Note [13] | |
Guy Patin a fort vilipendé Jean Chartier (Paris 1610-ibid. 7 juillet 1662) dans ses lettres. Fils aîné de René Chartier (v. note [13], lettre 35), Jean avait d’abord été reçu docteur en droit canonique pour devenir, sans avoir reçu les ordres, prieur conventuel de Saint-Étienne-de-Monnoye en Anjou, ordre de Gramont, diocèse d’Angers. En 1631, il avait résigné la commande de son prieuré en faveur de Louis Théandre Chartier, son frère puîné (Lehoux, page 99). En 1634, Jean avait été reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris grâce à 3 000 livres que lui avait avancées son père (ibid. page 103). Le 9 avril 1635, René Chartier avait obtenu que la survivance de sa charge de médecin ordinaire du roi par quartier fût assurée à Jean, qui s’engagea à la lui payer 12 000 livres. Ayant entamé un procès contre son père en 1638, après qu’il se fut remarié (v. note [5], lettre 151), Jean ne lui paya pas ladite somme, mais avait obtenu de lui en 1639 qu’il résignât sa charge en sa faveur « à condition de survivance et non autrement ». Il avait prêté serment le 13 avril entre les mains de Charles i Bouvard, premier médecin de Louis xiii (ibid. page 336). En 1643, à l’issue du long procès qui avait déchiré la famille, Jean avait obtenu la charge de professeur au Collège de France dont son père avait démissionné vingt ans auparavant. Sur ses traces érudites, il avait traduit du grec en latin le Traité des fièvres de Palladius (v. notule {c}, note [6], lettre 68) [Palladii de febribus concisa synopsis (Paris, Jacques de Senlecque, 1646, in‑4o)] ; mais tout son renom lui est venu d’un autre ouvrage bien plus audacieux, paru depuis quelques mois au moment où Patin écrivait sa lettre : La Science du plomb sacré des sages ou de l’antimoine, où sont décrites ses rares et particulières vertus, puissances et qualités. Par J. Chartier, écuyer, conseiller et médecin ordinaire du roi, et son professeur de médecine au Collège royal de France, docteur régent en la Faculté de médecine de Paris. {a} Étant donné son immense retentissement au sein de la Faculté de médecine de Paris, ce livre mérite une attention particulière. Il a la forme d’un discours adressé à « Mon cher philiatre » (terme consacré à l’époque pour désigner un étudiant en médecine avant le baccalauréat), divisé en 19 articles (balisés et intitulés en marge des pages) :
Le plus frappant de l’ouvrage est la gravure imprimée sur ses première et dernière pages, représentant le Hibou de Khünrath (Heinrich Khünrath, chimiste allemand, vers 1560-1605) : dessiné de face, portant des lunettes, les ailes repliées et les pattes écartées, l’oiseau est perché sur un cep de vigne portant deux grappes de raisins ; il a au brechet un cercle surmonté d’une croix, sous lequel se croisent deux torches qui flambent en fumant ; un chandelier avec une bougie allumée est posé de chaque côté de lui. La légende de l’image (en dernière page) est composée de quatre vers :
L’explication est fournie à la fin du texte :
Le livre n’est pas dédicacé, mais il y a au commencement un sonnet, signé Charles Beys (poète satirique parisien, 1610-1659) :
Avec son brûlot plutôt bien troussé, Chartier donnait son premier élan véritable à la « guerre de l’antimoine » qui s’était jusque-là limitée à quelques escarmouches (principalement entre les maîtres de Paris et de Montpellier, avec Théophraste Renaudot pour prétexte principal). À Paris, le différend couvait assez gentiment sous la cendre depuis que la publication du Codex medicamentarius en 1638 (v. note [8], lettre 44), contenant le vin émétique, était venue atténuer l’arrêt de la Faculté qui en 1566 avait classé l’antimoine parmi les poisons à ne pas utiliser pour soigner les malades (v. note [8], lettre 122). La Faculté censurait toujours officiellement le médicament, mais chacun pouvait penser et faire à sa guise, s’il avait le bon goût de rester discret. La Science du plomb sacré… souleva l’ire immédiate de la Faculté, dont évidemment Chartier n’avait pas sollicité l’approbation pour publier. Patin était doyen et sous sa houlette, la réplique de la Compagnie fut rapide et cinglante ; v. note [35] des Décrets et assemblées de 1650‑1651 dans les Commentaires de la Faculté de médecine de Paris, pour le début des hostilités, le 11 août 1651. Leur longue suite est relatée dans les Commentaires de Guy Patin sur son décanat (Actes et Décrets et assemblées de 1651‑1652) et dans le Procès opposant Jean Chartier à Guy Patin en juillet 1653. V. note [2], lettre 276, pour la riposte de Claude Germain au livre de Chartier. |
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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. –
À André Falconet, le 3 novembre 1651, note 13.
Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0271&cln=13 (Consulté le 20/09/2024) |