[Ms BIU Santé no 2007, fo 99 ro | LAT | IMG]
Au très distingué M. Johann Georg Volckamer, à Nuremberg.
Très distingué Monsieur, [a][1]
Je vous remercie pour votre dernière, ainsi que pour les Disputationes de M. Rolfinck que vous avez envoyées à M. Spon avec les Epistolæ de Reinesius ; [1][2][3][4] mais dites-moi, s’il vous plaît, si ce très savant Reinesius n’a pas écrit un petit livre en latin où il a trouvé bon licere Medico ægris suis interdum exhibere medicamenta quædam electa, pharmacopolis invitis et reluctantibus, [2][5][6] comme un philiatre allemand me l’a raconté à son propos. Écrivez-moi, je vous prie, si cela est vrai, et achetez-moi alors, s’il vous plaît, cet opuscule et envoyez-le-moi.
Mais qui donc a mis dans la tête de votre Endter de procurer une nouvelle édition des Opera omnia de Gregor Horst ? [7][8][9] Peut-être a-t-il entrepris cela sur le conseil de M. Johann Daniel Horst, archiatre du prince de Hesse, qui est un homme fort savant et fort mon ami. [3][10][11] Au profit de l’un comme de l’autre, j’aiderai à la vente de ce livre et le recommanderai à mes auditeurs ; [12] de sorte que je contribuerai selon mes moyens à faire rentrer votre imprimeur dans ses frais et que, par ma recommandation, beaucoup de gens connaîtront les œuvres médicales de Gregor Horst, excellent homme et très utile écrivain. Dieu fasse que le même Endter veuille accomplir semblable travail sur nos œuvres manuscrites de feu le très distingué Hofmann ! [13] J’attendrai patiemment ce livre de Gregor Horst avec vos Disputationes academicæ. [4][14][15][16] L’excellent M. Picques vous salue. [17] On vend ici les portraits de princes, de rois, de reines, de nombreux présidents et conseillers du Parlement ; je suis disposé à vous les envoyer si vous en voulez ; il s’y trouve bien moins de savants hommes, notamment de médecins. [5] Écrivez-moi ceux que vous voudriez ; j’y adjoindrai quelques-unes de nos thèses, surtout de celles qu’on a disputées depuis plus d’un an. Étant pathologiques et thérapeutiques, elles sont en effet meilleures et plus savantes que celles qu’on a imprimées au cours de la dernière année, qui ne sont que physiologiques, et partant moins utiles. [6][18][19][20] Je vous rembourserai très largement l’argent que vous aurez dépensé pour le livre de Horst et pour les autres. Notre cardinal Mazarin est ici fort malade d’un pourrissement des viscères et d’une hydropisie de poumon. [21][22] Pendant bien des mois, les médicastres auliques, [23] parfaitement ignorants de la très pure médecine, l’ont soigné, mais n’importe comment ; ensuite pourtant, la reine mère a appelé en consultation les anciens de notre Compagnie ; [24] ils l’ont estimé incurable et perdu. J’apprends que c’en est fini de lui, en raison d’un très profond épuisement de tout le corps, d’une consomption, d’une fièvre lente, d’une orthopnée, de suffocations nocturnes et d’autres symptômes. [25][26][27] Voilà qui mène assurément, marche après marche, au repos éternel, s’il existe après la mort pour de tels politiques. Saluez, s’il vous plaît, vos excellents collègues, et M. Nicolaï en tout premier. [28] Vale, très distingué Monsieur, et continuez de m’aimer comme vous faites.
Votre Guy Patin de tout cœur.
De Paris, ce vendredi 25e de février 1661.
1. |
V. notes [2], lettre latine 150, pour les « Thèses » de Werner Rolfinck (Nuremberg, 1656) et [4], lettre 557, pour les « Lettres » de Thomas Reinesius (Leipzig, 1660). |
2. |
« qu’un médecin se permette de prescrire parfois à ses malades certains médicaments choisis contre le gré et la volonté des pharmaciens » : v. note [4], lettre latine 127, pour ce propos de Thomas Reinesius dans sa Chimiatria (Gera, 1624). |
3. |
V. note [28], lettre 662, pour les deux éditions des Gregorii Horstis Senioris του μακαριτου Operum medicorum… [Œuvres médicales de feu Gregor (ii) Horst l’Ancien…] (Nuremberg, Endter, 1660, et Gouda, 1661), par les soins de ses deux fils, Gregor [iii] et Johann Daniel. V. note [9], lettre 218, pour Wilhelm vi, landgrave de Hesse-Kassel depuis 1637. |
4. |
Guy Patin a confié à Charles Spon, dans sa lettre datée du 7 janvier 1661, la raison de son mécontentement sur les Opera de Gregor ii Horst (v. supra note [3]) : « je n’en suis point marri, mais il me semble qu’il y a bien de meilleurs livres que cela à réimprimer ». Ce qu’il en a écrit ici illustre joliment son hypocrisie. Ce que Patin appelait « vos Disputationes academicæ [Thèses universitaires] » correspondait au : Collegium anatomicum. Clarissimorum trium Virorum. Julii Jasolini Locri, Marci Aurelii Severini Thurii, Bartholomæi Cabrolii Aquitani, per quos singulos collatæ operæ posteriore paginæ facie patescent.. |
5. |
Portraits des rois de France avec un sommaire discours contenant les principales actions de leur règne, leurs naissances, mariages, décès et autres remarques curieuses. Depuis Pharamond jusques au roi Louis xiiii (Paris, sans date [vers 1661], Louis Boissevin, in‑4o). L’édition disponible sur Gallica compte 213 portraits ; chacun est accompagné d’une notice de quelques lignes ; après les rois, reines, princes et grands de la cour, viennent les prélats puis les magistrats ; mais je n’y ai vu aucun médecin. |
6. |
Au printemps de 1660, année paire, les bacheliers de médecine parisiens avaient soutenu et publié leurs premières thèses quodlibétaires portant sur un sujet physiologique (choses dites naturelles). En 1659, année impaire (« depuis plus d’un an »), la promotion précédente de bacheliers avait disputé ses secondes quodlibétaires sur un sujet pathologique (choses dites contre nature) et ses cardinales sur un sujet thérapeutique (choses dites non naturelles, v. note [13] des Pièces liminaires du Traité de la Conservation de santé). V. note [1], lettre 1, pour une explication détaillée des thèses de médecine parisiennes. |
a. |
Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Georg Volckamer, ms BIU Santé no 2007, fo 99 ro. |
s. |
Ms BIU Santé no 2007, fo 99 ro. Clarissimo viro D. Io. Georgio Volcamero, Noribergam. Gratias ago de postrema tua, Vir Cl. ut et de Disp. D. Rolfinckij, Sed quis Endtero vestro mentem illam injecit procurandæ novæ Tuus ex animo G.P. Parisijs, die Ven. |