L. latine 57.  >
À Johann Georg Volckamer,
le 11 août 1656

[Ms BIU Santé no 2007, fo 45 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Volckamer, docteur en médecine, à Nuremberg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

J’ai reçu tous les livres que vous m’avez dernièrement envoyés et vous en remercie beaucoup. Je n’en attends plus qu’un seul de vous, qui est la Nova Anatomia du très distingué M. Werner Rolfinck, à propos de laquelle je vous ai récemment écrit, tout comme vous avez fait, m’annonçant alors que je la recevrai bientôt, ce que je souhaite arriver rapidement. Riolan, notre très distingué ancien, [2] a ce nouveau livre entre les mains et sous les yeux, et le proclame tout à fait digne de louange. [1][3][4] D’Aristénète, je n’ai jamais rien vu d’autre que des lettres grecques et latines, de teneur fort érotique et divertissante ; j’en ai ici un exemplaire que je vous offre. [2][5] Je n’ai rien vu d’Hiéroclès, à part certaines petites choses sur les aurea Carmina de Pythagore, que je vous offre aussi si vous voulez. [3][6][7] Je sais que Rufus, Meletius, Theophilus Protospatharius ont écrit sur l’anatomie ; [4][8][9][10] je vous enverrai cela avec d’autres, si cela vous fait plaisir ; ainsi que tout ce que j’aurai pu en obtenir ici, si vous êtes intéressé ; c’est-à-dire vous, M. Werner Rolfinck ou M. Conring. [11] Quant aux livres qu’on vous a envoyés, je ne réclame rien pour ceux qui sont venus de moi ; si vous le désirez, je suis disposé à en expédier d’autres. Cette grande édition des œuvres complètes d’Hippocrate et Galien, que René Chartier (qui mourut il y a deux ans) a tentée et entreprise, reste inachevée et le restera, [5][12][13][14] car il a laissé des fils qui sont non seulement piètres médecins, mais insensés et presque fous. [15][16] Six grands tomes in‑fo de ce grand ouvrage sont ici en vente à un prix qui dépasse cent de nos livres tournois, ce qui fait, si je ne me trompe, 35 thalers de votre monnaie. [17] D’édition défectueuse et fort corrompue, remplie de fautes, ils ne contiennent que la moitié centrale de l’œuvre. Ses héritiers sont démunis et ne finiront jamais le travail qu’il a commencé. Dans ce qui reste à publier, les meilleurs livres demeurent en attente. Je n’ai donc pas encore songé à les acheter ; vous vous contenterez de votre exemplaire grec de Bâle et de celui de Venise en latin. [6][18][19] Enfin, le Théophraste de notre ami très distingué Caspar Hofmann est arrivé en Hollande, mais la date où on le mettra sous presse reste incertaine parce que ces imprimeurs ne se hâtent pas fort. [7][20][21] J’ai toujours ici ses Χρηστομαθ. physiologicæ et pathologicæ ; je ne les enverrai pas tant qu’on ne m’aura pas fourni certaines garanties. [22] Je n’en réclame aucun argent (vous-même savez tout le premier combien j’ai dépensé pour les obtenir), mais j’en demande quelques exemplaires gratuits que je pourrai envoyer à mes amis, et je voudrais que l’ouvrage soit complètement publié dans un délai précis et garanti ; et ce afin que de si précieux manuscrits ne m’échappent des mains pour traîner dans d’autres, d’où je chercherai vainement à les récupérer, si elles ne sont aussitôt publiées. J’ai écrit sur tout cela à M. Vander Linden, professeur de médecine en l’Université de Leyde, intermédiaire de cette transaction entre moi et les Elsevier, et j’attends réponse dans le mois qui vient ; on dit en effet qu’un membre de cette famille viendra ici vers la Saint-Rémy[8][23][24] Si je ne conclus pas ce marché avec eux, je contacterai nos Lyonnais pour qu’enfin ils les fassent paraître à quelque prix que ce soit, car j’aime mieux [Ms BIU Santé no 2007, fo 45 vo | LAT | IMG] dépenser encore de l’argent que souffrir de priver la république des lettres de si précieux livres. Si les Elsevier viennent ici (ce que j’espère pour l’automne prochain), je m’adresserai à eux pour votre Galien grec et latin, enrichi par les notes de notre Hofmann, et je ferai tout mon possible pour qu’ils s’intéressent à une si grande œuvre ; pourtant, je doute fort qu’ils le fassent car ils n’ont jamais entrepris d’imprimer tant de livres en même temps. [9][25] Je salue de tout cœur MM. les très distingués Conring, Rolfinck, Nicolaï et Hoffmann. [26][27] Je vous joins une liste de quelques livres à m’acheter s’ils se rencontrent chez vous ; ce dont vous vous occuperez à votre commodité et dont je vous rembourserai le coût, le moment venu. Vale et vive, très distingué Monsieur, et aimez-moi.

Votre et entièrement votre Guy Patin docteur en médecine et professeur royal.

De Paris, ce 11e d’août 1656.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Georg Volckamer, ms BIU Santé no 2007, fo 45 ro et vo.

1.

V. note [2], lettre latine 52, pour la « nouvelle Anatomie » de Werner Rolfinck, qui était le tome unique de ses Dissertationes anatomicæ [Dissertations anatomiques] (Nuremberg, 1656), et pour le plaisir que Jean ii Riolan prenait à le lire.

2.

V. note [10], lettre 901, pour les Épîtres amoureuses d’Aristénète.

3.

Le Commentarius in aurea Pythagoreorum Carmina [Commentaire sur les vers dorés des pythagoriciens (ou de Pythagore)] d’Hiéroclès d’Alexandrie, philosophe grec néopythagoricien du ve s., avait alors connu de très nombreuses éditions en grec et en latin. La plus récente était la bilingue procurée par Johannes Curterius (Londres, Roger Daniel, 1654, in‑8o).

4.

Rufus d’Éphèse, médecin grec du ier s.‑iie s., a laissé un traité d’anatomie humaine (Dénomination des parties du corps humain) essentiellement fondé sur la dissection de singes, avec deux innovations remarquables : la distinction entre nerfs moteurs et sensitifs, et la description du chiasma optique.

Meletius de Tibériopolis, philosophe et médecin byzantin qu’on dit avoir vécu vers la fin du ive s., a laissé une anatomie complète, qui a été traduite en latin :

Meletii Philosophi de Natura Structuraque Hominis Opus… Nicolao Petreio Corcyraeo interprete.

[L’Ouvrage du philosophe Meletius sur la Nature et la structure de l’homme… Traduction de Nicolaus Petreius {a} natif de Corfou]. {b}


  1. Nicolaus Petreius ou Petrus (1486-1568).

  2. Venise, Gryphe, 1552, in‑4o.

Theophilus Protospatharius (Théophile Protospathaire, ou Commandant des gardes de l’empereur à Constantinople) est un médecin et philosophe byzantin du viie s, voire plus tardif, qui a laissé quelques ouvrages de philosophie et de médecine, dont une grande Anatomie, qui est essentiellement un abrégé de Galien sur l’Utilité des parties ; il en a existé de nombreuses éditions au xvie s. en grec (Περι της του ανθρωπου κατασκεης), en latin (De hominis fabrica libri v [Cinq livres de la structure de l’homme]), et dans les deux langues.

5.

V. note [13], lettre 35, pour René Chartier et sa monumentale édition grecque et latine des œuvres d’Hippocrate et Galien, dont la parution, commencée en 1638, ne s’acheva qu’en 1689, soit 35 ans après sa mort.

6.

V. notes :

7.

V. note [1], lettre latine 44, pour l’exemplaire de la Botanique de Théophraste d’Érèse, annoté par Caspar Hofmann, que Guy Patin avait expédié à Leyde pour qu’Adolf Vorst en assure l’édition.

8.

V. note [7] de la lettre du 7 juillet 1656 à Johannes Antonides Vander Linden, pour la discussion que, sous son égide, Guy Patin avait entamée sans succès avec les Elsevier pour la publication des « Chrestomathies physiologiques et pathologiques » et d’autres traités inédits de Caspar Hofmann ; Patin en avait acheté les manuscrits par l’intermédiaire de Johann Georg Volckamer.

9.

Ce gigantesque projet qu’avait Johann Georg Volckamer d’éditer un Galien grec et latin complet, enrichi par les commentaires de Caspar Hofmann, n’a pas abouti.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 45 ro.

Clarissimo viro D. Volcamero, Doctori Medico, Noribergam.

Singulos illos libros quos antehac ad me misisti, omnes accepi, Vir Clar. pro
quibus gratias ago amplissimas. Unicum à Te expecto, nempe novam Anatom.
Cl. viri D. Guern. Rolfinckij
, de quo nuper ad Te scripsi, tu quoque ad me,
dum dicas nuncias me illum brevi accepturum, quod utinam citò contingat. Novum
illum librum habet in manibus et in oculis Cl. Senior noster Riolanus, quem
admodum laude dignum prædicat. De Aristæneto nihil unquam aliud vidi,
quàm Epistolas quasdam GræcoLatinas, in materia planè erotica et festiva : hîc
habeo unum Exemplar quod vobis offero. De Hierocle nihil vidi præter
paucula quædam in aurea Pythagoræ carmina, quem quoque si vobis arriserit, volueris,
offero. Ruffum, Meletium, Theophilum Protospatharium de re Anatomica
aliquid scripsisse scio, quos mittam cum alijs, si libuerit : ut et quidquid
hîc habuero si vobis opus faverit : id est Tibi, vel D. Guernero Rolfinck, vel D.
Conringio. Pro libris ad Te missis, si quos antehac miserim, nihil repeto :
paratus quosque alios mittere, si volueris. Magnum illud Opus omnium Operum
Hipp. et Gal. à Renato Charterio, (qui obijt ante biennium) inchoatum atque
tentatum, jacet imperfectum, et in posterum jacebit, filios enim reliquit, non solum
penè medicos, sed insipientes et penè fatuos. Magni illius Operis hîc exstant
vænales sex tomi grandiores in folio, quorum pretium superat centum nostras
libellas Turonenses, id est 35. Thaleros, nî fallor, vestræ monetæ, pessimæ pravæ
editionis ac corruptissimæ, mendosissimæ, nec tamen totius Operis dimidia pars
in illis continetur ; nec ipsi heredes inchoatum Opus unquam perficient propter
egestatem : in eo ex in eo quod superest edendum meliores libri adhuc hærent : noli igitur
de illis emendis adhuc cogitare ; contentus esto Exemplari tuo Græco Basiliensi,
et Latino Veneto, novæ editionis. Cl. viri amici nostri Casp. Hofmanni
Theophrastus
tandem ad Batavos pervenit ; quandonam v. typis mandabitur,
ahuc incertum est : quia Typographi illi non admodum properant. Physiologicas
et Pathologicas ejusdem Χρηστομαθ. hîc adhuc habeo, nec eas priùs dimittam,
quin mihi constet de conditionibus quibusdam : nullos nummos reposco, (Tu ipse
apprime nosti quid pro ijs impenderim) sed aliquot exemplaria postulo quæ possim
amicis meis mittere, et intra certum definitumque tempus totum oOpus edi velim :
ne extra à manibus meis elapsi tam pretiosi MS. in alienis hæreant, à quibus
frustra repeterem, nisi statim edentur. De quibus singulis accuratè scripsi
ad D. Vander Linden, Medicinæ profess. in Acad. Leidensi, ejus rei inter me et
Elsevirios pararium : et intra mensem responsum expecto : dicitur enim huc venturi
aliqui ex familia Elseviriorum, mense proximo, circum Remigialia. Quod si
tale negotium cum illis non conficiam, Lugdunenses nostros conveniam, ut tandem quoquo
pretio edantur : malo enim

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 45 vo.

quoquo pretio edantur : malo enim iterum aliquid impendere, quàm pati
ut tam pretiosis libris careat Respublica literaria. Si huc veniant
Elsevirij, (quod spero automno proximo,) cum ipsis agam de tuo Galeno
GræcoLatino, Hofmanni nostri Notis illustrato : et quantum in me erit
efficiam, ut de tanto Opere cogitent : quod tamen an sint facturi valdè dubito,
neque enim illi tot et tantos labores typographicos simul edendes unquam
aggressi sunt. Clarissimos viros, D.D. Conringium, Rolfinckium, Nicolaï,
Hofmannum, ex animo resaluto. Novum Indicemulum aliquot librorum si reperiun-
tur apud vos mihi emendorum ecce ad Te mitto : de quo ages pro tuo commodo :
quorum pretium suo tempore refundam. Vive, vale, vir Cl. et me ama.

Tuus, omnino tuus, Guido Patin, Doctor Med. et Prof. regius.

Parisijs, xj. Aug. 1656.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Johann Georg Volckamer, le 11 août 1656

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1090

(Consulté le 19/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.