent, s’est chargé d’écrire et d’injurier, assisté du travail de l’autre. Étant plus jeune et à l’instar d’une souris, la trace qu’il laisse le perd : [14][18] « Moi, dit-il, qui ne suis qu’un pauvre petit homme de piètre instruction et inconnu des savants, face au plus célèbre des anatomistes, “ j’ai résisté parce qu’il s’était mis en tort. ” » [15][19][20] Vous écrivez le vrai, car si non aliquâ nocuisses, mortuus esses comme David, vous croyez avoir accompli un haut fait pour y avoir vu plus clair qu’un vieillard, et pour vous gagner quelque renom, vous vous êtes insolemment lancé aux trousses de Riolan.

Nouimus, et qui me transuersa tuentibus hirquis
Respiciat
[16][21]

[Page 54 | LAT | IMG] Vous pourriez bien vous vanter à la manière des Italiens en disant gli ho fatto la fica sotto il Mantello car vous vous êtes adjoint Mentel pour alimenter vos fourberies et vos tromperies, pour parler comme Plaute : [22] sic Dares Entellum prouocat, Troïlus Achillem[17][23][24] Les invectives qu’on dédaigne se fanent pourtant, mais vous semblez les reconnaître en vous en irritant : je me serais donc abstenu de répondre ici à un si niais et puéril règlement de compte si ne devaient être balayées les charretées d’injures qu’ont lancées contre moi et dont m’ont éclaboussé deux médecins pecquétiens, hélas docteurs de Paris !

Serpentum maior concordia, quo nemore vnquam
Expirauit aper maioris dentibus apri,
Indica trigris agit rabida cul tigride pacem
Perpetuam, sæuis iter se conuenit vrsis
[18][25]

Deux anatomistes de ladite Faculté insultent pourtant impudemment Riolan, leur plus ancien maître[26] qui leur est bien supérieur en âge et en savoir, et entreprennent un panégyrique apologique en faveur de Pecquet.

Ainsi la jalousie règne-t-elle parmi les médecins, car elle n’est nulle part plus vive que parmi les oisifs de notre Compagnie ; comme l’Espagnol Andreas Lacuna, élève de Tagault, l’avait remarqué dans la Méthode anatomique qu’il a publiée à Paris en 1535, où il dit que parmi les médecins tanta dominatur inuidia, tantus liuor, tantaque libido, quod maximè dolendum est, quanta non fuerit inter sutores, aut alterius magis seruilis artis artifices[19][27][28] C’est ce que Démocrite [29] avait prêché à Hippocrate, comme il en a lui-même témoigné dans sa lettre à Damagète, où il lui dit : [30] Valde timeo, neque Medicinam [Page 55 | LAT | IMG] nam tuam ipsis placere. Nam præ intemperantia omnia ipsis displicent, et insaniam sapientiam putant. Profecto suspicor pleraque in scientia tua palam contumelia affici, aut propter inuidiam, aut propter ingratitudinem. Ægrotantes enim simul vt seruantur, causam Diis aut Fortunæ attribuunt. Plerique verò suæ naturæ hoc adscribentes, benefactorem odio habent, et parum abest, vt indignè ferant, vt se debitores esse putentur, vt et plerique artis ignorantiam in se habentes, et imperiti existentes, id quod melius purgant, inter stupidos enim fiunt suffragia, et neque ægroti attestari volunt, neque eiusdem artus artifices testimonium præbere, inuidia enim obstat[20]

Dans sa septième Différence, Petrus Aponensis, docteur en médecine de Paris natif de Padoue, attribue des raisons astrologiques et morales au fait que certains médecins ont l’habitude de médire, et voici ses mots : Est autem sciendum quod Medici meritò vt plurimum malorum extant morum, quia ex vili stipite et sterili originem contraxerunt, intumescentes demum, et contumeliosi facti, cùm fuerint aliqualiter incrassati, tum etiam quia Medicinæ scientia, et simpliciter curatiua, maximè Scorpioni attributa est et Marti, quorum proprietates in malum tendentes iam sunt tactæ[21][31]

Page 182. « Riolan a dégainé le glaive de sa plume contre ceux qui ont salué la découverte de Pecquet, et il n’aurait pu les attaquer avec plus de colère et d’hostilité s’il s’était agi d’ignobles charlatans, d’assassins et de pendards qui attentent très insidieusement à la fortune et à la vie des citoyens » : de quelle folie furieuse êtes-vous donc agité pour mentir si effrontément dès l’introduction de votre livre ? Là-dessus, vous êtes incapable de désigner un passage ou une [Page 56 | LAT | IMG] page, comme vous l’avez fait ailleurs. Qui, sans se laisser abuser, jugerait après cela que votre si calomnieux écrit est de bonne foi ? Je reconnais avoir dit à la page 154 de ma première Responsio que l’expérience pecquétienne, si elle est à tenir pour authentique, montrera que, selon sa médecine fictive et obscure, tous les médecins de Paris sont autant d’imposteurs et de meurtriers. Cette théorie qui place la sanguification dans le cœur [32] est plus effrontée que les livres de Van Helmont[33] lequel dit que jusqu’à ce jour tous les médecins ont tué les hommes avec leur médecine hippocratique et galénique[34][35] mais que Dieu lui a révélé une médecine nouvelle pour qu’il la divulgue dans le monde entier. [22]

Dans ma première Responsio à Pecquet, j’ai clairement admis l’existence d’un ou deux canaux thoraciques, [36] en disant que ma seule plainte touchait à la nouvelle fonction du cœur dans la sanguification, qui laisserait le foie sans ouvrage, et j’ai prouvé que cela était faux et impossible. [37] Les disciples de Pecquet, bien qu’ils aient confirmé ce paradoxe, débattent contre Riolan sur l’existence des lactifères thoraciques, comme s’il y avait là matière à le contredire et à médire de lui ; mais ils n’ont pas osé reprendre le dernier jugement qu’il a émis, ni même le mordre ou l’atteindre de leur langue virulente. Riolan a ouvertement exposé le fondement de la controverse dans sa première Responsio aux Experimenta de Pecquet, page 144 : [38] « J’avoue certes que ce jeune homme, qui ne manque pas de science, a découvert ces deux tubes lactifères qui montent dans le thorax, mais qu’il ignore entièrement à quoi ils servent, et qu’il a maladroitement dépouillé le foie de la fabrication du sang pour l’attribuer à tort au cœur. [39] Dans le présent traité, je contesterai son point de vue sur la fonction de ces veines lactées, et non leur réalité [Page 57 | LAT | IMG] et leur existence. Je loue néanmoins son discernement anatomique et le soin avec lequel il a mené sa recherche sur les lactifères ; mais s’il avait expliqué le comment et non le pourquoi il aurait été digne de plus grande admiration.

De la même façon qu’on appelle wirsungien le canal du pancréas, [40] je donnerai donc légitimement le nom de pecquétiens à ces canaux lactés afin qu’il ne pense pas que je lui fasse injure, ni que je veuille obscurcir sa découverte ou me l’arroger. Je désapprouve seulement la fonction qu’il a attribuée à ces veines lactées et son insolence à l’encontre des anatomistes qui l’ont précédé, en dénonçant leur ignorance, dans son épître dédicatoire. » [23][41] Tel est le fondement de notre controverse, et le très impartial lecteur jugera si les deux docteurs de Paris, disciples pecquétiens, ont bien débattu.

Nul ne peut agir plus modérément que moi envers Pecquet : j’admets ses canaux thoraciques, mais réfute leur fonction ; je vante son savoir, mais blâme l’insolence de son épître dédicatoire. J’ai donné le nom de pecquétiens aux lactifères qu’il a mis au jour, quand j’aurais pu les appeler horniens[42] en référence à van Horne[43] professeur d’anatomie à Leyde, [44] qui a été le premier à les y trouver. [24] J’ai loué deux ou trois fois Pecquet dans mon Jugement nouveau sur les Veines lactées[45] mais n’avoir pas souscrit à celui de deux docteurs parisiens m’a mérité leur indignation. Aussitôt après la parution du livre de Pecquet, alors que je visitais une malade en compagnie du jeune docteur pecquétien, je me rappelle lui avoir parlé de ce paradoxe en disant que leur opinion ne plairait pas à tous les savants. « Je suis disposé à y renoncer et à me rétracter », me répondit-il alors ; mais son collègue l’en a dissuadé et il a persisté dans sa pernicieuse [Page 58 | LAT | IMG] erreur, en lui procurant des armes pour leur défense conjointe. Tous deux ont encouragé Pecquet et uni leurs efforts pour tordre le cou de Riolan, qui pourtant, par la singulière bienveillance de Dieu, vit et se porte bien, méditant et rédigeant tous les jours quelque chose pour favoriser l’essor de la république médicale.

Ils vitupèrent surtout contre Riolan pour ce qui l’a rendu digne de louange, quand ils nomment un à un tous les anatomistes, morts comme vivants, contre qui il a écrit des remarques, « pour piéger l’honneur de la science par des médisances qui lui sont étrangères. Pour un homme qui est toute la journée en butte aux disputes et ne peut faire régner le calme dans sa famille, [46] il est pourtant difficile de surmonter sa nature et bien tard pour devenir affable. Riolan, comme s’il était né pour le pentathle, a en effet la coutume invétérée de tous les défier au combat et pourchasser avec ardeur. » Me voilà dépeint comme un fou furieux, cui occursare in via periculosum, Cornu ferit ille, caueto ! [25] Telle est la modération qu’il montre à mon égard. Qui lira la préface de mon Anthropographie, et ses pages 435 et 686, [47] et la préface de mon Manuel anatomique[48] verra à quel pont je suis éloigné de l’ostentation et de la jactance qu’ils me reprochent malicieusement. [26]

Ils citent André Du Laurens [49] en tête de la liste des auteurs que Riolan a critiqués : avant lui, pourtant, quel anatomiste ou quel médecin a protégé la réputation et l’érudition de Du Laurens contre ceux, ou plutôt contre les Zoïles qui ont injustement raillé ses œuvres anatomiques ? [50] Je veux parler de ceux qui l’accusent d’avoir plagié en recopiant la Physiologie de Mercatus. [51] J’ai dénoncé cette imposture en me fondant sur ce que m’en a dit M. Paz, [Page 59 | LAT | IMG] très éminent docteur espagnol, premier médecin des princes d’Espagne qui gouvernent les Pays-Bas : [52] Du Laurens peut donc légitimement se justifier de Mercatus[27]

Una est in nostris tua, mi Mercate, libellis
Pagina, sed certâ Domini signata figurâ,
Quæ tua traducit manifesto carmina furto,
Sic interpositus vitro contaminat vncto.
Iudice non opus est nostris, nec vindice libris,
Stat contrà, dicitque tibi pagina
fur es[28][53]

Qui, avant moi, a dénoncé les impostures de Colladon, médecin de Montpellier[54] et de Peter Lauremberg, professeur de Rostock[55] dirigées contre l’Anatomie de Du Laurens ? J’ai copieusement exposé cela à la page 32 de mon Anthropographie et dans la préface de mes Animadversions sur l’Anatomie de Du Laurens, où j’explique ma manière de faire. [29] Puisque j’y suis maintenant invité et incité, je répète ce que j’ai écrit en toute modestie et avec toute la révérence due aux mânes et à la mémoire du très éminent et savant auteur de ce livre : « Je ne suis pas jaloux de cette fort savante Anatomie d’André Du Laurens, mais l’admire profondément ; élégamment rédigée, c’est le divin témoignage de son savoir. » Voilà exactement ce que j’ai proclamé à la page 31, dont j’ai corrigé la toute dernière édition, afin que vous n’alliez pas penser qu’il s’agit d’une méprise due à l’incurie de l’imprimeur. [30]

Quant à Bauhin, j’ai usé de la même humilité à son égard, aux pages 33 et 686 : « Sans aller jusqu’à la jalousie et au dénigrement de la réputation d’autrui, j’avertirai pourtant le lecteur que l’ultime révision du Theatrum Anatomicum a été faite sur le modèle de mon Anthropographie [Page 60 | LAT | IMG] parue en 1618, mais sans me nommer, comme le remarquera quiconque voudra comparer mon Anthropographie à cette seconde édition du Theatrum Anatomicum. Ma plainte ne porte que sur les découvertes qui m’ont demandé beaucoup de travail et j’accuse Bauhin de péculat pour les propos qu’il a repris sans nommer leur auteur, que certains voire quelques-uns connaissent : sache donc, ami lecteur, que Riolan est auteur de ce qui te déplaira dans le Theatrum Anatomicum. Je loue néanmoins le soin et l’immense labeur que Bauhin a déployés dans la rédaction de son livre, comme il a fait dans son Phytopinax, ouvrage extrêmement travaillé et utile, mais je réclame plus d’adresse et un jugement plus soigneux quand il s’agit d’approuver ou désapprouver les anatomistes. » « Parce qu’ils me croient enflé et poussé par l’amour de moi-même et par l’arrogance, je prévois qu’il ne manquera pas de gens pour dire que j’ai mis au jour ces animadversions afin de sembler plus malin que les autres anatomistes ; et qu’après les avoir mis au pilori et vaincus, je triompherais, tel un dictateur, d’avoir mis la main sur l’anatomie, et exercerais une ingénieuse tyrannie sur cette profession. Pour me mettre à l’abri de leur jalousie, j’aurais pu mettre au jour mes animadversions en changeant le nom de Riolan et prenant celui d’un autre. Beaucoup les auraient alors pourtant méprisées comme publiées par un téméraire ignorant. D’autres, ayant suspecté que j’en serais l’auteur ou tenant cela pour assuré, blâmeraient mon inconstance, mon agitation ou mon ignorance, pour n’avoir pas osé m’exposer au grand jour, et faire connaître mon [Page 61 | LAT | IMG] véritable nom en me cachant ainsi comme Apelle derrière son tableau, [56] bien exposé aux jugements d’autrui dans ce combat où celui qui lance le défi doit être identifié. Confiant dans mon expérience et dans la solidité de ma recherche anatomique, je proclame donc être l’auteur de ces animadversions. » [31][57] Je les puis dire extemporanées, car je les ai écrites sur-le-champ, dans l’ardeur de mes travaux anatomiques, en 1627, tandis que je relisais Du Laurens et Bauhin, M. Gilbert Puilon, alors bachelier de la Faculté, mais aujourd’hui mon collègue, [58] écrivant ce que je lui dictais. Quatre autres anatomistes n’étaient pas encore connus pour leurs écrits, mais les ayant examinés je les avais rapidement annotés, puis ai envoyé le tout à l’imprimeur. [32] Je n’ai pas entrepris cela pour faire insulte à des auteurs morts ou vivants, ni pour recommander et faire valoir mes propres écrits en dédaignant et méprisant les leurs, car l’arrogante, sotte et fâcheuse manie d’écrire et la pernicieuse démangeaison de blâmer ne m’avaient pas encore culbuté et ruiné l’esprit : non, je l’ai fait pour rendre plus vigilants ceux qui lisent des ouvrages d’anatomie, et pour qu’ils appliquent autant de soin et de prudence quand ils consultent les miens. J’ai pourtant agi avec modestie et amitié à l’égard de ces auteurs, et j’attends la même grâce de ceux qui sont encore en vie, en souhaitant qu’ils jouissent de l’aura ætherea[33] Je désire donc que ces animadversions ne soient pas tenues pour des jugements critiques, mais pour des annotations ou interprétations des passages difficiles et fort obscurs, ou pour des compléments de ce qui fait défaut, afin que les philiatres comprennent plus aisément et correctement ces ouvrages anatomiques, et soient incités à approfondir leurs recherches. Je les appellerai donc volontiers chrestomathies, comme le très distingué [Page 62 | LAT | IMG] Isaac Casaubon [59] a fait pour ses annotations sur Laërce[60] à la façon des anciens auteurs qui, en lisant, colligeaient ce dont ils doutaient par un obèle, selon Galien dans son commentaire ii sur le Livre d’Hippocrate de la Nature de l’homme, page 100, ligne 9 ; et je vous souhaite pareille bonne fortune, qui siérait à votre dignité. [34][61] Je produirai patiemment de telles observations sur les matières anatomiques après cette présente édition, que je pense avoir mise au jour dans une forme plus correcte que les précédentes.

J’ai exposé les motifs de mes Animadversions sur Spiegel [62] à la page 34 de mon Anthropographie : « Spiegel, à la manière de Fabrice et Casseri[63][64] n’a coutume de louer ni nommer personne, pour que ses lecteurs croient que tout ce qu’il dit émane de son génie et de ses réflexions, mais quiconque est versé dans la lecture des anatomistes modernes remarquera aisément que Spiegel a emprunté à d’autres auteurs sans leur rendre le profit et l’honneur qu’ils méritaient : ainsi, pour ne pas tarder à en donner un exemple, dans sa description des muscles, a-t-il repris sans me nommer mes avis et les noms que je leur ai donnés, et les a proposés comme émanant de lui. Il est difficile de décrire et d’observer des choses qui ne l’ont pas déjà été, mais je ne puis approuver la manière de ceux qui ambitionnent de décrire toute l’anatomie comme s’ils l’avaient eux-mêmes inventée : sans louer les éminents anatomistes qui ont vraiment découvert quelque chose, ni examiner ceux qui ont soumis des observations ou des opinions contraires, ni désigner vraiment ceux qui semblent avoir mieux vu ou expliqué les choses que les anciens ou les modernes. » [35][65]

Dans son Syntagma Anatomicum, Vesling dit que Spiegel a prescrit par testament que vingt-quatre leçons d’anatomie, qu’il avait préparées pour l’impression, ne voient le jour qu’après sa mort. [Page 63 | LAT | IMG] Bucretius, ami et élève de Spiegel, les a tirées des coffrets de l’auteur et s’est chargé, par ses propres moyens, de compléter ce qu’il y manquait, en ajoutant les planches anatomiques de Giulio Casseri[36] Les erreurs n’y doivent pas être imputées à Spiegel, mais à son disciple, qui n’était pas aussi adroit et savant anatomiste que lui. Je ne veux donc ni lutter contre des fantômes, ni me disputer avec des morts, ni tourmenter leurs mânes, ni les faire sortir de leurs sépulcres. Je prie même Dieu pour que leurs os reposent en paix, et fleurirais volontiers leurs tombeaux pour honorer les beaux travaux qu’ils ont accomplis, comme j’ai dit à la page 735 de mon Anthropographie[37]

Pour mes animadversions contre Caspar Bartholin, le père, [66] page 687, j’ai été contraint d’insérer mon jugement quand j’eus observé, dans ses Institutions anatomiques, « certaines observations identiques aux miennes, bien qu’exposées avec des mots différents : nul ne devait en effet penser que, sans m’avoir nommé ni salué, Bartholin m’avait dérobé ces passages ; je le reconnais comme un savant philosophe et médecin, qui a bien mérité de notre profession, même s’il l’a désertée pour se consacrer à la théologie. Qu’il sache donc que mon premier livre d’anatomie a paru en 1607, puis qu’en 1609, j’ai revu et augmenté mes propres travaux et les ai joints à la réédition des livres de mon père, [67] mais que les Institutions anatomiques de Bartholin n’ont été publiées qu’en 1611 ». [38]

« Je ne critique pas le pieux dévouement de son fils Thomas qui, comme son héritier et successeur des biens paternels dans sa profession, a voulu amplifier le patrimoine qu’il lui a laissé, [Page 64 | LAT | IMG] en labourant son champ dans l’intention de l’embellir. [68] J’aurais pourtant désiré que Wale[69] qui figure dans la préface de la nouvelle édition du livre, et dont le soutien lui a procuré éclat et nouvelle lumière, eût averti le fils des erreurs de son père, sans qu’il en ajoutât de nouvelles aux anciennes, que je lui montrerai amicalement. » [39] « Le fils a inséré ce supplément à l’Anatomie de son père, non pour pouvoir corriger, en ajoutant ou retranchant, sa méconnaissance du vrai et du faux, mais pour faire voir, comme il l’a prouvé depuis longtemps, qu’il est incorrigible. Est donc présumé innocent celui qui n’a pas encore été mis en accusation. Mon intention n’est pas de blâmer, tel un sévère Aristarque [70] et un mordant Zoïle, l’ignorance de Bartholin père en anatomie, ni de déchirer le renom qu’il s’est acquis ; mais seulement pour excuser ses égarements anatomiques que j’ai détectés, mais que les autres n’ont pas vus et qui n’ont donc pas été corrigés, de manière que son fils comprenne qu’il a imprudemment réprimandé le très savant M. Primerose[71] pour avoir écrit que son maître Riolan a apporté à l’anatomie le dernier complément qui lui manquait. » [40]

Thomas Bartholin, dans la troisième édition de son Anatomia reformata, n’a pas dédaigné de corriger des erreurs que Riolan y avait relevées ; mais pour l’en récompenser, il a alimenté les élèves de son Collège anatomique en injures dirigées contre lui et l’a blâmé sans le moindre égard pour la vérité.

J’ai loué Caspar Hofmann [72] à la page 34 de mon Anthropographie ; [41] mais j’ai remarqué qu’il avait inséré une Anatomie dans ses Institutions et qu’il l’a écrite avec tant de faste et d’arrogance qu’il croit avoir emporté la palme sur tous les anatomistes et « qu’il n’a pas [Page 65 | LAT | IMG] ménagé Fernel[73] que toutes les écoles vénèrent, et reconnaissent pour le second après Galien. Je fais en sorte, dit-il, d’inciter au dégoût quand on y mentionne ce grand homme, sans qu’il mérite du tout de l’être ». Chacun peut lire le reste de ses insultes et ce que j’ai entrepris pour la défense de Fernel, à la page 789. Il appelle mon père le singe de Fernel et dédaigne ses Institutions médicales :

« Ipse sapit solus, reliqui velut umbra vagantur[74]

Il reproche à ses précepteurs d’avoir négligé la doctrine anatomique, et ainsi rédigé des institutions médicales incomplètes et imparfaites. Lui-même aurait proposé une anatomie plus exacte que ses prédécesseurs, mais elle est si fautive et absurde qu’il devrait avoir honte de ce qu’il a écrit après avoir vu mes animadversions. Je me serais volontiers abstenu de les rédiger s’il n’avait pas fallu rabattre l’autorité dont il se targue en anatomie, afin qu’il n’abuse pas les médecins avec les erreurs qui l’ont lui-même abusé. Je laisse à d’autres le soin d’attaquer le reste de sa médecine et d’en ôter les fautes qui mettent en danger la vie humaine. Il ne doit pas, comme il en a l’habitude, se moquer de celui qui le met en garde, ni huer mes animadversions en les couvrant de sarcasme parce qu’elles sortent de l’officine d’un vieux professeur d’anatomie que l’exercice du métier a épuisé, ainsi qu’Hofmann s’en arroge le droit (comme il faut bien le remarquer) : “ Qui ne veut pas consacrer son temps et sa peine à l’anatomie ne peut se permettre de porter un jugement sur de si grands auteurs, s’il veut être pris au sérieux. Là où est l’erreur est le mal, et l’anatomie ne mérite pas même son nom si elle apporte quelque chose de faux, et qui nous égare dans la pratique ” (Hofmann à la page 69 de ses Institutions). » [42] Prenez donc bonne note de ce passage, vous qui défendez et suivez Pecquet !

« Johann Vesling est le dernier à avoir bien écrit sur l’anatomie, et ce dans un style élégant. Il remarque avoir puisé à la source commune, mais y avoir puisé dans sa propre coupe, c’est-à-dire qu’il a composé son Anatomie sur la dissection et l’observation du corps humain [Page 66 | LAT | IMG] qu’il a lui-même menées pendant quinze ans pour le profit de ses élèves, et qu’il y a joint des figures pour la distraction des esprits. Son livre atteste qu’il a non seulement médité sur l’anatomie, mais qu’il l’a exercée de ses propres mains, tout comme en témoigne la chaire anatomique qu’il a occupée en la très célèbre Université de Padoue [75] pendant quinze années avec insigne renom. J’avoue, reconnais et proclame librement que, parmi les anatomistes que j’ai examinés, je n’en ai lu aucun qui ait été plus savant et habile que le très brillant Vesling. Je suis fort heureux d’avoir été de même avis que lui sur bien des sujets ; et surtout sur les muscles, dont j’ai été le premier à avoir décrit les origines et insertions, en les recensant et en leur proposant des noms, mieux que les anatomistes qui m’ont précédé et en tirant cela du livre de la nature. Il a comme moi puisé à la source commune, mais de sa propre coupe. Nous ne sommes donc en désaccord sur presque rien, et s’il n’était venu après moi, je croirais que son génie m’a inspiré et que j’ai écrit la même chose que lui en utilisant d’autres mots que les siens. Puissante est la vérité chez les bons anatomistes, et ce sont plutôt des annotations que des animadversions que je vais écrire, et j’attendrai qu’il me gratifie pareillement de remarques amicales s’il s’est senti blessé. » [43]

Pour Parisano[76] « je me serais volontiers abstenu de lui faire cette réponse, en le laissant paisiblement jouir de son contentement de lui-même, s’il ne m’avait provoqué au combat sur le diaphragme, parce qu’il me défie en duel singulier, sans cacher mon nom ni le sien, et qu’il s’attribue le [Page 67 | LAT | IMG] triomphe sans avoir remporté la victoire, mais en se glorifiant d’avoir gagné sur tous les anatomistes, et principalement sur Riolan qu’il a mis à terre ». Qui voudra en savoir plus sur l’impudence et l’insolence de cet homme lira la réponse de Riolan à son essai sur le diaphragme, [44] et trouvera à la page 553 les jugements de Primerose, Conring [77] et Sinibaldus [78] sur les écrits de Parisano[45] Hofmann lui-même, dans l’épître dédicatoire qu’il a adressée à Guy Patin, docteur de Paris, [79] déplore l’ignorance de Parisano et des basses flatteries de celui qui a écrit des vers au début de son livre, dont il se plaint en ces termes : « Celui dont les poèmes ont recommandé le livre de Parisano a en vérité mérité autant de gifles qu’il a écrit de vers. » [46]

Que nos deux docteurs pecquétiens de Paris voient donc comment Riolan s’est attaqué à Du Laurens, Bauhin, Spiegel, Bartholin et Hofmann, et si Parisano n’a pas mérité d’être fustigé.

Riolan s’est pourtant très rudement battu contre Harvey[80] Wale, Plempius, [81] Leichner, [82] Cornelius Van Hoghelande, [83] Regius, [84] Liceti[85] Ils les ont tous nommés, comme pour inciter quelque adversaire à entrer en lice,

—————non est præstantior alter
Ære ciere viros, Martémque accendere cantu

     tubæ chartaceæ. [47]

Riolan, quand il a écrit sur la circulation du sang, a nommé tous ces auteurs, et quand il y a trouvé de quoi les reprendre, il l’a exposé en peu de mots, à la manière d’Aristote, qui n’a jamais prononcé de jugement sans avoir d’abord recensé et réfuté [Page 68 | LAT | IMG] les opinions de ceux contre qui il débattait, tels qu’ont été Parménide, [86] Zénon, [87] Démocrite, Platon, [88] Empédocle, [89] Anaxagore, [90] Léophanès, [91] Alcméon de Crotone, [92] le médecin Syennesis de Chypre, [93] Diogène d’Apollonia, [94] Polybe. [48] Plus tard, dans son livre sur la Respiration[95] il a écrit que les anciens auteurs avaient proféré bien des jugements faux, contraires à l’expérience et à la vérité des faits, en ajoutant : « Pour ne pas sembler accuser injustement des absents, j’examinerai leurs opinions, à savoir celles de Démocrite, Diogène, Anaxagore et Platon. » [49]

Personne n’a parlé plus louablement d’Harvey que Riolan : « Quant à moi, en vérité, je reconnais et proclame franchement et sincèrement que M. Harvey, auteur et inventeur de la circulation du sang, est un très docte Anglais, professeur d’anatomie au Collège des médecins de Londres, à qui le chœur des savants est aujourd’hui profondément redevable et la postérité sera reconnaissante pour cette découverte, parce qu’il a éveillé l’intelligence des médecins et des philosophes à examiner et fouiller la vérité de cette question, et qu’il a ouvert la voie au progrès de la vraie médecine. » Quand j’ai mis en avant les opinions des médecins d’avis contraires au sien, j’ai suivi le conseil d’Artaban, premier ministre du royaume des Perses, [96] qu’on lit dans Xénophon : « Quand on débat sur une question difficile, si des avis contraires au sien n’ont pas été mis en avant, il est impossible de recourir à celui qui est le meilleur car on doit s’en tenir à celui qui a été adopté ; mais quand il n’y a pas unanimité, il s’offre un choix en sachant qu’on ne peut reconnaître l’or pur sans le comparer à l’or absolument pur. » [50][97] Prié de donner son avis devant le Sénat, Sénèque dit avec élégance : « On rira de moi si je n’examine pas ce qui a été dit, car suivre la sentence d’un seul [Page 69 | LAT | IMG] n’est pas le propre de l’art, mais d’une faction. » [51][98]

S’il était encore en vie, Wale ne se croirait pas offensé par Riolan qui a honorablement parlé de lui : « Suivant mon habitude, je serai humble envers ce très savant homme, que je juge digne, comme Harvey, d’être éternellement loué et recommandé pour son ouvrage d’anatomie, bien qu’il soit de petit volume. » [52] Et comme je l’ai appris d’un homme absolument digne de foi, il a bien voulu orner l’édition de mon Manuel anatomique d’une préface louangeuse sous le nom de l’imprimeur de Leyde, où il a été publié in‑8o, enrichi de planches gravées. [53]


1.

Sans lui donner le titre de Brevis Destructio, Jean ii Riolan répondait à ce qu’il appelait le libelle diffamatoire (libellus famosus) d’Hyginus Thalassius. Il croyait qu’il avait été écrit par les deux docteurs pecquétiens de la Faculté de médecine de Paris, Pierre De Mercenne et Jacques Mentel : v. note [11], préface des Responsiones duæ.

2.

« Comme se repose, quand la vieillesse l’accable, un cheval vigoureux qui a souvent remporté la victoire olympique au dernier tout de piste » : Quintus Ennius (v. notule {b}, note [24], lettre de Samuel Sorbière à Jean Pecquet), cité par Cicéron, De la Vieillesse, chapitre v.

3.

« sans jamais être soumis à faire allégeance à aucun maître » : Horace, Épîtres, livre i, i, vers 14.

4.

Chapitre vi (et non xi), § 8, du livre indiqué d’Aristote, à propos des individus qui, pris isolément, sont incapables de juger (traduction de Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, 1874) :

« On peut faire à ce principe politique une première objection, et demander si, lorsqu’il s’agit de juger du mérite d’un traitement médical, il ne faut point appeler celui-là même qui serait, au besoin, capable de guérir le malade de la douleur qu’il souffre actuellement, c’est-à-dire, le médecin ; et j’ajoute que ce raisonnement peut s’appliquer à tous les autres arts, à tous les cas où l’expérience joue le principal rôle. Si donc le médecin a pour juges naturels les médecins, il en sera de même dans toute autre chose. Médecin signifie à la fois celui qui exécute l’ordonnance, et celui qui la prescrit, et l’homme qui a été instruit dans la science. Tous les arts, on peut dire, ont, comme la médecine, des divisions pareilles ; et l’on accorde le droit de juger à la science théorique aussi bien qu’à l’instruction pratique. »

5.

Ces deux citations ne correspondent pas à des sources que j’ai su identifier ; mais saint Augustin a écrit (sermon 355) :

Duæ res sunt conscientia et fama. Conscientia tibi, fama proximo tuo. Qui fidens conscientiæ suæ negligit famam suam, crudelis est.

[La conscience et la réputation sont deux choses distinctes. La conscience est pour toi, la réputation est pour ton prochain. Négliger sa réputation, parce qu’on est fort de sa conscience, c’est cruauté].

6.

« Sois comme un mur d’airain, ayant la conscience pure et ne pâlissant d’aucune faute » : Horace, Épîtres, livre i, i, vers 60‑61.

7.

« C’est moi, moi qui ai tout fait : me voici, tournez le fer contre moi » : Virgile, Énéide, chant ix, vers 427, paroles de Nisus lors du combat contre les Rutules.

8.

9.

Satire v de Perse, vers 116‑117 (avec servant, « ils gardent » pour servas, « tu gardes ») :

Pelliculam veterem retines, et fronte politus
Astutam vapido servas sub pectore vulpem

[Tu restes le même, et sous un front lisse, tu gardes un cœur corrompu et toute la malice du renard].

Le renard qui prend le masque du lion ne correspond à aucune fable que je connaisse. V. note [1], Brevis Destructio, chapitre i, pour l’identification certaine d’Hyginus Thalassius à Pierre De Mercenne. Jean ii Riolan tenait pour assuré que le destinataire de ce texte, et que Iatrophilus Pecquetianus [le pecquétien ami de la vérité], était son collègue Jacques Mentel (ce qui est en effet plausible). Le « livre sur les Veines lactées » était les Experimenta nova anatomica de Jean Pecquet.

10.

Ce passage est traduisible si on y admet une erreur d’imprimerie (Veruinam pour Virbinam) et si on y devine le vers 887 des Bacchides de Plaute : si tibi est machaera, at nobis veruina est domi [si tu as une épée à la maison, nous avons une longue javeline].

Les propos fort désobligeants à l’encontre de Jean ii Riolan sont un florilège d’insultes qu’il a recueillies dans l’Avertissement au lecteur de ses Responsiones duæ.

11.

Bien qu’ils ne soient pas mis clairement en exergue dans le texte imprimé, ces deux vers sont tirés du Zodiacus vitæ de Marcellus Palingenus (vnote Patin 24/925), livre x, Capricornus :

« Le papier est prêt, la plume aussi, et l’agréable loisir d’écrire ne me manque pas. »

12.

Valère Maxime, Faits et paroles mémorables, livre vi, ii, § 10 :

Etiam Castricii libertate inflammatus animus. qui, cum Placentiae magistratum gereret, Carbone consule iubente decretum fieri, quo sibi obsides a Placentinis darentur, nec summo eius imperio obtemperauit nec maximis uiribus cessit: atque etiam dicente multos se gladios habere respondit “ et ego annos ”.

[Le courage de Castricius était aussi tout embrasé du feu de la liberté : étant premier magistrat de Plaisance, il reçut du consul Carbon l’injonction de décider par un décret que les habitants de cette ville lui donneraient des otages ; mais il ne voulut ni se soumettre à l’autorité suprême du consul, ni fléchir devant les grandes forces dont il disposait ; et même, le consul lui faisant observer qu’il avait bien des épées, il osa répondre : « Et moi, bien des années ! »]

13.

La citation de saint Paul, Seconde Épître aux Corinthiens, 12:9‑10, précède une paraphrase d’Horace (Épîtres, livre i, i, vers 2‑3) :

Spectatum satis et donatum iam rude quæris,
Mæcenas, iterum antiquo me includere ludo
.

[On m’a assez vu, et tu veux, Mæcenas, que même déjà à la retraite je rejoue mon ancien rôle].

Dans le latin de Jean ii Riolan, cela devient : « Et je ne renoncerai pas, et même déjà à la retraite, je rejouerai mon ancien rôle. »

14.

Suo ipsius indicio periit sorex [La trace qu’elle laisse perd la souris] est un adage antique qu’Érasme a commenté (no 265).

15.

Autre citation de saint Paul : v. note [41], Brevis Destructio, chapitre v.

16.

Dans sa rage contre Pierre De Mercenne, Jean ii Riolan citait les vers 15 et 8 de l’églogue iii des Bucoliques de Virgile, sur les reproches pastoraux de Ménalque à Damétas : « Si tu avais fait le moindre mal, tu serais mort », « Nous savons aussi que les boucs t’ont regardé de travers » (avec possible allusion zoophile).

Entre les deux, David pouvait être le jeune berger de la Bible qui osa attaquer le géant Goliath pour défendre son pays contre les Philistins, sous le règne de Saül, vieux roi d’Israël, qui ne lui en fut guère reconnaissant.

17.

Jean ii Riolan étrillait Jacques Mentel, Jacobus Mentelius, qu’il accusait d’avoir inspiré son collègue Pierre De Mercenne.

18.

Emprunt tronqué à Juvénal, Satire xv vers 159‑164 :

sed iam serpentum maior concordia[, parcit
cognatis maculis similis fera ; quando leoni
fortior eripuit uitam leo ?] Quo nemore umquam
expirauit aper maioris dentibus apri ?
Indica tigris agit rabida cum tigride pacem
perpetuam, sæuis inter se conuenit ursis
.

« Aujourd’hui les serpents s’accordent mieux que les hommes[ ; la bête fauve épargne les bêtes à qui l’apparente sa robe tachetée. Vit-on un lion, parce qu’il était le plus fort, arracher la vie à un autre lion ?] Dans quelle forêt un sanglier expira-t-il sous la dent d’un sanglier plus fort que lui ? Le tigre des Indes, malgré sa férocité, vit avec le tigre dans une paix perpétuelle ; les ours cruels s’arrangent entre eux. »


  1. Traduction de Pierre de Labriolle et François Villeneuve, 1962.

19.

Andreas Lacuna (Andrès de Laguna), médecin espagnol {a} du xvie s. : {b} Anatomica Methodus, seu de Sectione humani corporis contemplatio… [Méthode anatomique ou méditation sur la dissection du corps humain…], {c} page 28 ro, à propos des reins :

Cæterum ne aliquod inter trahendum iurgium, inuidiaque ipsis renibus conflaretur, si alter alteri è regione fuisset locatus (raro enim in sententia conueniunt duo eiusdem professionis opifices, si præsertim eorum domus sese mutuo respiciant, quod potissimum in medicis videre licet, inter quos (vt de plarmacopolis atque tonsoribus taceam) tanta dominatur inuidia, tantus liuor, tantaque libido, quod maxime dolendum est, quanta non facile inter sutores, aut alterius magis seruilis artis artifices) ne inquam simili digladiarentur inuidia renes, dextro quidem vt nobiliori, ita paulo superior locus fuit designatus, sinistro vero paulo demissior, vt qui dignitate etiam esset inferior.

[Il est rare que deux praticiens de même profession soient de même avis, surtout si leurs maisons sont voisines, comme on peut particulièrement le voir chez les médecins (sans parler des pharmaciens et des barbiers), qui sont dominés par une jalousie, une haine et une envie telles qu’elles doivent profondément peiner, car elles atteignent rarement un tel niveau chez les cordonniers ou chez les artisans d’un autre métier servile. {d} Aussi, pour que la jalousie ne fasse naître aucune dispute entre les deux reins, pour savoir si l’un aurait mérité la place de l’autre, la nature a conféré plus de noblesse au droit en le plaçant un peu plus haut que le gauche, dont la dignité est moindre]. {e}


  1. Jean ii Riolan tenait curieusement Lacuna pour Lusitanus [portugais].

  2. Vnote Patin 6/9 pour André de Laguna, dont le maître parisien avait été Jean Tagault, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris au xvie s. auteur de cinq livres de Chirurgia (Paris, 1543, vnote Patin 4/139).

  3. Paris, Ludovicus Cyaneus, 1535, in‑4o de 122 pages.

  4. Mise en exergue du passage repris par Riolan.

  5. La comparaison de Lacuna est amusante, mais laisse tout de même pantois.

20.

Propos de Démocrite à Hippocrate, qui l’a rapporté dans une lettre à Damagète (v. note [6], Historia anatomica, chapitre xx), Littré Hip, volume 9, pages 377‑379 :

« Ta médecine même, je suis bien sûr qu’elle n’est pas bien venue auprès d’eux ; leur désordre les rend maussades pour tout, et ils traitent de folie la sagesse. Et certes je soupçonne que bonne partie de ta science est mise à mal par l’envie ou par l’ingratitude ; les malades, dès qu’ils sont sauvés, attribuent leur salut aux dieux ou à la fortune ; d’autres en font honneur à la nature et haïssent leur bienfaiteur, s’indignant, ou peu s’en faut, si on les croit débiteurs. La plupart, étant en eux-mêmes étrangers à toute idée d’art, et n’ayant aucun savoir, condamnent ce qui est le meilleur ; car les votes sont entre les mains des stupides. Ni les malades ne veulent confesser, ni les confrères ne veulent témoigner, car l’envie s’y oppose. Ce n’est certes pas à un homme épargné par ces misérables propos que je parle ici, sachant bien que toi aussi as souvent subi des indignités, sans avoir voulu, pour argent ou pour envie, dénigrer à ton tour ; mais il n’y a ni connaissance ni confession de la vérité. »

21.

Petrus Aponensis (Pierre d’Albano), Conciliator differentiarum philosophorum et medicorum… [Le Conciliateur des différences entre les philosophes et les médecins…], Prologus, Differentia vii, page 9 ro, seconde colonne : {a}

« Il faut aussi savoir que les médecins font largement preuve de mauvaises mœurs parce qu’ils tirent leur origine d’une souche vile et stérile ; puis ils se sont enflés et sont devenus insultants, parce qu’ils se sont en quelque sorte engraissés en même temps que la science médicale, laquelle étant simplement curative, est principalement mise en lien avec le Scorpion et avec Mars, {b} dont j’ai déjà décrit les propriétés qui disposent à mal agir. »


  1. Venise, 1520, vnote Patin 9/503.

  2. Dans les lucratives rêveries des astrologues (vnote Patin 8/61), déjà généralement méprisées par les médecins du xviie s., le Scorpion est associé à la Maison de Mars : « il est de nature très maléfique » (Furetière), mais je ne suis pas allé chercher plus loin.

22.

Jean ii Riolan renchérissait sur le mal qu’il avait dit de Jan Baptist Van Helmont dans la troisième partie de sa première Responsio. {a} Son propos reflète le contenu du Vaticinium de authore, poemate expressum [Poème exposant un oracle sur l’auteur], {b} qui figure dans les pièces liminaires de l’Ortus Medicinæ, {c} et s’achève sur les deux vers jouant sur le mot errores, ce qui a pu inspirer Riolan dans sa seconde Responsio, seconde partie. {d}


  1. V. sa note [9].

  2. Signé D. S. d’A. suo avunculo [oncle maternel de l’auteur(dont le nom de famille était Stassaert)].

  3. Amsterdam, 1648, pages 1‑5, v. note [7], Historia anatomica, chapitre xvii.

  4. V. sa note [32].

23.

V. note [24], préface de sa première Responsio, pour ce point clé de la position adoptée par Jean ii Riolan dans le débat.

24.

Jean ii Riolan se plaisait visiblement à retourner le couteau dans la plaie que Jan van Horne avait ouverte dans le cœur de Pecquet en usurpant effrontément la primeur de sa découverte : v. note [20] de sa seconde Responsio, seconde partie.

25.

« à qui il est dangereux de couper le chemin, prends garde, il frappe de sa corne », Virgile, Bucoliques, ix, 25, sur un méchant bouc : occursare capro (cornu ferit ille) caueto.

V. notes [4] et [5], Brevis Destructio, chapitre i, page 182, pour l’attaque à laquelle répondait Jean ii Riolan.

26.

Jean ii Riolan légitimait la dureté de ses « animadversions » (remarques) contre les anatomistes modernes en s’appuyant sur quatre passages de ses œuvres récentes, qui méritaient sans doute d’avoir été lus par ses détracteurs.

  1. Anthropographie (1649), {a} Ad Lectorem antiqua Præfatio [Ancienne Préface au lecteur] (avant-dernière page), sur les vertus de la dissection cadavérique :

    Sed ista inspectio debet esse accurata, propriis manibus oculatis administrata, ductu alicuius peritissimi Anatomici, in lectione authorum, et arte secandi exercitati. Nam miserè cæcutiunt in rebus Anatomicis, qui alieno ex ore sapiunt, et ex alienis oculis vident, et alienis manibus palpant. Proinde nemo vnquam peritus euadet Anatomicus, nisi peritissimos Anatomicos in lectione authorum, et praxi Anatomica versatissimos sectetur. Vel ab aliis rudem aliquam cognitionem adeptus, tandem lectione, et assidua secandi exercitatione eam perficiat. Nisi enim manum Operi Anatomico adhibuissem, aliorum oculis et manibus confisus, nunquam ea quæ à Columbo, Fallopio, Eustachio, Arantio, Coitero, Fabricio ab Aquapendente, supra Galenum, Vesalium reperta sunt, cognouissem, nec eorum quosdam errores, et posteriorum Anatomicorum animaduertissem, neque plurima supra illos Anatomicos vnquam obseruassem.

    [Cette inspection doit néanmoins être soigneuse, menée par des mains clairvoyantes et sous la conduite d’un anatomiste parfaitement adroit, aguerri par la lecture des auteurs et rompu à la pratique de la dissection. Sont misérablement aveugles en anatomie ceux qui tirent leur savoir d’une bouche autre que la leur, voient avec des yeux et palpent avec des mains autres que les leurs. Nul n’est donc jamais devenu expert en anatomie s’il n’a pas suivi l’enseignement d’anatomistes parfaitement entraînés à la lecture des auteurs et à l’autopsie. Si d’autres ne lui ont donné qu’un savoir grossier, il le perfectionnera en lisant et disséquant assidûment. Si je n’avais pas mis moi-même la main à l’ouvrage, ne faisant confiance qu’aux yeux et aux mains des autres, jamais je n’aurais compris ce que Colombo, Fallope, Eustachi, Arantius, Coiter, {b} Fabrice d’Aquapendente, Vésale ont ajouté à Galien, et je n’aurais pas remarqué certaines erreurs qu’eux et ceux qui les ont suivis ont commises ; et jamais non plus je n’aurais vu certaines choses qui leur ont échappé].

  2. Opera anatomica vetera, {a} In Librum Galeni de Ossibus, ad tyrones Commentarius didacticus, et Apologeticus, pro Galeno, adversus Nouitios et Nouatores Anatomicos [Commentaire didactique, à l’intention des débutants, sur le livre des Os de Galien, avec son apologie contre les novices et novateurs en anatomie], chapitre iiii, Quod Galenus in rebus anatomicis, cæteris præferendus est, et quid in eius lectione Anatomica sit obseruandum [Galien doit être préféré aux autres en anatomie, et ce qu’il faut observer dans la lecture de ses livres anatomiques], page 435 :

    Cùm autem Anatomen ex purissimis Galeni fontibus repetendam esse dixi, non tamen Recentiorum riuos sicco pede transeundos esse, neque posteritatis ingenia contemnenda puto. Nam in omni genere scientiarum, et summis admiratio veneratioque, et inferioribus merita laus contigit. Cum Alexandro persuaderent nonnnulli, vt Græcis sicut amicis, barbaris velut hostibus vteretur, prudenter respondit, hostes et amicos fidelitate et perfidiâ discernendos esse : Complures enim Græcos barbaris deteriores existere, vicissimque barbaros plures fidelitate Græcos superare ; Similiter quidquid à Græcis proditum est, velut ab oraculo profectum semper amplectendum esse neutiquam existimo.

    [J’ai dit qu’il faut chercher l’anatomie dans les très pures sources de Galien, mais pense qu’il ne faut pas traverser les ruisseaux des plus récents auteurs à pied sec ni mépriser les beaux esprits qui l’ont suivi. Dans toutes les sortes de science, admiration et vénération sont dues aux plus grands, mais une gloire méritée peut aussi échoir à de moindres esprits. Quand certaines gens voulurent persuader Alexandre le Grand de traiter les Grecs en amis, et les barbares {c} en ennemis, il répondit sagement qu’il faut distinguer les amis des ennemis sur la fidélité des uns et la perfidie des autres. Bien des Grecs en effet étaient pires que les barbares, tandis que maints barbares surpassaient les Grecs en fidélité. J’estime de même qu’il ne faut en aucune façon accepter, comme un oracle, tout ce que les Grecs ont dit].

  3. Opera anatomica vetera et nova, {a} préface des Animadversiones in Theatrum Anatomicum Caspari Bauhini [Remarques sur le Theatrum Anatomicum de Caspar Bauhin], page 686 :

    Propterea Medicos Germanos oro, atque obtestor, vt nostram scribendi philosophicam libertatem, et Anatomicorum modestam censuram benignè et humaniter excipiant : neque existiment me ex inuidia et contemptu nationis Germanicæ istas Animaduersiones edidisse, quam in omni genere scientiarum excultam, ingeniosam et admodum laboriosam agnosco, atque libenter et candidè profiteor. Nec dubito quin artis Anatomicæ gloriam cæteris nationibus præripuisset, si parem habuisset opportunitatem administrandi Anatomen, qualem Parisiis, vrbe populosissima habemus, vbi singulis mensibus quatuor vel sex, interdum plures homines suspendio plectuntur, quorum cadauera Medicis et Chirurgis ad vsum Anatomicum postulantibus non denegantur.

    Proinde non mirum, si eam secandi cadauera humana nactus opportunitatem, et ad id stipendio Regio honorifico inuitatus, me totum addixerim rebus Anatomicis diligenter inuestigandis, scripta ueterum et recentiorum cum subiecto accuratè comparando, vnde cognoui recentiores Antomicos grauiter errasse, dum inopia cadauerum, aut neglecta Encheirisi Anatomica, quam nonnnulli indicant sordidam, quia laboriosa est, alieno ex ore sapiant, et quæ ab aliis tradita sunt fideliter exscribunt : sic errandi consuetudo parit erroribus patrocinium.

    Non ignoro tamen humani ingenij conditionem erroribus obnoxiam, imò erroribus interdum delectari, nec fieri posse, vt opere in magno non hallucinemur, aut rerum veram naturam semper assequamur. Propterea condonandum est aliquid aliorum erroribus, ut apud alios nostrum parem gratiam inueniamus. Proinde memor nostræ conditionis, meæque tenuitatis conscius, cum omni modestia et humanitate me gessit, parem ab aliis modestiam expectans, si meos labores Anatomicos examinare velint, quos rogo, vt postremam editionem anni 1649. velint relegere, tanquam vltima manu fictam et emendatam.

    [Je prie donc et conjure les médecins allemands {d} de recevoir avec bienveillance et gentillesse la liberté philosophique de nos écrits et notre humble censure de leurs anatomistes. Qu’ils ne pensent pas que j’ai publié ces Animadversiones par jalousie et mépris de la nation germanique, car je reconnais et vante en toute bonne foi qu’elle est brillante, ingénieuse et productive en toutes les sciences. Je ne doute pas qu’elle aurait surpassé les autres pays en gloire anatomique si elle les avait égalés en occasions de pratiquer la dissection, telles qu’elles se présentent à Paris, la ville la plus peuplée d’Europe, où il ne se passe pas de mois sans que l’on pende quatre à six condamnés, voire plus, dont les corps sont confiés aux médecins et aux chirurgiens qui les réclament pour les disséquer.

    Il n’est donc pas étonnant qu’ayant ainsi l’occasion d’anatomiser et mon honorable charge royale m’invitant à le faire, je me sois tout entier et diligemment consacré aux recherches anatomiques. En comparant soigneusement les écrits des anciens et des modernes avec ce que montre le cadavre, j’ai appris que les anatomistes récents se sont gravement égarés : le manque de corps à ouvrir, ou le mépris de la pratique anatomique, que certains jugent répugnante, car pénible, les instruisent par la bouche d’un autre et ils recopient fidèlement ce que ceux-là leur ont appris : ainsi l’habitude de s’égarer fait-elle le lit de leurs erreurs.

    Je n’ignore pourtant pas que l’esprit humain est naturellement disposé à se tromper, et qu’il s’y complaît même parfois, ce qui rend impossible qu’en dépit de tous nos efforts nous ne nous trompions pas, ou percevions toujours la véritable nature des choses. Il faut donc pardonner aux autres leurs erreurs pour trouver pareille grâce à leurs yeux. Me souvenant de notre condition et conscient de ma faiblesse, je me suis comporté avec toute l’amabilité et la modestie dont je suis capable, attendant des autres la même humilité s’ils veulent examiner mes travaux anatomiques ; et je leur demande de daigner relire la présente réédition de 1649 comme revue et corrigée pour la dernière fois].


    1. Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649, vBibliographie.

    2. L’Italien Julius Cæsar Arantius et le Hollandais Volcher Coiter ont professé l’anatomie au xvie s.

    3. Ceux qui parlaient une autre langue que les Grecs.

    4. C’est-à-dire de langue germanique, incluant les Scandinaves, les Flamands et les Suisses (comme Caspar Bauhin).

  4. Vnote Patin 25/150 pour deux extraits du Præmonitio ad Lectorem et Auditorem [Avertissement au lecteur et à l’auditeur] du Manuel anatomique et pathologique (Leyde, 1649). Riolan y écrit aussi fièrement (pages 1‑3) :

    Et sicuti bos lassus firmius fingit pedem, sic in hac ætate provecta, maturiore judicio multa deprehendi, ab aliis, qui me præcessere prætermissa, vel ignorata, vel perepram explicata, Artis Anatomicæ lumine illustratus, quam à tenebris didici, et ita memoriæ infixi, ut nisi cum vita aboleri queat. Hac fiducia fretus, quamdiu in aula Serenissimæ Reginæ Matris Medicææ, functus sum officio Primarii Medici, laborioso, quia non licebat à latere Reginæ Valetudinariæ discedere : deinde ab Academia nostra, et Palæstra Anatomica, et Jucundissima mea Bibliotheca adistractus, intermisi quidem exercitium Anatomicum manuale, sed ipsum mente gerens, assidua meditatione repetitum, sic ea recoxi atque correxi quæ Juvenis scripseram, partim ut eleaboratiora exirent in lucem, partim ut memoriæ meæ labanti succurrerem. Quidni pateretur aliquod detrimentum per ætatem, cum fateatur Poëta,

        Nunc oblita mihi tot Carmina.
    Multa ferunt anni venientes commoda secum,
    Multa recedentes adimunt.

    Sic Galenus libros Methodi Medendi conscripsit ad subsidium memoriæ, quod senibus faciendum esse monuit Plato. Ideoque licet ob ætatem, jam Professorum Regii Collegii Decanus in Academia Parisiensi, meruerim privilegium Senectutis, quod militibus emeritis, et veteeranis Professoribus indulgetur in omnibus Academiis ; Non possum adhuc deponere laborem Anatomicum, et quamdiu feret ætas, imitabor Fabricum ab Aquapendente, qui usque ad annum octiagesimum, Anatomem docuit et demonstravit in Academia Patavina. Itaque hoc Encheiridium ex mea Anthropographia decerptum, multis novis cogitationibus, et ivnetis exornatum ; duabus de causis condidi et composui ; Partim veluti Cynosuram et directorium studii Anatomici, ut sciant Auditores mei quid docere et demonstrare debeam in unaquaque lectione : atque in publicis et privatis administrationibus istum parvum librum præ manibus habeant et facilius circumferant, ac proinde exiguo volumine minutisque typis excusus fuit ; Partim ut mihi sit regula et Mnemosynon, sive memoriale eorum, quæ explicaturus sum et ostenturus. Atque ut Auditores mei recognoscant ex inspectione, si contrariam ab aliis doctrinam Anatomicam demonstro, me ipsis aut posteris, nequaquam imponere, nec ad libitum corporis partes dissecare, ut quæ non extant instar prætigiatoris, spectantium oculis apparere faciam, vel quæ ab aliis scripta sunt, artificiose refellam, sine accurata investigatione, ut ipsis gloriam artis Anatomicæ præripiam. Equidem quantum in me situm est,

    Non mihi res, sed me rebus subiicere conor.

    Nec quæ meditatus sum in rebus Anatomicis extare puto, nisi sedula indagatione sæpius spectaverim et comprobaverim : Ac proinde ea duntaxat testamur et scribimus, quævidemus. {a}

    « Et de même que bos lassus firmius fingit pedem, {b} ainsi en cet âge avancé ayant le jugement plus mûr et plus éclairci dans l’anatomie, laquelle j’ai bien apprise dès ma jeunesse, et tellement imprimée dans ma mémoire qu’elle ne s’en effacera qu’en perdant la vie, j’ai trouvé plusieurs choses que tous les auteurs mes prédécesseurs ont ou omises, ou ignorées, ou mal expliquées. Sur cette assurance, tandis que j’ai été à la cour de la reine mère Marie de Médicis, et exercé la charge de son premier médecin {c} (laborieuse parce que je n’osais quitter sa personne, qui était valétudinaire), outre que j’étais éloigné de notre Université de Paris et de ma délectable bibliothèque, j’ai bien pendant ce temps-là quitté l’exercice manuel de l’anatomie ; mais l’ayant dans ma mémoire et la répétant assidûment, j’ai par ce moyen recuit et corrigé ce que j’en avais écrit en ma jeunesse : en partie afin de le mettre au jour plus poli et plus parfait, en partie aussi afin de secourir ma mémoire, en cas qu’elle vînt à manquer. Car comment peut-il se faire qu’elle ne souffre quelque détriment de ma vieillesse, puisque le poète l’avoue lui-même, disant :

        Nunc oblita mihi tot Carmina.
    Multa ferunt anni venientes commoda secum,
    Multa recedentes adimunt
     ? {d}

    Ainsi Galien composa ses livres de la Méthode de remédier pour suppléer au défaut de sa mémoire, Platon disant que les vieillards se devaient servir de ce remède. C’est pourquoi, bien que mon âge, qui a fait de moi le doyen des professeurs du Collège royal en l’Université de Paris, mérite bien le privilège de la vieillesse que l’on octroyait anciennement aux vieux soldats, et encore à présent aux professeurs vétérans de toutes les universités, je ne puis encore quitter l’étude de l’anatomie, voulant, aussi longtemps que mes forces le permettront, imiter en cela Fabrice d’Aquapendente, qui enseigna l’anatomie et en fit la démonstration en l’Université de Padoue jusqu’à l’âge de 80 ans. J’ai donc composé et mis en lumière ce Manuel anatomique, tiré de mon Anthropographie et enrichi de plusieurs belles pensées, et diverses inventions nouvelles, pour deux raisons : l’une, pour servir de conduite et de direction dans l’anatomie, afin que mes auditeurs sachent auparavant ce que je dois enseigner et montrer en chaque leçon, et que chacun d’eux puisse avoir en main ce petit livret, et le porter plus facilement partout avec eux, et pour ce sujet, on l’a imprimé en petit volume et en plus petits caractères ; l’autre raison, afin qu’il me puisse servir de règle et de mémoire des choses que j’expliquerai et montrerai, et afin que mes auditeurs reconnaissent par l’inspection que, si j’enseigne une doctrine anatomique contraire à celle des autres, je ne la leur impose aucunement, non plus qu’à la postérité, ne disséquant point les parties du corps suivant ma fantaisie pour les faire paraître par illusion, et comme un enchanteur, aux yeux des mes auditeurs autrement qu’elles ne sont, ou pour réfuter avec plus d’artifice ce que les autres ont écrit, sans chercher ponctuellement les choses qu’ils ont trouvées, afin de leur ôter la gloire de l’anatomie. Car pour moi, je vous assure que je ne tâche point d’accommoder les choses à mon esprit, mais bien de soumettre mon esprit à la nature des choses, ne croyant jamais que les choses que j’ai préméditées en anatomie puissent être ainsi jusqu’à ce que je les ai vues plusieurs fois confirmées par diverses recherches dans les corps mêmes. C’est pourquoi j’écris et fais foi seulement des choses que j’ai vues. »


    1. La traduction qui suit est inspirée de celle qui figure dans l’édition française du Manuel anatomique (Paris, 1661, pages 2‑4).

    2. « Un bœuf n’a jamais le pied plus ferme que quand il est bien las », saint Jérôme, vnote Patin 7/401.

    3. Du bannissement (1632) à la mort (1642) de la mère de Louis xiii, v. note [3], Responsio ad Pecquetianos, 2e partie.

    4. Réunion de deux sources :

      • Virgile, Bucoliques, ix,vers 53, « J’ai maintenant oublié tant de poèmes » ;

      • Horace, L’Art poétique, vers 175‑176, « Les années apportent avec elles maints avantages, mais nous en enlèvent beaucoup quand nous vieillissons. »

27.

Anthropographia de Jean ii Riolan 1649, {a} livre i, chapitre vi, Judicium des scriptis posteriorum Anatomicorum, Græcorum et Latinorum, page 32 :

Consimiles quæstiones apud Mercatum Hispanum Medicum in eius Physiologia fermè iisdem verbis paribusque rationibus expositas inuenies, vel per metempsychosim Mercatus factus est Laurentius, vt Ennius Homeri ingenio animatus fuit, vel amborum ingenia consimili genio regebantur. Cùm super ea re interrogarem doctissimum Regis Hispaniarum Cubicularium Medicum apud Serenissimos Principes Belgij primarium, Dominum Paz, fassus est Mercatum ex Laurentio sua Anatomica deprompsisse. Quod cùm illi in Hispania exprobrasset, ingenuè respondit, Agnosco Laurentium in re Anatomica me doctiorem, malo eius opinionibus adhærere, quàm ridiculas proferre, nec possum melioribus vti verbis. Interim Mercatus plagij crimen insigne vitare non potest, cùm nullibi Laurentium nominarit vel laudarit.

[Vous trouverez des questions identiques exposées avec des arguments semblables et exactement les mêmes mots dans la Physiologie du médecin espagnol Mercatus : {b} soit Du Laurens s’est transformé en Mercatus, par métempsycose, comme Homère a animé l’esprit d’Ennius, {c} soit les mêmes génies les ont tous deux inspirés. Quand j’interrogeai là-dessus Maître Paz, premier médecin de la Chambre des rois d’Espagne auprès des sérénissimes princes des Pays-Bas, {d} il m’a confié que Mercatus avait tiré ses textes anatomiques de Du Laurens ; et quand on lui en a fait reproche, il a ingénument répondu : Je reconnais que Du Laurens est plus savant que moi en anatomie ; je préfère avoir suivi ses avis qu’écrire des âneries et n’ai pu trouver de meilleurs mots que les siens. Mercatus n’est donc pas à l’abri du crime évident de plagiat, puisque Du Laurens ne l’a nulle part cité ni loué]. {e}


  1. Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649, v. supra première notule {a}, note [26].

  2. Aucun des ouvrages de Ludovicus Mercatus (Luis Mercado, mort en 1599, vnote Patin 1/656) n’est titré ou sous-titré « Physiologie » : il s’agit probablement de ses trois livres de Veritate et recta ratione Principiorum ac Theorematum, et rerum omnium, quæ in medica facultate tractantur, qui occupent le premier des trois tomes de ses Opera omnia [sut la Vérité et juste raison des principes, théorèmes et toutes choses que traite la capacité médicale] (Valladolid, 1604, in‑fo de 1 372 pages), dont le premier est consacré à l’anatomie du corps humain.

  3. Quintus Ennius (v. notule {b}, note [24], lettre de Samuel Sorbière à Jean Pecquet), le père de la poésie latine au iie s. av. J.‑C., y a transposé la métrique homérique.

  4. Le médecin aulique espagnol Francisco de Paz ne figure dans aucune des biographies et bibliographies médicales que j’ai consultées.

  5. La première édition de l’Anatomia d’André Du Laurens avait paru à Lyon en 1593.

28.

Martial, Épigrammes, livre i, liv (vers 1‑4 et 11‑12) :

« Il y a dans nos petits livres une seule page qui t’appartient, Mercatus, {a} mais elle porte si assurément le caractère de son maître qu’elle fait voir à tout le monde que tes vers ne se peuvent défendre d’un larcin manifeste. Ce que tu y as intercalé les contamine d’un poil graisseux. […] {b} Nul ne doit se mêler de distinguer mes ouvrages des tiens, pour les protéger, car ce que tu as fait plaide contre toi ; et ce que tu as écrit te dit que “ tu es un voleur ”. »]


  1. Pour servir son propos, Jean ii Riolan a transformé en Mercatus le Fidentinus de Martial, qui était le destinataire original de sa cruelle épigramme.

  2. Riolan a tronqué l’explication de cette image, qui se réfère à une étoffe dont on a voulu cacher la vile origine.

29.

Jean ii Riolan a fustigé ces deux critiques d’André Du Laurens dans deux passages de ses Opera anatomica vetera et nova. {a}

30.

Jean ii Riolan tenait absolument à certifier le bien qu’il avait dit d’André Du Laurens à la page citée (dernier paragraphe) de son Anthropographie (Paris, 1649, v. supra première notule {a}, note [26]).

31.

Jean ii Riolan a surtout parlé de Caspar Bauhin aux deux pages de ses Opera anatomica vetera et nova (Paris, 1649) {a} qu’il indiquait (avec mise en exergue des passages cités mot pour mot dans sa Responsio ad pecquetianos, où je les ai traduits entre guillemets).

32.

Jean ii Riolan évoquait quatre des anatomistes qu’il avait critiqués, en sus d’André Du Laurens et de Caspar Bauhin, dans ses Opuscula nova anatomica de 1653 (v. supra première notule {a}, note [26]) : Adriaan van de Spiegel, Caspar Hofmann, Johann Vesling et Emilio Parisano, dont il va être question plus loin.

Vnote Patin 30/399 pour Gilbert Puilon (Puylon), reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1631, que Riolan citait comme témoin dans la rédaction de ses animadversions. V. note [41], Responsio ad Pecquetianos, 4e partie, pour la participation supposée de Puilon aux travaux anatomiques de Riolan vers 1625.

33.

Proverbial vœu de longue vie issu de Virgile (Énéide chant i, vers 546‑547), sur Énée :

Quem si fata uirum seruant, si uescitur aura
ætherea neque adhuc crudelibus occubat umbris…

[S’il demeure en vie, s’il respire encore l’air céleste et ne gît pas encore dans les cruelles ténèbres…]

34.

En langue soutenue, une chrestomathie est un recueil de morceaux choisis dans certains auteurs classiques, soit ce qu’on appelle plus communément une anthologie.

Isaac Casaubon {a} a donné une édition grecque et latine des dix livres de Diogène Laërce {b} de Vitis, dogm. et apophth. clarorum philosophorum [sur les Vies, dogmes et apophtegmes des plus brillants philosophes], qu’il a enrichie d’annotations (Paris, Henri Estienne, 1593, in‑8o, pour la deuxième de nombreuses parutions). J’ignore pourtant où il leur a donné le nom de chrestomathies. {c}

Dans Kühn, la fioriture de Galien (chapitre i du commentaire cité) correspond au volume 15, page 110 (traduit du grec) :

Singulis hujusce contextus versibus Dioscorides signum præfixit quod obeliscum vocant, quo signo et Aristarchus notabat versus quos apud poetam suspectos habebat.

[Dioscoride {d} a placé un signe qu’on appelle un obèle {e} devant chaque vers de ce texte : c’est le même qu’Aristarque {f} employait pour marquer les vers qu’il trouvait suspects chez un poète].


  1. Vnote Patin 7/36.

  2. Vnote Patin 3/147.

  3. Ce mot a servi de sous-titre aux trois livres de l’Apologia pro Galeno posthume de Caspar Hofmann (Lyon, 1668, vnote Patin 1/929).

  4. V. note [4], Historia anatomica de Thomas Bartholin, chapitre xviii

  5. Du grec οβελισκος, « petite broche » : « Marque dont les critiques anciens et, en particulier, les critiques alexandrins, notaient les vers d’Homère qui leur semblaient être supposés et ne pas appartenir au poète » (Littré DLF) ; les exégètes bibliques ont aussi recouru à ce procédé qui emploie, en quelque sorte, l’obélisque pour l’astérisque.

  6. V. note [2], préface des Responsiones duæ.

35.

Anthropographie, livre i, chapitre vi, pages 34‑35 : {a}

Postremus de re Anatomica scripsit Adrianus Spigelius, in Lycæo Patauino, Anatomes et Chirurgiæ Professor, atque Casserio et Fabricio ad Aquapendente succenturiatus, quorum diu fuerat auditor assiduus, ideoque sperabam omnes istorum Anatomicorum cogitationes et inuentiones de reliquis corporis partibus, de quibus ipsi nihil edidere, in Spigelij libro me reperturum, sed spe et expectatione mea frustratus, lugeo sortem huius libri Anatomici posthumi. Nam Spigelius moriens suum Opus Anatomicum iam apparatum ad incudem amico suo Bucretio comisit euulgandum, quod quidem elegantibus iconibus à Casserio delineatis et affabrè factis exornauit, atque confusas et inordinatas Spigelij schedas in ordinem digessit, et sermone purè Romano cultiores reddidit, sed in hoc libro pauca à Spigelio reperta reprehendes, si demas interpretationes quorumdam locorum Hippocratis et Aristotelis. Vsus tamen et actiones secundum historiam partium ex Fabricij mente diligenter et accuratè exposuit : sed liber de Fœtu humano, qui scriptus et editus fuit longè post Fabricium, indignus est qui nomen præ se ferat Anatomici Patauini, cùm pleraque ab ipso sensu et veritate prorsus aliena contineat, vt in historia Fœtus demonstrabo, quia Bucretius ei manum non admouit, tantum eius tribuo circumlitioni. Quamuis Spigelius neminem laudare, aut nominare soleat, more Fabricij et Casserij, vt lectores cuncta putent ab eius ingenio profecta, et excogitata : qui tamen in lectione Anatomicorum recentiorum versatus fuerit, facilè animaduertet Spigelium, vsuram vel gloriam eorum, quæ ab aliis mutuatus est, non reddidisse suis auctoribus. Ac ne longiùs exempla petantur, in musculorum explicatione, opiniones meas atque nomina musculorum tacitè retinuit, et hæc omnia tanquam sua proposuit. Propterea cùm nunc pauca dici, et obseruari queant, quæ non priùs dicta aut obseruata fuerint, non possum probare eorum institutum, qui Totam Anatomen tanquam à seipsis inuentam describere meditantur, sine laudatione præstantium Anatomicorum qui rectè aliquid inuenere, aut examine eorum, quæ ab illis perperam dicta, aut inuenta fuere, atque sincera et vera declaratione eorum, quæ supra veteres et recentiores Anatomicos ab ipsis reperta, aut rectiùs exposita videbuntur. Consilium Celsi lib. i. cap. 14. valde mihi placet : oportet neque recentiores viros in his fraudare quæ vel repererunt, vel rectè sequuti sunt, tamen ea, quæ apud antiquiores aliquos posita sunt auctoribus suis reddere.

[Le dernier à avoir écrit sur l’anatomie fut Adriaan van de Spiegel, professeur d’anatomie et chirurgie à la Faculté de Padoue où il a succédé à Casseri et à Fabrice d’Aquapendente, {b} dont il avait longtemps été le disciple assidu. J’espérais donc trouver dans le livre de Spiegel toutes les réflexions et découvertes de ces maîtres sur les autres parties du corps, dont ils n’avaient rien publié, mais mon espoir et mes attentes ont été déçus, et je déplore le sort qui a été réservé à cet ouvrage posthume. En mourant, il avait confié à son ami Brucetius le soin de son Anatomie, prête à l’impression ; il l’a certes ornée d’élégantes figures dessinées par Casseri et joliment gravées, et a rangé les feuillets confus et désordonnés de Spiegel, en les embellissant d’un discours en pur latin romain. Vous y trouverez pourtant peu des découvertes de Spiegel, mis à part ses interprétations de certains passages d’Hippocrate et Aristote. Il a toutefois soigneusement et précisément exposé les utilités et fonctions suivant la description des parties corporelles, dans l’esprit de Fabrice, mais le livre sur le fœtus humain, qui a été écrit et édité longtemps après Fabrice est indigne de l’anatomiste de Padoue qui se targue d’en être l’auteur, {c} car il contient quantité de faits absolument étrangers au bon sens et à la vérité, comme je le montrerai dans ma description du fœtus, étant donné que Bucretius n’y a pas vraiment mis la main et que je ne lui en attribue que le vernis. Spiegel, à la manière de Fabrice et Casseri, a coutume de ne louer ni nommer personne, pour que ses lecteurs croient que tout ce qu’il dit émane de son génie et de ses réflexions, mais quiconque est versé dans la lecture des anatomistes modernes remarquera aisément que Spiegel a emprunté à d’autres auteurs sans leur rendre le profit et l’honneur qu’ils méritaient : ainsi pour ne pas tarder à en donner un exemple, dans sa description des muscles, a-t-il repris sans me nommer mes avis et les noms que je leur ai donnés, et les a proposés comme émanant de lui. Il est difficile de décrire et d’observer des choses qui ne l’ont pas déjà été, mais je ne puis approuver la manière de ceux qui ambitionnent de décrire toute l’anatomie comme s’ils l’avaient eux-mêmes inventée : sans louer les éminents anatomistes qui ont vraiment découvert quelque chose, ni examiner ceux qui ont soumis des observations ou des opinions contraires, ni désigner vraiment ceux qui semblent avoir mieux vu ou expliqué les choses que les anciens ou les modernes. {d} L’avis de Celse, livre ii, chapitre xiv, me plaît fort : Oportet neque recentiores viros in his fraudare quæ vel repererunt, vel rectè sequuti sunt, tamen ea, quæ apud antiquiores aliquos posita sunt auctoribus suis reddere]. {e}


  1. Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649, v. supra note [27] : j’ai mis en exergue les fragments que Jean ii Riolan a repris dans sa Responsio ad Pecquetianos où je les ai traduits entre guillemets.

  2. V. notes :

  3. Spiegel se désigne comme Bruxellensis Equitis D. Marci et in Gym. Pat. Anat. et Chirurgiæ Professoris Primarii [chevalier de Saint-Marc natif de Bruxelles, premier professeur d’anatomie et chirurgie en l’Université de Padoue] dans le titre de son de Formato Fœtu lariLiber singularis [Livre particulier sur la formation du fœtus] (Francfort, Matthæus Merianus, 1631, in‑4o illustré de 105 pages).

  4. Traité de médecine, chapitre De la friction (édition bilingue établie par A. Védrènes, Paris, Masson, 1876, page 111).

  5. « S’il ne convient pas de ravir aux auteurs modernes le mérite de leurs découvertes ou de leurs judicieuses imitations, il n’est pas moins équitable de rendre aux Anciens ce qui leur appartient. »

36.

« Traité anatomique » de Johann Vesling (Padoue, 1647, vnote Patin 19/192), Auctoris consilium ac scopus in iterata Operis editione [Avis et ambition de l’auteur sur cette réédition de son livre], première page :

Non alia mens Adriani Spigelii, laudatissimi decessoris mei fuit, de quo tantum abest ut aliena compilarit scrinia, ut sub exactæ vitæ clausula, non nisi quatuor et viginti in theatro habitas lectiones, cum figuris Casserianis in lucem proferendas, testamento præceperit.

[L’esprit d’Adriaan van de Spiegel, mon très honoré prédécesseur, était si éloigné de piller les cassettes des autres qu’il prescrivit par testament que juste après sa mort on ne donnât pas moins de vingt-quatre leçons dans l’amphithéâtre, en exposant au grand jour les figures de Casseri].

La notule {b} de la note [35] supra présente l’Humani corporis Fabrica de Spiegel (Venise, 1627), où Daniel Brucetius a dû incorporer les susdites 24 leçons posthumes (mais sans les signaler comme telles) et a enrichi l’ouvrage de cahiers contenant les dessins de Giulio Cesare Casseri.

37.

Jean ii Riolan venait de résumer fidèlement son introduction aux Animadversiones contre Adriaan Spiegel, à la page 735 de ses Opera anatomica vetera et nova (1649, v. supra première notule {a}, note [26]).

38.

Vnote Patin 1/306 pour la première édition des Institutiones anatomicæ de Caspar Bartholin (Wittemberg, 1611). En se fondant sur les dates de leurs privilèges, Jean ii Riolan avançait d’un an la parution de ses deux premiers livres d’anatomie :

Jean ii Riolan a prolongé et durci son attaque contre Caspar Bartholin (dont j’ai traduit le début entre guillemets) dans la préface de ses animadversions contre le Theatrum Anatomicum de Caspar Bauhin (page 687) : {a}

Ergo iam, quinque effluxerant anni, quibus anatomen publicè docebam et demonstrabam, magna auditorum etiam Germanorum frequentia : nec est verisimile Bartholinum, qui omnes Europæ Academias perlustravit ; et Lugdunobatauam non longè à Lutetia dissitam adiuit, ut Pauuium Anatomica demonstrantem videret, Parisiensem præteriisse, cuius tamen nullam fecit mentionem, ne ab ea aliquid didicisse cogeretur fateri, cùm tamen in suis peregrinationibus Galliam vidisse testetur. Non improbo tamen Institutiones Anatomicas Bartholini, imò laudo tanquam methodicè et perspicuè scriptas, sed plurima ex Bauhino deprompta sunt, si demas quasdam Obseruationes Patauinas, et alias nostris consimiles, sed tam dextro Mercurio suffutatur, vt nequidem Lauerna Dea furtum deprehenderet. […]

Pro certi affimarem Bartholinum nusquam dissecuisse cadaver humanum, saltem ab anno 1611. vsque ad annum 1622. cùm in illa editione postrema, nullam mentionem faciat alicuius Anatomes à se celebratæ publicè, vel priuatim, quod non omisisset. In tractatu de studio Medico, ingenuè fatetur, se ab aliquot annis deseruisse studium Medicinæ, vt sapientiæ cælestis doctrinam iuuentuti publicè ac ordinatè, Deo sic vocante, et magno Rege meo, reliquoque magistratu iubente instillare inciperem, Itaque Professor fuit Regius in Theologia, non Medicina, et editione vltima Goslariæ facta se Theologum profitetur. Prudenter eius filius Thomas Bartholinus in editione recenti Lugdunobataua istam professionem substituit

[J’enseignais et démontrais donc publiquement l’anatomie depuis déjà cinq années à une foule d’auditeurs, dont maints Allemands. Il est vraisemblable que Bartholin y ait assisté, puisqu’il a visité toutes les universités d’Europe, dont celle de Leyde, où il a vu opérer Pavius, puis est allé à Paris, qui n’en est guère éloignée ; mais il n’en a rien dit, pour ne pas être obligé d’avouer qu’il y a appris quelque chose, tout en témoignant s’être rendu en France. Je ne blâme pourtant pas ses Institutions anatomiques, et loue même la méthode et la précision de leur rédaction, mais il y a beaucoup emprunté à Bauhin, si vous ôtez ses observations de Padoue et d’autres qui sont semblables aux miennes : Mercure l’aide si bien à dérober que pas même la déesse Laverne ne verrait son larcin. {b} (…)

J’affirmerais avec assurance que Bartholin n’a jamais disséqué un cadavre humain, à tout le moins entre 1611 et 1622 puisque dans cette dernière édition {c} il ne mentionne aucune anatomie qu’il ait accomplie en public ou en privé, comme il n’aurait pas omis de faire. Dans son traité sur l’Étude de la médecine, il avoue ingénument avoir abandonné depuis quelques années l’étude de la médecine, et sur l’appel de Dieu et à la demande de son grand roi et du reste des magistrats, il a entrepris d’enseigner publiquement et régulièrement à la jeunesse la doctrine de la sagesse céleste. {d} Ainsi a-t-il été professeur royal de théologie, et non de médecine, et dans une dernière édition, parue à Goslar, il s’intitule théologien ; {e} mais son fils, Thomas Bartholin, a prudemment supprimé cette profession dans la récente édition de Leyde]. {f}


  1. Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649, v. supra première notule {a}, note [26].

  2. Traduction du Tam dextro Mercurio suffurari, ut ne Lauerna quidem possit deprehendere qui se lit dans l’Avertissement au lecteur des Leçons anatomiques et chirurgicales de Germain Courtin (Paris, 1612), mais je n’ai pas trouvé de source plus ancienne à cette méchanceté qui a inspiré à Riolan : vnotes Patin 7/1288 pour Mercure, dieu romain du commerce et des voleurs (Hermès des Grecs), et 8/8220 pour Laverne, déesse des larrons.

  3. Thomas Bartholin a édité pour la dernière fois les Institutiones Medicæ de son père, à Leyde en 1641, in‑8o de 496 pages, avec un frontispice où figurent les portraits de neuf anatomistes, dont ceux de son père Caspar et de Riolan le Jeune (ce qui est tout de même un hommage conséquent, d’autant qu’il est très souvent cité dans le livre).

  4. Copenhague, Georgius Hantzschius, 1628, in‑8o de 16 pages, page 1 vo.

  5. Casp. Bartholini D. Phil. Medici et Theologi ac Profess. Regii, Institutiones Anatomicæ… [Institutions anatomiques de Caspar Bartholin, docteur en philosophie, médecine et théologie, et professeur royal…] (Goslar, Nicolaus Dunckerus, 1632, in‑8o de 482 pages).

  6. Dans l’édition suivante des Institutiones Medicæ (Leyde, 1641, v. supra notule {c}), Thomas Bartholin n’a donné à son père que le titre de D. et Profes. Regius.

39.

J’ai traduit entre guillemets ce passage que Jean ii Riolan a tiré de ses Opera anatomica vetera et nova (Paris, 1649, v. supra première notule {a}, note [26]), page 688.

Thomas Bartholin a plusieurs fois cité Jan de Wale dans la préface des Institutiones Medicæ de son père, qu’il a éditées pour la dernière fois à Leyde en 1641 (v. notule {c}, note [38] supra), avec ce remerciement que Riolan a relevé à la dernière page :

sicut ad Cl. Walæum grati referimus universi operis et nitorem et renatæ vitæ causas.

[tout comme nous savons gré à M. de Wale pour l’éclat de tout cet ouvrage et son rôle dans sa résurrection].

40.

J’ai traduit entre guillemets ce fragment du prologue des Animadversiones in Caspari Bartholini Doctoris Medici, Theologi, ac Professoris Regii Institutiones Anatomicas [Animadversions sur les Institutions médicales de Caspar Bartholin, docteur en médecine, théologien et professeur royal] : Opera anatomica vetera et nova de Jean ii Riolan (Paris, 1649, v. supra première notule {a}, note [26]), pages 758‑759.

L’allusion finale vise un propos de Thomas Bartholin dans sa préface des Institutiones Aanatomicæ paternelles (Leyde, 1641, v. supra note [39]), 3e page :

Nollem sanè Doctissimo cuidam Medico imprudenter non ita pridem excidisse Anatomicam disciplinam jam nulla re magis quam magnitudine sua laborare, cui ultimum complementum sit additum.

[Je ne voudrais vraiment aucun bien à ce très savant médecin qui, il n’y pas longtemps, a imprudemment démoli la science anatomique, laquelle souffre plus que tout de son immensité, en disant y avoir ajouté le dernier complément qui lui manquait].

Le commentaire de Riolan laisse entendre que Bartholin le visait obliquement en rapportant un propos de Jacques Primerose (vnote Patin 41/104) que je n’ai pas trouvé dans les livres qu’il a publiés avant 1641.

41.

Livre i, chapitre vi, pages 33‑34 : {a}

Anatomicis annumerabo Casparum Hofmannum eruditissimum Medicum, καριεντα και πολυμαθειατον, ob elaboratos commentarios in libros Gal. de vsu partium, in quibus multa dubia mouet, quæ poterunt excitare subtilia ingenia Anatomica ad vlteriorem indagationem. Naturam penetrare magis, Hofmanne memento. Præclaras quæstiones Anatomicas agitat in defensionem Aristotelis, quem Galenus et alij Recentiores acriùs insectati sunt. Optarem Hofmanno rei Anatomicæ promouendæ cupidissimo, illam secandi cadauera humana commoditatem, quæ nobis suppetit Lutetiæ : vt suas cogitationes Anatomicas ad regulam veritatis, videlicet αυτοψιαν accurata sectione comparatam referret atque componeret : haud dubiè absolueret, quam auidè desideramus sui præceptoris Cremonini Anatomiam Peripateticam, cuius defectum si quis Anatomicus suppleret, de Philosophia et Medicina optimè meretur. Ad hoc opus, doctissimum Hofmannum inuito et exhortor, cùm nobis huius rei in diuersis quæstionibus gustum aliquem dederit : vt deinceps intelligant omnes Philosophi, Aristotelem præstantissimum fuisse Anatomicum, nec lanionum operâ et manibus vsum fuisse in secandis animalibus, sed oculatissima manu corporum quæque minutissima perscrutatum fuisse. Ac sanè desertus fuit Aristoteles in rebus Anatomicis, quia non fuit intellectus. Sed venient tandem tempora, quibus rediuiua fiet et florebit hæc Anatomia Peripatetica.

[Je compterai Caspar Hofmann, très docte et habile médecin, {b} et dont le savoir est très étendu, parmi les anatomistes, pour ses commentaires approfondis des livres de Galien sur l’Utilité des parties, où il agite quantité de points douteux qui ont pu inciter ses minutieux confrères à approfondir leurs recherches. Naturam penetrare magis, Hofmanne, memento. {c} Il y remue de brillantes questions anatomiques pour la défense d’Aristote, que Galien et d’autres auteurs plus récents ont très âprement attaqué. Je souhaiterais qu’Hofmann montrât mieux son très ardent désir de faire progresser le savoir en recourant à cette commodité de disséquer les cadavres humains dont nous jouissons à Paris, de manière à relater et présenter des cogitations anatomiques confrontées aux règles de la vérité, grâce à l’examen direct et précis de la structure corporelle, car sans doute viendrait-il alors à bout de l’anatomie péripatéticienne de Cremonini, son maître, {d} car celui qui le ferait mériterait grandement de la philosophie et de la médecine. J’invite et exhorte le très docte Hofmann à accomplir cela car il nous donnerait quelque goût pour les diverses questions que suscite ce sujet, afin que dès lors, tous les naturalistes comprennent qu’Aristote a été un très éminent anatomiste, et que ses mains ne lui ont pas servi qu’à dépecer des animaux, mais à scruter avec le plus grand discernement les plus infimes détails des corps. Il a alors abandonné entièrement l’anatomie d’Aristote parce qu’il ne l’a pas comprise, mais viendrait enfin pour lui l’heure de faire revivre et fleurir cette anatomie péripatéticienne]. {e}


  1. Paris, 1649, v. supra première notule {a}, note [26].

  2. V. note [7], première Responsio de Riolan, chapitre i, pour Caspar Hofmann ; j’ai interprété καριεντα comme une variante ou erreur typographique pour χαριεντα.

  3. « Souviens-toi, Hofmann, de mieux explorer la nature ! » : imitation de Virgile, Énéide (chant vi, vers 851), tu regere imperio populos, Romane, memento [souviens-toi, Romain, d’exercer ton pouvoir sur les peuples !], que Joseph Duchesne (Quercetanus) a modifié en Naturam penetrare magis, Germane, memento [Souviens-toi, Allemand, de mieux explorer la nature !], dans sa Pharmacopée des dogmatiques (Paris, 1629, page 546, v. notule {b}, note Patin 11/211).

  4. Vnote Patin 28/291 pour Cesare Cremonini (Crémonin), professeur de médecine et de philosophie à Padoue, mort en 1631, adepte d’Aristote, qui niait l’immortalité de l’âme et combattait Galien.

  5. Un exemple, maintes fois répété dans notre édition, de l’opposition entre Aristote et Galien : l’un plaçait la sanguification dans le cœur, avec Jean Pecquet, et l’autre dans le foie, avec Riolan.

42.

Jean ii Riolan résumait l’introduction de ses Animadversiones in Caspari Hofmanni Anatomica suis Institutionibus inserta [Animadversions sur les notions d’anatomie que Caspar Hofmann a placées dans ses Institutions], {a} pages 789‑790 : {b}

A triennio Hofmannus Institutiones Medicas emisit in lucem coactus, postquam vidit non sine lacrymis, quàm malè consuleretur nostris adolescentibus. In his vera et vtilia continentur, quibus perlectis, addo et bene intellectis, spondet fide sua, progressus secundos Deo, et proximo amicabiles : Magna est hæc operis sui fiducia, sed tanto fastu et arrogantia. carpit Authores Medicos septem, quos selegit castigandos, tanquam ignaros, imperitos, vt viris doctis et probis displiceant eius Institutiones Medicæ, nec pepercit Fernelio, quem Scholæ venerantur omnes, et agnoscunt à Galeno secundum,

——— cui Phœbi chorus assurexerat omnis.

Ego, inquit, hoc ago vt nauseam creem, ad mentionem hominis immeritissimò tanti. Passim ipsum suggillat, et iniustè ac iniuriosè reprehendit : Scripsit Hofmannus, notas absurdas et erroneas, aduersus libros Fernelij vniversæ Medicinæ, cum Præfatione ad Lectorem temeraria et insolenti ; quæ hominis rabiem et insaniam manifestè declaret : Ipsum enim Fernelium adeo contemnit. […] nec contentus Fernelij doctrinam malignè contempsisse, inuidiam suam ad Medicos Parisienses transtulit, Fernelij fautores et collegas […].

Appellat Patrem meum simiam Fernelij, et eius Institutiones medicas tanquam ridiculas fastidit. Sed illi obiicere possem, quod Martialis cuidam Zoilo.

Sunt quidam qui me dicunt non esse Poëtam,
Sed qui me vendit Bibliopola putat.

Riolani Institutiones plusquam vigesies à quadraginta quinque annis fuere excusæ, et diuenditæ in Gallia et Germania, talem applausum nunquam recipient Institutiones Medicæ Hofmanni, quia obscuræ, nulla methodo descriptæ. Sed sinamus hominem frui sua philautia.

Ipse sapit solus, reliqui velut vmbra vagantur.

[…] Reprehendit Institutionistas suos, quod prætermiserint Anatomicam doctrinam, ac proinde mutilas et imperfectas descripserint Institutiones Medicas : ipse præcedentibus accuratior Anatomica proposuit, sed adeo erronea et absurda, vt ipsum visis istis Animadversionibus, pudere debeat suæ scriptionis : lubenter abstinuissem ab ista Animaduersione, nisi minuenda esset eius authoritas, quam sibi arrogat in Rebus anatomicis, ne iisdem erroribus Medici decipiantur, quibus ipse deceptus fuit. Reliquas Medicinæ partes excutiendas, et erroribus vitæ humanæ pernitiosis expurgandas aliis relinquo. Nec debet more suo bene monenti oppedere, et sarcasmo exsibilare ac explodere istas Animaduersiones, quia prodeunt ex Officina Professoris Anatomici, qui consenuit in operibus Artis, atque ex tuo iudicio ius istud possidet. In Anatomicis, qui tantum temporis et tædij sumere non vult, non sumat sibi licentiam arbitrandi de tantis viris, ne in bonam quidem partem (quod notandum.) Nam vbi error, ibi quoque malum est : si Anatome falsum quid afferat, et quod in praxi nos errare faciat, ne Anatome quidem dicenda est, ex Hofmanno, Institut. Medic. pag. 69.

[Voilà trois ans qu’Hofmann a publié ses Institutions médicales, qu’il a réunies après avoir vu, non sans larmes, à quel point notre jeunesse était mal instruite. Elles contiennent de justes et utiles propos, et après les avoir entièrement lues, je les dis aussi bien pensées car il y promet en toute bonne foi des progrès favorables à Dieu et bienveillants envers tout un chacun. Il a grande confiance en son ouvrage, mais y déchire avec tant de faste et d’arrogance sept auteurs médicaux de son choix dont il doit corriger l’ignorance et l’incompétence, que ses Institutions médicales déplaisent fort aux savants honnêtes. il n’a pas ménagé Fernel, que toutes les écoles vénèrent, et reconnaissent pour le second après Galien,

——— cui Phœbi chorus assurexerat omnis. {c}

Je fais en sorte d’inciter au dégoût quand on y mentionne ce grand homme, qu’on tient pour grand sans qu’il mérite du tout de l’être. Il le meurtrit en maints endroits, en le blâmant injustement et injurieusement. Hofmann a écrit des annotations absurdes et erronées contre ses livres de sa Médecine universelle, {d} avec une insolente et téméraire Préface au lecteur qui fait manifestement voir sa rage et sa folie. (…) et non content d’avoir si malicieusement méprisé la doctrine de Fernel, il a transporté sa jalousie contre les médecins de Paris, ses défenseurs et collègues (…).

Il qualifie mon père de singe de Fernel et dédaigne, comme ridicules, ses préceptes médicaux, {e} mais je pourrais lui objecter ce propos de Martial sur un zoïle :

Sunt quidam qui me dicunt non esse Poëtam,
Sed qui me vendit Bibliopola putat. {f}

Depuis quarante-cinq ans, les préceptes de Riolan ont été imprimés plus de vingt fois, {g} et se sont bien vendus en France et en Allemagne, mais les Institutions médicales d’Hofmann ne rencontreront jamais un tel succès car elles sont obscures et rédigées sans méthode.

Ipse sapit solus, reliqui velut vmbra vagantur. {h}

Il reproche à ses précepteurs d’avoir négligé la doctrine anatomique, et ainsi rédigé des institutions médicales incomplètes et imparfaites. Lui-même aurait proposé une anatomie plus exacte que ses prédécesseurs, mais elle est si fautive et absurde qu’il devrait avoir honte de ce qu’il a écrit après avoir vu mes animadversions. Je me serais volontiers abstenu de les rédiger s’il n’avait pas fallu rabattre l’autorité dont il se targue en anatomie, afin qu’il n’abuse pas les médecins avec les erreurs qui l’ont lui-même abusé. Je laisse à d’autres le soin d’attaquer le reste de sa médecine et d’en ôter les fautes qui mettent en danger la vie humaine. Il ne doit pas, comme il en a l’habitude, se moquer de celui qui le met en garde, ni huer mes animadversions en les couvrant de sarcasmes parce qu’elles sortent de l’officine d’un vieux professeur d’anatomie que l’exercice du métier a épuisé, ainsi qu’Hofmann s’en arroge le droit (comme il faut bien le remarquer) : « Qui ne veut pas consacrer son temps et sa peine à l’anatomie ne peut se permettre de porter un jugement sur de si grands auteurs, s’il veut être pris au sérieux. Là où est l’erreur est le mal, et l’anatomie ne mérite pas même son nom si elle apporte quelque chose de faux, et qui nous égare dans la pratique » (Hofmann à la page 69 de ses Institutions)]. {i}


  1. Vnote Patin 12/92 pour les six livres des Institutiones Medicæ de Caspar Hofmann (Lyon, 1645).

  2. Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649, v. supra première notule {a}, note [26] : j’ai mis en exergue les fragments que Jean ii Riolan a repris dans sa Responsio ad Pecquetianos où je les ai traduits entre guillemets.

  3. « pour qui s’était levé tout le chœur d’Apollon » ; Virgile, Bucoliques, vi, vers 66, sur Silène : Utque viro Phœbi chorus assurexerit omnis [Et comment devant cet homme s’éleva tout le chœur d’Apollon].

  4. La Medicina universa ou Pathologie, en 23 livres, est le plus célèbre ouvrage de Jean Fernel : vnote Patin 1/36.

  5. Jean i Riolan a loué Fernel dans ses ouvrages, mais aucun ne porte le titre d’Institutiones medicæ : vnote Patin 9/22.

  6. « Certains disent que je ne suis pas poète, mais le libraire qui me vend n’est pas de cet avis », Épigrammes, livre xiv, cxciv.

  7. Cette date permet d’identifier les Opera omnia de Jean i Riolan comme étant ses Institutiones [préceptes], publiées pour la première fois par son fils à Paris en 1610.

  8. « Lui seul est sage, les autres errent comme l’ombre » : adaptation d’Homère, L’Odyssée, chant x, v. notule {g‑iv}, note Patin 37/8202.

  9. Livre ii, section iv, De partibus dissimilaribus, seu de Anatomia [Des parties non similaires, ou de l’anatomie], chapitre xxii, Quid sit Anatomia ? et qua Methodo tradi debeat ? [Qu’est-ce que l’anatomie, et par quelle méthode doit-on en traiter ?] page indiquée, avec Anatomia pour Anatome.

43.

Jean ii Riolan reprenait ici quelques fragments de sa bienveillante introduction aux Animadversiones in Syntagma anatomicum Ioannis Veslingii Professoris Anatomici Patavini [Animadversions sur le Syntagma Anatomicum de Johann Vesling, professeur d’anatomie à Padoue], pages 805‑806 des Opera anatomica vetera et nova, Paris, 1649 (v. supra première notule {a}, note [26]).

V. supra note [36] pour le Syntagma Anatomicum [Traité anatomique] de Johann Vesling, dont la seconde édition a paru à Padoue en 1647 (deux ans avant sa mort) ; il y a en effet écrit, à la 3e page de sa préface au lecteur : Hausi pleraque ex communi fonte sed vasculo hausi meo [J’ai puisé à la source commune, mais j’y ai puisé dans ma propre coupe].

44.

V. note [8], Brevis Destructio d’Hyginus Thalassius, chapitre iii, pour la Spongia alexiteria de Jean ii Riolan qui répondait aux attaques qu’Emilio Parisano lui avait lancées dans la seconde partie (17 pages) de ses nobilium Exercitationum de Subtilitate [nobles Essais sur la subtilité], intitulée De Diaphragmate singularis certaminis Lapis lydius ad Ioannem Riolanum Iuniorem Anatomicum Parisiensem Medicum Regium [Pierre de touche du combat singulier sur le diaphragme contre Jean Riolan le Jeune, anatomiste parisien et médecin du roi] (Venise, 1635, vnote Patin 1/188).

Le passage que j’ai traduit entre guillemets vient du début de la Spongia alexiteria, page 845 des Opera anatomica vetera et nova de Riolan (Paris, 1649, v. supra première notule {a}, note [26]).

45.

Cette autre page des Opera anatomica vetera et nova de Jean ii Riolan (Paris, 1649, v. supra première notule {a}, note [26]) correspond au chapitre i de ses Probationes [Preuves] sur la circulation du sang, à propos de William Harvey et de son antagoniste Emilio Parisano : les propos de James Primerose, Hermann Conring et Ioannes Benedictus Sinibaldus (vnote Patin 33/97) contre la pensée brouillonne et les propos inintelligibles de Parisano sont dans le deuxième paragraphe.

46.

Vnote Patin 10/140 pour les Opuscula medica de Caspar Hofmann (Paris, 1647), dont le deuxième est intitulé Exercitationes juueniles contra Parisanum, aliosque [Essais de jeunesse contre Parisano et d’autres auteurs]. Ils sont dédiés à Guy Patin, avec une épître de trois pages, datée du 1er février 1646, qui contient ce passage :

Quidquid sit, tria isthæc Opuscula pro Veritate scripta ecce Tibi mitto. Faxit ille Deus, vt bene ambulent. Ego interim in hac affecta ætate quantum humanitas potero, laborabo vt vinea Domini sit quàm cultissima. Quem finem vtinam sibi proponeret omnes qui libros hodie scribunt ! Faxo, et minus litium sit, et Veritatis semita expeditior ! Huius rei contrarium exemplum propono Tibi in Æmilio Parisano, quem refuto in his pagellis, et cum Eo, aliquot alios illustres Viros, qui publicè prostant, non quod sapiam plus aliis, sed quod nolim Mendacium veterascere, idque in opprobrium Veritatis. Parisanus quidem inuenit egregium renumeratorem : sed qui cæcus iudicavit de colore. Dicendum enim est quod res est, quamuis dolorem pariturum sit. Reuera tot alapas meruit, quot versus scripsit.

[Quoi qu’il en soit, je vous envoie ces trois opuscules que j’ai écrits pour la défense de la Vérité, Dieu fasse qu’ils vous parviennent bien. Quant à moi, en mon âge chancelant et tant que ma condition humaine le permettra, je vais travailler à cultiver de mon mieux la vigne du Seigneur. {a} Puisse cela être le dessein de tous ceux qui écrivent aujourd’hui des livres ! Je prendrai soin de le faire à la fois pour créer le moins de disputes possible et pour faciliter l’accès à la vérité. En exemple du contraire, je vous propose celui d’Emilio Parisano, que je réfute dans ces quelques pages, et avec lui, quelques brillants auteurs qui s’exposent au jugement public : je ne suis pas plus savant que les autres, mais je ne veux pas que le Mensonge survive et fasse honte à la Vérité. Parisano a certes trouvé un beau chantre de sa gloire, {b} mais dont la vue ne perçoit par la couleur. Il faut en effet dire la réalité des faits, même s’il est douloureux d’en accoucher. À vrai dire, il a mérité autant de gifles qu’il a écrit de vers]. {c}


  1. « La vigne du Seigneur, c’est la maison d’Israël » (Isaïe, 5:7).
  2. Hofmann s’en prenait à l’un des auteur des vers louangeurs qui occupent sept pages des pièces liminaires des 12 livres de Parisano De Subtilitate (Venise, 1623, v. note [44], Responsio ad Pecquetianos, première partie).

  3. Jean ii Riolan a repris cette phrase afin de fustiger Patin pour ses vers sur les grands anatomistes européens : v. notes [11] et [12], Brevis Destructio, chapitre iii.

47.

« il n’y a pas meilleur moyen pour pousser les hommes au combat, pour enflammer Mars aux accents d’une trompe de papier » ; parodie de Virgile, Énéide, chant vi, vers 164‑165 :

Misenum Aeoliden, quo non prætantior alter
aere ciere viros Martemque accendere cantu
.

[Misène, fils d’Éole, qui n’avait pas son pareil pour pousser les hommes au combat, pour enflammer Mars aux accents de son buccin].

Tous les anatomistes que Jean ii Riolan a attaqués et qu’il cite dans ce paragraphe, ont aussi été mentionnés par Hyginus Thalassius dans le chapitre i de sa Brevis Destructio (pages 182‑183).

48.

Dans cette érudite énumération d’auteurs grecs qu’Aristote a critiqués :

Je n’ai pas trouvé de Polybe dont Aristote aurait pu parler.

49.

Le traité d’Aristote de la Respiration est composé de 21 chapitres. Démocrite, Diogène d’Apollonia, Anaxagore et le Timée de Platon y sont critiqués dans les chapitres ii‑v ; la citation de Jean ii Riolan ne figure pas dans la source grecque traduite par Jules Barthélemy-Saint-Hilaire, mais est reconstruite à partir des traductions latines du xvie s., comme celle de Franciscus Vatablus (François Vatable), Lyon, 1546, page 86.

50.

Jean ii Riolan se référait à tort à L’Anabase de Xénophon, car il citait les Histoires d’Hérodote (livre vii chapitre x) : {a}

« Comme les Perses gardaient tous le silence, et que pas un n’osait proposer un avis contraire, Artabane, fils d’Hystaspe, oncle paternel de Xerxès, {b} s’appuyant sur cette qualité, ouvrit le sien en ces termes : “ Seigneur, lorsque dans un conseil les sentiments ne sont pas partagés, on ne peut choisir le meilleur ; il faut s’en tenir à celui qu’on a proposé ; mais, quand ils le sont, on discerne le plus avantageux, de même qu’on ne distingue point l’or pur par lui-même, mais en le comparant avec d’autre or. Je conseillai au roi Darius, votre père et mon frère, de ne point faire la guerre aux Scythes, {c} qui n’habitent point des villes. Flatté de l’espérance de subjuguer ces peuples nomades, il ne suivit pas mes conseils ; il revint de son expédition après avoir perdu ses meilleures troupes. Et vous, seigneur, vous vous disposez à marcher contre des hommes plus braves que les Scythes, et qui passent pour être très habiles et sur terre et sur mer. Il est donc juste que je vous avertisse des dangers que vous aurez à essuyer. ” ».


  1. Traduction Larcher, 1850 ; le latin transcrit par Riolan est très proche de celui d’Henri Estienne, dans la préface de son Hérodote (Paris, 1592, page a iii vo), mais il est traduit autrement à la page 441 de la même édition.

  2. Artabane était frère de Darius ier, roi de Perse de 521 à 486 av. J.‑C. (v. notule {f}, note Patin 45/8212), à qui succéda son fils Xerxès ier, qui se préparait à envahir la Grèce : ce fut la deuxième guerre médique qui s’acheva sur la destruction de la flotte perse à Salamine (480 av. J.‑C.).

  3. Vnote Patin 19/197.

Juste avant cela, j’ai aussi traduit entre guillemets l’éloge de William Harvey que Jean ii Riolan a emprunté au bas de la page 553 de ses Opera anatomica vetera et nova (v. supra note [45]).

51.

Pour se justifier dans le débat sur la circulation sanguine, Jean ii Riolan s’inspirait de Sénèque (Le Repos du sage, chapitre xxx) parlant du débat entre les épicuriens et les stoïciens :

si quis semper unius sequiturn non id curiæ, sed iam factionis est.

[suivre toujours l’opinion d’un seul n’est pas le propre d’un sénat, mais d’une faction].

52.

Jean ii Riolan citait fidèlement et j’ai traduit entre guillemets la fin du 2e paragraphe de ses Notæ ad duas Epistolas Ioannis Valæi [Notes sur les deux lettres de Jan de Wale], {a} page 605 des Opera anatomica vetera et nova, {b} en y ajoutant deux vers :

Sæpius in libro memoratur Persius vno,
Quam leuis in tota Marsus Amazonide
.

[Perse a plus de réputation, pour un seul petit livre, que le fade Marsus pour toute son Amazonide]. {c}


  1. Lettres de Wale (mort en 1649) à Thomas Bartholin (Leyde, 1641, pour la première édition, v. note [6], Experimenta nova anatomica, chapitre i).

  2. Paris, 1649, v. supra note [45].

  3. Martial, Épigrammes, iv, xxix, vers 7‑8, comparant le génie du poète satirique latin Perse à l’Amazonide de Marsus, qui n’a pas survécu au passage des siècles.

53.

Cette édition de l’Encheiridium anatomicum et pathologicum (Leyde, 1649, v. note [11], Experimenta nova anatomica, chapitre i et [26‑4] supra), est le seul de tous les ouvrages de Jean ii Riolan qui soit illustré de figures, mais à son insu. Le Typographus Emptori SP. [Salut de l’imprimeur à l’acheteur] explique les raisons de cet embellissement et vante la qualité du texte de Riolan, qui dit ici avoir appris que Jan de Wale a rédigé cette préface (où son nom n’apparaît pas).

a.

Page 51, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

Refvtatio Panegyreos
Apologeticæ pro Pecqveto,
scriptæ a duobus Medicis

Parisiensibus,
adversvs Ioannem Riolanvm,
Antiquiorem Scholæ Parisiensis Magistrum,
ab istis infamatum.

Sicvt fortis equus spatio qui sæpe
     supremo
Vicit Olympia, nunc senio confectus
     quiescit
 :

Ita Riolanus in ea ætate prouecta,
quam per Dei gratiam est assequutus, deberet
nunc quiescere, et honesto frui otio, pro tot la-
boribus ad vtilitatem publicam exantlatis,

Nullius addictus iurare in verba Magistri.

Lubenter tamen paret consilio Aristotelis, qui
scribit in Politicis, lib. 3. cap. 11. Medicum de-
bere aliis rationem sui officij reddere
. Ad id pro-
uocatus fui à duobus Medicis Doctoribus Pari-
siensibus, Pecqueti Asseclis, et fautoribus
, (sic
enim se profitentur in titulo, et in fine istius li-
bri famosi.) Idcirco mearum partium esse duxi,
meam famam sartam textam tueri, atque iniu-
rias et calumnias in me temere ab iis et maleuo-
lè effutitas repellere.

b.

Page 52, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

Nam qui famam suam non tuetur, æquè in vi-
tio est, ac si patriam, et parentes desereret. Vnus-
quisque famam suam defendere tenetur
, In sacra
Scriptura : Iurisconsulti pro crudeli habent, qui
suam famam negligit
. Verùm qui famosos libel-
los ficto vel alieno nomine scribunt, id faciunt
præ pudore scriptionis falsæ, et insolentis, vel
metu infamiæ, et reprehensionis : sed qui vera
scribit, et loquitur, nihil metuit, suæ scriptio-
nis testem habet veritatem, et conscientiam.

————— hic murus aheneus esto,
Nil conscire sibi, nullâ pallescere culpâ
.

Et intrepidè proclamabit :

Me me adsum qui feci, in me conuertite ferrum.

Hoc genus scribendi antiquis Imperatoribus
improbatum fuit, et à recentioribus, vt Carolo v.
seuerissimis pœnis interdictum. Vlpianus inte-
stabilem esse de lege Authorem, vel Editorem
libelli famosi pronunciauit. Quod antea nota-
uerat Horatius.

Pœnáque lata fuit, quæ nollet carmine quemquam
Describi ————

Ideóque Augustus Imperator referente Dio-
ne Cassio, lib. 56
famosorum libellorum, quos
ad traducendos homines à quibusdam conscri-
bi acceperat, conquisitionem fieri iussit, reper-
tos in Vrbe ab Ædilibus extra vrbem, à singulo-
rum locorum præfectis comburi mandauit, et in
quosdam eorum authores animaduerti.

Hyginus Thalassius scribens ad Iatrophilum
Pecquetianum
 : (Sunt illi duo Medici Parisienses,
fautores et approbatores libri de Venis Lacteis :
nolunt proprio nomine innotescere, atque sub

c.

Page 53, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

aliena larua putant se Leoninæ pelli prudenter
assuisse Vulpinam, vt Leonis more mordeant,
et lacerent Riolanum, atque Vulpis instar clan-
culum hoc maleficium exequantur.

Astutam vapido seruant sub pectore Vulpem).

Illi credunt Riolanum, quem appellant caligi-
nosum, decrepitum, capularem, et silicernium
,
taciturnum, propter ingenij, vt dicunt, hebes-
centis imbecillitatem : Sciant illi, si Machæram
habent domi, Virbinam {a} mihi non defuturam,
nam charta parata est, et calamus, Nec scribenti
otia desunt
 : et si iactatis multos habere gladios,
respondebo cum Castritio Plancentino, et ego an-
nos
, apud Valerium Maximum. Sed nec anni, {b}
nec infirmitas corporis, retardabunt animi vires
robustas adhuc ; cùm infirmor, tunc fortior sum,
inquiebat D. Paulus : Virtus in infirmitate per-
ficitur : Nec recusabo, quamuis spectatus satis,
et iam rude donatus, iterum me antiquo inclu-
dere ludo
.

Quamuis sint duo Doctores Parisienses, con-
iurati hostes Riolani, iunior vt imprudentior,
scribendi et conuitiandi munus in se recepit, al-
terius operâ adiutus. Qualis autem sit iunior,
tanquam sorex indicio suo se prodit. Ego, in-
quit, doctis ignotus, et curtæ supellectilis homun-
cio, Anatomicorum celeberrimo in faciem restiti,
quia reprehensibilis erat
. Vera scribis, Nam si non
aliquâ nocuisses, mortuus esses
putas rem excel-
sam præstitisse cum Dauide, quia supra senem
intellexisti. Vt famam aliquam tibi comparares,
Riolanum insolenter insectatus es,

Nouimus, et qui me transuersa tuentibus hirquis
Respiciat
.


  1. Sic pour : Veruina.

  2. Sic pour : annos prudentiæ (errata).

d.

Page 54, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

Meritò iactare potes more Italico, gli ho fatto
la fica soto il Mantello
, nam in auxilium tuis
fallaciis et offuciis Mantellum adhibuisti, vt
loquar cum Plauto : sic Dares Entellum prouocat,
Troïlus Achillem
. Quoniam conuitia spreta exo-
lescunt, si irascaris agnita videntur, abstinuis-
sem ab ista Responsione aduersus illam Dispun-
ctionem adeo insulsam et puerilem, nisi abster-
genda forent conuitiorum plaustra in me con-
jecta, quibus Medici duo Pecquetiani, proh do-
lor ! Medici Parisienses, me collulutarunt. At
nunc

Serpentum maior concordia, quo nemore vnquam
Expirauit aper maioris dentibus apri,
Indica trigris agit rabida cul tigride pacem
Perpetuam, sæuis iter se conuenit vrsis
.

Attamen eiusdem Scholæ duo longè inferio-
res ætate et doctrinâ in Anatomicis, impuden-
ter Riolano, Antiquiori Scholæ Magistro insul-
tant, et Panegyrim Apologeticam pro Pecqueto
suscipiunt.

Ita regnat inter Medicos inuidia, vt nulla
supra Medicorum inuidiam inter quosdam ma-
le feriatos eiusdem societatis existat. Quod no-
tatum ab Andrea Lacuna, Lusitano, Tagautij
Discipulo, in Methodo Anatomica, Parisiis, ab
ipso edita anno Domini
1535. vbi, inquit, inter
Medicos tanta dominatur inuidia, tantus liuor,
tantaque libido, quod maximè dolendum est,
quanta non fuerit inter sutores, aut alterius ma-
gis seruilis artis artifices. Id prædixerat Demo-
critius Hippocrati, vt ipse testatur in Epistola ad
Damagetum
. Quin valde timeo, neque Medici-

e.

Page 55, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

nam tuam ipsis placere. Nam præ intemperantia
omnia ipsis displicent, et insaniam sapientiam pu-
tant. Profecto suspicor pleraque in scientia tua pa-
lam contumelia affici, aut propter inuidiam, aut
propter ingratitudinem. Ægrotantes enim simul
vt seruantur, causam Diis aut Fortunæ attribuunt.
Plerique verò suæ naturæ hoc adscribentes, bene-
factorem odio habent, et parum abest, vt indignè
ferant, vt se debitores esse putentur, vt et plerique
artis ignorantiam in se habentes, et imperiti exi-
stentes, id quod melius purgant, inter stupidos enim
fiunt suffragia, et neque ægroti attestari volunt,
neque eiusdem artus artifices testimonium præbere,
inuidia enim obstat
.

Cur autem quibusdam Medicis sit innata ma-
ledicendi consuetudo, rationes Astrologicas et
Morales assignat, Differentia 7. Petrus Aponen-
sis, Patauinus, Doctor Medicus Parisiensis
 : eius
verba subiiciam. Est autem sciendum quod Me-
dici meritò vt plurimum malorum extant morum,
quia ex vili stirpe 
{a} et sterili originem contraxerunt,
intumescentes demum, et contumeliosi facti, cùm
fuerint aliqualiter incrassati, tum etiam quia
Medicinæ scientia, et singulariter 
{b} curatiua, maxi-
mè Scorpioni attributa est et Marti, quorum pro-
prietates in malum tendentes iam sunt tactæ
.

Page 182. Quæ te intemperiæ insaniæque
agitant, vt in limine libri adeo impudentissimè
mentiaris ? Riolanus in Obseruatores inuenti Pec-
quetiani styli aciem strinxit tam iracundè atque
hostiliter, vt in infames agyrtas, sicarios, ac furci-
feros, in ciuium capita et fortunas insidiosissimè
grassantes
. Non potes designare locum aut pa-


  1. Sic pour : stipite (source citée).

  2. Sic pour : simpliciter (source citée).

f.

Page 56, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

ginam, vt alibi fecisti. Quis postea fidem tuæ
scriptioni tam calumniosæ adhiberet ? Decipie-
tur. Fateor me dixisse, pag. 154. primæ Respon-
sionis
 : Experimentum Pecquetianum si verum
est, quoad vsum, Nos, id est Medicos Parisien-
ses omnes, ab inuenta et condita Medicina ri-
diculos, impostores, et homicidas declarabit :
Ista propositio, quod sanguificatio fiat in Corde,
est insolentior libris Helmontij, qui omnes Me-
dicos ad hunc vsque diem suâ Medicinâ, Hip-
pocraticâ et Galenicâ
, homines jugulasse dixit,
atque reuelatam à Deo fuisse Medicinam,
vt vniuerso mundo propalaret nouam.

In Responsione prima ad Pecquetum, demon-
straui me admittere tubulum, vel duas Lacteas
Venas Thoracicas : meam querimoniam dumta-
xat esse de nouo officio Cordis sanguificantis, otian-
te Hepate
. Quod falsum esse et impossibile pro-
baui. At Pecquetiani Discipuli, quamuis istud
Paradoxum confirmarint, disputant contra
Riolanum, de hyparxi Lactearum Thoracica-
rum, vt habeant materiam contradicendi, et
maledicendi Riolano. Nec ausi fuere eius postre-
mum iudicium reprehendere, nequidem attin-
gere morsu et virulentâ linguâ. Cuius contro-
uersiæ fundamentum apertè declarauit Riolanus,
in Responsione ad Experimenta Pecqueti, pag. 144.
Fateor istum Iuuenem non indoctum, istos duos la-
cteos tubulos ad superna repentes inuenisse, sed vsum
verum prorsus ignorare, atque imperitè sanguifica-
tionem Hepati eripuisse, vt ineptè tribueret Cordi :
Qua de re in isto Tractatu cum ipso disputabo, de
vsu istarum Venarum Lactearum, non de hyparxi

g.

Page 57, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

et existentia. Laudo tamen eius scrutinum Ana-
tomicum, et diligentiam, in ista perquisitione Ve-
narum Lactearum : si tantùm
το οτι declarasset,
non
το διοτι, maiore laude dignus fuisset.

Ideóque istos Canales Lacteos iure vocabo
Pec-
quetianos, ut in Pancreate canalis Virsungianus
nuncupatur, ne putet me illi iniuriam facere, et
istud inuentum obscurare velle, vel mihi arrogare.
Dumtaxat improbo istarum Venarum Lactearum
vsum ab eo assignatum, et insolentiam, quâ vsus
est aduersus præcedentes Anatomicos, tanquam rei
Anatomicæ ignaros, in Epistola sua dedicatoria
.
Hoc est fundamentum nostræ controuersiæ, de
quo an Pecquetiani Discipuli, Doctores duo Pa-
risienses
disseruerint, iudicabit Lector æquissi-
mus.

Nemo potest modestiùs agere cum Pecqueto :
tubulos Lacteos admitto : vsum repudio. Ipsum
doctum prædico, sed Epistolæ eius dedicatoriæ
insolentiam vitupero. Tubulos Lacteos ab au-
thore Pecquetianos vocaui, cùm tamen possem
ab Hornio, primo Inuentore et Professore Ana-
tomiæ in Academia Leidensi, Hornianos vocare :
Pecquetum in Iudicio nouo de Venis Lacteis bis
terue laudaui ; sed quia Doctorum duorum Pari-
siensium
iudicio non subscripsi, eorum indigna-
tionem merui Memini statim post Editionem
libri Pecqueti, dum apud ægram cum juuene
Doctore Pecquetiano loquere de isto Paradoxo,
et eorum Iudicium dicerem non omnibus Do-
ctoribus placiturum, respondit, Paratus sum
renunciare, et me retractare
. Sed alter Doctor
ipsi dissuasit, et conftimauit in isto pernicioso

h.

Page 58, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

errore, et defensionis communis arma suppedi-
tauit. Ambo animos addidere Pecqueto, et in
commune laborarunt ad jugulandum Riolanum :
qui tamen, singulari Dei beneficio, viuit et va-
let, quotidie meditans et scribens aliquid in rei
Medicæ commodum.

Imprimis vituperant in Riolano, id quod lau-
datione dignum erat ; Animaduersiones scripsit
in omnes Anatomicos mortuos et viuentes
, quos
sigillatim nominarunt, vt alienæ obtrectatione
scientiæ famam aucuparetur. Vix serò faciles ha-
bet mores, ac domi quiescere potest, qui tota die in
via iurgia miscuit, antiquum enim istud est et fa-
miliare Riolano, velut Quinquertio natus esset,
omnes omnium gentium de Anatome scriptores, in
certamen vocare, omnes datâ operâ insectari
. Me
depingit tanquam insanum et furiosum, cui oc-
cursare in via periculosum. Cornu ferit ille, ca-
ueto
. Sic modestè agit cum Riolano. Qui leget
Anthropographiæ Præfationem, et pag. 435. et
686. et Præfationem Encheridij
, agnoscet, quan-
tum sit alienus Riolanus ab ista ostentatione et
iactantia, quam illi malitiosè exprobant.

Recenset {a} Authores, quos iniustè reprehen-
dit Riolanus, ac primum producunt, Andream
Laurentium
. Ecquis Medicorum et Anatomi-
corum ante Riolanum, famam et reuditionem
Laurentij tuitus est aduersus iniquos operum
Anatomicorum sugillatores, vel potiùs Zoilos ?
eos intelligo qui plagij crimen obiiciunt Lau-
rentio
, quod suam Anatomem ex Mercati Hispa-
ni Physiologia
transcripserit. Imposturam de-
texi, ex relatione Doctoris et Medici præstan-


  1. Sic pour : recensent.

i.

Page 59, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

tissimi, D. Paz, Hispani, primarij Medici Hi-
spanorum Principum, qui in Belgio regnarunt
 :
Ideóque merito potest respondere Laurentius
Mercato
.

Vna est in nostris tua, mi Mercate, libellis
Pagina, sed certâ Domini signata figurâ,
Quæ tua traducit manifesto carmina furto,
Sic interpositus vitro {a} contaminat vncto.
Iudice non opus est nostris, nec vindice {b} libris,
Stat contrà, dicitque tibi pagina fur es.

Quis ante Riolanum demonstrauit imposturas
Colladonis, Monspeliensis Medici, et Petri Lau-
rembergij, Professoris Rostochiensis
, aduersus hi-
storiam Anatomicam Laurentij ? quæ omnia co-
piosè declarauit Riolanus, pag. 32. suæ Anthro-
pographiæ ; et in Præfatione Animaduersionum
ad Laurentij Anatomem, pag. 624.
Vbi sui
instituti causas reddit. Nunc inuitus et coactus,
cum omni tamen modestia et reuerentia, quæ
debetur Manibus et memoriæ viri præstantissi-
mi et eruditissimi, Animaduersiones in opus A-
natomicum Laurentij describam, tanquam Edi-
tionis postremæ corrector, si putes ab incuria
Typographiæ istos errores profectos. Itaque
non inuideo, miror magis eruditum opus An-
dreæ Laurentij
 ; eleganti stylo conscriptum, Di-
uinum eruditi ingenij monumentum, vt decla-
raui pag. 31.

Quod spectat ab Bauhinum consimili mode-
stia vsus sum pag. 33. et pag. 686. Citra unui-
diam et obtrectationem alienæ famæ monebo
Lectorem, Reformationem vltimam Theatri
Anatomici ad exemplar meæ Anthropographiæ


  1. Sic pour : villo (source citée).

  2. Sic pour : Indice […] nec iudice (source citée).

j.

Page 60, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

editæ 1618. factam fuisse, suppresso tamen meo
nomine, vt animaduerteret quicumque meam An-
thropographiam
cum eius Theatro, secundæ Edi-
tionis conferre voluerit. De meis duntaxat in-
uentis magno labore quæsitis conqueror, et re-
petundarum rerum accuso Bauhinum, quas re-
citat sub nomine alterius innominati, Quidam
aut nonnulli dicunt
. Quod cùm in Theatro Ana-
tomico deprehendes, Amice Lector, scito Rio-
lanum esse Authorem. Verumtamen in Bauhi-
no
laudo diligentiam et summum laborem in
condendo hoc Theatro Anatomico, vt in suo
Phytopinace, opere laboriosissimo et vtilissimo ;
sed in Anatomicis maiorem industriam, accu-
ratam censuram in probandis, vel improban-
dis desidero.

Non defuturos præuideo, qui credent me
φιλαυτιας, et arrogantiæ flatu impulsum et infla-
tum, istas Animaduersiones edidisse in Lauren-
tium et Bauhinum
, vt supra cæteros Anatomi-
cos sapere, et maiora præstare viderer, hisque
prostratis et deuictis de possessione rei Anato-
micæ adepta, tanquam Dictator triumpharem,
atque imperiosam in hac professione dictatu-
ram exercerem. Ad vitandam hanc inuidiam
potuissem Riolani mutato nomine, et alterius
mutuato, istas Animaduersiones in lucem pro-
ferren sed à multis spretæ fuissent, velut ab in-
scio et temerario quodam homine profectæ.
Alij me Authorem suspicati, aut pro certo agno-
scentes, vel inconstantiam, aut trepidationem,
vel inscitiam exprobassent, quod non ausus
fuissem in medium prodire, et proprpio nomine

k.

Page 61, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

innotescere : ideóque lateam instar Apellis post
tabulam, aliorum iudicia exploraturus, in eo
certamine, quo quis prouocat notus esse debet.
Itaque fretus experientiâ et fiduciâ studij Ana-
tomici, constanter profiteor me Authorem ista-
rum Animaduersionum, quas nuncupare pos-
sum extemporaneas, scriptas in feruore studij
Anatomici, anno 1627. relegendo Laurentium
et Bauhinum
 : D. Gilberto Puylon, nunc Col-
lega nostro, tum Baccalaureo nostræ Facultatis,
excipiente ex ore meo ; cum alij Anatomici qua-
tuor nondum essent noti suis scriptis ; quæ ta-
men festinante calamo et prælo editionis, exa-
minaui. Id suscepi, non vt insultarem mortuis
ac viuentibus, spretisque ac fastiditis eorum la-
boribus meos commendarem et anteponerem :
nondum enim istud ambitiosum et insanum
scribendi cacoethes, et obtrectandi maligna
prurigo meam mentem perculsit, {a} et labefecit,
sed vt cautiores redderem Anatomicos in le-
gendis libris Anatomicis, parémque diligen-
tiam, et cautionem in meis etiam examinandis
adhiberent. Modestè tamen et amicè cum illis
egi, parem gratiam ab his qui supersunt, et au-
râ fruuntur æthereâ expectans. Quapropter
istas Animaduersiones haberi cupio, non pro
criticis censuris, sed pro Scholiis, siue Interpre-
tationibus locorum difficilium, et obscrurio-
rum, vel pro supplementis deficientium, vt à
Philiatris erudita hæ monumenta Anatomica
facilius et rectius intelligantur, et ad vlterio-
rem indagationem ipsi promoueantur. Itaque
lubenter χρηστομαθειας appellabo, cum Cl. Isaacio


  1. Sic pour : perculit.

l.

Page 62, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

Casaubono, Notis ad Laërtium, more veterum,
qui notabant {a} ea, de quibus dubitant, autho-
res legendo : Atque patienter feram in rebus
Anatomicis pares animaduersiones, post hanc
editionem, quam puto meis præcedentibus e-
mendatiorem euulgasse.

Causas Animaduersionum in Spigelium expo-
sui pag. 34. Anthropographiæ. Quamuis Spige-
lius
neminenm laudare au nominare soleat more
Fabricij et Casserij, vt lectores cuncta putent
ab eius ingenio profecta, et excogitata : qui ta-
men in lectione Anatomicorum recentiorum
versatus fuerit, facilè animaduertet Spigelium
vsuram vel gloriam eorum, quæ ab aliis mutua-
tus est, non reddidisse suis auctoribus. Ac ne
longiùs exempla petantur, in musculorum ex-
plicatione opiniones meas atque nomina musculo-
rum tacitè retinuit, et hæc omnia tanquam sua
proposuit. Propterea, cùm nunc pauca dici et
obseruari queant, quæ non priùs dicta aut ob-
seruata fuerint, non possum probare eorum in-
stitutum, qui totam Anatomem tanquam à se-
ipsis inuentam, describere meditantur, sine lau-
datione præstantium Anatomicorum, qui rectè
aliquid inuenêre, aut examine eorum, quæ ab
illis perperam dicta, aut inuenta fuere, atque
sincerâ et verâ declaratione eorum, quæ supra
veteres et recentiores Anatomicos ab ipsis re-
perta, aut rectiùs exposita videbuntur.

Ex Syntagmate Anatomico Veslingij didici
Spigelium testamento suo præcepisse, vt viginti
quatuor lectiones Anatomicæ, quas exornaue-
rat ad editionem, dumtaxat ederentur in lucem.


  1. Ajouter (errata) :

    Notabant Obelisco Authore Galeno, com. ad lib. 2. Hippocratis, de Nat. hum pag. 100. lin. 9. Opto tibi consimilem fortunam tuæ Nobilitati conuenientem.

m.

Page 63, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

Bucretius, amicus et discipulus Spigelij, conatus
est ex Schedis Authoris, et proprio marte per-
ficere quod deerat, idque præsitit, additis Iulij
Casserij Iconibus Anatomicis
 ; ideóque errores
non Spigelio, sed eius Discipulo tribuendi sunt,
qui non eam Spigelij peritiam, et eruditionem
in rebus Anatomicis adeptus fuerat. Itaque no-
lo cum laruis luctari, siue litigare cum mortuis,
eorúmque Manes inquietare, et excire sepul-
cris : Imò precor Deum vt molliter eorum ossa
quiescant, et tumulis lubenter flores superad-
derem, propter egregiam nauatam operam in
rebus Anatomicis : sic enim loquutus sum pag.
735. meæ Anthropographiæ
.

Quod spectat ad Bartholini Animaduersiones,
coactus fui pag. 687. meum iudicium iuterpo-
nere, {a} cùm obseruarem in Institutionibus Anato-
micis Caspari Bartholini Patris
, quasdam Observ-
uationes nostris consimiles, licet aliis verbis ex-
pressas, ne quis putet me indicto et insalutato
Bartholino, quem Philosophum et Medicum eru-
ditum
agnosco, et de re Medica bene meritum,
etiamsi deseruerit castra Medicinæ, vt Theo-
logiæ vacaret, me isthæc suffuratum fuisse : Ille
sciet me primùm de rebus Anatomicis scripsisse
anno 1607. deinde anno 1609. meos labores
Anatomicos renouatos, et auctiores editioni
librorum Parentis mei coniunxisse : Et anno
1611. prodiere in lucem Institutiones Anatomi-
ca Bartholini
.

Non vitupero antipelargiam Filij, qui vt bo-
norum Patris, sic professionis heres et successor,
patrimonium sibi relictum amplificare voluit,


  1. Sic pour : interponere.

n.

Page 64, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

et in paterno fundo laborare, tanquam in pro-
prio excolendo : Sed desiderassem, vt Valeus,
qui libri Editioni nouæ præfuit, et cuius subsidio
nitorem atque lucem nouam obtinuit, de erroribus

Patris Filium monuisset, nec veteribus nouos
cumulasset, quos amicè patefaciam. Quoniam
Filius incrementum istud inseruit, non quod Paren-
tis sui historia, tanquam ab veri ignorantiam fal-
sæ addi aliud verius, aut demi possit : sed vt in his
iam habeatur probatus, quibus vltra emendatio-
nem dudum se protulit
. Ergo iustus est et incul-
patus, qui nondum fuit accusatus. Itaque non
intendo tanquam seuerus Aristachus, et mor-
dax Zoilus, rei Anatomicæ ignorantiam Patri
Bartholino
exprobare, partámque famam lace-
rare ; sed eius tantùm in Anatomicis aberratio-
nes à me detectas, aliis occultas, ideóque inta-
ctas excusare, vt intelligat Filius se impruden-
ter increpasse virum Doctissimum Primerosum,
quod scripserit à Riolano Præceptore suo, rei Ana-
romicæ vltimum complementum additum fuisse
.

Nec dedignatus est Thomas Bartholinus, in
tertia Editione suæ Anatomiæ Reformatæ
, emen-
dare errores à Riolano notatos, quamuis pro re-
muneratione suos Discipulos in suo Collegio
Anatomico conuitiis armauerit, et passim ma-
litiosè, et contra veritatem Riolanum incre-
pârit.

Casparum Hofmannum laudaui pag. 34. meæ
Anthropographiæ
, sed cùm animaduerti in suis
Institutionibus inseruisse Anatomem, quam tan-
to fastu et arrogantiâ descripsit, vt palmam præ-
ripuisse omnibus Anatomicis credat, nec pe-

o.

Page 65, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

percit Fernelio, quem Scholæ omnes venerantur,
et agnoscunt à Galeno secundum : Hoc ego, in-
quit, ago, vt illis nauseam creem, ad mentionem
hominis immeritissimò tanti
. Reliquas iniurias, et
Fernelij defensionem à me susceptam legere licet
pag. 789. Appellat Patrem meum Simiam Fer-
nelij
, et eius Institutiones Medicas tanquam ri-
diculas fastidit :

Ipse sapit solus, reliqui velut umbra vagantur.

Reprehendit Institutionistas, quod prætermise-
rint Anatomicam doctrinam, ac proinde inutiles
ac imperfectas scripserint Institutiones Medicas ;
Ipse præcedentibus accuratior Anatomica proposuit
 ;
Sed adeo erronea et absurda, vt ipsum visis istis
Animaduersionibus, pudere debeat suæ scriptio-
nis, et sarcasmo exsibilare et explodere istas
Animaduersiones, quia prodeunt ex officina
Professoris Anatomici, qui consenuit in operi-
bus artis, atque ex tuo iudicio ius istud possidet. In
Anatomicis, qui tantum studij 
{a} et tædij sumere non
vult, non sumat sibi licentiam arbitrandi de tantis
Viris, ne in bonam quidem partem, quod notan-
dum ; Nam vbi error, ibi quoque malum est, si
Anatome falsum quid afferat, et quod in praxi
nos errare faciat, ne Anatome quidem dicenda est,
ex Hofmanno, Institut. Medic. pag. 69.
Notate
hunc locum, Pecquetiani fautores et asseclæ.

Ioannes Veslingius, postremus Anatomicus,
Anatomica
 {b} scripsit compta et eleganti oratio-
ne. Notat se à communi fonte hausisse, sed suo
vasculo, id est ex corporis Humani sectione et
obseruatione propria suam Anatomem condi-


  1. Sic pour : temporis (source citée).

  2. Sic pour : de re Anatomica (source citée).

p.

Page 66, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

disse, per tria lustra, in gratiam discipulorum,
et ad animorum recreationem, Iconas adiunxis-
se. Ipsum sedulam in eo studio nauasse operam,
non solùm meditando, sed etiam agendo et ad-
ministrando propriis manibus Anatomica fidem
faciunt, et Professio Anatomica in celeberrima
Academia Patauina, quam à quindecim annis
cum magna nominis sui celebritate sustinet, et
exercet : Liberè tamen fateor, et agnosco, ac
prædico, inter Anatomicos, quos recensui, nul-
lum clarissimo Veslingio doctiorem et peritio-
rem in Anatomicis legisse : Lætor plurimùm,
quod in multis ipsum habeam ομοψηφον, præser-
tim in musculis, quorum ego primus origines,
et insertiones, numerum et nomina proposui,
supra præcedentes Anatomicos, et accuratè ex
libro Naturæ persequutus sum. Similiter ille ex
fonte Naturæ hausit, et suo vasculo. Propterea
nullo modo, vel in paucis sumus dissentientes,
nisi mihi successisset operi Anatomico, crede-
rem me eius genio animatum eadem scribere
aliis verbis interpolata ; Tanta vis est veritatis
in peritis Anatomicis. Propterea non Animad-
uersiones sed potiùs Scholia, vel interpretatio-
nes Syntagmatis Anatomici scripturus sum ; pa-
rem gratiam et animaduersionem amicam ab
ipso præstolaturus si se læsum sentiat.

Quod spectat ad Parisanum, lubenter abst-
inuissem ab ista responsione, et placidè frui sua
Philautiâ Parisanum reliquissem, nisi me pro-
uocasset ad certamen Diaphragmatis, quod ap-
pellat singulare certamen, sine alterius supposi-
tione, vel mutato nomine, in quo sibi trium-

q.

Page 67, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

phum decernit ante Victoriam, quam gloriatur
obtinuisse de omnibus Anatomicis, ac potissi-
mùm de Riolano, quem supplantauit. Qui plu-
ra desiderat de hominis impudentia et insolen-
tia, legat Responsionem Riolani ad eius disputa-
tionem de Diaphragmate
, atque reperiet pag. 553.
iudicia Primerosi, Conringij, et Sinibaldi, de scri-
ptis Parisani, imò ipse Hofmannus, in Epistolâ
Præfatoria ad D. Guidonem Patinum, Doctorem
Medicum Paris.
scriptâ, conqueritur de igno-
rantia Parisani, et adulatione illius, qui Poëma
scripsit initio eius libri : sic de ipso conqueritur :
qui versibus commendauit librum Parisani, re-
uera tot alapas meruit, quot versus scripsit
.

Videant ipsi Doctores Parisienses duo Pecque-
tiani
, si Riolanus acerbè insectatus fuerit Lauren-
tium, Bauhinum, Spigelium, Bartholinum, et
Hofmannum, num Parisanus istam castigatio-
nem meruerit
.

Sed Riolanus acriùs pugnauit in Harueum,
Valæum, Plempium, Leichnerum, Cornelium ab
Hogelande, Regium, Licetum
 ; istos omnes no-
minarunt, vt ex istis aliquem excitaret aduer-
sarium ad pugnam instaurandam :

—————non est præstantior alter
Ære ciere viros, Martémque accendere cantu

     tubæ chartaceæ.

Riolanus scripturus de Circulatione sanguinis,
omnes istos Authores nominauit, et si quid
animaduersione dignum in his deprehendit,
paucissimis verbis exposuit, more Aristotelis,
qui nunquam suam sententiam declarauit, nisi
priùs eorum opiniones, aduersus quas disputa-

r.

Page 68, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

bat recensuisset et refutasset ; quales fuerent Par-
menides, Zeno, Democritus, Plato, Empedo-
clex, Anaxagoras, Leophanes, Alcmeon Cro-
toniata, Siennesis Cyprius Medicus, Diogenes
Apolloniata, Polybus. Et lib. de Respiratione,
postquam scripsit, Authores antiquos contra
Experientiam et rei veritatem multa falsa pro-
didisse, subjungit, ne absentes immeritò accusa-
re videar, eorum opiniones examinabo, nempe De-
mocriti, Diogenis, Anaxagoræ, Platonis
.

At de Harueo nemo cum maiori laude loquu-
tus est quàm Riolanus : Ego verò candidè ac sin-
cerè profiteor et prædico, Circulationis sanguinis
Authorem et Inuentorem D. Harueum, erudi-
tissimum Medicum Anglum, Anatomes Profes-
sorem, in Collegio Medicorum Londinensium, cui
plurimùm debet hodiernus sapientium chorus, et
grata posteritas, propter istud inuentum, quia Phi-
losophorum et Medicorum ingenia excitauit, ad
expendendam et eruendam eius quæstionis veri-
tatem, et viam aperuit ad istaurationem veræ
Medicinæ
. Dum proposui opiniones Medico-
rum discrepantium ab Harueo, consilium Ar-
tabani
, primi Regni Persarum Administri se-
quutus sum, apud Xenophontem : In re difficili
agitanda, fieri non potest, cùm sententiæ sibi aduer-
santes non fuerint propositæ, quis meliorem eligat,
sed eâ quæ producta fuit, vtendum. At cùm con-
trariæ propositæ fuerunt, delectus præbetur, quem-
admodum aurum purum non per se dignoscimus,
nisi purissimi collatione factâ
. Eleganter Seneca
rogatus in Senatu dicere sententiam ; ridebor si non
examinem quæ dicta sunt ; nam vnius sequi sen-

s.

Page 69, Ioannis Riolani Responsiones duæ (1655).
3. Ad Pecquetianos
.

tentiam, non artis est, sed factionis.

Valæus si viueret, non crederet se offensum
à Riolano, qui honorificè de ipso loquutus est,
Modestè, pro more meo agam cum viro doctissimo,
quem cum Harueo æterna laude et commendatio-
ne dignum iudico, ex isto scripto Anatomico, quam-
uis exiguo
. Atque vt accepi à viro optimæ fidei,
dignatus est Præfatione honorificâ mei Enchei-
ridij Anatomici
editionem exornare nomine Ty-
pographi Leidensis
, vbi editum fuit in octauo,
cum figuris æneis elegantibus.


Jean Pecquet et la Tempête du chyle (1651-1655), édité par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Texte. Jean ii Riolan Responsiones duæ (1655), Responsio ad Pecquetianos, 1re de 6 parties

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(Consulté le 03/06/2024)

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