À André Falconet, le 15 décembre 1670

Note [3]

François Guyet (Guietus, Angers 1575-Paris 12 avril 1655) monta à Paris en 1599, fit deux voyages à Rome, dont le second comme précepteur du futur cardinal de La Valette (v. note [12], lettre 23), qui voulut plus tard l’attacher à sa personne ; mais Guyet chérissait son indépendance, il préféra aller loger dans le Collège de Bourgogne et cultiver les belles-lettres en compagnie de ses anciens amis : les frères Pierre et Jacques Dupuy, l’historien Jacques-Auguste i de Thou, Nicolas Bourbon, Gilles Ménage, Jean-Louis Guez de Balzac, etc. Il s’était fait prêtre à un âge déjà avancé. Le cardinal de La Valette lui donna le prieuré de Saint-Andrade (près de Bordeaux) dont le modique revenu suffisait à ses besoins. Il a laissé de nombreuses éditions commentées des auteurs latins et des poésies latines. « Mais afin de le convaincre que pour le moins en quelques rencontres il avait le goût dépravé, et qu’il passait les bornes du delicati fastidii [dédain élégant] qu’on lui imputait, il ne faut que voir les vers qu’il a composés contre la bière, où il parle avec un si grand mépris de tous les poètes de Hollande. Grotius lui répondit fort pertinemment » (Bayle).

Ces deux poèmes latins se trouvent dans les Lettres choisies du sieur de Balzac, {a} lettre xxxviii « À Monsieur de Morin, conseiller du roi en la Chambre de l’édit de Guyenne » (sans lieu, ni date), seconde partie pages 371‑384 :

« Monsieur,

Je ne voudrais point passer pour ingrat ; mais je ne voudrais point aussi me déclarer moi-même homme de débauche. Que faut-il donc que je fasse en cette occasion ? Je n’ose nommer en public le présent que j’ai reçu de vous : je ne puis dire qu’il y a céans une charge {b} de muscat, sans hasarder la bonne réputation de ma vie passée. Je ne saurais louer votre libéralité, qu’à même temps je ne fasse blâmer mon intempérance. Pour sortir de cet embarras, il faut chercher quelque expédient de rhétorique et déguiser la chose, oratoirement ou poétiquement, comme il vous plaira. Sans employer le terme scandaleux de muscat, je dirai, si vous le trouvez bon, que c’est un présent digne d’être fait au duc de Savoie ; que c’est le souverain remède de la tristesse et des mauvaises pensées ; que c’est le véritable népenthès, chanté par Homère ; {c} que c’est un fard et une peinture admirable pour colorer les visages blêmes ; que c’est un moyen de devenir tout d’un coup vaillant, de rendre subitement des oracles, de parler des langues inconnues, voire à Monsieur de Saumaise. En un mot, je dirai, Monsieur, que c’est une charge d’enthousiasme et d’inspiration, que vous m’avez fait la faveur de m’envoyer. […] Mais pour changer de matière, j’ai trouvé enfin les trois pièces de la bière que je vous avais promises, et qui s’étaient égarées parmi mes papiers. Ne vous semble-t-il pas qu’il y ait du jeu dans cette rencontre et dans ce changement de matière ? Je prétends en effet d’être fondateur d’un nouveau proverbe ; et si j’en suis cru, on dira à l’avenir de la bière pour un muscat, aussi bien que du cuivre pour de l’or. Les pièces sont courtes, comme vous verrez, et par conséquent, j’ai bien plus longtemps à boire que vous à lire. »


  1. Paris, 1647, v. note [35], lettre 146.

  2. Un tonneau.

  3. Contre la tristesse et la mélancolie.

Suivent les poèmes de Guietus, In Cervisiam (dont Guy Patin citait ici les deux premiers vers), et de Grotius (Hugo de Groot, v. note [2], lettre 53), Pro Cervisia pour défendre le breuvage batave, qu’il disait bien aimé des Muses.

À la fin, Balzac a transcrit une troisième pièce en prose d’Erycius Puteanus (v. note [19], lettre 605), De Cervisia [De la Bière] qui vante la bière et explique la manière de la bien conserver et consommer.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 15 décembre 1670, note 3.

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(Consulté le 26/04/2024)

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