M. de Verthamon, [2] conseiller clerc, homme fort riche et fort épargnant, n’est point mort pauvre. Il avait si rudement épicé ses procès qu’on lui a trouvé dans son coffre après sa mort 400 000 livres en or et en argent comptant. [1][3] Il était chanoine de Notre-Dame, [4] mais il ne donnait jamais l’aumône. Le roi [5] est avec les reines et M. le Dauphin [6] dans le Bois de Vincennes, [7] on dit qu’il s’en va bientôt avec tout son train à Versailles. [2][8] On dit ici que les députés des Suisses [9] sont en chemin. [3] Quel grand dessein a donc le P. Gibalin, [10] dans lequel il y aura tant de volumes ? Qui vous a dit que le grand ouvrage de Plantis d’Ulysses Aldrovandus [11] soit achevé à Bologne ? [12] En avez-vous vu quelques exemplaires à Lyon ? Votre M. Bara [13] ne pense-t-il plus à son Rondelet ? [4][14] Que font vos deux jeunes médecins à Lyon, Basset [15] et Lucques, [16] et ce musicien provençal n’y demeure-t-il point aussi ? Que devient donc l’édition des œuvres du R.P. Théophile, [17] y a-t-il apparence qu’elle sera bientôt achevée ? J’apprends que vous serez bientôt échevin de Lyon, [18] je vous le souhaite et m’en réjouis de tout mon cœur. [5] On fait ici des préparatifs chez quelques moines pour y solenniser la fête de sainte Thérèse, [19] à cause de la reine. [6][20][21] Dieu soit loué de tout, mais le peuple est bien grevé, il faudrait que la taille [22] diminuât afin qu’il se pût réjouir aussi bien que les moines pour qui il est fête tous les jours. Il n’est point ici de malades, j’en loue Dieu. Je ne serais point fâché de ce loisir s’il pouvait durer, nous nous gendarmons assez toute l’année, [7] nous nous tuons pour autrui, Aurum dum quærimus, ævum perdimus ; [8][23] et comme Martial [24] a fort bien dit, Iactamur in alto urbis, et in sterili vita labore perit. [9] Mais il faut prendre patience, le bon temps viendra quand il plaira à Dieu ; si nous ne l’avons, c’est que nous ne le méritons pas. Fornicaverunt filii Adam, et declinaverunt ad avaritiam. [10][25] Je vous baise les mains et suis de toute mon âme votre, etc.
De Paris, ce 15e de mars < sic pour : 10e d’octobre > 1663.
Bulderen, no cclxxxix (tome ii, pages 350‑351) ; Reveillé-Parise, no dcx (tome iii, pages 426‑427). Ces deux éditions datent la lettre du 15 mars 1663, mais son contenu s’accorde mieux avec le 10 octobre.
Antoine de Verthamon, frère cadet de François, conseiller d’État (v. note [3], lettre 884), et de Marguerite, dame de La Bazinière (v. note [15], lettre 405), chanoine archidiacre de Josias en l’église Notre-Dame de Paris (dont c’était l’un des deux archidiaconats, avec celui de Brie), avait été reçu, en 1635, conseiller lai en la quatrième Chambre des enquêtes (ayant pris ensuite une charge de conseiller clerc de nouvelle création). Il mourut, dit Popoff (no 2448), le 30 octobre [pour septembre ?] 1663, âgé de 59 ans.
Arrivée à Vincennes le 5 septembre, la cour se rendit à Versailles le 15 octobre 1663 pour y séjourner jusqu’au 22 (Levantal).
Le roi reçut les ambassadeurs des Cantons suisses (v. note [2], lettre 760) au Louvre le 11 novembre (Levantal).
De universa rerum humanarum Negotiatione, tractatio scientifica, utrique foro perutilis. Ex iure naturali, ecclesiastico, civili, Romano et Gallico. In qua negotiorum æquitas per omnes negotiationis causas, materias, formas universales ac singulares contractuum, commerciorum, atque συναλλαγματων diversa genera, ex iisque ortas obligationes, scientifice et solide explicatur, humanarum scientiarum et artium rectus ac pravus usus demonstratur, singulorum statuum, officiorum ac munerum rationes, atque adeo universæ Oeconomicæ et Politicæ traduntur.[Traité scientifique sur la Négociation universelle des affaires humaines, très utile aux deux cours de justice. {a} Tiré du droit naturel, ecclésiastique, civil, romain et français. Il explique scientifiquement et solidement l’équité des négociations, par toutes les raisons, manières et formes, générales et particulières, de négocier, et les divers genres de contrats, d’alliances et de traités, avec les obligations qui en découlent ; il montre les bons et mauvais usages des sciences et des connaissances humaines ; il présente les raisons, tant économiques que politiques de tous les statuts, offices et charges]. {b}
- Civile et canonique.
- Lyon, Philippus Borde, Laurentius Arnaud, Petrus Borde, et Guilielmus Barbier, 1663, in‑fo : Tomus primus (668 pages) ; Tomus secundus (718 pages).
Ulyssis Aldrovandi Patricii Bononiensis Dendrologiæ naturalis scilicet arborum historiæ libri duo : Sylva glandaria, acinosumque pomarium ubi eruditiones omnium generum una cum botanicis doctrinis ingenia quæcunque non parum iuvant, et oblectant. Ovidius Montabanus utriusque Collegii Philosophiæ, et Med. Bononien. Decanus Legumque Doctor atque in Patrio Archigymnasio Professor emeritus Opus summo labore collegit, digessit, concinavit…[Deux livres de Dendrologie, {a} ou histoire naturelle des arbres, d’Ulisse Aldrovandi, {b} gentilhomme de Bologne : forêt à glands et verger à pépins, dont les connaissances en tous genres et la science botanique aident à découvrir agréablement toute la connaissance. L’immense travail d’Ovidius Montalbanus, {c} doyen des facultés de philosophie et de médecine, docteur en droit et professeur émérite de l’Université de Bologne, a assemblé, édité et rédigé cet ouvrage…] {d}
- Discours (Λογος) sur l’arbre (δενδρον).
- Mort en 1605, v. note [13], lettre 9)
- Ovidio Montalbano (1602-1672).
- Bologne, Io. Baptista Ferronius, 1668, in‑fo de 660 pages.
André Falconet dut attendre décembre 1666 avant d’être élu échevin de Lyon (v. note [7], lettre 896).
Thérèse d’Avila (Teresa Sánchez de Cepeda Dávila y Ahumada, Gotarrendura, province d’Avila 1515-Alba de Tormes, province de Salamanque 1582), religieuse mystique, réformatrice des couvents, et fondatrice de l’Ordre des carmélites et des carmes (v. note [19], lettre 77), avait été canonisée en 1622. Sa fête est célèbrée le 15 octobre.
La Gazette (ordinaire no 39 du 31 mars 1663 (pages 291‑292) avait parlé de cette nouvelle dévotion parisienne :
« Le 26, les reines allèrent aux Carmélites de la rue du Bouloi, {a} où se faisait la translation d’un os d’un bras de sainte Thérèse, fondatrice de cet Ordre, et qui avait été envoyé à ces religieuses par le roi d’Espagne, à l’instance de ces deux grandes princesses. L’évêque d’Aqs {b} prêcha avec autant de zèle que d’éloquence sur le sujet ; et l’ancien évêque de Rodez, nommé à l’archevêché de Paris, {c} officia à la cérémonie, en laquelle il porta processionnellement la relique ; un excellent concert de voix et d’instruments animant cependant la dévotion de la Compagnie, laquelle y était des plus célèbres. »
- Joignant la rue Coquillière à celle des Petits-Champs, la rue Bouloi existe toujours dans le quartier des Halles (ier arrondissement de Paris). Le Dictionnaire administratif et historique des rues de Paris et de ses monuments par Félix et Louis Lazare (Paris, F. Lazare, 1844, page 418) a résumé l’histoire de ce couvent :
« Des religieuses carmélites établies dans la rue Notre-Dame-des-Champs, désirant avoir à l’intérieur de la ville une maison de refuge, sollicitèrent et obtinrent, en 1656, des lettres patentes qui leur permirent de fonder un monastère dans la rue du Bouloi. Toutefois, elles ne pouvaient y recevoir que des novices, professes ou religieuses envoyées par le couvent de Notre-Dame-des-Champs. Ces entraves subsistèrent jusqu’en 1663. À cette époque, la reine Marie-Thérèse d’Autriche voulut, en l’honneur de sa patronne, fonder un nouveau couvent des carmélites. Elle fit expédier, en décembre de la même année, des lettres patentes qui autorisaient l’établissement d’un second monastère dans la rue du Bouloi. Cette communauté devait être tout à fait indépendante de celle de Notre-Dame-des-Champs. La première pierre de l’église fut posée le 20 janvier 1664. Cependant, leur habitation étant trop petite, elles demandèrent la permission de s’établir dans la rue de Grenelle-Saint-Germain. Cette autorisation leur fut accordée par lettres patentes données à Compiègne au mois d’octobre 1688. »- Ancien nom de Dax, dont l’évêque était alors Hugues de Bar.
- Hardouin de Beaumont de Péréfixe (v. note [38], lettre 106).
Se gendarmer : « s’emporter mal à propos pour une cause légère » (Furetière).
« Pendant que nous cherchons de l’or, nous gâchons nos plus belles années » ; Marcus Manilius (v. note [4], lettre 334), Les Astronomiques (livre iv, vers 2‑4) :
Torquemur metu cæcaque cupidine rerum
[En proie à des passions inquiètes, la crainte et un aveugle désir des choses nous tourmentent ; tandis qu’elles nous accaparent, nous gâchons nos plus belles années…]
æternisque senes curis, dum quærimus, ævum
perdimus…
« Ballottée par les flots de cette immense cité, la vie se consume en de stériles fatigues » (Martial, Épigrammes, livre x, lviii, vers 7‑8).
« Les fils d’Adam se sont donnés à l’idolâtrie et ils se sont égarés selon leur propre intérêt », Isaïe 56:11 :
Et canes inpudentissimi nescierunt saturitatem ipsi pastores ignoraverunt intellegentiam omnes in viam suam declinaverunt unusquisque ad avaritiam suam a summo usque ad novissimum.[Et ce sont des chiens voraces, insatiables. Ce sont des bergers qui ne savent rien comprendre. Tous suivent leur propre voie, chacun selon son intérêt, jusqu’au dernier.]