À Paris, ce 25e de juillet 1664.
Pour réponse à la vôtre, qui m’a été rendue par monsieur votre beau-frère, je vous dirai que je ne me souviens pas d’avoir vu un Homère portatif tout grec, [1][2] et je doute s’il y en a de cette sorte comme vous le désirez. Depuis un an il n’est guère venu de livres de Hollande à cause de la peste [3] d’Amsterdam, [4] laquelle y est encore bien rude. Telle édition, pour être bonne, doit être très correcte et avoir passé par la main des critiques ; quæ revera an talis exstet in rerum natura, plane nescio. [2] Il est vrai qu’Homère est un auteur incomparable, ideoque dictus ab antiquis, fons ingeniorum ; [3][5] mais après lui, nos poètes latins méritent un grand lieu, et surtout Virgile, [6] Horace, [7] Ovide, [8] Juvénal [9] et Martial. [10] On n’imprime rien de M. Merlet [11] sur les Épidémies d’Hippocrate ; [12] mais qui pis est, je doute si jamais il en viendra rien de ce côté-là. Nosti vetus dicterium, filii heroum noxæ. [4] Je baise les mains à mademoiselle votre femme, à la petite fille [13] et aux deux petits garçons ; [14][15] je prie Dieu qu’il bénisse toute la famille. [5] Le légat du pape [16] était ici venu pour y faire son entrée ; mais faute de s’être accordé avec le Parlement, pour quelque cérémonie de préséance, l’on dit qu’il s’en retourne sans nous laisser les pardons qu’on avait fait espérer aux badauds ; sed valeat ille pupruratus, et habeat sibi res suas, imo abeat in malam rem unde infaustis avibus malum pedem attulit. [6][17] Les princes chrétiens s’amusent à des vétilles de prééminences tandis que le Turc [18] fait des conquêtes en Hongrie ; si bien que, s’il continue de gagner, puisqu’on le laisse faire, il viendra sans doute en Italie, où il ne manquera pas de prendre toutes les reliques des saints, et puis après, on dira Notre Saint-Père le Turc au lieu du pape, [19] que les gens de bien maudiront. Vale et me ama.
Tuus ex animo, Guido Patin. [7]
Je vous envoie une douzaine de nos thèses, [20] æqui bonique consule. [8] Le légat s’en va malcontent du roi, [21] comme le roi est malcontent du pape : ista sunt arcana dominationis, [9] intérêts de princes, cérémonies de préséances, etc. Deus ipse viderit. [10][22]
Ms BnF no 9357, fo 359, « À Monsieur/ Monsieur Hugues ii de Salins,/ Docteur en médecine,/ À Beaune », lettre dictée par Guy Patin, seuls le post‑scriptum et la signature sont de sa main ; Chéreau no xxx (44‑45).
« On aime les livres in‑12, parce qu’ils sont portatifs, on les met en poche » (Furetière).
« j’ignore tout à fait si quelque chose de tel existe réellement dans le monde. »
« c’est pourquoi les anciens l’ont appelé la source où puisent les génies » ; Pline, parlant de la terre (Histoire naturelle, livre xvii, chapitre iii, § 10 ; Littré Pli, volume 1, page 613) :
Illa post vomerem nitescens, qualem fons ingeniorum Homerus in armis a deo caelatam dixit addiditque miraculum nigrescentis, quamvis fieret ex auro.
« Elle qui brille après le passage du soc, telle qu’Homère, source où puisent les génies, la dépeint ciselée par les dieux sur les armes d’Achille, ajoutant, chose merveilleuse, qu’elle noircit, quoique représentée en or. »
« Vous connaissez le vieux dicton, “ Leurs fils sont les châtiments des héros ” [v. note [20], lettre 179]. »
Guy Patin voulait dire qu’André Merlet, le fils aîné de Jean (mort en février 1663), ne se préoccupait pas de faire imprimer le commentaire de son père sur les Épidémies d’Hippocrate (v. note [1], lettre 673).
Après Pierrette (v. note [10], lettre 634), deux fils étaient nés à Hugues ii de Salins, dont le premier (de prénom inconnu) a été mentionné dans la lettre du 1er juin 1662 (note [18]).
Le second prénommé Claude venait de naître (Papillon, tome second, page 231) :
Claude écrivit et fit graver cette épitaphe sur la tombe de son père, érigée en l’église de Meursault et détruite pendant la Révolution (ibid.) :« Salins (Claude de) docteur en médecine et maître des comptes à Dijon, naquit à Beaune vers 1664 de Hugues ii de Salins, médecin, et de Marguerite Bonamour. Il a fait imprimer les deux petites pièces suivantes :
- Paraphrases en vers sur le premier et le cinquième psaume de David. Brochure in‑4o sans date, ni nom de ville, mais en 1714 à Dijon, chez Ressayre.
- Paraphrase en vers sur les psaumes 41 et 136. Ibid. 1716, in‑4o. »
Hic jacet
[Ci-gît Hugues de Salins,
Hugo de Salins,
Hugonis, præcellentis medici filius,
Doctor Medicus Divione aggregatus,
In Dolana rationum Curia Secretarius Regius,
Vir in omni genere politioris Litteraturæ versatus,
Græce et Latine eruditissimus,
Qui Pauperibus effusa cum charitate,
Ditioribus summa cum laude Medicinam fecit.
Patriam etiam scriptis ornavit.
Quumque Doctrinam probitate et pietate cumulasset,
Bonis magnum et eruditis sui desiderium reliquit.
Natus Belnæ iii. Nonas Decemb. anno mdc. xxxii.
Denatus hoc in Agro Belnæ iii. Cal. Octob. mdcc. x.
Charissimo, semperque sibi lugendo patri,
Filius amantissimus,
Claudius de Salins,
Regi a Consiliis,
In suprema rationum Burgundiæ Curia Senator,
Monumentum hoc posuit ;
Et in Anniversarium solemne sacrum
Anno censu constituto.
In perpetuum parentavit.
Requiescat in pace.
fils de Hugues, {a} médecin du plus haut mérite, lui-même docteur en médecine, agrégé au Collège des médecins de Dijon, secrétaire du roi en la Chambre des comptes de Dole, homme versé en tout genre de belles-lettres, très savantt en grec et en latin ; il exerça la médecine avec la charité la plus vaste pour les pauvres, et avec la plus haute louange pour les riches. Ses écrits ont aussi honoré sa patrie. Après avoir mis le comble à sa science par sa vertu et sa piété, il a laissé aux gens de bien et aux savants un immense regret de sa perte.
Né à Beaune le 3 décembre 1632 ; mort dans le pays Beaunois {b} le 29 septembre 1710.
À son très cher et à jamais regretté père, le plus aimant des fils, Claude de Salins, conseiller du roi, conseiller de la Chambre des comptes du parlement de Bourgogne, a élevé ce monument ; et a fondé, à sa mémoire, à perpétuité, un service anniversaire solennel, en affectant un don annuel à cette destination.
Qu’il repose en paix].
- Hugues ii, fils de Hugues i.
- À Meursault.
« mais que cet empourpré se porte bien et qu’il s’occupe donc de ses affaires, ou plutôt qu’il s’en aille au diable, là-bas d’où des oiseaux de malheur nous l’ont malencontreusement envoyé » (Catulle, v. note [104], lettre 166).
Tout s’arrangea finalement (Olivier Le Fèvre d’Ormesson, Journal, tome ii, pages 193‑195, mercredi 30 juillet 1664) :
« Ce jour, j’ai su que les affaires du légat {a} étaient bien raccommodées ; qu’il irait à Paris faire son entrée ; que ce serait pour demain en huit jours ; que jusque-là, il demeurerait ici {b} et qu’ayant fait son entrée à Paris, il reprendrait le chemin de Rome sans revenir ici ; que la cérémonie avec le Parlement était accommodée ; qu’il se lèverait, le Parlement arrivant, ôterait son bonnet, donnant la bénédiction, se rassoirait et demeurerait découvert durant la harangue ; puis se relèverait et ôterait son bonnet en donnant la bénédiction.
[…] J’ai su que M. le légat avait été, le mercredi après dîner, à la chasse avec le roi et qu’il avait tué trois lièvres en courant et une perdrix. »
Le cardinal-légat fit son entrée à Paris le 9 août « sur une mule blanche, vêtu de rouge avec le chapeau de cardinal renoué sous le menton », en présence d’une « foule extraordinaire, et assurément il ne se peut voir plus de monde ensemble » (ibid. page 203).
« Vale et aimez-moi. Vôtre de tout cœur, Guy Patin. »
« trouvez-les bonnes et justes. »
« ce sont les secrets du pouvoir absolu ».