L. latine 40.  >
À Johann Georg Volckamer,
le 10 septembre 1655

[Ms BIU Santé no 2007, fo 37 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Volckamer.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Pour répondre à votre dernière, dont je vous remercie particulièrement, j’ai reçu avec plaisir les livres que vous m’avez procurés et reconnais vous en devoir beaucoup d’argent. Écrivez-moi donc le prix de tant de volumes ; ou plutôt recevez la somme de M. Pomer ou d’un autre marchand, et je la rembourserai sur-le-champ à M. Picques. [1][2][3] Le très savant M. Conring, véritable polygraphe doué de tous les talents, est la très grande gloire de votre Allemagne ; achetez et envoyez-moi dorénavant, s’il vous plaît, tout ce qu’il écrira, ainsi que son attaque contre le loyolite Mulmann à propos du purgatoire, du pontife romain et d’autres sujets. [2][4][5][6] C’est en effet un écrivain prodigieux et méticuleux, tant il excelle en toutes choses vers lesquelles il dirige son esprit. Vous me réserverez, s’il vous plaît, le Lexicon de Martini ; [3][7] et même achetez-le et je vous en réglerai le paiement de même façon ; à vrai dire, je l’espère d’un autre lieu, mais ne l’ai pas reçu ; envoyez-le-moi donc si vous voulez ; avoir plusieurs exemplaires d’un si éminent ouvrage ne me déplaira nullement car il ne s’en trouve aucun ici. Riolan, notre très distingué ancien, [8] est en vie et se porte bien ; il a dernièrement écrit contre Pecquet et deux de nos docteurs pecquétiens, Mentel et Mersenne, et publiera cela sous peu ; [4][9][10][11][12][13] je vous en ai réservé quatre exemplaires, deux pour vous, un pour M. Conring et un autre pour M. Nicolaï, que vous saluerez s’il vous plaît de ma part. [14] Un autre de mes amis, le très savant Gassendi, est ici alité pour une très dangereuse inflammation de poumon, [15] qui le met en danger manifeste de périr car il a jusqu’ici refusé la saignée, dont il a une profonde horreur, et dont pourtant il avait absolument besoin. Malheur à ceux que vainc la gravité de la maladie à cause de leur manque de confiance. Je m’afflige cependant pour cet excellent homme, qui est savant par-delà le lot commun de notre siècle. [5][16][17][18] Auparavant, il nous avait donné la Philosophia Epicurea, en trois tomes in‑fo publiés à Lyon ; [6][19] mais s’il avait encore vécu un an, il aurait présenté au monde des lettres tout entier un système de philosophie bien plus exact et achevé. L’injustice du destin tient pourtant à ce qu’il n’autorise pas les hommes de bien à survivre longtemps. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

Votre Guy Patin pour l’éternité, docteur en médecine de Paris et professeur royal.

De Paris, le 10e de septembre 1655. [7]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 37 vo | LAT | IMG]

Plaise à Monsieur                , conseiller du roi en sa Cour de Parlement, avoir pour recommandé en justice le bon droit : pour M. Louis Rassyne, [20] grenetier au grenier à sel de Gisors, [8][21] appelant, contre M. Giraud Rolland, intimé. [9]

M. de Maupeou rapporteur. [10][22]

Dories, Logris


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Georg Volckamer, ms BIU Santé no 2007, fo 37 ro ; l’autre côté de la feuille est une formule incomplète de recommandation en justice, rédigée par une plume inconnue (v. infra note [7]).

1.

Le dénommé Pomer, marchand ou banquier allemand de prénom inconnu, servait d’intermédiaire aux échanges d’argent entre Guy Patin et Johann Georg Volckamer. Sans toujours être nommé, il apparaît ici pour la troisième de huit fois dans leur correspondance de 1654 à 1658.

2.

Hermanni Conringii de Purgatorio Animadversiones in Ioannnem Mulmannum Iesuitam. Eiusdem Programmata Sacra. Accesserunt I. Mülmanni de Purgatorio Assertiones [Remarques de Hermann Conring sur le purgatoire, contre le jésuite Johannes Mulmann. Publications sacrées du même auteur. Avec les Assertiones de J. Mulmann sur le purgatoire] (Helmstedt, Henningus Mullerus, 1651, in‑4o).

Johannes Mulmann (Leipzig 1600-Hadamar 1651), dont Guy Patin déformait ici le nom (Ehlmann), avait abjuré la religion luthérienne pour entrer chez les jésuites en 1620. Il avait présidé et publié une thèse intitulée :

Assertiones de Purgatorio oppositæ Disputationibus Calixtianæ et Corcianæ antehac de eadem materia editis, et nunc Examini publico in celeberrimo Paulino Gymnasio Patrum S.I. propositæ Monasterij Westphaliæ die vi. Maij m dc xlvii. A Iohanne Brochber Theol Studioso sub Præsidio R.P. Ioannis Mulmanni è Societ. Iesu S.S. Theol. Licentiati et Professoris Ordinarij

[Déclarations sur le Purgatoire {a} contre les Disputations que Calixte {b} et Crocius {c} ont précédemment publiées sur le même sujet, et que Johannes Brochber, étudiant en théologie, a soumises à l’examen public dans le très célèbre Collège Saint-Paul des pères de la Compagnie de Jésus de Münster en Westphalie, le 6 mai 1647, sous la présidence du R.P. Johannes Mulmann, de la Compagnie de Jésus, licencié et professeur ordinaire de très sainte théologie].


  1. V. note [28], lettre 79.

  2. Georgius Calixtus, v. note [11], lettre latine 35.

  3. Johannes Crocius (1590-1659), autre théologien luthérien allemand.

Le livre de Conring contre le pape est :

De electione Urbani iix et Innocentii x pontificum Commentarii historici duo. Adiecta sunt nonnulla alia eiusdem Argumenti, cum Hermanni Conringii Proœmio.

[Deux commentaires historiques sur l’élection des papes Urbain viii {a} et Innocent x. {b} On y a ajouté quelques autres pièces de même sujet avec une préface d’Hermann Conring].


  1. En 1623, v. note [19], lettre 34.

  2. En 1644, v. note [2], lettre 112.

  3. Helmstedt, Henningus Mullerus, 1651, in‑4o.

3.

V. note [2], lettre 408, pour cette réédition du « Lexique » philologique, étymologique et sacré de Matthias Martini (Francfort, 1655 ; première édition en 1623).

4.

V. notes [1], lettre 414, pour les Responsiones duæ [Deux réponses] de Jean ii Riolan (Paris, septembre 1655) contre Jean Pecquet et ses zélateurs, les Pecquetianos Doctores [docteurs pecquétiens], Jacques Mentel et Pierre de Mersenne.

5.

Pierre Pierre Gassendi allait mourir le 24 octobre 1655 (v. note [16], lettre 421). Guy Patin fut sévèrement accusé d’avoir précipité son trépas en exigeant qu’il fût copieusement saigné (v. note [20], lettre 528).

6.

V. note [1] (deuxième référence citée), lettre 147, pour les « Remarques » de Pierre Gassendi sur la « Philosophie épicurienne » (Lyon, 1649).

7.

Ce qui suit est un formulaire de recommandation en justice (avec nom du destinataire laissé en blanc), que Louis Rassyne (v. infra note [8]) avait apparemment demandé à Guy Patin de faire remplir en sa faveur.

8.

Grenetier : « officier subalterne qui juge en première instance des différends et malversations qui arrivent sur le débit et transport du sel » (Furetière). L’autre sens de « marchand qui vend des grains en détail, même du foin, de la paille, de la farine, du son, etc. » (ibid.) ne s’applique pas ici.

Ce Louis Rassyne pouvait être le frère que François Rassyne, médecin de Gisors, a mentionné à la fin de sa lettre latine datée du 27 décembre 1656 (note [16]). Louis Rassyne ou son frère avait peut-être lui-même écrit ce modèle à l’intention de Patin, pour faire établir la recommandation qu’il sollicitait de lui, le sachant fort bien introduit auprès de nombreux magistrats du Parlement.

9.

Appelant : « terme du Palais, qui ne se dit que de ceux qui vont à une justice supérieure se plaindre d’une sentence qui leur porte préjudice. Il est opposé à intimé, qui est celui qui défend le jugement » (Furetière).

10.

Sans doute René de Maupeou (1612-1694), conseiller au Parlement de Paris reçu en 1636, puis président de la première des Enquêtes en 1657 (Popoff, no 1711). Fils de René, président à la Cour des aides, il était frère aîné de Louis (v. note [4], lettre 697).

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 37 ro.

Clarissimo viro D.
Volcamero.

Postremis tuis ut respondeam, vir clarissime, pro
quibus gratias ago singulares, libenter accipiam quos
mihi comparasti libros, pro quibus me plurimum in aere
tuo esse agnosco. Scribe igitur pretium tot librorum :
vel potiùs accipe impensam pecuniam à D. Pomer aut
alio mercatore, quam statim Domino Picques repræsentabo.
Quidquid 2 scribet et 1 de qualibet natura vester Conringius,
vir doctissimus, verè polygraphus, et ad omnia natus, summa
vestræ Germaniæ gloria, in posterum eme et mitte si placet,
tam contra Loyolitam illam Ehlmannum, de Purgatorio,
quàm de Pontifico Romano, et alijs : est enim ille mirificus
sciptor et accuratus, adeo præstat in singulis ad quæ animum
appellit. Martinij Lexicum me, si placet, invictus deti-
neas, ìmò potiùs mitte et ibidem pecuniam accipe : revera
illud aliunde spero, nec tamen accepi : mitte ergo si voulueris :
nec mihi quidquam incommodi adferent tanti Operis
varia exemplaria : hîc enim nullatenus prostat. Senior
noster clarissimus Riolanus vivit et valet : nuper scripsit ad-
versus Pecquetum et Pecquetianos Doctores duos è nostris,
Mantelum et Mersennum : brevìque in lucem prodibit : tria quatuor
ejus exemplaria Tibi destinavi, Tibi duo, unum D. Conringio,
alterum D. Nicolaïo, quos si placet, meo nomine salutabis.
Amicus alter Gassendus, vir doctissimus, hîc periculosissimè
decumbit ex ìnflammatione pulmonis, quæ illum in mani-
festum vitæ discrimen adduxit propter neglectam phleboto-
miam, à qua supra modum abhorret, et qua tamen admodum
indigebat. Væ victis à morbi magnitudine propter incre-
dulitatem. Lugeo tamen virum optimum, et supra sæculi nostri
sortem eruditum. Antehac nobis dederat Epicuream Philosophiam :
tribus tomis in folio Lugduni Celtarum editis : at si adhuc
annum vidxisset, aliud Philosophiæ Systema longè perfectius et
accuratius, toti Orbi literato exhibuisset. Sed in hoc versatur
fatorum iniquitas, per quod viris bonis diu perennare non
licet. Vale, vir clarissime, et me ama.

Tuus in æternum Guido Patinus,
Doctor Medicus Parisiensis et Professor Regius

Parisijs, die x./ Die Sept./ 1655.

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 37 vo.

Plaise à Monsieur                    Coner du roy
en sa cour de parlement avoir pour recommandé en
justice le bon droit :
Pour Mr Louys Rassyne grenetier au grenier à sel de Gisors
appant
Contre Mr Giraud Rolland Intimé
Monsr de Maupéou rappr

Dories                    Logris


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, le 10 septembre 1655

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(Consulté le 09/05/2024)

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