L. 388.  >
À André Falconet,
le 13 janvier 1655

Monsieur, [a][1]

Je vous rends grâce de votre dernière. Quand j’aurai fait ma harangue, [2][3] j’en croirai mes amis et peut-être que je la ferai imprimer, et en ce cas-là, je vous en enverrai des copies en tel nombre qu’il vous plaira. [1] C’est bien mon intention d’avoir quelque jour pour auditeur monsieur votre fils, [4] pour lequel je ferai tout mon possible, c’est-à-dire tout ce qui se doit au fils de son meilleur ami. [2] Je vous remercie de la bonne opinion que vous avez de mes deux grands garçons, je souhaite fort qu’ils soient quelque jour dignes de votre amitié. Je ferai tout ce qui me sera possible afin qu’ils la méritent. [3][5][6]

Pour M. Courtaud, [7] il paraît par ses œuvres qu’il n’est pas bien sage, aussi n’en a-t-il que du déshonneur. Lui et M. Guillemeau [8] ne sont pas prêts de se taire et je crois que cette controverse ne s’apaisera que par la mort. Il me chante des injures de fripier, indignes d’un homme de lettres et qui aurait le moindre grain de sagesse. M. Guillemeau ne l’a point vu depuis 40 ans et ne l’a jamais desservi, et reçoit de lui des injures atroces et criminelles ; et hæc sunt deliria sæculi morientis[4]

J’ai délivré un petit paquet pour M. Spon dans lequel il n’y a pour ce coup que la thèse [9] de mon fils Charles et le Rabat-joie de l’antimoine, etc. de M. Perreau. [5][10][11] Si par ci-après, il nous vient quelque autre chose, je vous en ferai part. M. Guillemeau est un excellent homme, personnage de crédit et d’autorité, et autant homme d’honneur que j’en connaisse ; fort habile homme, grand sens, grand esprit, grand jugement, beaucoup de biens, beaucoup d’amis. Regardez si M. Courtaud n’est pas fort mal conseillé de s’y prendre comme il fait.

M. Gassendi [12] est, Dieu merci, en bon état. Il n’a plus qu’à se conserver, vous savez comme il est délicat. M. Riolan [13] est aussi tout autrement mieux ; et n’était que le froid qui le fait asthmatique, [14] il n’y paraîtrait point ; il a près de 80 ans. Je les ai tous deux traités en même temps fort malades, ils ne le seront jamais davantage sans mourir, mais l’hiver leur est bien contraire à tous deux. Je serai toute ma vie, Monsieur, etc.

De Paris, ce 13e de janvier 1655.


a.

Bulderen, no xcv (tome i, pages 250‑252) ; Reveillé-Parise, no ccccxxxii (tome iii, pages 44‑45).

1.

Harangue que Guy Patin préparait pour son entrée au Collège royal de France comme professeur de la chaire d’anatomie et botanique. Prononcée le 1er mars 1655 (v. lettre du 2 mars suivant à Charles Spon), elle n’a pas été imprimée et je n’en ai pas trouvé de transcription.

2.

Noël Falconet (Lyon 16 novembre 1644-Paris 1733) était le fils puîné d’André ; ses frères aîné et cadet (prénoms inconnus) sont mentionnés dans les lettres (v. note [6], lettre 674).

En 1658, son père allait l’envoyer étudier à Paris, en le confiant aux soins de Guy Patin qui le logea chez lui et surveilla ses progrès jusqu’en 1662.

Le 8 août 1660, Noël acheva ses études de collège en soutenant une thèse de philosophie. Ainsi devenu maître ès arts, il prit son inscription à la Faculté de médecine pour deux ans ; il partit ensuite prendre ses degrés à Montpellier : baccalauréat, le 2 décembre 1662, licence le 15 mai, puis doctorat le 18 juin 1663.

Muni de ce diplôme, il se fixa à Lyon auprès de son père qui le fit admettre au Collège des médecins en 1664, puis agréger en 1666. Douze ans après, en 1678, Louis de Lorraine, comte d’Armagnac et grand écuyer de la Couronne, {a} lui procura la place de médecin des Écuries du roi, ce qui le mit dans la nécessité de venir s’établir à Paris. Devenu médecin de Nicolas ii de Neufville, maréchal de Villeroy, {b} et de sa famille, Noël suivit noblement et de plein gré son protecteur dans sa disgrâce en 1722, abandonnant la cour pour s’en retourner à Lyon (O. in Panckoucke, Éloy et Dulieu). Il a publié deux livres de médecine, qui contiennent d’intéressants renseignements sur son existence :

  1. La nouvelle et infaillible Méthode de M. de Lucque, {c} médecin agrégé au Collège de Lyon, sur la maladie de Madame l’Intendante, {d} examinée et réfutée par Falconet le fils, médecin du même Collège, selon la Doctrine d’Hippocrate et de Galien, et conformément aux principes de quelques savants philosophes ; avec plusieurs lettres curieuses, pleines d’érudition ; {e} et quelques remarques sur l’or prétendu potable ; {f}

  2. Système des Fièvres et des Crises… {g}


    1. V. note [29] des Deux Vies latines de Jean Héroard.

    2. V. note [5], lettre 133

    3. André de Lucques : v. note [3], lettre 615, qui procure quelques détails sur l’intervention de la Faculté de médecine de Paris dans la querelle qui l’opposa aux Falconet après la parution de ce livre.

    4. Madame Dugué, mère de Madame de Coulanges, est nommée dans la lettre de Vieussens, docteur en médecine de Montpellier (page 34). François Dugué de Bagnols (mort en 1685), intendant de justice dans la province de Dauphiné, Lyonnais, Forez et Beaujolais, nommé en 1666, était époux de Marie-Angélique Turpin de Vauderon, belle-sœur du chancelier Michel Le Tellier et tante de Louvois (v. note [9], lettre 490).

    5. Ces lettres, que Pierre Bourdelot notamment échangées avec André Falconet, sont datées de 1675-1676.

      Le corps de l’ouvrage est une lettre de 29 pages adressée à « Monsieur Corbinelli », {i} qui est auteur de la première épître de la seconde partie (page 31), datée de Paris le 23 décembre 1675 (dont j’ai modernisé la ponctuation, qui ne comporte que des virgules) :

      « À Monsieur Falconet, {ii} conseiller et médecin ordinaire du roi, agrégé au Collège de Lyon, ancien échevin.

      J’ai trouvé, Monsieur, la Relation de M. votre fils excellente. Nous jugeâmes à propos de la mettre entre les mains du médecin de Monsieur le cardinal de Bonzy, {iii} qui est de Montpellier, pour en aller conférer avec M. Bourdelot ; celui-ci la voulut garder pour en mander son sentiment. Quant au médecin de Montpellier, {iv} il est jeune mais savantissime, et qui entend merveilleusement l’anatomie, il {iii} est fort de votre avis. Vous le verrez bientôt, je vous prie de faire en sorte qu’il soit bien reçu. Il ne demeurera à Lyon qu’autant qu’on le souhaitera ; et de là, il s’en va à Montpellier à sa résidence. Je suis parfaitement votre très humble et très obéissant serviteur. […]

      Mes civilités, s’il vous plaît, à M. votre fils. »

      1. Sans doute le courtisan et homme de lettres Jean Corbinelli (1622-1676).

      2. André Falconet.

      3. Nom francisé du prélat et diplomate franco-florentin Piero Bonsi, alors cardinal et archevêque de Narbonne (v. note [17], lettre 970).

      4. Noël Falconet.
    6. Sans lieu ni nom ni date, in‑4o de 51 pages ; v. note [6], lettre 155, pour l’or potable.

    7. Paris, 1723, v. note [1] de Noël Falconet, 60 ans après, où sa préface est transcrite.

V. note [36] de l’annexe sur le manuscrit no 2007 de la Bibliothèque interuniversitaire de santé pour Camille Falconet (1671-1762), fils de Noël.

3.

Les « deux grands garçons » de Guy Patin étaient ses deux aînés, Robert et Charles.

4.

« et voilà bien les extravagances d’un siècle moribond » : nouvelle rumination de Guy Patin sur la Seconde Apologie… (v. note [54], lettre 348) qui avait éclaboussé tout le cercle parisien de Jean ii Riolan.

5.

V. notes [3], lettre 380, pour ce livre de Jacques Perreau contre Eusèbe Renaudot (Paris, 1654), et [3], lettre 384, pour la première thèse quodlibétaire de Charles Patin.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À André Falconet, le 13 janvier 1655

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(Consulté le 16/04/2024)

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