À Florio Bernardi, le 11 octobre 1658
Note [9]
V. note [33], lettre 223, pour le sens de bouclier sacré qu’on donne au mot palladium.
Pour donner quelque relief au refrain thérapeutique de Guy Patin, j’y ajoute deux fragments autographes que conserve le ms Montaiglon de la Bibliothèque du Collège de France (pages 140 et 143), intitulés De venæ sectione in pueris ac senibus [La Saignée chez les enfants et les vieillards]. Il s’agit probablement de notes pour une de ses leçons royales.
Horatii Augenii a Montesancto, in Gymnasio Patavino Medicinæ theoricæ Professoris primarii, de Ratione curandi per sanguinis missionem libri xvii in duos tomos divisi : quorum prior decem, posterior septem continet. In quibus extirpatis opinionibus passim hodie apud novatores Medicos vigentibus, omnia ad hoc argumentum pertinentia, secundum Galeni doctrinam explanantur. Cum indice duplici : uno capitum, altero rerum copiosissimo. Hac editione quinta ab innumeris propemodum erroribus, quibus priores editiones scatebant, expurgati et nunc primum in Germania correctiori typo decorati.
[Dix-sept livres d’Horatius Augenius a Montesanto, premier professeur de médecine théorique en l’Université de Padoue, sur la Manière de soigner par la saignée, divisés en deux tomes contenant les dix premiers et les sept derniers livres. Après avoir déraciné les opinions qui prévalent aujourd’hui partout chez les médecins novateurs, ils exposent, suivant la doctrine de Galien, tout ce qui touche à ce sujet. Avec deux index : l’un des chapitres et l’autre, fort copieux, des matières. Dans cette cinquième édition, ils ont été purgés des erreurs presque innombrables qui parsemaient les précédentes et ont, pour la première fois en Allemagne, bénéficié d’une impression plus correcte].
La page 24 du livre i appartient au chapitre vii, Aetatem non indicare missionem sanguinis, quodque ante annum decimum quartum tuto vena secari potest [L’âge n’interveient pas dans l’indication de la saigné, et pourquoi la phlébotomie peut être exécutée avant quatorze ans] : les avis de divers auteurs (Galien, Fernel, les Arabes) y sont présentées et critiquées, pour conclure que les enfants peuvent être saignés utilement et sans danger dès le premier âge.
[La Phlébotomie chez les vieillards.
Il n’est pas habituel de saigner les vieillards épuisés, et dont une excessive sécheresse ou la violence de la maladie a usé les forces ; mais pour ne pas paraître l’avoir fait mourir, nous abandonnons à son sort celui que son propre destin a anéanti. Ne serait-ce en effet pas là, comme dit Galien, dévaluer des remèdes qui peuvent être salutaires pour bien des gens ? Cependant, si les forces du malade ne l’interdisent pas et si la fièvre se fait pressante, ou si quelque péril imminent de suffocation menace le cerveau ou les poumons, nous incisons une veine sans tarder et en tirons du sang en quantité proportionnée à la résistance du patient. Parmi le nombre infini qui s’en présente, je ne choisirai qu’un petit nombre d’exemples de vieillards que nous avons tirés des gorges de l’enfer. En sa vieillesse très avancée et totalement décrépite, M. Nicolas Potier de Blancmesnil, {a} juge très intègre et personnage de très haut mérite, président à mortier au Parlement de Paris, se faisait tirer du sang quatre fois par an pour affaiblir et atténuer ses attaques de douleurs podagres, et pour se dégager les poumons d’un afflux d’humeurs ; il s’en trouvait toujours amélioré et n’a jamais manqué de s’y soumettre, même quand les années se sont accumulées ; et ce sur le conseil des très grands médecins que furent Simon ii Piètre, Claude Charles, Jacques Perreau et René Moreau ; cet homme illustre n’en a pourtant pas moins vécu jusqu’à sa 95e année ; il est mort d’une pleurésie en 1634, ayant conservé un esprit intact. Nicolas Ellain, le plus ancien maître de l’École de médecine, mourut de la même maladie à l’âge de 83 ans ; {b} dix ans auparavant, on lui avait taillé trois fois la vessie pour extraire un calcul ; il vivait dans l’abstinence de vin et il prenait pourtant soin de se faire saigner plusieurs fois tous les ans. Que disent de cela les chimistes qui haïssent ou méprisent la phlébotomie, eux qui promettent une merveilleuse longévité aux grands seigneurs, grâce à leurs secrets qui ne sont que purs mensonges, fraudes et impostures ? Ces charbonniers {c} vendeurs de fumée ne perçoivent pas de tels raffinements, tout autant qu’ils ne nous fourvoient point. Je pourrais ajouter mille exemples de vieillards qui ont joui d’une grande longévité en se faisant saigner plusieurs fois chaque année ; pour le garantir solidement, je pourrais affirmer qu’on trouve plus de grands vieillards dans notre seule ville de Paris que dans toute l’Allemagne qui regorge tant de de chimistes ; de même dans le pays de Narbonne ou de Marseille, dont les habitants vivent fort sobrement, ou dans les montagnes retirées d’Auvergne, où soufflent des vents très salubres qui, dit-on, insufflent chez leurs habitants une grande longévité et une très vive intelligence.Mais quelque hémophobe se dressera et m’objectera comme d’un air de triomphe : La fréquente saignée rend beaucoup de gens hydropiques. Je lui répondrai que je nie absolument cette affirmation et la tiens pour parfaitement erronée, et qu’au contraire, selon divers passages de Galien, la phlébotomie détourne et empêche l’hydropisie, en détruisant et en éteignant sa cause première. {d} Il n’y a en France aucun lieu ou cité où, tout bien considéré, les médecins ont communément à soigner des hydropiques ; et s’il y en a, ce sont presque tous de pauvres gens qu’on a amenés des alentours dans la ville, et chez qui l’hydropisie a succédé à certaines maladies très graves qu’on a négligées ou mal soignées, à une défaillance des intestins ou à une impunité ; {e} ce sont en fait des ivrognes, imbibés de vin pur et soumis à la crapule ; {f} telle est, hélas, l’espèce qui prédomine ici, par l’ignominie de bien des gens et par les trafics qui se pratiquent ouvertement dans les cabarets, mais méritent absolument d’être punis par les magistrats. Cette hydropisie est pourtant constamment mortelle à cause de l’affaiblissement du foie, du squirre {g} ou de quelque autre défectuosité remarquable qu’aucun remède de notre art médical ne sait corriger].