À Jan van Horne, le 18 juin 1668, note 7.
Note [7]

Pages 169‑172 de sa Microtekne (1668), Jan van Horne évoque la vie de l’anatomiste flamand André Vésale (v. note [18], lettre 153), à propos de la césarienne (v. note [7], lettre 159) :

Altum est apud Aquapendentum silentium de Partu Cæsareo, aut, ut Cl. Riolanus mavult, Cæsonio […]. Tres autem sciendum est esse casus, quibus extantibus cogitari potest de hac Chirurgia : 1. cum fœtus mortuus est et mater vivit ; 2. cum mater mortua est et fœtus vivit ; 3. cum ambo et mater et fœtus vivunt. In primo casu non est necesse ægrè parturientem manifesto periculo exponere, quia, si per Chirurgiam non extrahatur, Natura vias invenit alias per anum, umbilicum, inguen etc. […] Secundus casus frequenter accidit, ita ut, (quod deplorandum), damnetur tenebris Embryo, antequam lucem videat, atque spes animantis cum gravida pereat ; ut loquitur Imperator lib. xi. digest. Tit. 8. Cujus culpa ? an Magistratus, utpote sine cujus consensu nonlicet ejusmodi operationes aggredi ? quem antequam impetremus jam periit agendi occasio ; an Cirurgorum ? qui metuunt ne eos idem maneat fatum cum Vesalio ? hic enim, cum dissecaret thoracem cujusdam quem obiisse existimabat (alii referunt, pro partu Cæsareo exercendo hystericæ, quam putabat mortuam, ventrem aperuisse) reperit cor adhuc palpitans : ut refert Melchior Adamus in vita Vesalii, et Jessenius præfat. in Examen Vesalii ad obs. Fallopii. etenim oportet ut sectio fiat in ipso ferè puncto quo mater expirat, aut quamdiu infans adhuc movetur et subsultat. Nec juvat, os gravidæ apertum tenere imposita clavi, hic enim est error vulgi, credentis fœtum respiratione matris vivere.

[Fabrice d’Aquapendente observe un profond silence sur l’accouchement césarien ou césonien, comme préfère dire Riolan (…). {a} Mais trois situations sont à distinguer, qui peuvent légitimer cette chirurgie : 1. quand le fœtus est mort et la mère en vie ; 2. quand la mère est morte et le fœtus en vie ; 3. quand la mère et l’enfant sont tous deux en vie. Dans le premier cas, il n’est pas nécessaire d’exposer péniblement la parturiente à un danger manifeste car, si la chirurgie n’extrait pas le fœtus, la Nature trouve d’autres voies, par l’anus, l’ombilic, l’aine, etc. {b} (…). Le deuxième cas se présente fréquemment, de sorte que (ce qui est à déplorer) l’embryon sera condamné aux ténèbres avant qu’il n’ait vu le jour et que l’espérance d’une vie sera perdue comme celle de sa mère ; ainsi que dit le titre 8 du livre xi du Digeste impérial. {c} À qui la faute ? Est-ce celle du magistrat, puisqu’il n’est pas permis d’accomplir ce genre d’opération sans son consentement et que, avant que nous ne l’obtenions, l’opportunité d’agir est déjà perdue ? Est-ce celle des chirurgiens qui craignent de subir le même sort que Vésale ? C’est en effet lui, tandis qu’il disséquait le thorax d’une personne qu’il croyait être morte (d’autres disent qu’il a ouvert le ventre pour exécuter une césarienne chez une hystérique qu’il croyait morte), qui a trouvé le cœur encore palpitant, comme racontent Melchior Adamus dans la Vita Vesalii, {d} et Jessenius dans sa préface de l’Examen Vesalii ad observationes Fallopii. {e} Et de fait, il faut que la section soit faite presque à l’instant même où la mère meurt, ou tant que l’enfant bouge et tressaille encore. Il n’est pas utile de tenir ouverte la bouche de la mère en y mettant une clef, car c’est là une erreur du vulgaire qui croit que le fœtus vit par la respiration de la mère]. {f}


  1. V. note [10], lettre 86, pour Fabrice d’Acquapendente.

    Livre vi, chapitre viii, de l’Anthropographie de Jean ii Riolan (Opera anatomica vetera [Œuvres anatomiques anciennes], Paris, 1649 [v. note [25], lettre 146], page 389) :

    Deinde si contingat mulierem nono mense gravidam morbi violentia perire, vel in ipso pariendi conatu convulsionibus enecari, si parentes, amici, coniux prolem desiderent, consuevimus statim atque extincta est mater, ex Medicorum et Chirurgicorum adstantium certo iudicio et accurato examine, baculo in os indito, matris mortuæ ventrem aperire, ut fœtus extrahatur : sicque vidimus plures salvos et incolumes eductos fuisse, atque Cæseres, sive Cæsones ita dictos, quod matris mortuæ secto utero in lucem prodierint, authore Festo. Hæcque pia et salutaris fœtui, nequaquam mulieri mortuæ crudelis operatio, fieri deberet in qualibet prægnante mortua, iuxta edictum Iuriconsulti.

    [Si donc il advient qu’au neuvième mois de sa grossesse, une femme périsse de violente maladie ou meure dans les convulsions de l’accouchement, {i} et si ses parents, amis et mari désirent l’enfant, nous avons coutume, aussitôt que la mère est décédée, sur l’examen soigneux et l’avis assuré des médecins et des chirurgiens appelés à son chevet, et après lui avoir introduit un bâtonnet dans la bouche, {ii} de lui ouvrir le ventre pour en extraire le fœtus. Nous en avons ainsi sorti plusieurs, sains et saufs ; on les appelle Cæsares ou Cæsones, comme a dit Festus, parce qu’ils ont vu le jour après qu’on a incisé l’utérus de leur mère. {iii} Cette opération, pieuse et salutaire pour le fœtus, mais qui n’est en rien cruelle pour la défunte femme, devrait se pratiquer sur toute mère morte en couches, en accord avec un édit du juge].

    1. Éclampsie compliquant une hypertension artérielle de la grossesse (toxémie gravidique).

    2. La fin de l’extrait de Van Horne parle d’une clef (clavis), en relation avec la nécessité superstitieuse que la mère morte puisse continuer à respirer. Pour Riolan, il s’agit plutôt de vérifier l’abolition du réflexe nauséeux, déclenché par l’introduction de n’importe quel objet dans le fond de la gorge, qui est un signe imparfait de suspension des fonctions vitales.

    3. Au livre iii de son lexique, De verborum Significatione [La signification des mots], Sextus Pompeius Festus (v. note [12], lettre 460) a donné ces deux définitions :

      • Cæsones apellantur ex utero matris exsecti [On appelle cæsones (mot dérivé du verbe cædere, fendre) ceux qu’on a extraits en incisant l’utérus de leur mère] ;

      • Cæsar, quod est cognomen Juliorum, à cæsarie dictus est, quia scilicet cum cæsarie natus est [César, qui est le surnom de la Maison julienne, vient de cæsaries (chevelure), parce que Jules vint au monde avec des cheveux], ou plus probablement « coiffé », c’est-à-dire avec l’arrière-faix posé sur la tête (v. note [8] de l’Autobiographie de Charles Patin).

  2. Ces expulsions aberrantes de débris fœtaux reposaient sur des observations exceptionnelles dont la plupart sont à tenir pour imaginaires.

  3. Digeste justinien (v. note [22], lettre 224).

  4. V. note [2], lettre de Charles Spon, datée du 15 janvier 1658, pour les Vitæ Germanorum Ledicorum [Vies des médecins allemands] de Melchior Adam (Heidelberg, 1620). Dans celle de Vésale (pages 129‑134), il transcrit une lettre de Hubert Languet (v. note [5], lettre latine 136), datée du 1er janvier 1565, (page 133) :

  5. Fama est, Vesalium esse mortuum. Audivisti procul dubio, eum profectum esse Hierosolymam. Causa istius peregrinationis est mirabilis : ut ad nos ex Hispania est perscriptum. Commissus fuit cura eius quidam vir nobilis in Hispania : quem cum obisse existimaret : nec satis percepisse causam morbi sibi videretur : petiit a propinquis defuncti, ut sibi liceret cadaver dissecare. Concessum est ei, quod petebat : cumqu pectus aperuisset : reperit cor adhuc palpitans. Cognati mortui non contenti eum accusare facta cædis ; accusant etiam impietatis apud Inquisitionem ; existimantes, se ibi severiorem ultionem confecturos. Cum constaret de cæde ; nec facile excusaretur error tam periti medici : voluit omnino Inquisitio de eo sumere supplicium : vixque potuit rex sua autoritate, vel potius suis precibus eum periculo tanto eripere. Tandem concessus est regi et tota aula, pro eo deprecanti, ea conditione : ut ad expiandum illud scelus proficisceretur Hierosolymam ; et ad montem Sinai.

    [On annonce la mort de Vésale. Sans doute avez-vous ouï dire qu’il s’était rendu à Jérusalem. La raison de ce pèlerinage est singulière, comme on nous l’a écrit d’Espagne : on l’y avait appelé au chevet d’un gentilhomme espagnol ; le jugeant déjà mort, il lui sembla que la cause du décès n’était pas suffisamment bien établie ; il demanda aux proches du défunt de lui permettre de disséquer le cadavre ; ce qu’il demandait lui ayant été accordé, quand il ouvrit la poitrine, il constata que le cœur battait encore. L’entourage du mort ne se contenta pas d’accuser Vésale de meurtre, ils le traduisirent devant l’Inquisition pour sacrilège, estimant qu’il y serait très sévèrement condamné parce qu’il serait convaincu d’assassinat. Le roi eut grand-peine à le tirer de ce péril en jouant de son autorité, ou plutôt de ses supplications. On finit par céder à ses prières jointes à celles de toute la cour, à la condition que, pour expier son crime, Vésale se rendrait à Jérusalem et au mont Sinaï].

    Adam est convenu (page 132) que :

    Vesalium […] Hispani in superficie tantum corporis versatum, veri medici appellatione indignum esse calumniabantur.

    [Les Espagnols intriguaient contre Vésale (…), disant qu’il ne connaissait que la structure du corps, mais qu’il était indigne de porter le nom de véritable médecin].

  6. Johannes Jessenius : {i}

    Andreæ Vesalii Anatomicarum Gabriellis Fallopii Observationum Examen. Magni, humani corporis Fabrica, Operis Appendix.

    [Examen critique d’André Vésale portant sur les Observations anatomiques de Gabriel Fallope. {ii} Appendice du grand ouvrage qu’est la Fabrica humani corporis]. {iii}

    1. V. note [14], lettre latine 154.

    2. V. note [16], lettre 427.

    3. Hanau, héritiers de Wechel, 1609, in‑8o de 260 pages ; v. note [18], lettre 153, pour la Fabrica [Structure du corps humain] de Vésale (Bâle, 1543).

    Le séjour de Vésale en Espagne est évoqué pages 6‑7 de l’épître dédicatoire au duc Henri-Jules de Brunswick-Lunebourg (1564-1613), évêque d’Halberstadt, avec cette explication de son pèlerinage à Jérusalem :

    eo ferunt cuiusdam casus potius, quam erroris humani, ipsi circa cæsarei partus in hysterica obstetricationem infeliciter oborti, expiandi zelo actum. Ah ! quis rebus in humanis semper sapit ? quis non aliquando infelix ?

    [il y a été mené par le zèle d’expier ce qui avait été moins une erreur humaine qu’un malheureux accident survenu lors de l’accouchement d’une hystérique par césarienne. Ah ! qui donc ne se trompe jamais ? À qui donc n’arrive-t-il jamais d’avoir un geste malheureux ?]

  7. Suit le troisième cas envisagé, celui de la mère et de l’enfant vivants : van Horne décrit la véritable césarienne, telle que pratiquée par François Rousset (v. note [7], lettre 159), mais en exprimant ses doutes profonds quant au salut éventuel de la parturiente.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Jan van Horne, le 18 juin 1668, note 7.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1484&cln=7

(Consulté le 26/04/2024)

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