L. latine 472.  >
À Jacobus Pankratius Bruno,
le 28 février 1669

[Ms BIU Santé no 2007, fo 229 vo | LAT | IMG]

Au très distingué M. Jacobus Pankratius Bruno, docteur en médecine, à Altdorf.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je vous dois de très grands remerciements pour votre lettre et pour l’opuscule de Jessenius, [1][2] que M. Volckamer m’a fait parvenir. [3] Vous recevrez sous peu, j’espère, l’Apologia pro Galeno du très distingué Caspar Hofmann, qui fut jadis notre ami, éditée par mes soins. [4][5] Ô comme je souhaite que nous puissions avoir enfin la collection complète de toutes les œuvres d’un si grand homme ! Quelques autres parties demeurent inédites à Francfort, chez mon ami l’excellent M. Sebastian Scheffer, [6] qui fut autrefois l’un de mes auditeurs, [7] et le plus attaché qu’on puisse être à la gloire d’Hofmann. Un imprimeur hollandais de Leyde, [8] qui est parti dans l’au-delà voici plusieurs années, a jadis feint de vouloir procurer cette édition avec moi : il s’agissait de Jean Elsevier ; [2][9] mais, je n’ai rien conclu avec lui, car je ne voulais pas être trompé par un fourbe marchand et ne pouvais accorder grande confiance à ses dires. Le conseil d’amis, très sages et fort avertis, [10] m’a poussé à ne rien devoir engager ni signer avec ce Jean Elsevier : étant donné ses modestes moyens, il me promettait bien plus que le peu dont il était capable. La [Ms BIU Santé no 2007, fo 230 ro | LAT | IMG] suite l’a bien confirmé ; mes manuscrits auraient pu se perdre entre ses mains et je n’en aurais eu aucun garant pour me les faire revenir de Hollande. Si les jours n’étaient pas si mauvais et si nous étions moins contraints par la très rude époque où nous vivons, je pourrais espérer ce marché de quelque Lyonnais ; mais en vain, à cause de cette immense rigueur des temps et, dirais-je, du dénûment public et de la profonde misère de presque tout le monde. La France entière se languit, nos imprimeurs sont excessivement engourdis, [11] ceux de Genève n’entreprendraient rien de tel. Seule votre Allemagne l’osera un jour et l’accomplira ; j’espère que cela arrivera de mon vivant et que j’aurai la joie de le voir enfin ; namque vitæ summa brevis spem nos vetat inchoare longam[3][12] J’ai appris que se cachent quelque part dans votre pays des commentaires enrichis in Galeni de Usu partium ; [13] et peut-être qu’entre-temps apparaîtront bien d’autres commentaires de cet immense auteur, que d’autres personnes auraient en leur possession ; [4][14] mais je m’arrête là, en aspirant à des temps meilleurs et plus sereins. Que les dieux vous conservent, très distingué Monsieur ! Comptez-moi au nombre de vos amis, vale et aimez-moi.

De Paris, le 28e de février 1669.

G.P.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Jacobus Pankratius Bruno, ms BIU Santé no 2007, fos 229 vo‑230 ro.

1.

Étant donné les récents sujets d’intérêt de Guy Patin, il pouvait s’agir de l’Andreæ Vesalii Anatomicarum Gabriellis Fallopii Observationum Examen [Examen critique d’André Vésale portant sur les Observations anatomiques de Gabriel Fallope] (Hanovre, 1609, v. notule {d}, note [7], lettre latine 452), publié par Johannes Jessenius (mort en 1621, v. note [14], lettre latine 154).

2.

V. notes :

3.

« le fait est que la vie est courte et nous interdit les longues espérances » (Horace, v. note [12], lettre 98).

Guy Patin mourut huit ans avant la parution des deux méthodes de Galien (Methodus medendi [Méthode pour remédier] et Methodus sanitatis tuendæ [Méthode pour préserver la santé]), traduites en latin et commentées par Caspar Hofmann, sous le titre de Praxis medica curiosa [Pratique médicale méticuleuse] (Francfort, 1680, v. note [15], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657).

Les œuvres complètes d’Hofmann n’ont jamais été publiées.

4.

V. note [6], lettre 150, pour les commentaires de Caspar Hofmann sur les 17 livres de « Galien de l’Utilité des parties » du corps humain (Francfort, 1625, sans réédition ultérieure). Guy Patin avait déjà parlé de leur extension inédite (commentarii uberiores [commentaires enrichis]) dans sa lettre du 31 janvier 1659 à Johannes Antonides Vander Linden (commentarii auctiores [commentaires augmentés], v. sa note [6]), tandis qu’il caressait encore l’espoir d’une publication des Opera omnia [Œuvres complètes] d’Hofmann chez les Elsevier de Leyde.

Les inédits restants d’Hofmann (v. note [2], lettre latine 443) n’ont jamais vu le jour.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 229 vo.

Cl. viro D. Iac. Pancratio Brunoni, Med. Doctori, Altorphium.

Amplissimas debeo Tibi gratias, Vir Cl. pro Epistola tua, et Opusculo
Iesseniano, quod accepi per D. Volcamerum : brevi ut spero accipies Cl. Viri
Amici olim nostri, Casp. Hofmanni, Apologiam pro Galeno, curis meis editam.
O utinam tandem habere possemus omnium tanti Viri Operum Collectionem
integram, quorum aliquæ partes quæ supersunt, adhuc hærent ineditæ Fran-
cofurti, apud D. Seb. Schefferum, Amicum meum, virum optimum, qui fuit
olim Auditor meus, et Hofmanni gloriæ si quisquam adictissimus ; de isto
negotio olim simulavit se velle mecum agere Batavus quidam Typographus
Leidenensis, qui ante plures annos penetravit ad plures : is erat Ioan. Elsevi-
rius : sed quia nolebam sidesicipi, à mercatore subdolo, nec multum fidei ejus
dictis adhibere possem, nihil egi cum illo, sapientissimorum et expertissimorum
Amicorum consilio provectus, cum isto Io. Els. nihil esse paciscendum aut concludendum,
utpote qui nimis multa polliceretur, paucissima tamen posset præstare, opum nempe defectu :

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 230 ro.

quod eventus comprobavit : potuissent enim in ejus manibus perire MS. mea, de
quibus nullum habuissem sponsorem : et quis ea mihi restituisset, ex Hollandia.
Nisi dies adeo mali essent, et durissima tempora minus urgerent, possem istud
sperare ab aliquo Lugdunensi : sed frustra, propter nimiam temporum difficultatem,
et ut ita dicam, penè publicam omnium inopiam et miseram egestatem : Gallia
tota languet, Typographi nostri supra modum frigent, Genevenses nihil
tale aggredientur : sola vestra Germania tandem aliquando audebit, et per
ficiet : quod utinam in diebus nostris contingat, et læti tandem videamus :
namque vitæ summa brevis spem nos vetat inchoare longam. Audivi apud
vos latere alicubi uberiores commentarios in Gal. de usu partium : forsan et
aliæ tanti viri Commentationes interea occurrent, quæ ab alijs possidentur.
Sed desino, et ad meliora mitioráq. tempora provoco. Dij Te servent, Vir Cl.
méq. in tuorum numero repone. Vale, et me ama. Parisijs, 28. Febr. 1669. G.P.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Jacobus Pankratius Bruno, le 28 février 1669

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(Consulté le 26/04/2024)

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