L. latine 33.  >
À Christian Buncken,
le 12 mars 1655

[Ms BIU Santé no 2007, fo 32 ro | LAT | IMG]

Je salue le très distingué M. Christian Buncken, médecin de Hambourg.

Très distingué Monsieur, [a][1]

Je n’ai reçu votre très agréable lettre datée du 8e de septembre qu’au bout de cinq mois, savoir le 18e de février ; mais j’ignore entièrement où et pourquoi elle a si longtemps traîné en chemin. Dieu soit loué, elle m’est enfin parvenue. Je salue de tout cœur les très savants M. Placcius et M. Rolfinck. [1][2][3] Dans les Disputationes de M. Rolfinck que j’ai reçues, il manque la douzième, qui traite de Catarrho ; vous me la procurerez une autre fois, s’il vous plaît. [2][4][5] Je vous demande et souhaite vivement vos deux thèses doctorales, dont vous m’aviez jadis fait miroiter l’espoir, mais que vous ne m’avez jamais envoyées ou du moins, que je n’ai jamais reçues. Je prie le ciel que vous puissiez me trouver en votre d’Allemagne le Liber morborum incurabilium de Bruno Seidel. C’est un petit volume qu’on ne trouve ici nulle part ; si vous me l’envoyez, vous me ferez assurément grand plaisir. [3][6] Je soigne ici M. Penshorn, gentilhomme de Hambourg que les villes hanséatiques ont envoyé en ambassade auprès du roi très-chrétien[4][7][8][9] Quand il s’en retournera dans votre ville, je lui confierai un paquet à vous remettre, rempli de ce qui se trouvera alors. En attendant, je voudrais vous aviser que j’ai ici été reçu professeur royal en anatomie, botanique et pharmacie, en la chaire de M. Riolan, [10] qui me l’a transmise tandis que je ne songeais à rien de tel et que de nombreux autres la désiraient. [11] Par cette charge qu’on m’a confiée, j’aurai désormais à donner des leçons tous les ans au Collège royal de Cambrai ; [12] je les commencerai après Pâques. [13] Je chercherai à y saisir l’occasion de creuser et d’enrichir mon Manualis, pour qu’il voie enfin le jour. [5][14] Vale, très distingué Monsieur, et rendez-moi l’affection que je vous porte sincèrement.

Je suis de toute mon âme votre Guy Patin, docteur en médecine et professeur royal.

De Paris, ce 12e de mars 1655.


a.

Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Christian Buncken, ms BIU Santé no 2007, fo 32 ro.

1.

Johann Placcius (1606-1656), alors médecin de la ville de Hambourg, avait professé la médecine à Iéna. Il n’a publié que des thèses. En 1640, il avait épousé une sœur de Johann Garmers, prénommée Margaretha.

2.

Les Disputationes de Werner Rolfinck sont les thèses qu’il a présidées à Iéna à partir de 1629. Guy Patin désirait la :

Disputatio medica de Catarrho, quam auspicante Trismegisto nostro Medico Jesu Christo Præside Viro Noblissimo, Amplissimo, Excellentissimo atque experientissimo Dn. Gurenero Rolfinck Hamburg. Philosophiæ et Medicinæ Doct. Pract. et Chim. Prof. Publ. Celeberissimo, Facultatis Seniore gravissimo, Medico Ducalis Saxo Vinariensis eminentissimo…

[Disputation médicale sur le Catharre, {a} sous les auspices de Jésus-Christ, notre médecin trismégiste {b}, et sous la présidence du très noble, influent, brillant et expérimenté M. Werner Rolfinck, natif de Hambourg, docteur en philosophie et médecine, très célèbre professeur public de pratique et de chimie, très respecté doyen de la Faculté et très éminent médecin du duc de Saxe-Weimar…] {c}


  1. V. note [12], lettre 121.

  2. Trois fois très grand.

  3. Iéna, Georgius Singenwaldus, 1651, in‑4o.

    Dix précédentes thèses de Rolfinck avaient traité :

    • de Dysenteria [de la Dysenterie] (1629),

    • de Phrenitide [de la Frénésie] (1629),

    • de Apoplexia [de l’Apoplexie] (1630),

    • de Epilepsia [de l’Épilepsie] (1630),

    • de Phthisi [de la Phtisie] (1631),

    • de Affectu hypochondriaco [de l’Hypocondrie] (1631),

    • de Mania [de la Manie] (1633),

    • de Arthritide [de la Goutte] (1635),

    • de Pleuritide [de la Pleurésie] (1638),

    • de Ichore ulcerum seroso [de l’Ichor (v. notule {b}, note [26], lettre 99) qui s’écoule des ulcères] (1642).

3.

Outre sa thèse de Rheumatico affectu [sur la Maladie rhumatismale] (Iéna, 1649, v. note [10], lettre latine 98), Christian Buncken en avait disputé et publié une autre (ibid. 1646), de Febre ardente [sur la Fièvre ardente] ; Guy Patin les lui réclamait sans résultat.

V. note [7] de la lettre de Claude ii Belin, datée du 31 janvier 1657, pour le « Livre des maladies incurables » de Bruno Seidel (Francfort, 1593) et sa réédition en 1662 (Leyde) avec dédicace à Patin.

4.

Le 1er mars 1655, les deux émissaires (ou ambassadeurs) des Villes hanséatiques (v. note [16], lettre 392), David Penshorn et Diedrich Moller, avaient assisté à la leçon inaugurale de Guy Patin au Collège de France (v. note [13] des Leçons au Collège de France).

Dans ses Mémoires touchant les ambassadeurs et les ministères publics (La Haye, Jean et Daniel Steucker, 1677, in‑8o, pages 94‑97), Abraham de Wicquefort (v. note [19], lettre 402) a rendu compte de cette ambassade qui fut humiliante pour les Villes hanséatiques (dont la Hanse teutonique était alors en profond déclin, réduite à trois villes, Hambourg, Brême et Lübeck, alors qu’elle en avait compté jusqu’à 72) :

« Les armateurs de France avaient pris plusieurs de leurs navires marchands qui portaient en Espagne, où la ville de Hambourg a le fort de son commerce, quantité de denrées de Prusse et de Norvège, que l’on faisait passer en France pour des marchandises de contrebande ; et le maréchal de La Meilleraye, gouverneur de Bretagne sous la reine, {a} protégeait les armateurs parce qu’il profitait des déprédations. L’intention des Villes était de s’assurer la liberté de la navigation par un bon traité, en faisant renouveler ceux qu’elles avaient obtenus autrefois des rois Charles ix et Henri iv. Ils faisaient une assez belle dépense et prétendaient se faire traiter d’ambassadeurs parce qu’au traité que Henri iv leur avait accordé, l’on avait donné à leurs agents la qualité d’ambassadeurs députés ; mais dès la première ouverture {b} qu’ils en voulurent faire, ils reconnurent bien qu’il n’y fallait pas songer. M. Servien {c} en parla avec mépris, sans doute à cause du démêlé qu’il avait eu avec les députés de ces Villes à Münster, {d} et le comte de Brienne {e} leur fit dire que s’ils voulaient pousser cette prétention, leur négociation serait bientôt achevée. Ils eurent leur audience du roi et de la reine dans le respect ordinaire ; pas un des ministres ne leur céda la main {f} chez lui ; et tout ce qu’ils purent obtenir, moyennant une reconnaissance considérable, ce fut que le comte de Brienne se laissa disposer à faire couler dans le traité la même qualité d’ambassadeurs députés parce que, dans la lettre de créance, on leur donnait celle d’Ablegati. {g} […] Pour dire ce qui en est, la Hanse teutonique n’a jamais fait un État ou une République, mais seulement une société pour la sûreté de la navigation et du commerce. Ce qui étant très véritable, je ne puis pas comprendre comment on reçoit dans les cours des princes et des potentats, et comment on y considère autrement que comme de simples députés, les ministres d’un corps qui ne subsiste plus et qui, lorsqu’il subsistait encore, ne pouvait être considéré que comme une société de marchands et tout au plus, comme les compagnies qui se sont formées pour les deux Indes dans les Provinces-Unies. […] C’est ce que le prince d’Orange {h} considérait bien, vu qu’en l’an 1645, lorsque les États des Provinces-Unies voulurent savoir son avis comment les ambassadeurs, qu’ils allaient envoyer à Münster, auraient à se gouverner avec les ministres des Villes hanséatiques, il leur répondit qu’ils n’auraient point de compétence {i} avec eux parce que les Villes n’ont pas le droit d’envoyer des ambassadeurs, mais seulement des députés. C’est pourquoi aussi les mêmes États résolurent le 11 février 1656 qu’à l’avenir, les députés extraordinaires des Villes hanséatiques ne seraient conduits à l’audience que par l’agent, dans un carrosse à deux chevaux, qu’ils y prendraient place sur un siège à dos de drap et qu’ils seraient conduits chez eux en la même manière. »


  1. Anne d’Autriche avait délégué le gouvernement de Bretagne au maréchal Armand-Charles de La Porte, duc de Rethélois-Mazarin et de La Meilleraye, grand maître de l’Artillerie (v. note [33], lettre 291).

  2. Ouverture : « solennités qu’on fait au commencement des actions et assemblées publiques » (Furetière).

  3. Abel Servien, marquis de Sablé, surintendant des Finances (v. note [19], lettre 93).

  4. Pendant les interminables négociations des traités de Westphalie (1643-1648).

  5. Henri-Auguste de Loménie, comte de Brienne, secrétaire d’État aux Affaires étrangères (v. note [49], lettre 292).

  6. Ne consentit à leur donner la droite, soit en s’asseyant, soit en marchant à côté d’eux.

  7. Envoyés.

  8. Frédéric Henri de Nassau, stathouder des Provinces-Unies (v. note [8], lettre 66).

  9. Égalité de dignité.

5.

V. note [7], lettre 402, pour ce « Manuel » de thérapeutique, composé de deux traités, dont Guy Patin nourrissait le dessein, mais qu’il ne publia (et probablement n’acheva) jamais.

s.

Ms BIU Santé no 2007, fo 32 ro.

Clarissimo viro D.
Christiano Bunckio,
Medico Hamburgensi.
S.

Suavissimam tuam epistolam, vir clarissime, datam 8. die Sept. post
quinque dumtaxat menses accepi, nempe die 18. Febr. Ubi autem et cur
tamdiu per viam hæserit, planè nescio. Deo sit laus quod tandem eam
acceperim. D. Placcius et D. Rolfinck, viros eruditissimos ex animo saluto.
In Disputationibus D. Rolfinckij quas accepi, deest illa duodecim, quæ agit
de Catarrho, quam mihi pro alia vice, si placet, procurabis. A te quoque peto
et expeto Theses tuas Doctorales, quarum spem olim injecebas, et quas
nunquam accepi misistis, vel saltem accepi. Utinam per Te possem ex
Germania vestra recuperare librum Brunonis Seidelij, de morbis incurabilibus :
liber est parvæ molis, qui hîc nuspiam reperitur : quem si ad me miseris, maximo
certè beneficio me beaveris. Hîc facio Medicinam D. Pershorn, legato nobili Hamburgensi,
apud Christ. Regem pro Hanseaticis civitatibus legato : reversuro illi in vestrum
Urbem tradam fasciculum Tibi reddendum, ex ijs conflatum quæ tunc occurrent.
Interea monitum Te velim, me hîc inauguratum esse Prof. Regium, in re
Anatomica, Botanica et Pharmacia
, loco D. Riolani, qui munus illud suum mihi trans-
misit, nihil tale cogitanti, et quod alij multi ambiebant. Propter ejusmodi
demandatam mihi provinciam prælectiones in posterum habebo quotannis in Aula
Cambarensi regia, quas inchoabo post Paschalia : indèque occasionem captabo
Manualis mei concavandi et illustrandi, ut tandem lucem videat. Vale, vir
calrissime, et me sincerè amantem redama.

Sum tuus ex animo Guido Patin, Doct. Med. et Pr. R.

Parisijs, die 12. Martij, 1655.


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Christian Buncken, le 12 mars 1655

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(Consulté le 26/04/2024)

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