L. latine 332.  >
À Johann Georg Volckamer,
le 13 décembre 1664

[Ms BIU Santé no 2007, fo 156 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Johann Georg Volckamer, à Nuremberg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

J’ai enfin reçu votre paquet par le messager de Strasbourg, mais des mains de M. Nicolas Picques. [2] Je vous remercie aussi fort que je peux pour chaque livre qu’il contient, mais surtout pour ceux qui sont de M. Michael Dilherr, [3] excellent et très savant homme, dont tous les écrits contiennent beaucoup d’érudition avec quantité d’agréments ; Dieu fasse qu’un homme dont le savoir est si étendu et si plaisant vive et se porte bien, et qu’il demeure longtemps en vie. Il manque la première feuille du livre intitulé Linguæ Latinæ ornatus[1][4][5][6][7] que vous recouvrerez si pouvez et m’enverrez ensuite avec d’autres de vos acquisitions. M. Nicolas Picques désire que je vous avertisse de ne plus rien m’envoyer désormais autrement que par les marchands de votre ville qui commercent avec lui, puisque cette voie est beaucoup plus sûre que la poste de Strasbourg. Vous ne m’avez rien écrit sur le prix de ces livres, faites-le donc pour que je le rembourse à M. Picques. Je salue et remercie MM. les très distingués Dilherr et Felwinger, [8] ainsi que M. Conring, [9] qui excelle parmi tous les autres, et M. Richter. [10] Nous n’avons ici rien de nouveau en matière politique, mais beaucoup soupçonnent une guerre très âpre en Italie le printemps prochain : peut-être contre le Jupiter capitolin[11][12][13] ou pour récupérer le duché de Milan qui devient véritablement nôtre si le roi d’Espagne meurt sans laisser de fils, car on dit que tous deux souffrent de maladie mortelle. [14][15] M. Nicolas Fouquet, jadis notre surintendant des finances, croupit toujours en prison, mais nul ne sait à quoi l’affaire aboutira et quelle sera sa fin. [2][16] Je vous remercie aussi pour votre Catalogus universalis publié à Leipzig ; [3] quand je l’aurai lu entièrement, je vous en écrirai et peut-être vous enverrai-je une petite liste de livres afin que vous m’en achetiez quelques-uns. Mais n’y-a-t-il pas un Collegium medicum dans cette ville de Leipzig ? [4][17] Ne s’y soutient-il pas chaque année des disputations ou thèses de médecine, [18] comme vous m’en avez naguère envoyé provenant d’autres universités ? S’il s’en présente ou s’en vend, achetez-les-moi s’il vous plaît et je vous en paierai avec gratitude le prix que vous jugerez bon, qu’elles soient de Leipzig, d’Iéna ou de Nuremberg, anciennes ou nouvelles ; [19][20] ce genre d’écrits me régale et me distrait. Nous n’avons aucune nouvelle du Turc[21] sinon qu’au printemps prochain, dit-on, il ranimera une rude guerre en Hongrie, contre votre empereur ; [22] puisse-t-il ne pas en venir là. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

De Paris, ce 13e de décembre 1664, jour même de la bruma des Anciens, [23] avant la réforme du calendrier grégorien. [5][24]

Vôtre en toutes choses, Guy Patin.


a.

Brouillon manuscrit d’une lettre à Johann Georg Volckamer, que Guy Patin a dicté (première moitié), puis lui-même écrit (seconde moitié), ms BIU Santé no 2007, fo 156 vo.

1.

Ouvrage rhétorique à grand succès, qui a compté plus de 7 édition : Linguae Latinae Ornatus, quem ex F. Sylvio Ambiano, Alstedio, Alvaro, Buchlero, Clarckio, Datto, Pareo, Scioppio, Reyhero, Vechnero, Vogelmanno, et Weinhamero sic pour Weinheimero > congessit ; itemque viri celeberrimi Johannis Michaelis Dilherri, ad Locos Inventionis Rhetoricæ Manuductionem illi adstruxit Christophorus Arnold, Eloq. Poës. ac Græc. ling. PP. quondam Templi Mariani Diaconus. Editio altera, correctior, cum Indice [L’Ornement de la langue latine que Christoph Arnold, professeur public d’éloquence, de poésie et de langue grecque, jadis diacre du temple marial (?), a tiré de Fr. Sylvius natif d’Amiens, de Johann Heinrich Alsted, d’Alvarus, Buchler, Clarke, Dati, Pareus, Scioppius, Reyher, Vechner, Vogelmann et Weinheimer ; il y a aussi ajouté l’Introduction de Johann Michael Dilherr aux sources de la rhétorique. Deuxième édition corrigée, avec un index] (Nuremberg, Michael Endter, 1663, in‑12 ; première édition en 1657). Je n’ai vu la Manuductio Aristotelica, ad locos inventionis rhetoricæ, desumta ex prælectionibus publicis, in Universitate Ienensis propositis, anno ciɔ iɔc xxxiii. à Johanne Michaele Dilherro, P.P. [Introduction aristotélicienne aux sources de la rhétorique, tirée des leçons publiques que Johann Michael Dilherr, professeur public, a données en l’Université d’Iéna, en 1633] que dans la 7e édition (Nuremberg, 1715, pages 1‑59).

Hormis Dilherr et le compilateur, Christoph Arnold (1627-1685), théologien allemand érudit, professeur au Gymnasium de Nuremberg, les auteurs cités dans le titre figurent (avec quelques inexactitudes) dans la Præfatio ad lectorem [Préface au lecteur], avec le ou les titres de leurs principaux ouvrages. Ce sont dans l’ordre :

2.

Le procès de Nicolas Fouquet avait commencé le 14 novembre (v. note [12], lettre 798) ; la sentence allait être prononcée le 22 décembre (v. note [2], lettre 804).

3.

Chaque année paraissait le Catalogus universalis, sive designatio omnium librorum, qui hisce nundinis Francofurtensibus et Lipsiensibus anni vel novi, vel emendatiores et auctiores prodierunt [Catalogue général, ou liste de tous les livres qui ont paru chez les libraires de Francfort et de Leipzig, qu’il s’agisse des premières éditions, ou des rééditions augmentées et corrigées].

4.

La fondation du « Collège médical » de Leipzig date de 1415, six ans après celle de son université (la seconde d’Allemagne en rang d’ancienneté). Assimilable à une faculté, le Collegium enseignait la médecine et en délivrait les diplômes.

5.

V. notes [2], lettre 660, pour bruma, nom du solstice d’hiver chez les anciens Romains, et [12], lettre 440, pour la réforme calendaire du pape Grégoire xiii qui, en 1582, avait décalé les dates de 10 jours par rapport à l’ancien calendrier julien (alors encore en vigueur en Allemagne). Écrivant le 23 décembre, Guy Patin avait trois jours de retard car 1664 fut une exception astronomique : son solstice d’hiver eut lieu le 20 décembre grégorien (10 julien), au lieu des ordinaires 21 ou 22.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 156 vo.

Cl. Viro D. Io. Georgio Volcamero. Noribergam.

Accepi tandem, Vir Cl. fasciculum tuum per rhedarium
Argentinensem, sed manibus D. Nic. Picques : pro singulis in
eo contentis gratias habeo tibi quantas possum maximas, præsertim
verò pro ijs quæ sunt D. Mich. Dilherri, Viri optimi atq; doctissimi,
cujus scripta omnia multam eruditionem cum multis leporibus
continent : utinam vivat et valeat atque perennet vir multijugæ
ac amœnæ eruditionis. In illo libro qui inscribitur Linguæ Latinæ
ornatus
deest primum folium, quod si pote recuperabis, et postea
mittes cum alijs. Cupit D. Nic. Picques ut Te moneam, ne quid
in posterum ad me mittas per aliam viam quam Mercatorum
Urbis vestræ, qui cum eo commercium agitant, cùm sit illa via
longè tutior quàm per Argentoratum. De pretio ejusmodi
librorum nihil scripsisti, scribe sodes ut illud reddam D. Picques.
Cl. Viros saluto, et ijs gratias ago, nempe D. Dilherum et Felwin-
gerum :
ut et Virum in omnibus pœnè eximium, D. Conringium
et D. Richterum.
De Republica nihil hîc habemus novi, sed multi
suspicantur vere proximo acerrimum quoddam bellum in Italia :
forsan contra Iovem Capitolinum : vel contra pro Ducatu
Mediolanensi
recuperando, qui verè noster est si moriatur Rex
Hispaniæ sine filio : uterque autem dicitur lethali morbo
decumbere. D. Nic. Fuquetus, Gazophylax olim noster, adhuc
languet in carcere : quò sit autem res evasura, et quem finem
sit habitura nemo adhuc novit
. Gratias etiam ago pro tuo Catalogo universali,
Lipsiæ
edito, quo perlecto, aliquid scribam de illo, et forsan Indiculum ad Te
mittam, ut aliquid per Te obtineam. Sed in illa civitate Lipsica, nónne
est Collegium Medicum ? nónne quotannis habentur illic aliquot Disputa-
tiones aut Theses Medicæ
, ut ex alijs locis antehac ad me misisti : si quæ
tales prostent aut vænales occurrant, fac si placet ut mihi emantur :
pretium grato animo refundam quale jusseris : tam Lipsiæ quàm Ienæ, ut et
Noribergi, et veteres et novæ : ejusmodi scripta me delectant atque recreant.
De Turca nihil habemus novi : nisi quod dicitur vere novo acre bellum rena-
turus in Hungaria, contra vestrum Cæsarem : quod utinam non fiat.
Vale Vir Cl. et me ama. Parisijs, die 13. Dec. 1664. ipsa bruma veterum, ante
reformationem Calendarij Gregoriani.

Tuus ad omnia, Guido Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, le 13 décembre 1664

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(Consulté le 26/04/2024)

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