La passion de Guy Patin pour les livres a été telle qu’on lui a attribué la paternité du mot bibliomanie (v. note [16], lettre 299, et ma conférence à l’École des chartes du 13 octobre 2015). [1][2] De la première à la dernière du millier de lettres en français que nous avons de lui, l’amour de l’imprimé a été le principal aiguillon de sa correspondance, avec l’obsession non seulement de posséder, mais aussi d’avoir lu et retenu tout ce qui se publiait sur les nombreux sujets qui l’intéressaient : médecine, histoire, controverses religieuses et philosophiques, littérature latine classique… Sa bibliothèque était renommée parmi les savants de son temps, il en tirait une extrême fierté. « J’aime fort la vie sédentaire et à ne me point éloigner de Paris à cause de mes livres » (lettre du 12 septembre 1646 à Claude ii Belin).
Livres et contrebande
En décembre 1650, quand il acheta sa maison de la place du Chevalier du Guet (v. La maison de Guy Patin…), [3] il confiait à André Falconet sa joie de disposer bientôt d’une grande salle et d’en faire son étude pour y arranger commodément ses neuf ou dix mille volumes (lettre du 2 décembre 1650). Les livres furent disposés sur des étagères (tablettes) couvrant les murs de la grande salle du premier étage et ceux d’une petite chambre attenante. L’installation commença aux premiers jours de 1651 : « Tous mes volumes in‑fo sont portés et rangés en leur place, il y en a déjà plus de 1 600 en ordre ; nous commençons à porter les in‑4o, auxquels succéderont les in‑8o, et ainsi de suite jusqu’à la fin de la procession qui durera encore un mois » (lettre du 24 janvier 1651 à Charles Spon). Sa collection de livres était ce que Patin avait de plus précieux : est lumen oculorum meorum et laborum solatium. [1] « J’ai fait moi seul toute ma bibliothèque et acheté tous mes livres, j’en ai pour plus de 40 000 francs », déclarait-il fièrement à Falconet le 3 juin 1661. Dans ses lettres de 1662, Patin a dit à Reiner von Neuhaus (18 mai) avoir plus de quinze mille livres dans sa bibliothèque, et quatorze mille à Giulio Torrini (26 décembre). Il a mentionné son trésor pour la dernière fois dans sa lettre du 25 septembre 1665 à Falconet : « J’ai céans les maçons qui m’ont fait remuer la moitié de mon étude et ôter plus de 6 000 volumes de leur place pour les laisser travailler à un gros mur mitoyen qu’il faut refaire. »
Le sinistre naufrage qui survint ensuite n’a laissé aucune trace explicite dans les lettres de Patin. Encore aujourd’hui, le contrat de donation du 14 décembre 1667 [2] abasourdit quiconque éprouve la moindre attachement pour notre épistolier :
« Furent présents en leurs personnes noble homme Guy Patin, conseiller et médecin du roi, docteur régent de la Faculté de médecine de Paris et professeur au Collège royal de France, et damlle Jeanne de Janson sa femme, [4] de lui autorisée pour l’effet qui ensuit, demeurant au carrefour du Chier du Guet, paroisse Saint-Germain-l’Auxerrois. Lesquels ont dit que ledit Sr Patin ayant depuis longtemps assemblé avec beaucoup de peine et de soin une bibliothèque, a demandé qu’elle soit conservée avec le même soin. Ils ont trouvé à propos de la donner à celui de leurs enfants qui en peut faire un meilleur usage tant par sa profession que par sa conduite. [3] C’est pourquoi volontairement ont reconnu et confessé avoir donné, cédé, quitté et délaissé, donnent, cèdent, quittent et délaissent, par imputation, [4] par donation favorable faite entre vifs par la meilleure forme et manière que faire se peuvent, à noble homme Robert Patin leur fils aîné, [5] aussi conseiller et médecin du roi, docteur régent de ladite Faculté de médecine à Paris et professeur au dit Collège royal de France, demeurant rue des Lavandières sise paroisse Saint-Germain, [5] à reprendre en acceptant tous et chacun des livres qui composent ladite bibliothèque, avec les tablettes où sont lesdits livres et les bureaux et tableaux en dépendant, étant en deux chambres en la maison des dits Sr et damlle Patin demeurant au carrefour du dit Chier du Guet ; lesdits livres contenus et mentionnés en un mémoire que ledit Sr Patin donateur en a fait, qui a été signé en fin par lesdites parties et à leur requête, par les notaires soussignés et par chacun des dits donateurs ; sans de ladite bibliothèque réserver aucune chose, sinon l’usage la vie durant du dit Sr Patin père par forme de constitut de précaire ; [6] et laquelle bibliothèque lesdits Sr et damlle Patin donateurs estiment la somme de 10 000 livres qui est le prix à peu près qu’elle a coûté au dit Sr Patin, [7] et pour laquelle somme de 10 000 livres, lesdits Sr et damlle Patin font la présente donation au dit Sr leur fils en avancement d’hoirie de leur future succession, pour de ladite bibliothèque jouir, servir et disposer par ledit donataire comme de chose lui appartenant et pour lui être et demeurer propre et aux siens de son côté et lignée. […]
Fait et passé en ladite maison des dits Sr et damlle Patin père et mère au dit carrefour du Chier du Guet le 14e jour de décembre de l’an 1667 après midi, et ont signéGuy Patin, Jeanne de Janson, Jacques Despriez, Robert Patin, Philippe Gallois. » [8][6][7]
L’inventaire après décès de Robert Patin répertorie ce contrat (item 23 des « titres et papiers », fo 14 ro) [9] « avec lequel sont attachées 16 pièces qui sont une requête portée à Nosseigneurs de Parlement par Mre Robert Leschassier, [10][8] cinq arrêts de ladite Cour et autres procédures ». L’item 35 du même inventaire (fos 17 vo et 18 ro) est :
« Un livre couvert de parchemin, [9] chiffré des deux côtés, recto et verso, jusqu’au nombre de 245, commençant par ces mots “Catalogue de mes livres selon l’ordre et le lieu qu’ils en sont”, et à côté “20 août 1634” ; en fin duquel livre et sur le dernier feuillet, coté 245, il est écrit “Le présent mémoire de livres contenant 123 feuilles, écrit de la main de Me Guy Patin, a été signé et paraphé par ledit Patin, damlle Jeanne de Janson, sa femme, et par Me Robert Patin, leur fils, suivant le contrat de donation passé par devant les notaires soussignés ce jourd’hui 4 décembre 1667”, signé Guy Patin, Jeanne de Janson Patin, Despriez et Gallois avec paraphe ; dans lequel livre s’est trouvée une feuille séparée et déchirée écrite des quatre côtés où sont encore plusieurs livres, en marge de laquelle est écrit “du 20 mai 1659”. » [11]
Au moins deux hypothèses peuvent expliquer l’abandon par Guy Patin de la chose qui lui était la plus chère au monde.
Une autre explication, moins romanesque et sans doute plus probable, est que cette donation pouvait servir à Robert Patin de gage sur les impayés de la rente de 500 livres que ses parents s’étaient engagés à lui servir leur vie durant (v. Comment le mariage et la mort de Robert Patin ont causé la ruine de Guy).
Demeurée sous la garde et dans la jouissance de Guy Patin, il est probable que sa bibliothèque ne subit d’abord aucun dommage ; mais Robert Patin et son épouse avaient engagé une procédure devant le Parlement de Paris, dont cette opulente bibliothèque était vraisemblablement le principal enjeu. Le 2 avril 1669, un bail signé par devant les notaires De Troyes et Pillault, [12][11][12] concluait le différend familial aux sévères dépens de Guy Patin et de ses livres (an mc liasse et/cii/65) :
« Furent présents noble homme Guy Patin […] et damoiselle Jeanne de Janson, son épouse qu’il a autorisée et autorise pour l’effet des présentes, demeurant place du Chevalier du Guet, paroisse de Saint-Germain de l’Auxerrois ; lesquels, sur ce que noble homme Robert Patin, leur fils aîné […], leur a témoigné qu’il avait désiré jouir de l’utilité et avantage qu’il a toujours espérés par la donation à lui faite par lesdits Sr et damlle, ses père et mère, de la bibliothèque d’icelui Sr Patin père, et goûter dès à présent le fruit de ladite donation pour d’autant plus facilement parvenir aux généreux et louables desseins de sa profession ; et voulant lesdits Sr et damlle Patin, de leur part, lui témoigner la continuation de leur bienveillance et affection, avaient volontiers consenti à ladite proposition et accordé à sa prière la jouissance et possession pleine et entière de ladite bibliothèque, tablettes, bureaux, tableaux et autres choses en dépendant, et ce dès à présent, nonobstant la réserve que ledit Sr Patin père avait faite de l’usage et jouissance de ladite bibliothèque sa vie durant par le contrat de ladite donation passée par devant Despriez et Gallois, notaires au Châtelet de Paris, le 14e décembre 1667 ; bien plus et pour plus grande commodité au dit Sr Patin fils de ladite jouissance et usage d’icelle bibliothèque, et de la délivrance actuelle que lesdits Sr et damoiselle, père et mère, lui en veulent faire pour y parvenir et satisfaire dès à présent à l’intention de ladite donation, lui ont offert à loger portion de ladite maison, dans laquelle portion sont comprises les chambres où est ladite bibliothèque ; laquelle offre ledit Sr Patin fils avait acceptée, et remercié lesdits Sr et damoiselle ses père et mère de leur bonté ; en moyen de quoi a été fait et passé ce qui ensuit. C’est à savoir que lesdits Sr et damoiselle Patin ont volontairement reconnu et confessé avoir baillé et délaissé à titre de loyer et prix d’argent du jour et fête de Pâques prochains < 21 avril 1669 > pour les lieux qui sont encore de présent occupés par le Sr Noël Tiraud, marchand épicier en Grève, [13] et pour le surplus dès à présent, le tout jusques à six ans du dit jour de Pâques prochain, ensuivant et consécutifs, et promettent faire jouir ledit temps durant au dit Sr Robert Patin leur fils aîné, demeurant présentement rue des Lavandières, paroisse de Saint-Germain de l’Auxerrois, et de présent prenant et retenant pour lui auxdites fêtes, ledit temps durant, la portion de maison ci-après déclarée […]. [13]
Et pour ces mesures présentes au moyen du dit bail et pour les raisons susdites, lesdits Sr et damoiselle Patin ont fait et font par cesdites présentes délivrance réelle et actuelle au dit Sr leur fils, ce acceptant, de la susdite bibliothèque, bureaux, tablettes, tableaux et autres choses en dépendant et comprises en la donation ci-dessus mentionnée, pour de tout en faire et disposer ainsi qu’il avisera bon être aux termes de ladite donation, même les enlever et sortir de ladite maison quand bon lui semblera, soit qu’il fasse sa demeure ailleurs ou par quelque autre raison que ce puisse être, attendu le désistement que fait par ces présentes ledit Sr Patin père de l’usage qu’il s’était réservé sa vie durant des dits livres et bibliothèque par ladite donation ; et pour plus de marque et justification de ladite délivrance, ledit sieur Patin père a présentement baillé et délivré au dit Sr son fils les clefs desdites deux chambres de ladite bibliothèque […]. Fait et passé à Paris en la demeure des dits Sr et damlle bailleurs susdits, l’an 1669, le 2d jour d’avril après-midi, et ont signéGuy Patin, Jeanne de Janson, Claude De Troyes, Robert Patin, Louis Pillault. »
L’inventaire après décès de Robert Patin [13] répertorie deux bibliothèques rangées au premier étage de la maison du Chevalier du Guet.
« Tous les livres ci-dessus contenus en quatre pages ont été prisés par nous soussignés suivant nos consciences montant la somme de 339 livres 10 sols, sauf l’erreur de calcul si aucune il y a. Fait à Paris le 25e juin 1670. < Signé > Josset, P. de Bats. » [16][14][15]
Ce mémoire est paraphé ne varietur en date du 27 juin 1670 par les parties, [17] Catherine Barré et François Bastonneau, [18][16] et par les notaires Pillault et Thomas. [19][17]
La seconde bibliothèque est l’objet des items 36 et 37 de l’inventaire (« titres et papiers », fos 18 vo et 19 ro) :
« Item Le mémoire de prisée faite par Pierre de Bats et Jean Guillery, [20][18] marchands libraires à Paris, nommés d’office à cette fin, des livres et bibliothèque trouvés en deux chambres au premier étage de ladite maison ayant vue sur la rue, [21] composant la grande bibliothèque du dit défunt < Robert Patin >. Ledit mémoire au nombre de 47 pages écrites de la main du dit de Bats, certifié révisable en fin par lesdits de Bats et Guillery […] ; lequel mémoire, attendu qu’il est trop grand pour écrire ce faire, lesdites parties n’ont désiré qu’il fût annexé au présent inventaire, mais seulement d’être coté et paraphé par première et dernière < pages >, et inventorié au bas, pour le laisser en la garde de ladite veuve < Catherine Barré-Patin > afin de le représenter toutes fois et quantes après que lesdits de Bats et Guillery ont fait serment devant lesdits notaires […].
Item La sentence en parchemin rendue au Châtelet le quinzième juillet dernier, par laquelle les susdits de Bats et Guillery ont été nommés d’office pour faire la prisée de la susdite bibliothèque. »
Ces deux articles concernent indiscutablement l’ancienne bibliothèque de Guy Patin, qui en était alors dépossédé, mais ne nous indiquent malheureusement ni sa composition, ni son prix estimé. [22]
La BnF conserve deux exemplaires d’un Inventaire des livres in‑folio de la bibliothèque de défunt M. Patin, vivant docteur et régent en la Faculté de médecine de Paris, [23] avec cette indication à la fin : « On vous donne avis que le reste des livres les plus curieux, tant in‑quarto, in‑octavo et in‑douze sont en paquets et en très grand nombre, et qu’on commencera la vente le [16e du mois de janvier 1673] en la maison du défunt sieur Patin, rue et place du Chevalier du Guet ; où ceux qui désireront acheter des livres, soit en gros ou en détail, sont priés de se trouver ». [24] Selon le patient relevé que Laure Jestaz [19] en a fait, cet opuscule contient 939 titres, soit approximativement 1 265 volumes in‑fo ; ce qui est sensiblement inférieur aux quelque 1 600 dont Guy Patin s’était enorgueilli au début de 1651 (mais sans pouvoir déterminer le nombre atteint à la fin de 1667 quand eut lieu la cession de la bibliothèque à Robert). La différence (sans doute bien plus de 350 volumes) représente ce que Robert Patin et sa femme ont dû vendre au nez et à la barbe de Guy, qui n’en pouvait mais, entre la cession sans condition de sa bibliothèque à son fils aîné (avril 1669) et son décès (avril 1672).
Tous les livres ne furent pas vendus en 1673 car le 13 février 1674 la veuve de Robert signait un contrat cédant les dernières reliques de la grande bibliothèque que son beau-père avait constituée : [25]
« Furent présents damlle Catherine Barré, veuve de sieur noble homme Robert Patin, < de son > vivant conseiller médecin ordinaire du roi, docteur régent en la Faculté de médecine de Paris et professeur au Collège royal, demeurant place du Chevalier du Guet, paroisse Saint-Germain de l’Auxerrois, d’une part, et honorées personnes Guillaume Macé, [26][20] marchand libraire bourgeois de Paris, et Marie Blézy, [21] sa femme, qu’il a autorisée et autorise pour l’effet des présentes, demeurant rue de la Huchette, paroisse Saint-Séverin, d’autre part ; lesquelles parties sont convenues et ont fait entre elles le marché qui ensuit. C’est à savoir que la dite damlle a vendu et vend par ces présentes auxdits Macé et sa femme, ce acceptant, tous et chacun des livres qui composent le reste de la bibliothèque du dit défunt Sr < Robert > Patin, son mari, tant en paquets que volumes in‑fo et autres, séparés et particuliers, étant dans une grande chambre au premier étage sur le devant de la maison de ladite damlle, [27] sans aucune chose en escompte ni réserve, et ce moyennant et sur le pied de l’estimation et prisée qui en a été faite par de Bats et Guillery lors du décès du dit feu Sr Patin, et encore par Baudouin [22] et ledit de Bats, [28] après le décès de feu M. < Guy > Patin père, suivant le mémoire et catalogue de ladite prisée et recollement des dits livres ; [29] dont de tout lesdits Macé et sa femme ont dit avoir bonne connaissance, et même avoir vu et visité ce qui reste de ladite bibliothèque dans ladite chambre, et [un mot illisible], sur le pied de la crue de ladite prisée, [30] acquis que le tout se puisse monter, tant pour ladite estimation et prisée que pour ladite crue, sans aucune déduction ni diminution, sinon de la somme de 300 livres à supputer sur le total de ladite prisée et crue, sur lequel pied le présent marché est fait et a cours aux conditions ci-après, savoir : que les tablettes de ladite bibliothèque appartiendront aux parties, et chacun par moitié ; que, pour le débit et vente que lesdits Macé et sa femme prétendent faire des dits livres, ladite damlle souffrira que lesdits livres demeurent dans ladite chambre pendant deux mois de ce jour, durant lequel temps lesdits Macé et sa femme auront la liberté d’y entrer et sortir quand bon leur semblera, toutefois en la présence de ladite damlle et non autrement, et à condition expresse que lesdits Macé et sa femme seront tenus, comme ils promettent solidairement, l’un pour l’autre, chacun d’eux, un seul pour le tout, sans division ni discorde aux renonciations et requêtes, de bailler et payer à ladite damlle Patin le prix de ladite vente ; attendu qu’ils ne débiteront lesdits livres et, par chacun jour de la vente, qu’ils ne feront d’iceux aucun sortir de ladite maison, sans qu’ils puissent détourner aucun des dits livres, ni faire crédit à qui que ce soit, si ce n’est du consentement de ladite damlle ; et avant que de pourvoir au dit débit, seront tenues lesdites parties de faire un mémoire ou recollement des dits livres sur ceux précédemment faits avec la somme à quoi se trouveront monter la prisée et crue, lequel mémoire ou recollement sera arrêté par icelles parties et au bas d’icelui, lesdits Macé s’en chargeront d’abondant, [31] reconnaissant avoir dès à présent la clef de ladite chambre. Le tout acquis, les parties promettent satisfaire surpaye [32] de 300 livres payables par le contrevenant à l’acquiesçant [33] par forme de dommages et intérêts, sans toutefois qu’à l’égard de ladite damlle Patin, elle puisse encourir ladite peine si ce n’est par le défaut d’exécution de sa part, et non de celle des créanciers du susdit Sr Patin, dont elle ne pourra être garante ni responsable, car ainsi a été accordé entre lesdites parties […].
Fait et passé à Paris en l’étude de Pillault et Garnier, [34][23] notaires soussignés, l’an 1674, le 13e jour de février après midi, et ont signé, sans ladite femme Macé qui a déclaré ne savoir écrire ni signer et en fut interpellée,Catherine Barré, Charles Garnier, Guillaume Macé, Louis Pillault. »
Ce contrat nous frustre de renseignements sur le nombre et le prix des derniers livres qui allaient être mis à l’encan : les 300 livres tournois que Macé se réservait pour salaire de sa peine ne permettent pas de se faire une idée exacte du montant total de la vente ; pour seule certitude, la grande salle qui avait été le cabinet de Guy Patin suffisait à contenir les restes de sa bibliothèque, sans plus besoin de la chambre attenante qui lui servait d’annexe.
Tout cela ne se fit pas sans querelles ni procès, dont un plus patient chercheur élucidera sans doute un jour les méandres en déchiffrant d’autres archives.
Archives manuscrites
Il reste à faire quelques spéculations sur la masse de documents manuscrits que Guy Patin remisait dans sa bibliothèque, aux côtés de ses livres. À ce que nous en montrent les restes disponibles, il s’agissait : de notes écrites en lisant, en conversant ou en méditant pour alimenter ses cours ou ses rêves de traités médicaux, ou simplement pour aider sa mémoire à retenir un fait ou une idée singulière ; et surtout de sa correspondance.
Patin conservait une trace de la plupart des courriers qu’il expédiait : il résumait le contenu de ceux qu’il écrivait en français dans des mémorandums (dont aucun n’a, semble-t-il, subsisté). [35] Il gardait aussi les brouillons des lettres latines qu’il envoyait (comme en atteste le Ms BIU Santé no 2007 et quelques feuilles conservées par la Bibliothèque du Collège de France). [36]
Selon toute vraisemblance, Patin classait et conservait la plupart des lettres qu’il recevait de ses nombreux correspondants. Elles se comptaient par centaines, sinon par milliers, et notre édition n’en a recueilli que 98 (à comparer avec 1 513 lettres actives). Le reste, tout le reste a été dispersé [37] pour soit disparaître, soit se tapir dans des fonds d’archives publics ou dans des collections privées, attendant qu’un œil averti en reconnaisse la valeur. [38]
Patin gardait aussi la trace écrite de ses conversations savantes. Ce qui a survécu de ces cahiers a plus tard servi à composer les quatre ana qu’on peut aujourd’hui lui attribuer : Naudæana pour Gabriel Naudé, [24] Patiniana pour lui-même, [25] Grotiana pour Hugo Grotius [26] et Borboniana pour Nicolas Bourbon, [27] volumineux recueils que j’ai insérés dans les Autres écrits de Patin car ils complètent fort utilement sa Correspondance.
Ces innombrables liasses que Patin avait accumulées sa vie durant, sans doute classées pêle-mêle, devaient bien occuper quelques tablettes de sa bibliothèque. Prises pour de la paperasse sans valeur, le temps les a presque entièrement dévorées. Pour qui s’intéresse à Patin et à son époque, ce qui en subsiste est sans prix ; si insignifiant que puisse paraître un billet griffonné par Mme Patin, priant son mari de ne pas laisser traîner ses livres dans la maison. [39]
Comme elle l’a déjà opportunément prouvé à maintes reprises depuis mars 2015 (v. l’Actualité du site), notre édition a la vertu de pouvoir être constamment mise à jour. Aussi y accueillons-nous avec joie et gratitude les reliques patiniennes qu’on veut bien nous communiquer, pour les replacer dans leur contexte et les livrer aux curieux.