Je dois réponse à deux des vôtres et vous dirai pour la première, que mon fils aîné [2] n’a été qu’à Anglure, [3] et n’a pas été jusqu’à Troyes. [4] Je souhaite fort que jamais les nouveaux pharisiens [5] ne mettent pied en votre ville. Il est vrai qu’à Bayonne [6][7] il y a eu du bruit contre eux, nous savons bien ici qu’il y a eu du bruit à Châlons. [1][8] On dit que le roi [9] est à Nancy [10] et que bientôt il viendra à Châlons, et delà à Compiègne [11] et à Fontainebleau, [12] etc. [2]
Pour votre seconde, je vous donne avis que nous n’exigeons rien pour la visite des apothicaires : [13] ce ne sont point les médecins qui donnent jour et heure de ladite visite, cela a été contesté contre eux en plusieurs rencontres, et même en mon décanat ; [14] aussi est-ce pourquoi le doyen [15] n’y va jamais, il n’y a que les professeurs en pharmacie [16] avec leurs deux adjoints. [3] Pour ce que je dis contre eux au Parlement, [4][17] je vous assure que je n’en avais jamais rien écrit ; mais d’autant que la Faculté ordonna que cela serait remarqué dans les registres, je pense que j’en donnai quelques mémoires à M. Perreau, [18] alors doyen, afin qu’il les mît dans ses registres, dont je n’ai ni brouillon, ni copie. Je me souviens bien que je parlai contre l’abus de leurs drogues, et entre autres contre le bézoard, [19] la thériaque [20] et la confection d’hyacinthe [21] et d’alkermès, [22] dont vous trouverez quelque chose de bon dans les Observations qui sont derrière la Thèse française de feu M. Guillemeau, [23] de l’an 1648, lesquelles sont curieuses, et de ma façon. [5] Vous trouverez là-dedans des raisons et de la doctrine. Il y en a aussi dans la préface du 29e livre de l’Histoire naturelle de Pline, [6][24] et dans la préface de Mizaldus in suo Alexikepo, et in Erroribus popularibus Primerosii, et in Pharmacia Renodæi, in Præfationibus utriusque partis. [7][25][26][27] Si vous m’en eussiez plus tôt averti, je vous aurais cherché quelque chose là-dessus, ce qui est aisé à faire pourvu que j’aie du temps. En attendant, je vous baise les mains, j’attends le Varandæus [28] tous les jours, et suis de tout mon cœur, Monsieur, votre très humble et obéissant serviteur,
Guy Patin
De Paris, ce 2d d’octobre 1657.
Voyez Agrippa [29] de vanitate scientiarum, [8] il a fort bien dépeint les apothicaires et la plupart de leurs fourberies{ ; et la Piazza universale de Garzoni, [30] il y a là-dedans plusieurs choses contre les apothicaires et les chimistes}. [9]
Ms BnF no 9358, fo 166, « À Monsieur/ Monsieur Belin, le père,/ Docteur en médecine,/ À Troyes. » ; Reveillé-Parise, no cxxxiv (tome i, pages 228‑229).
Il s’agissait des jésuites expulsés des villes où ils s’implantaient : v. notes [2], lettre 37, pour Troyes en 1638, et [1], lettre 486, pour Bayonne en 1657. Claude ii Belin était encore plus haineux que Guy Patin à l’encontre des bons pères.
Le roi séjourna à Nancy les 25 et 26 octobre, et fut de retour à Paris le 5 novembre (Levantal).
V. le point 3 de la délibération du 21 septembre 1652 dans les Décrets et assemblées de la Faculté de médecine de Paris en 1651‑1652 ; la visite des apothicaires par les examinateurs de la Faculté se faisait au Bureau des apothicaires-épiciers (v. note [51] de ce chapitre des Commentaires). Le Collège des médecins de Troyes était engagé dans une querelle sur le même propos avec les apothicaires de la ville.
Allusion au procès des apothicaires de Paris contre Guy Patin et la Faculté, le 15 mars 1647 (v. note [6], lettre 143).
V. note [2], lettre 158, pour la thèse cardinale de Jean-Baptiste Moreau, sous la présidence de Charles Guillemeau, sur la primauté de la Méthode d’Hippocrate. Achille Chéreau (Bibliographia Patiniana, pages 19‑21) a légitimement tiré argument de ce passage pour attribuer à Guy Patin les onze observations qui ont augmenté l’édition française de 1648, et qui figurent intégralement dans la nôtre.
La préface (chapitre i) du livre xxix de l’Histoire naturelle de Pline (Littré Pli, volume 2, page 297) retrace l’histoire de la médecine depuis ses commencements, avec une charge virulente contre la vénalité et les fantaisies thérapeutiques mortifères des médecins du temps de Néron.
« dans son Alexikepus, {a} et dans les Erreurs populaires de Primerose, {b} et dans la Pharmacie de Renou, {c} dans les préfaces de chacune des deux parties ».
- Alexikepus est la forme latine du mot grec Αλεξικηπος, « le Gardien des jardins », et renvoie au livre intitulé :
Le Jardin médicinal enrichi de plusieurs et divers remèdes et secrets. Composé par Antoine Mizauld, {i} de Montluçon en Bourbonnais, docteur en médecine. Mis nouvellement en français. {ii}
- V. note [30], lettre 277.
- Sans lieu [Genève], Jean Lertout, 1578, in‑8o de 462 pages.
La préface est riche en considérations historiques sur l’art de remédier à l’aide des plantes.
- Amsterdam, 1639, v. note [41], lettre 104.
- Paris, 1608, pour le première de nombreuses éditions, v. note [16], lettre 15.
Le livre de Henri-Corneille Agrippa {a} « sur la vanité des sciences », publié pour la première fois en latin (Anvers, 1530), a été traduit en français :
Paradoxe sur l’incertitude, vanité, et abus des Sciences. Traduit en français, {b} du latin de Henri Corneille Agr. Œuvre qui peut profiter, et qui apporte merveilleux contentement à ceux qui fréquentent les cours des grands seigneurs, et qui veulent apprendre à discourir d’une infinité de choses contre la commune opinion. {c}
- V. note [13], lettre 126.
- Par Louis Turquet de Mayerne, v. note [6], lettre 128.
- Sans lieu ni nom, 1603, in‑12 de 737 pages.
Guy Patin renvoyait au chapitre lxxxiiii, De l’Apothicairerie (pages 591599, numérotée 569) avec cette tonitruante introduction :
« Les cuisiniers des médecins sont les apothicaires, les écriteaux desquels montrent les remèdes, mais < dont > les boîtes contiennent les poisons, ainsi que l’on dit en commun proverbe. {a} Ou comme dit Homère, médicaments mêlés, plusieurs choses salutaires et plusieurs choses nuisibles, {b} par lesquels, pour ne tomber en dommage et perte, ils nous contraignent d’acheter bien chèrement notre mort : nous baillant une chose pour autre, {c} ou bien mêlant dans les médecines des vieilles drogues pourries et corrompues ; et au lieu de bonnes potions, nous en font prendre de mortelles, ou achètent, pour fournir leurs boutiques à bon marché, des emplâtres, collyres, onguents, pilules et autres médicaments, faits de longue main, et composés de fondrilles {d} et vieux restes de drogues, lesquelles ils ne savent discerner ni connaître ; et partant, s’en fient aux étrangers et barbares qui corrompent toutes choses par tromperie et sophisteries. {d} Je pourrais ici montrer leurs pernicieux discords {e} touchant la connaissance des simples médicaments desquels ils usent, et leurs erreurs és noms {f} des choses médicinales mal entendus et pirement usurpés, {g} lesquels en grand nombre Nicolas Léonicène a montrés en un ample volume. » {g}
Guy Patin a lui-même (me semble-t-il) rayé la fin de son post-scriptum {mise entre accolades dans ma transcription}, car il renonçait à citer un ouvrage en italien : {a}
La Piazza universale di tutte le professioni del mondo, et nobili et ignobili. Nuovamente formata, et posta in luce da Tomaso Garzoni da Bagnacavallo…[La Place universelle de toutes les professions du monde, nobles comme ignobles. Nouvellement composée et mise en lumière par Tomaso Garzoni, {a} natif de Bagnacavallo…]
- Patin maîtrisait mal cette langue et ne voulait pas laisser croire à Claude ii Belin qu’il cherchait à le leurrer avec une référence qu’il n’était pas capable de lire à livre ouvert.
- Tommaso Garzoni (Bagnacavallo, Romagne 1549-1589) dépeint en 155 discours toutes les professions des hommes : De semplicisti, et Herbolarii [Simplicistes et Herboristes] (pages 186‑192), pour les apothicaires, et De Medici fisici (pages 154‑161), pour les médecins.
- Venise, Gio. Battista Somascho, 1586, in‑8o de 932 pages.