Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 92.
Note [92]

Bon abrégé du long article élogieux du Moréri sur Pierre Abélard ou Abailard (Le Pallet, près de Nantes 1079-Chalon-sur-Saône 1142), éminent théologien et philosophe, qui fut l’un des fondateurs français de la scolastique (v. note [3], lettre 433). Il doit sa plus grande célébrité à son ardent et fidèle amour pour son élève, Héloïse (vers 1092-1164), nièce du sous-diacre Fulbert, chanoine de Paris, qui fut démis de son bénéfice après l’ignoble forfait perpétré sur la virilité d’Abélard.

  • L’abbaye de moniales bénédictines Notre-Dame d’Argenteuil (v. note [1], lettre 237), fondée au viie s., conservait une relique de la tunique du Christ ; objet de grande vénération populaire, elle est aujourd’hui conservée dans la basilique Saint-Denis d’Argenteuil.

  • Fondé en 1122 par Abélard, le Paraclet fut d’abord un ermitage (oratoire), situé près de Nogent-sur-Seine, en Champagne (Aube), et dédié à saint Denis, en référence au Consolateur (Paraklêtos en grec) des Écritures, qui est une épithète du Saint-Esprit. Après son expulsion d’Argenteuil, Héloïse y fonda un monastère féminin d’obédience bénédictine. La communauté fut dissoute en 1790 ; une partie de ses bâtiments du xviie s. a été conservée.

  • V. note [27], lettre 166, pour Saint-Denis et son abbaye bénédictine. Suger, son abbé, mort en 1151, entreprit la construction de la basilique gothique actuelle et fut principal conseiller des rois de France Louis vi et Louis vii.

  • V. note [36], lettre 524, pour saint Bernard, moine cistercien (v. note [23], lettre 992), abbé de Clairvaux, mort en 1153.

  • V. note [4], lettre 817, pour l’abbaye et l’Ordre bénédictin de Cluny. Pierre le Vénérable (Pierre-Maurice dit Pierre de Monboissier, vers 1093-1156), fut son 9e abbé en 1122 ; il a écrit plusieurs ouvrages de théologie et de piété, prônant une modération et un équilibre peu communs à son époque.

La vie singulière d’Abélard et son génie de penseur chrétien, jugé sulfureux et hérétique par la plupart de ses contemporains, ne sont apparus au grand jour qu’avec la parution des :

Petri Abælardi, Sancti Gildasii in Britannia Abbatis, et Heloisæ coniugis eius, quæ postmodum prima cœnobii Paraclitensis Abbatista fuit, Opera, nunc primum ex mms. Codd. eruta in lucem edita, studio ac diligentia Andreæ Quercetani, Turonensis.

[Œuvres de Pierre Abélard, abbé de Saint-Gildas (de Rhuys) en Bretagne, {a} et d’Héloïse, son épouse, qui fut ensuite la première abbesse du couvent du Paraclet. Le travail et la diligence d’Andreas Quercetanus, natif de Touraine, {b} les ont tirées des manuscrits et mises au jour pour la toute première fois]. {c}

Parues à la fin du xviie ou au début du xviiie s., les Lettres et épîtres amoureuses d’Héloïse et d’Abeilard, traduites librement en prose et en vers par MM. de Bussy-Rabutin, Pope, Colardeau, Dorat, G. Dourxigné, C***, Saurin et Mercier {d} ont donné un tour galant à cette histoire, que les romantiques du xixe s. ont exploitée avec grand succès. Les libertins érudits du xviie s. n’en ont pourtant pas fait un modèle louable. Dans l’article qu’il lui a consacré, Bayle a dénigré celui de Moréri {e} et sévèrement fustigé Abélard :

« Comme il avait l’esprit fort subtil, il n’y eut rien dans ses études à quoi il s’appliquât avec autant de succès qu’à la logique. Il voyagea en divers lieux par la seule envie de s’aguerrir dans cette science, disputant partout, lançant de toutes parts des syllogismes et cherchant avec ardeur les occasions de se signaler contre une thèse. Jamais chevalier errant ne chercha avec plus d’avidité les occasions de rompre une lance en l’honneur des dames. […] Il est remarquable qu’il ne fît nul scrupule de son mariage, quoiqu’il fût dans la cléricature et possesseur d’un canonicat. […] Il effrayait les gens par le moyen de cette science, et les foudroyait et terrassait par tant de sortes d’ergoteries qu’il ne les rendait pas moins étonnés que confus. » {f}


  1. Saint-Gildas-de-Rhuys, près de Vannes, dans l’actuel département du Morbihan.

  2. L’historiigraphe André Du Chesne (L’Île-Bouchard 1584-Paris 1640), en collaboration avec François d’Amboise (v. note [13] du Borboniana 6 manuscrit).

  3. Paris, Nicolaus Buon, 1616, in‑4o de 725 pages.

  4. Au Paraclet, sans nom ni date, 2 volumes in‑12.

  5. La note BB de Bayle dresse le « catalogue des erreurs de Moréri ».

  6. Citation de Gabriel Naudé qui a aussi éreinté Abélard aux pages 160‑161 de son Addition à l’histoire de Louis xi (Paris, 1630, v. note [17], lettre 238).

    Dans son article sur François d’Amboise Bayle a aussi rudement critiqué les Opera d’Abélard.


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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – Autres écrits : Ana de Guy Patin :
L’Esprit de Guy Patin (1709),
Faux Patiniana II-7, note 92.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=8220&cln=92

(Consulté le 23/04/2024)

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