L. latine 89.  >
À Christiaen Utenbogard,
le 31 août 1657

[Ms BIU Santé no 2007, fo 63 ro | LAT | IMG]

Au très distingué M. Christiaen Utenbogard, docteur en médecine à Utrecht.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je dois réponse aux trois lettres que vous m’avez écrites il y a quatre mois, c’est-à-dire en avril. J’ai reçu le livre des thèses médicales de M. van Diemerbroeck, avec sa lettre. [2][3] Je lui en sais gré, tout comme à vous, et dès que j’aurai pu les parcourir, je lui écrirai et lui adresserai mes remerciements personnels. [1] Si nous traitions nos malades de la sorte à Paris, peu et même fort peu d’entre eux guériraient : les corps de nos citoyens sont pléthoriques, bilieux et très chauds ; [4][5] c’est pourquoi, à plus d’un titre, nous avons besoin de la saignée. [6] Voici longtemps que je me tiens pour fort obligé à votre égard, mais je vous suis surtout reconnaissant de m’avoir lié d’amitié avec le très docte M. Marten Schoock. [7] Je fais grand cas de son érudition et de ses vertus singulières ; vous m’achèterez donc tout ce qu’il aura publié et me l’enverrez, soit par un porteur idoine, soit par M. Vander Linden, qui aura soin de me faire porter cela par les Elsevier, avec son Celse et le de Bello Belgico de Hugo Grotius. [2][8][9][10][11]

[Ms BIU Santé no 2007, fo 63 vo | LAT | IMG] Notre salsifis d’Espagne est le même que le vôtre, et tout à fait comme vous le décrivez. Si j’ai dit que sa graine est odorante, ce n’est pas parce que nous considérons qu’elle a un parfum, mais parce que les moines disent que quand la graine est mise en terre, alors, les taupes et les mulots la déterrent et la dévorent, en raison d’une certaine odeur qu’elle tient cachée. [3][12] Les deux Dupuy sont partis dans l’au-delà : le plus jeune, il y a un an, mais le plus vieux, il y en a six. [13][14] Je me procurerai le 3e tome qu’on a publié des Disputationes theologicæ de votre Voetius, [15] pour qu’il rejoigne les deux autres ; je les estime et aime plus que leur auteur, pour la diversité des choses qu’on y trouve et qui me charment. Ô que je me réjouirais comme d’un grand présent si, grâce à vous, me parvenait l’Oratio de Pharmacopæi Officio de Freitag ! [4][16] Toute ma famille jouit d’une santé d’athlète. Je n’ai rien à vous écrire sur les affaires publiques : il est question de l’élection de l’empereur, [17] en remplacement du dernier mort, [18] ainsi que de la vessie malade du Jupiter capitolin c’est-à-dire du pape de Rome ; [19][20][21] mais tout cela n’a aucun intérêt par comparaison avec notre Hippocrate. [22] On achève le Varanda à Lyon, [23] ainsi que les œuvres complètes de M. Gassendi, [24] en six tomes in‑fo ; et le Paracelse à Genève, [25] pour que rien ne manque à la complète extravagance des imprimeurs de ce siècle. [5] Que Dieu tout-puissant vous conserve, ainsi que les vôtres. Vale, vous qui êtes le plus doux des amis, et continuez de m’aimer comme vous faites.

Votre Guy Patin pour toujours.

De Paris, ce vendredi 31e d’août 1657.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Christiaen Utenbogard, ms BIU Santé no 2007, fo 63 ro et vo.

1.

V. note [1] de la lettre latine suivante, que Guy Patin a écrite à Ijsbrand van Diemerbroeck pour le remercier du recueil de thèses dont il lui avait fait présent. Il ne passa guère plus de temps à les parcourir car il lui écrivit le jour-même.

2.

V. notes :

3.

V. note [3], lettre latine 77, pour le salsifis d’Espagne (scorsonère), dont Guy Patin précisait ici les propriétés odorantes (dont je n’ai pas trouvé confirmation ailleurs).

4.

V. note [8], lettre 534, pour le 3e tome des « Discussions théologiques » (Utrecht, 1659) de Gisbertus Voetius, bête noire de Christiaen Utenbogard, et [12], lettre latine 43, pour le « Discours sur la fonction du pharmacien » de Johann Freitag (Groningue, 1633), ouvrage alors devenu rare que Guy Patin cherchait obstinément à se procurer.

5.

V. notes :

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 63 ro.

Cl. viro D. Christiano Utenbogardo, Doct. Med. Ultrajectum.

Tribus tuis responsum debeo, Vir Cl. ante 4. menses scriptis, nempe
mense Aprilis. Domini Diemerbrockij Theseωn Medicarum librum accepi,
cum ejus Epistola : Tibi eiq. gratias ago ; statim atq. eas lustrare potuero,
ad eum scribam, et ipse gratias referam : si hac arte mederemur Parisijs,
pauci, certè omnino pauci ex nostris ægris convalescerent : civium nostrorum
corpora sunt plethorica, biliosa et præfervida, ideόq. multiplici nomine venæ sectione
indigemus. Iampridem, me Tibi obstrictissimum habeo ; at si fieri possit,
ideo me Tibi obstrictionem reputo, quod mihi feceris amicum virum erudi-
tissimum D. Mart. Schokium, cujus singularem eruditionem et virtutem
magnifacio : quidquid itaq. in lucem emiserit, illud mihi si placet emes ac
mittes, vel per accommodatum vectorem, vel per D. Vander Linden, qui talia
mihi reddenda curabit per Elsevirios, cum suo Celso, et H. Grotio de B. B.

t.

Ms BIU Santé no 2007, fo 63 vo.

Scorzonera nostra Hispanica cum tua eadem est, et planè qua-
lem describis : si odoratum dixi semen ejus, non est quod respectu
nostro semen odorem habeat, sed quia dicunt Monachi semen ejus terræ
visceribus mandatum, ideo à talpis et murib. effodi atque devo-
rari, propter quendam latentem odorem. Uterque Puteanus
penetravit in regionem multorum : junior ab anno : senior v. ante
annos sex. Disput. Theologic. vestri Voetij tomum 3. in lucem
emissum mihi comparabo, ut alios duos comitetur, quos supra authorem
ipsum æstimo et diligo, propter rerum varietatem qua delector. O quàm
magno me beabis munere, si per Te Freitagij Oratio de Pharmacop.
officio
ad me perveniat. Tota mea familia pancraticè habet. De
rebus publicis nihil habeo quod scribam : agitur de electione Cæsaris, in
locum demortui : ut et de morbo vesicæ Iovis Capitolini, i. Papæ Rom.
sed de his omnibus, nihil ad nostrum Hippocratem. Varandeus Lugduni
perficitur, ut et omnia Opera D. Gassendi, sex tomis in folio : et Genevæ
Paracelsus, ne quid deesset ad perfectam insaniam Typographorum
hujus sæculi. Te tuósq. servet Deus omnipotens : vale, amicorum
suavissime, et me quod facis, amare perge.

Tuus ad omnia Guido Patin.

Parisijs, die Ven. 31. Augusti, 1657.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christiaen Utenbogard, le 31 août 1657

Adresse permanente : https://www.biusante.parisdescartes.fr/patin/?do=pg&let=1122

(Consulté le 24/04/2024)

Licence Creative Commons "Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron." est mis à disposition selon les termes de la licence Creative Commons Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale 4.0 International.