À Claude I Belin, le 20 avril 1630, note 1.
Note [1]

Après avoir étudié la philosophie et les lettres à la Faculté des arts (Collège des Quatre-Nations, v. note [8], lettre 679) pendant deux ans, un jeune homme obtenait une maîtrise ès arts et pouvait être admis à devenir étudiant (écolier) en médecine (philiatre) de la Faculté de Paris. Au bout de quatre ans de leçons assidues, un rude examen sélectionnait les bacheliers (v. note [2], lettre 39). La licence (autorisation de pratiquer la médecine, v. infra note [4]) venait deux ans plus tard, puis le doctorat et la régence (autorisation d’enseigner la médecine) six mois après. Le Corps des docteurs régents formait une Assemblée de quelque 120 médecins ayant seuls le droit d’exercer et de professer la médecine à Paris.

Tous les membres de la Faculté, depuis le plus jeune étudiant (candidat ou philiatre) jusqu’au doyen élu par ses pairs et au plus ancien régent (doyen d’âge) portaient, leur vie durant, le titre de Maître, par référence à la maîtrise ès arts qui leur avait permis d’y être intégrés. Le mot docteur n’était pas un titre, mais un grade, et ne se plaçait jamais devant le patronyme d’un médecin de la Faculté de Paris. On utilisait aussi couramment le simple titre de Monsieur.

La préparation à la licence exigeait la soumission (dispute) de trois thèses (questions ou actes). Deux étaient dites quodlibétaires (de quod libet, « ce qui plaît »), en référence à la méthode scolastique (v. note [3], lettre 433), parce qu’à la question posée (Estne « proposition » ?), on pouvait répondre par l’affirmative (Ergo « proposition ») ou par la négative (Non ergo « proposition ») ; l’une portait sur la physiologie (choses naturelles) et l’autre sur la pathologie (choses contre nature). Les statuts de 1350 (v. notule {b}, note [3], lettre 3) avaient instauré le principe des deux quodlibétaires. La troisième thèse, bien qu’elle fût aussi quodlibétaire dans son principe, était appelée cardinale (en mémoire du cardinal Guillaume d’Estouteville qui en avait institué la règle lors de sa réforme de 1452, v. notule {r}, note [57] du Faux Patiniana II‑7) ; elle portait sur une question d’hygiène (choses non naturelles, v. note [13] des pièces liminaires du Traité de la Conservation de santé). Les thèses étaient toutes soutenues et disputées publiquement en latin. Aucune ne pouvait l’être sans avoir préalablement reçu l’approbation du doyen, qui vérifiait que le sujet et la conclusion s’accordaient avec l’orthodoxie défendue par la Faculté (ce qui donna lieu à quelques querelles retentissantes dont la correspondance de Guy Patin a transmis l’écho).

  • Pour la première quodlibétaire chaque bachelier (reçu au printemps de chaque année dont le millésime était pair) disputait à tour de rôle, le jeudi de chaque semaine où c’était possible [singulis hebdomadis, si fieri potest (Statuta F.M.P., art. xix)], de six heures à midi, depuis la Saint-Martin (11 novembre, début de la 5e année, toujours paire, d’un cycle non abrégé d’études) jusqu’aux Libérales (17 mars de l’année suivante, toujours impaire). L’ordre suivait le rang de classement décroissant des bacheliers. La soutenance avait lieu en présence du doyen et de toute la promotion de bacheliers en cours (soit une moyenne de sept étudiants). Le jury était composé de neuf docteurs régents, le président (præses ou moderator, assigné au candidat parmi les régents récemment nommés ou ceux dont le tour était venu de présider, v. note [18], lettre 459) et huit examinateurs (domini doctores disputari, maîtres docteurs disputants). De six heures à huit heures, les bacheliers exposaient leurs arguments à leur compagnon candidat (qu’on disait muet parce qu’il n’y répondait pas) ; de huit à onze heures, les docteurs du jury disputaient contre le bachelier qui répondait de la thèse, en permettant aux autres docteurs présents, s’ils le désiraient, de disputer aussi ; enfin, de onze heures à midi, chacun des bacheliers répondait à une question de médecine posée par les docteurs. Le débat était suivi d’un vote où chacun des docteurs présents déclarait le candidat sufficiens (admis) ou incapax (ajourné). Le résultat était proclamé le samedi suivant : la thèse était exceptionnellement refusée car elle avait étét préalablement acceptée par le doyen en exercice (avec autorisation d’imprimer) ; pour être définitivement reçue elle devait avoir recueilli les deux tiers des suffrages.

  • La seconde quodlibétaire se déroulait de manière strictement identique à la première, mais un an plus tard (début de la sixième année d’études).

  • La cardinale se soutenait aussi un jeudi, entre le jour des Cendres et la veille de la Saint-Pierre et Saint-Paul apôtres (28 juin) suivant la première ou la seconde quodlibétaire (c’est-à-dire au printemps de la première ou seconde année de préparation à la licence). La soutenance commençait à cinq heures et se terminait à midi. Le jury n’était composé que du seul président (v. note [1], lettre 471, pour la manière dont était désigné). Deux promotions de bacheliers (celle du candidat et la suivante, qui venait d’être reçue au baccalauréat) devaient y disputer en présentant chacun deux arguments auxquels le candidat devait répondre. Des docteurs régents participaient aussi à la discussion quand le nombre de bacheliers était trop faible, comme ce fut le cas pendant la Fronde (cinq bacheliers en 1650‑52, trois en 1652‑54).

Entre mai et juillet de la seconde année se déroulaient les épreuves proprement dites (questions orales) de la licence et les lauréats étaient classés selon leur rang (lieu) de mérite, sans jamais négliger les appuis dont ils bénéficiaient (v. note [8], lettre 3). Les actes du doctorat et de la régence se disputaient après six mois à un an (selon le lieu de la licence), sans laisser de trace imprimée ou manuscrite autre que l’énoncé de la question mise en débat, soigneusement consigné dans les Commentaires de Faculté. Le docteur devenait régent en présidant sa première quodlibétaire.

Les régents présidaient à tour de rôle en suivant un ordre qui était réglé un peu différemment pour les quodlibétaires (v. note [18], lettre 459) et pour les cardinales (v. note [1], lettre 471). En aucun cas le président ne choisissait son bachelier, ni réciproquement : tout était déterminé par l’ancienneté du président sur le tableau des docteurs et par le classement de l’étudiant au baccalauréat. Avec une moyenne de sept bacheliers reçus aux Écoles tous les deux ans, le débit des thèses parisiennes imprimées était d’une dizaine par an.

Les trois thèses étaient rédigées par le président ou, moins ordinairement, par le bachelier (v. note [11], lettre 3). Dans ses lettres, Guy Patin a signalé avoir été l’auteur de ses deux quodlibétaires mais non de sa cardinale, et a revendiqué comme siennes les thèses qu’il a présidées par la suite. Toutes les thèses étaient obligatoirement imprimées (au frais du candidat) pour être distribuées et diffusées. Les quodlibétaires avaient la forme d’une feuille (placard ou affiche in‑fo) qui était imprimée d’un seul côté, sauf texte trop long. Le corps de la thèse pouvait en effet être précédé d’une dédicace du candidat adressée à une éminente personnalité non médicale du moment (membre du Parlement, ou même du gouvernement), avec, pour les bacheliers les plus fortunés, une gravure originale. La thèse proprement dite était généralement introduite par une invocation Deo opt. max. uni et trino, Virgini Deiparæ, et S. Lucæ orthodoxorum medicorum patrono [à Dieu très bon et tout-puissant, qui est une et trois personnes à la fois, à la Sainte Vierge, mère de Dieu, et à saint Luc, patron des médecins orthodoxes] ; avec, au-dessous, le nom du président, la date de dispute et la question posée. Le texte était bâti en cinq articles correspondant chacun à une proposition : exposition, développement, établissement, discussion, conclusion affirmative ou négative (v. l’alinéa 1 de la notice sur Hyacinthe-Théodore Baron dans la Bibliographie). Une lettrine plus ou moins richement ouvragée était placée en tête de chacune des cinq sections. En bas de la feuille, figuraient les noms du candidat et des neuf membres du jury (sans le président), rangés par ordre d’ancienneté croissante. La présentation des cardinales était plus sobre. En novembre 1662, le format in‑fo fut remplacé par l’in‑4o, plus commode à manier et à ranger.

Les Comptes de la Faculté de médecine de Paris rendus le 26 janvier 1652 par Guy Patin pour la première année de son décanat (novembre 1650-novembre 1651) donnent le montant des droits que le bachelier devait payer pour la soutenance de ses thèses :

  • 4 livres tournois et 12 sols pour chaque quodlibétaire (avec jury de neuf docteurs régents) ;

  • 10 livres pour la cardinale (sans jury).

Ces sommes étaient modiques, mais n’incluaient ni les frais d’impression ni les honoraires privés, de montant inconnu, directement versés aux docteurs régents qui participaient à l’acte (v. note [60] des Décrets et assemblées de 1651‑1652 dans les Commentaires de la Faculté).

En l’absence de journaux médicaux (apparus au xixe s.), les thèses imprimées, avec les livres (plus encombrants et plus coûteux), véhiculaient alors les progrès (toujours laborieux et hautement polémiques) du savoir médical. Ainsi que tous ses confrères, Guy Patin y prêtait donc un immense intérêt, comme on le voit dès cette première lettre. La suite de sa Correspondance montre qu’il cherchait à se procurer ces « disputations », tant françaises qu’étrangères, avec une remarquable avidité, pourvu qu’elles fussent écrites en latin (comme c’était presque toujours la règle).

La Bibliothèque interuniversitaire de santé (BIU Santé) conserve précieusement et met en ligne les originaux de toutes les thèses disputées au xviie s. à la Faculté de médecine de Paris, que Baron a soigneusement répertoriées. Son catalogue couvre les années 1539 à 1752. Il ne subsiste aucune trace des thèses disputées pendant les trois premiers siècles de la Faculté : pas même leurs titres, qui n’ont été transcrits dans les Commentaires qu’à partir de 1539.

Notre édition contient la reproduction, le texte latin intégral et la traduction commentée de trois thèses que Guy Patin a écrites et présidées :

V. la fin de L’homme n’est que maladie, pour la critique pertinente, mais dénuée d’effet, qu’Alexandre Le François a publiée en 1720 sur le contenu des thèses médicales au xviie s.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude I Belin, le 20 avril 1630, note 1.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0001&cln=1

(Consulté le 19/04/2024)

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