À Claude II Belin, le 1er mai 1630, note 4.
Note [4]

La thèse quodlibétaire de Denis Tarlet, natif de Beauvaisis (Tarlæus Bellovacus), présidée par Jean Fernel en 1551, portait sur la question Laborne cibum præcedere debet ? [Le travail ne doit-il pas précéder le repas ?], avec une réponse affirmative. Tarlet ne dépassa pas le grade de licencié de la Faculté de médecine de Paris.

Jean Fernel (Montididier ou Clermont-en-Beauvaisis {a} 1497 ou 1506-Paris 26 avril 1558) a été le plus célèbre médecin français du xvie s., surnommé le Galien moderne. Il était fils de Laurent Fernel, aubergiste, et de Catherine Belan. Après de brillantes études classiques menées à Beauvais puis à Paris, il enseigna la philosophie au Collège de Sainte-Barbe, {b} percevant le salaire qui lui permettait d’étudier la médecine. Il fut reçu docteur régent de la Faculté de médecine de Paris en 1530. Devenu le premier médecin du roi Henri ii en 1556, {c} à la mort de son confrère Louis de Bourges, Fernel fut obligé de le suivre au siège de Calais, en 1557, pendant un hiver rigoureux. Fernel revint avec le roi à Fontainebleau, en compagnie de sa femme {d} qui y mourut au bout de quelques semaines. Profondément affligé par cette perte, Fernel mourut lui-même peu après et fut enterré près de sa chère épouse dans l’église Saint-Jacques-de-la-Boucherie à Paris. {e} Il avait atteint un âge fort discuté par les historiens, compris entre 52 et 70 ans. {f} Selon Guillaume Plancy, {g} son élève et neveu, la renommée de Fernel était telle qu’il percevait annuellement de 10 000 à 12 000 livres d’honoraires. Ses ennemis, souvent par jalousie, l’accusaient de trop aimer l’argent, de ne point user de la saignée dans le cas où elle était indiquée, et allèrent jusqu’à le taxer d’ignorance. Sa pratique attestait de son immense réputation :

« Les malades affluaient chez lui en si grand nombre que, pendant l’été, il prenait le parti de dîner debout ; il écoutait tout le monde, l’indigent comme le riche, avec patience et politesse, et ne renvoyait personne sans avoir satisfait à ses demandes. […] Lorsque Plancy avertissait son maître de ménager sa santé et d’interrompre ses veilles, Fernel avait coutume de lui répondre par ce vers : Longa quiescendi tempora fata dabunt. » {h}


  1. V. note [10], lettre 106, pour Clermont, et [2], lettre 912, pour Montdidier, en Picardie. Charles Ansart, Jean Fernel (1506-1558) premier médecin d’Henri ii (Comptes rendus et mémoires de la Société archéologique et historique de Clermont-de-l’Oise, tome xxxiv, années 1972-1977, pages 105‑106) :

    « Le lieu et la date de naissance de Jean Fernel ont longtemps fait l’objet d’une âpre controverse entre les villes de Montdidier et de Clermont.

    Montdidier revendique l’honneur de lui avoir donné le jour en 1506 (d’autres disent en 1497) parce que son père, Laurent Fernel, originaire d’Amiens, et son épouse, Catherine Béliart, tenaient en cette ville l’hostellerie du Chat, qu’ils ont exploitée jusqu’au 31 décembre 1509. cette date semble certaine parce qu’elle est le terme d’un délai que les échevins de Montdidier donnèrent à Laurent Fernel pour déguerpir de la ville […]. L’aubergiste Fernel, père du médecin, avait la fâcheuse habitude de nourrir les clients de hostellerie du Chat avec des poissons braconnés nuitamment dans les rivières voisines, ce qui permettait de faire baisser sensiblement le prix de revient des repas. Pris plusieurs fois sur le fait par les garde-rivières, l’aibergiste finit par se faire expulser de Montdidier pour se voir assigner, après procès, la résidence de Clermont-en-Beauvaisis, où il transporta son exploitation à l’hôtel du Cygne. […]

    L’arrivée des Fernel à Clermont eut donc lieu à partir du 1er janvier 1510 ; mais cette date, trop récente de presque 4 ans, empêche Jean Fernel d’être né dans notre ville. En effet la date certaine de sa mort à Paris (26 avril 1558) à l’âge de 52 ans, inscrite sur son épitaphe, donne une naissance en 1506, et donc à Montdidier, à qui nous rendons justice sur ce point. »

  2. V. note [32] du Borboniana 8 manuscrit.

  3. V. note [6] du Borboniana 2 manuscrit.

  4. Madeleine Tournebulle, v. note [29] du Faux Patiniana II‑3.

  5. V. note [26], lettre 523.

  6. V. note [6], lettre 525.

  7. V. note [1], lettre 80.

  8. « J’aurai bien le temps de me reposer quand je serai mort » (Ovide, Les Amours, livre ii, élégie ix, vers 42).

    Cet extrait est emprunté à Michaud sur Fernel.


On a blâmé Fernel de ne pas s’être borné à l’étude des écrits d’Hippocrate (v. note [6], lettre 6), mais il serait injuste de ne voir en lui qu’un commentateur des Arabes (v. note [4], lettre 5) ; s’il a mérité jusqu’à un certain point l’épigramme de son collègue Louis Duret (v. note [10], lettre 11), Fæces Arabum melle latinitatis condidit [Il dissimula les déjections des Arabes sous le miel de la latinité], Fernel ne fut point imitateur servile. Une courte citation donne une idée de la trempe de son esprit :

Quæ vera ac solida, ac optimis quibusque, tum Græcis, tum Latinis, tum Arabibus, firmissimis argumentis probata, ad medendi usum conducere observaveram, excerpsi, et in unum contuli ; quid de quaque re controversa sentiendum putarem, libere pronuntiavi.

[J’ai extrait et rassemblé tout ce que j’avais observé de vrai, de consistant, et de vérifié par chacun des arguments les meilleurs et les plus solides, tant grecs que latins ou arabes, pour guider l’art de guérir ; j’ai proclamé librement ce que j’ai pensé sur chaque point de controverse].

Fernel rectifia plusieurs erreurs anatomiques de Galien (v. note [6], lettre 6) ; il soutint, contre Aristote, que le cerveau est le siège de l’âme et que l’origine des nerfs s’y trouve ; il attribua, un des premiers, les maladies vénériennes à une qualité vénéneuse des humeurs qui, suivant lui, se propageait non seulement par le coït, par l’allaitement, par le contact des doigts avec les parties génitales et par l’accouchement, mais aussi par la sueur et par la salive. Jacques-Auguste i de Thou (v. note [4], lettre 13) a salué la mémoire de Fernel (livre xxi, règne de Henri ii, année 1558, Thou fr, volume 3, page 298) :

« Ce grand homme s’étant appliqué longtemps à la philosophie et aux mathématiques avec succès, se donna tout entier à la médecine. Il a fait des traités sur toute la médecine, où l’on remarque un savant profond, et un style pur et poli. Quoique la mort l’ait empêché de mettre au jour tous ses écrits, et le livre des ses Observations si souhaité du public, cependant les ouvrages que nous avons de lui lui ont acquis tant d’honneur dans toute l’Europe que l’École de médecine de Paris sera toujours en droit de se glorifier d’avoir formé dans son sein un si digne élève »

Guy Patin vénérait Fernel (v. note [18], lettre latine 75) et ses lettres sont emplies de son souvenir admiratif. Il y a tout particulièrement cité sa Pathologie (ou Médecine universelle, v. note [1], lettre 36) et sa Méthode (ou Thérapeutique universelle, v. note [21], lettre 101), qu’il vaut la peine de consulter pour interpréter correctement la pensée de Patin, médecin du xvie s., égaré, comme tant d’autres, dans celui où il a vécu, sans savoir mettre à jour les connaissances qu’il avait acquises à la Faculté. Patin s’est toutefois étonné de la mort de Fernel, douze jours après celle de sa femme (v. note [29] du Faux Patiniana II‑3) :

« Il faut aimer sa femme, mais mourir de ce qu’elle ne vit plus, certes ce n’est point là un trait de philosophie, ni de médecin : la philosophie inspire du courage et de la force ; la médecine donne à l’âme une certaine dureté, qui devrait, sinon la rendre insensible à ces accidents, du moins lui permettre de ne s’en point laisser abattre. Ne vous en déplaise, Monsieur Fernel, je ne vous reconnais point dans cette extrême complaisance ; il fallait pleurer votre femme si elle était bonne, la chose est rare ; mais de vous aviser de mourir de douleur, voilà ce qui ne s’est jamais vu. Au reste, ce désespoir vous immortalisera. »

Les amateurs de belle sémiologie clinique, base du diagnostic médical, ont encore aujourd’hui de quoi s’émerveiller à la lecture des ouvrages de Fernel : v. par exemple la note [5], lettre 410, pour sa façon de distinguer l’hémoptysie de l’hématamèse, c’est-à-dire le crachement du vomissement de sang.

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 1er mai 1630, note 4.

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=0002&cln=4

(Consulté le 03/12/2024)

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