L. 475.  >
À MM. de Tournes,
le 1er avril 1657

Messieurs, [a][1]

Je me tiens tout glorieux de votre lettre et fort heureux de votre amitié, laquelle je vous prie de me conserver, et je vous promets que je ferai tout ce qu’il vous plaira et tout ce que je pourrai pour votre service quand il vous plaira de m’employer. Pour les livres que je vous ai indiqués à imprimer, je suis très certain qu’ils seront bons, et que j’ai le moyen d’en bien aider et procurer le débit. Lotichius, [2] ci-devant médecin et maintenant historiographe, a fait deux volumes in‑fo Rerum Germanicarum, et peut-être que le troisième est aussi imprimé. Si vous les avez, envoyez-les moi. Dites-moi aussi s’il n’a pas fait réimprimer son Pétrone [3] in‑fo, fort augmenté, comme il en avait le dessein il y a déjà longtemps. [1] Ce dernier est un livre excellent, et l’auteur un fort savant homme. Il avait eu le dessein de le faire réimprimer ici avec toutes ses augmentations in‑fo, mais je répondis qu’il était impossible, y ayant trop ici trop de moines, [4] de jésuites [5] et autres gens ennemis des belles-lettres, qui croiraient avoir gagné des pardons s’ils avaient empêché une telle impression. Pour les manuscrits de H. Hofmann [6] dont j’ai de quoi faire deux petits volumes in‑fo, je puis vous assurer que depuis J. Fernel [7] on n’a rien fait de meilleur en médecine. [2] Je ne sais pas ce que vous imprimez à présent, mais ôtées la Bible ou les Institutions de Calvin, [3][8][9] je ne me saurais aviser d’un meilleur livre, et vous êtes en lieu d’en faire un grand débit, tant en Allemagne qu’en Italie et en France. Je vous prie de saluer de ma part MM. Diodati père [10] et fils, [4][11] et de croire que je suis, Messieurs, votre, etc.

De Paris, ce 1er avril 1657.


a.

Bulderen, no cxiii (tome i, pages 289‑290) ; .Reveillé-Parise, no clviii (tome i, pages 263‑264).

1.

V. notes [3], lettre 279, pour les deux tomes in‑fo des Rerum Germanicarum et externarum nostri temporis historia universalis… [Histoire universelle des affaires germaniques et étrangères de notre temps…] (Francfort, 1646-1650) de Johann Peter Lotich, et [83], lettre 150, pour son édition du Satyricon de Pétrone.

2.

Les manuscrits des Chrestomathies de Caspar Hofmann (v. note [17], lettre 192), que Guy Patin voulait absolument faire imprimer, étaient le motif principal de cette lettre.

3.

Faut-il vraiment croire Guy Patin quand, écrivant à deux libraires de Genève qu’il voulait amadouer, il se déclarait grand admirateur du livre qui devait leur être le plus cher ?

Institution de la Religion chrétienne : en laquelle est comprise une somme de piété et quasi tout ce qui est nécessaire à connaître en la doctrine de salut. Composée en latin par Jean Calvin, et translatée en français par lui-même. {a} Avec la Préface adressée au très-chrétien roi de France, François premier de ce nom : par laquelle ce présent livre lui est offert pour confession de Foi. {b} Habac. i. {c} Jusques à quand Seigneur ? {d}


  1. Ouvrage fondateur du calvinisme (v. note [15], lettre 97), publié pour la première fois en latin, Christianæ Religionis Institutio, à Bâle en 1536.

  2. Livre d’Habaquq (14e des 18 livres prophétiques de l’Ancien Testament), Première plainte du prophète, la déroute de la justice :

    « Jusques à quand Seigneur, appellerai-je au secours sans que tu écoutes, crierai-je vers toi : “ À la violence ! ” sans que tu délivres ? »

  3. Épître dédicatoire de 38 pages, datée de Bâle le 23 août 1535, qui est un des manifestes fondateurs des guerres françaises de Religion (1562-1598), avec cette conclusion : {i}

    « Tu as, ô roi très magnifique, la venimeuse iniquité de nos calomniateurs exposée par assez de paroles, afin que tu n’inclines pas trop l’oreille pour ajouter foi à leurs rapports. Et même, je doute que je n’aie été trop long, vu que cette préface a quasi la grandeur d’une défense entière ; combien que par icelle, je n’aie prétendu composer une défense, mais seulement adoucir ton cœur pour donner audience à notre cause. Lequel tien cœur, combien qu’il soit à présent détourné et aliéné de nous, j’ajoute même enflammé, {ii} toutefois j’espère que nous pourrons regagner sa grâce, s’il te plaît une fois, hors d’indignation et courroux, lire cette confession, laquelle nous voulons être pour défense envers ta Majesté. Mais si au contraire, les détractions des malveillants empêchent tellement tes oreilles que les accusés n’aient aucun lieu de se défendre. D’autre part, si ces impétueuses furies, sans que tu y mettes ordre, exercent toujours cruauté par prison, fouets, géhennes, {iii} coupures, brûlures : nous certes comme brebis dévouées à la boucherie, serons jetés en toute extrémité. Tellement néanmoins qu’en notre patience nous posséderons nos armes et attendrons la main forte du Seigneur : laquelle, sans doute, se montrera en saison, et apparaîtra armée, tant pour délivrer les pauvres de leur affliction, que pour punir les contempteurs. »

    1. Où j’ai respecté la curieuse construction des phrass, mais modernisé la ponctuation et l’orthographe.

    2. V. note [67] du Faux Patiniana II‑7 pour l’affaire des placards qui, en octobre 1534 à Paris, avait mené six luthériens sur le bûcher.

    3. Tortures.
  4. Sans lieu ni nom, 1541, in‑4o de 822 pages.

4.

Bien qu’il fût encore bien jeune pour mériter les salutations de Guy Patin, il pouvait s’agir de François Diodati (1647-1690), futur graveur et dessinateur genevois, fils du médecin Alexandre Diodati (v. note [2], lettre 557). Ils étaient, me semble-t-il, les seuls Diodati de Genève alors en vie auxquels Patin pouvait adresser son bon souvenir.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À MM. de Tournes, le 1er avril 1657

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0475

(Consulté le 26/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.