À Charles Spon, le 21 juillet 1654, note 4.
Note [4]

De tous les ouvrages médicaux français publiés au xviie s., celui-ci est aujourd’hui le plus remarquable :

Ioannis Pecqueti Diepæi, Doct. Med. Monspeliensis, Experimenta nova anatomica. Quibus incognitum hactenus chyli receptaculum, et ab eo per thoracem in ramos usque subclavios vasa lactea deteguntur. Dissertatio anatomica de circulatione sanguinis et chyli motu. Huic secundæ editioni, quæ emendata est, illustrata, aucta, accessit de thoracicis lacteis Dissertatio, in qua Io. Riolani Responsio ad eadem Experimenta nova anatomica refutatur ; et Inventis recentibus canalis Virsungici demonstratur usus ; et Lacteum ad mammas a receptaculo iter indigitatur. Sequuntur gratulatoriæ clarissimorum virorum cum prius editæ, sed auctiores, tum recens additæ ad authorem Epistolæ. Quibus et adiungitur Brevis Destructio, seu litura responsionis Riolan ad eiusdem Pequeti Experimenta.

[Expériences anatomiques nouvelles de Jean Pecquet, natif de Dieppe, docteur en médecine de Montpellier. Où sont mis au jour le réservoir du chyle, {a} qui était jusqu’alors inconnu, et les vaisseaux lactés qui en sont issus pour monter dans le thorax jusqu’aux subclavières. {b} Dissertation anatomique sur la circulation du sang et le mouvement du chyle. À cette seconde édition, qui a été corrigée, illustrée et augmentée, a été ajoutée une dissertation sur les vaisseaux lactés thoraciques où est réfutée la réponse que Jean Riolan a faite contre ces mêmes Expériences anatomiques nouvelles ; {c} où de très récentes découvertes démontrent l’utilité du canal de Wirsung {d} et où est indiqué le chemin laiteux qui va du réservoir aux mamelles. Suivent des lettres de compliment que des hommes très éminents ont adressées à l’auteur, dont certaines ont été précédemment publiées, mais qui ont été augmentées, et d’autres plus récentes ont été ajoutées ; auxquelles enfin est associée une courte réfutation ou censure de la réponse de Riolan contre les Expériences du même Pecquet]. {e}


  1. V. note [23], lettre 152.

  2. Veines subclavières (chez le chien, mais mal nommées parce que cet animal ne possède pas de clavicules).

  3. V. note [15], lettre 280, pour leur première édition de 1651.

  4. V. infra seconde notule {a}.

  5. Paris, Cramoisy, 1654, in‑4o. Le frontispice de l’exemplaire numérisé dans Google Livres, issu de la Bibliothèque de la ville de Lyon, porte cette dédicace manuscrite : « Pour Monsieur Spon, docteur en Médecine, par son très humble serviteur, Pecquet. »

    Écrit dans un latin fort ardu, ce livre fondateur n’a encore malheureusement jamais été traduit en français. Après en avoir fini avec les écrits de Guy Patin, je me suis attelé à cette tâche.


L’ouvrage est dédicacé à François ii Fouquet, évêque d’Agde (v. note [52], lettre 280), protecteur de Pecquet. Les cinq lettres et la dissertation qu’on trouve à la fin présentent un intérêt particulier : leurs signataires sont ceux que Jean ii Riolan surnommait avec mépris les « pecquétiens » (Pecquetiani, v. note [1], lettre 414).

  • Vient d’abord (pages 141‑151) la :

    Iacobi Mentelii V. E. [vir eminentissimus] doctoris medici Parisiensis ad Ioannem Pecquetum, doct. med. eruditum, nec vulgaris notæ anatomicum : De veteris-novi, seu hactenus incogniti chyli receptaculi et lactearum inde venarum se sursum efferentium (Notatione sua) Epistola, ubi tralatitie habetur διαγραφη levis transversi situs interiorum partium cuiusdam cadaveris, publice consecti Parisiis sub finem anni m. dc. l.

    [Lettre du très éminent Jacques Mentel, docteur en médecine de Paris, à Jacques Pecquet, savant docteur en médecine et anatomiste dont la réputation n’est pas quelconque : Lettre sur sa description du réservoir du chyle, à la fois ancien et nouveau, ou du moins jusqu’ici inconnu, et des veines lactées qui en sortent, où est incidemment donnée la courte description du situs inversus des parties internes, observé chez un cadavre qu’on a publiquement disséqué vers la fin de l’année 1650]. {a}

    Comme l’indique ce long titre, la lettre rapporte d’abord en détail le cas de situs inversus qui avait tant frappé les médecins parisiens de l’époque. {b} Page 149, Mentel y fait aimablement remarquer à Pecquet qu’avant lui, Hiérophile et Galien ont noté l’existence de veines lactées dans l’abdomen, et que lui-même, en 1629 (Pecquet n’avait que sept ans), quand il était archidiacre {c} de la Faculté de médecine de Paris, les a observés en ouvrant le ventre d’un grand molosse et les a montrés aux étudiants ; il dit avoir alors compris que le chyle les emprunte, non pas pour se rendre au foie et s’y transformer en sang, mais pour rejoindre un confluent caché dans le mésentère et monter vers les veines subclavières par un canal qui parcourt le thorax. Sans tout à fait oser revendiquer la découverte de Pecquet, il s’en déclare le précurseur. {d}


    1. La fin de la lettre porte la date du 13 février 1651.

    2. V. note [11], lettre 254.

    3. V. note [49], lettre 152.

    4. V. note [6], lettre latine 369.

  • La courte lettre latine de Pierre de Mersenne (pages 152‑154) est datée de Paris, le 1er février 1651. Il y explique comment il a vu de ses yeux et exploré de ses mains le réservoir et les canaux du chyle :

    Reclament si lubet acutuli quidam, quos Mersennus noster ο μακαριτης chartaceos Philosophos jocans vocabat, quoniam nunquam ex Naturæ inspectione sed ex solis libris sapere volunt.

    [Que se récrient donc, s’il leur plaît, certains esprits piquants, que notre feu Mersenne {a} appelait en plaisantant philosophes de papier, parce qu’ils ne veulent tirer leur savoir que des livres, mais jamais de l’examen de la Nature].


    1. Marin Mersenne, v. note [5], lettre latine 477.

  • La lettre suivante (pages 155‑163) est intitulée Ioanni Pecqueto ingeniosissimo medico amico suo singulari, Adrianus Auzotius S.P.D. [salutem plurimam dicit] [Adrien Auzout (v. la seconde référence citée dans la note [36], lettre 469) adresse maints compliments à Jean Pecquet, très ingénieux médecin, son particulier ami] ; elle est datée de Paris, le 1er mars 1651. En rigoureux scientifique, Auzout s’insurge sans détours :

    nonne jam omnia in Medicinæ Theoria immutanda sunt, cum receptæ sententiæ de Chyli in Sanguinem mutatione a Iecore facta, penitus innitantur, quam constat minime fieri ; Cor enim Chylum primum recepit in Sanguinem excoquendum, et Hepar non nisi peculiare officium (…). Unde jam vix reperire est paginam in libris tum Medicis, tum Anatomicis, in qua crassi errores non occurrant.

    [toutes les idées sont-elles à jamais immuables dans la théorie de la médecine, alors que, pour la transformation du chyle en sang qui se ferait dans le foie, elles reposent entièrement sur une idée reçue qu’à l’évidence peu de faits ont établie ? De fait, le cœur reçoit le chyle en premier pour le transformer en sang, sans que le foie puisse revendiquer cet office […]. D’où vient qu’on a peine à trouver dans les livres, tant de médecine que d’anatomie, une page qui ne contienne pas d’erreurs le plus souvent grossières].

  • La lettre de Samuel Sorbière (pages 164‑180), sous le pseudonyme de Sebastianus Alethophilus, est détaillée dans la note [5], lettre 390.

  • La Brevis destructio, sive litura responsionis Riolani ad Experimenta nova anatomica. Scripta ad Iatrophilum Pecquetianum, auctore Hygino Thalassio Sangermano [Courte réfutation ou censure de la réponse de Riolan contre les Expériences anatomiques nouvelles. Écrite au pecquétien iatrophile par Hyginus Thalassius de Saint-Germain (pseudonyme de Pierre de Mersenne, v. note [5], lettre 390] (pages 181‑246) est un traité divisé en 5 chapitres :

    1. Partam in anatome gloriam obscurasse Riolanum, contumelioso scribendi genere, quo non modo in Pecquetum et Pecquetiani inventi laudatores ; sed in omnes sui ævi medicos peroravit [Riolan a masqué une gloire qui était née en anatomie en écrivant de manière injurieuse, où il a plaidé non seulement contre Pecquet et les laudateurs de sa découverte, mais aussi contre tous les médecins de son temps] ;

    2. Riolanum iniuria lactearum thoracicarum inventum damnare, quoniam primum a iuvene detectum est, illumque malo exemplo iuvenilem ætatem a scientia deterrere [Riolan condamne par l’insulte la découverte des lactifères thoraciques parce que le premier à l’avoir faite est un jeune homme et que, pour mauvaise peine, il écarte la jeunesse de la science] ;

    3. De doctorum Parisiensium Testimoniis. Candide illi scriptis ad Pecquetum epistolis lacteas thoracicas probarunt ac commendarunt. Defenduntur epistolæ adversus Riolani censuram, quæ adversa rationi et experientiæ sponte corruit [Témoignages des docteurs parisiens qui, par des lettres écrites de bonne foi à Pecquet, ont approuvé et recommandé les lactifères thoraciques. Leurs lettres sont défendues contre la censure de Riolan qui s’écroule d’elle-même, comme contraire à la raison et à l’expérience] ;

    4. Destruuntur præcipua Riolani argumenta adversus lacteas thoracicas [Les principaux arguments de Riolan contre les lactifères thoraciques sont démolis] ;

    5. De lactearum Usu. Earum cognitionem, Hippocraticam ac veram medendi methodum nullo modo immutare [La Fonction des lactifères. Leur connaissance ne modifie en aucune manière la méthode véritable et hippocratique de remédier].

    Le thème dominant est la jeunesse de Pecquet comparé à l’âge avancé de Riolan, qui lui en a fait reproche : Desinat ergo Riolanus Pecqueti inventum ætatis ratione velut puerile in ludibrium vertere [Que Riolan cesse donc de tourner en ridicule la découverte de Pecquet comme étant puérile, en invoquant son âge].

  • La dernière lettre (pages 246‑248) est signée par Matthieu Chastelain, docteur en médecine de Montpellier (v. note [41], lettre 442). Il y reconnaît l’immense mérite de Pecquet :

    Non dicam te vasa lymphatica et canalem Virsungi, oculorum obtutus fere effugientem incredibili tuæ manus dexteritate non solum Monspelii, sed et Parisiis coram præstantissimis Medicis, peritissimis Chyrurgis, et curiosissimis viris perspicue demonstrasse, cum illud recens sit et ab prædicto illustrissimo cœtu sicut a me ubique decantatum. Sed dicam tantum tanquam æquissimus Iudex, nihil esse potentius veritate ad suadendum, ad propugnandum, ad vincendum. Qua fretus fœlicem optatumque finem es honorifice assequtus. Cujus ego veritatis amicus eam proclamare proclamare gloriatus sum.

    [Je ne vous répéterai pas que, par l’incroyable dextérité de votre main, vous avez clairement démontré les vaisseaux lymphatiques et le canal de Wirsung, {a} qui échappe presque à la vue, non seulement à Montpellier, mais aussi à Paris, en présence des médecins les plus éminents, des chirurgiens les plus expérimentés et des hommes les plus curieux, puisque j’ai moi-même récemment rabâché cela partout devant cette très illustre assemblée ; mais en juge parfaitement équitable, je dirai pourtant que rien n’est plus puissant que la vérité pour conseiller, pour combattre et pour vaincre. Persuadé de cela, vous avez atteint avec honneur le but heureux et désiré. Quant à moi, en ami de la vérité, je me suis glorifié de la proclamer].


    1. V. note [1] de la biographie de Moritz Hoffmann, pour Johann Georg Wirsung, dont le nom reste attaché au canal excréteur du pancréas.

  • À la fin se trouve un virulent poème anonyme (pages 249‑252) Ioanni Pecqueto, Doct. Medico Monspeliensi, eximiæ peritiæ anatomico et amico suo singulari F.I.P. In Ioannem Riolanum, D. medicum et anatomicorum olim principem. Anagramma Ioannes Riolanus, Lanius ore insano [I.P. (Jean Pecquet lui-même ?) l’a fait pour Jean Pecquet, docteur en médecine de Montpellier, anatomiste de très grand savoir et son seul ami, contre Jean Riolan, docteur en médecine, jadis prince des anatomistes, dont l’anagramme latine signifie le boucher à la bouche folle]. Ces vers attaquent sans le moindre ménagement la méchanceté, la mégalomanie, la vanité, la sénilité, la bouche édentée et même la mauvaise vue de Riolan ; en voici les premiers et les derniers :

    Cur ita me Riolianus (ais Pecquete) momordit ?
    Cur tot in immeritum sæviit opprobriis ?
    Tam crebra in nostram vomit asper scommata famam,
    Nescius ut noxam suspicer esse mihi. […]
    Sic, licet admissis sonipes volet actus habenis,
    Providus hunc stimulis nil minus angit eques.
    Sin minus, atque odiis agitur
    Riolanus iniquis,
    Aut unum toto se amplius orbe putet :
    Quid fieri vetulus speret nisi fabula vulgo,
    Dum sic anatomes arbiter esse cupit ?
    Ut quodam vulpes cauda deformis adempta,
    Abscissas caudas omnibus esse iubet.
    Sic, quia caligant
    Riolano lumina, morbo
    Caligare cupit lumina cuique pari.
    At velut hæc nulli sibi caudam abscindere suasit,
    Sic nulli hic oculos ponere suasor erit.
    Et velut hæc mansit truncata ingloria cauda,
    Sic lippo hic turpis lumine semper erit.
    Nec metue Insano lanius si appareat ore,
    Nempe brevi nullo dente timendus erit.
    Formidas linguam ? sed non est noxia semper :
    Et sanare solet vulnera lingua canum.
    At vocem exhorres : pueris vox horrida larvæ est ;
    Ride et dic ; vox es, prætereaque nihil
    .

    [Pourquoi Riolan m’a-t-il ainsi mordu (dis-tu Pecquet) ? Pourquoi s’est-il acharné sans raison à tant t’injurier ? Aigre, il vomit quantité de railleries contre notre réputation, j’ignore si j’en suis responsable. (…) Ainsi d’habitude, le coursier veut être guidé par des rênes qu’il accepte, le cavalier prudent se garde de trop l’aiguillonner. Au contraire, l’inique Riolan est mû par la haine, ou il croirait à lui seul être plus grand que le monde entier : il désire être l’arbitre de l’anatomie, tout vieillard pourrait-il espérer autre chose qu’une fable ? Comme le renard honteux qu’on lui ait coupé la queue, il ordonne qu’on la coupe aussi à tout le monde. Ainsi, parce que sa vue faiblit, Riolan désire que chacun la perde aussi. Mais tout comme cela n’a persuadé personne de se couper la queue, lui n’en convaincra aucun d’y sacrifier sa vue. Et comme il est toujours déshonorant d’avoir eu la queue tranchée, lui, pour être chassieux, sera toujours indigne de la lumière. N’aie pas peur, si le boucher arbore une bouche folle, il n’y aura sûrement rien à craindre de sa courte dent. Redoutes-tu sa langue ? Elle n’est pourtant pas toujours malfaisante : la langue des chiens a coutume de guérir les blessures. Sa parole te fait frissonner : c’est la voix du fantôme qui effraie les enfants ; alors, ris donc et dis : tu n’es qu’une voix et rien de plus].

V. note [1], lettre 414, pour la réponse de Jean ii Riolan.

Les Experimenta nova anatomica… de 1651 étaient aussi dédiées à François Foucquet, évêque d’Agde ; elles sont plus concises que celles de 1654. Les lettres finales y sont au nombre de trois :

  1. Ioanni Pecqueto, Iuveni doctissimo, Iac. Mentelius, Parisiensis medicus, S.P.D. (plus courte que celle de 1654) ;

  2. Clarissimo viro Ioanni Pecqueto, Pet. de Mercenne, Doctor Medicus Parisiensis, S. ;

  3. Ioanni Pecqueto, ingeniosissimo Medico amico suo singulari, Adrianus Auzotius, S.P.D.

Les Experimenta nova anatomica… de 1661 (Amsterdam, Ægidius Janssonius Valkenier, in‑12) reproduisent strictement, mais en plus petit format, celles de 1651.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 21 juillet 1654, note 4.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0360&cln=4

(Consulté le 19/03/2024)

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