Pour répondre à votre belle et obligeante lettre du 21e d’août, je vous dirai que je n’ai rien reçu de M. Pelissari [2] ni vu ce livre de M. Bonet [3] de Genève ; [4] et qui plus est, je ne sais à qui le demander. [1] J’espère que vous aurez bientôt le livre de M. Le Vasseur. [5] M. de La Sale Drel[incourt] [6] s’apprête pour s’en aller à Leyde. [2][7] Je vous remercie de ce qu’avez baillé pour moi les Conclaves de M. Huguetan [8][9] à M. Anisson, [10] que j’attendrai patiemment avec son Febrilogia. [3][11] Le fils de M. Anisson [12] m’a parlé céans de votre dessein sur le Galien grec de MM. Hofmann [13] et Volckamer, [14] quod utinam vobis succedat, pro communi totius medicæ bono. [4] Pour ce que m’écrivez des Notes de G. Hofmann, sur le Galien grec, que vous dites être dans la Bibliothèque du roi, [15] je pense que c’est de ce M. Gaffarel, [16] et rien davantage ; je m’en enquerrai à la première commodité. [5] Pour votre Massaria [17] in‑fo, je m’en passerai puisque je l’ai de Lyon in‑4o et de Francfort in‑fo ; et ce même traité de Abusu theriacæ in febribus pestilent. in‑4o, je l’ai céans, imprimé in‑4o à Padoue l’an 1591, qui en a pour compagnon un autre intitulé De Theriacæ abusu in febribus pestilentibus, Vincentii Calzaveliæ, medici Brixiani, in‑4o Brixiæ, 1570, et hæc omnia [6][18][19] à votre service.
Pour l’affaire de MM. de Tournes, [7][20] je vous assure qu’ils sont tout à fait déraisonnables de me refuser le rabais de 50 livres, vu que tout le compte est de plus de 800 livres et que leur prix est tout à fait excessif. Je vous jure qu’il est tout à fait injuste, ce que je prouverai facilement à tout juge qui sera capable d’en juger par connaissance de cause ; et m’étonne fort de les voir dans cette obstination qui n’est nullement raisonnable. Il n’est pas jusqu’à un petit paquet de ces thèses d’Allemagne in‑4o qu’ils ont taxé à douze livres ; et tout ce qu’ils m’ont envoyé, je l’aurais eu à meilleur marché à Paris. C’est pourquoi je vous prie d’obtenir d’eux qu’ils se contentent de mes 50 écus, que je suis prêt de délivrer à vous à Lyon, ou à Paris à M. Hebert, qui est leur correspondant ; et puis après, nous jouerons sur nouveaux frais et recommencerons sur d’autres livres que je paierai sur-le-champ pour éviter cette chicane qui me déplaît bien plus qu’ils ne pensent. Quand ils disent qu’ils ont tiré leur prix au plus juste, ils n’en sont pas les juges et ils se moquent. Ils en sont les parties et ils veulent en être les juges. Il y en a d’autres qu’eux dont j’aurai meilleur marché et qui jugeront plus équitablement ce différend. Je sais bien ce que m’avez proposé pour l’accord, mais je ne le puis autrement : qu’ils prennent mes 50 écus et me donnent une bonne quittance, et puis nous demeurerons bons amis ; et leur ferai réponse sur le dernier catalogue qu’ils m’ont envoyé et je serai leur très humble serviteur comme par ci-devant. Je vous demande cette grâce et pardon de la peine que je vous donne. Ces MM. de Tournes se doivent bien souvenir que jusqu’ici je les ai toujours bien payés et n’ai eu de ma vie tel différend avec personne. Vale,
Tuus ex animo, G.P. [8]
Ce 28e d’août 1668.
Bis fuit secta vena in cholera morbo, regi nostro, unde feliciter evasit. [9][21] On dit d’aujourd’hui que le roi [22] s’en va diminuer la taille [23] de la moitié.
Ms BnF no 9357, fo 370, « À Monsieur/ Monsieur Spon,/ Docteur en médecine,/ À Lyon » ; à côté de l’adresse, de la main de Charles Spon : « 1668./ Paris, adi 28 août./ Lyon, le 7 septemb./ Risp./ Adi 21 dud. fête/ de St‑Matthieu. »
V. note [1], lettre 935, pour le livre de Théophile Bonet tiré de Guillaume de Baillou (Pharos Medicorum [Phare des médecins], Genève, 1668).
Il a été précédemment question dans les lettres de Georges Pelissari, trésorier général de la Marine (v. note [10], lettre 717), mais le contexte ne permet pas d’assurer qu’il s’agissait bien ici de lui.V. note [5], lettre latine 242, pour Louis Le Vasseur et son livre contre Frans Sylvius de Le Boë (Leyde, 1663, réédité à Paris, 1668).
Charles ii de La Sale Drelincourt (Paris 1633-Leyde 1697) était fils de Charles i, pasteur qui prêchait à Charenton (v. note [8], lettre 513). Charles ii s’était fait recevoir docteur en philosophie à Saumur en 1650, puis, renonçant à entrer dans le ministère évangélique, était parti à Montpellier en 1651 pour y être reçu docteur en médecine en 1655. Dès l’année suivante, Turenne l’avait choisi comme médecin. Peu après, Drelincourt avait reçu le titre de premier médecin des armées françaises en Flandre et devint successivement médecin du roi (1663), professeur d’anatomie et de médecine à Leyde (1668), recteur de l’Université de cette ville et enfin, médecin de Guillaume d’Orange, futur roi d’Angleterre.
V. notes [1], lettre 943, pour l’histoire des Conclavi par Gregorio Leti (en italien, sans lieu, 1667), et [2], lettre 932, pour la Febrilogia [Étude des fièvres] (Lyon, 1668) de Juan Lazaro Gutiérrez.
« Dieu vous fasse la grâce que cela aboutisse, pour le bien commun de toute la médecine. »
Charles Spon n’a pas mis la main à la Praxis medica curiosa… [Pratique médicale méticuleuse…] qui est le commentaire de Caspar Hofmann sur les 14 livres de la Méthode pour remédier de Galien, édité par Sebastian Scheffer (Francfort,1680, v. note [15], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657).
V. note [1], lettre 707, pour Jacques Gaffarel et le Galien grec de Venise, annoté par Caspar Hofmann, qu’il avait déniché à Florence et cherchait à revendre.
« et tout cela ».
V. note [2], lettre 939, pour les Opera Medica [Œuvres médicales] d’Alessàndro Massaria (Lyon, 1634 et 1669) et son traité « sur l’Abus de la thériaque dans les fièvres pestilentielles » (Padoue, 1591), qui y avait été omis.
L’autre ouvrage, de titre identique, dont Guy Patin donnait la référence exacte, a paru à Brescia, Vincentius Sabiensis, 1570, in‑4o de 64 pages) ; son auteur était de Vincenzo Calzaveglia, médecin de Brescia au xvie s.
V. la lettre à Charles Spon datée du 27 juillet précédent pour cette facture des Tournes, libraires de Genève, sur laquelle Guy Patin réclamait un rabais parce qu’il en jugeait le montant excessif.
« Vale, vôtre de tout cœur, Guy Patin. »
« Notre roi a été saigné deux fois pour un choléra morbus, dont il est heureusement venu à bout. »
Antoine Vallot a consigné l’incident dans le Journal de santé du roi Louis xiv (année 1668, pages 163‑164) :
« Sa santé n’a point été altérée le reste de la présente année, sinon qu’au 17e du mois d’août, Sa Majesté fut travaillée d’un choléra morbus, {a} avec des violences extrêmes et des accidents fort extraordinaires qui auraient rendu le mal plus grand et plus périlleux si l’on n’y avait apporté promptement les remèdes nécessaires, particulièrement la saignée, les potions convenables, les lavements détersifs et anodins, les opiats cordiaux et les fomentations appliquées sur les parties cruellement affligées de gouttes crampes. {b} Tous ces soins soulagèrent promptement le roi qui, dans son extrême faiblesse, avait besoin de ce secours ; et quoique toutes les choses eussent très bien réussi, nous ne laissâmes d’avoir le lendemain une furieuse atteinte d’une forte dysenterie, qui ne dura pas plus de 24 heures parce que tout sur le champ j’ordonnai mes remèdes ordinaires, dont je me sers en semblables occasions, qui firent un effet si surprenant que le mal cessa plus tôt que le roi n’avait espéré. Mes ordonnances sont dans l’office du roi, entre les mains de Messieurs les apothicaires. »
- V. note [24], lettre 222.
- V. note [4], lettre de Hugues ii de Salins, datée du 3 mars 1657.