[Ms BIU Santé no 2007, fo 205 vo | LAT | IMG]
Au très distingué M. Sebastian Scheffer, docteur en médecine, à Francfort.
Très distingué Monsieur, [a][1]
Un gentilhomme Allemand m’a remis votre lettre, qui m’a procuré une grande joie. Dites-moi pourtant, je vous prie, ce que sont ces deux envois dont le port s’est élevé à un tel montant : dans mes brouillons, j’ai certes trouvé la trace d’un paquet, que j’avais confié, le mardi 3e de février 1665, à un marchand de Paris, que je connais fort bien, pour qu’il le fît parvenir à M. Johann Daniel Horst ; [2] il contenait l’Hollierus de Morbis internis, etc., in‑fo, [3] pour ce même M. Horst, qui me l’avait demandé ; et dans ledit paquet, j’avais mis le privilège royal pour M. Beyer, [4] obtenu par mes soins, pour imprimer les Observationes Schenckii, etc., [5] que M. Horst m’avait demandé d’obtenir, etc. J’y avais aussi inclus un autre petit paquet contenant des opuscules du très distingué Hofmann, [6] de Calido innato, de Humoribus et de Partibus similaribus, que je demandais à M. Horst de vous faire remettre. J’ignore absolument si vous l’avez jamais reçu : écrivez-moi s’il vous plaît pour me dire si M. Horst vous a fait parvenir ces trois traités, [Ms BIU Santé no 2007, fo 206 ro | LAT | IMG] et s’ils sont bien en votre possession et à votre disposition ; M. Horst a dû faire ce que je lui demandais. [1] Pour le second paquet, je ne me rappelle pas ce qu’il contenait, ni par qui vous l’avez reçu ; mais tout ce que je sais, c’est que je vous ai écrit trois fois, aux mois de mai et juin, et que dans l’une de ces lettres, j’ai inséré un errata typographique du livre de Medicamentis officinalibus de M. Hofmann. [2][7][8] Maudit soit le messager qui s’est joué de moi ! J’ignore pourtant de qui il s’agit ; si je le savais, alors malheur à toi, messager ! mais en attendant, loué soit Dieu tout-puissant, si tout cela est parvenu entre vos mains. À l’avenir, je serai plus prudent et, si Dieu veut, j’y réfléchirai à deux fois et j’observerai vos recommandations. Je pense que le moyen le plus sûr est de passer par M. Du Clos, médecin de Metz ; [9] il est de présent à Paris pour régler certaines affaires de sa ville. Je fais grand cas de votre parent et pense qu’il est excellent homme. [10] J’ai depuis longtemps reçu ce que vous aviez confié à M. Widerholdt, [11] et vous en remercie ; mais je n’y ai pas trouvé l’Oratio de bona mente. [3][12] Schönwetter [13] imprime chez vous les Quæstiones medico-legales de Paolo Zacchias ; [14] je suis bien au courant car je lui en ai moi-même envoyé le privilège royal, voilà un mois, comme j’avais déjà fait pour les Observationes de Schenck au profit de M. Beyer. [4] Mais n’est-ce pas votre Schönwetter qui a publié les Attica Bellaria, in‑8o, du jésuite allemand Jacobus Pontanus ? [5][15] J’aimerais les avoir quand il s’en trouvera un exemplaire à acheter. Je salue le plus obligeamment qu’il m’est possible le très distingué M. von Vorburg ; [16] je n’ai toutefois pas encore pu satisfaire sa demande, diverses charges m’en ont empêché, sans tout de même m’avoir encore tué. [6] Je salue le très distingué M. Lotich, souhaitant pouvoir lui être utile en quelque façon, malgré ces temps fort malheureux, tout à fait hostiles aux gens de lettres, aussi bien qu’à la vertu elle-même. Comment donc se portent votre épouse et votre petit garçon ? [17] Je les salue tous deux avec votre bienveillante permission. Tout reste ici incertain quant à la guerre anglaise ou hollandaise. [18] Notre reine mère a fini par mourir, [19] entre les mains des empiriques et des charlatans, [20][21] qui ne lui ont pas permis de vivre plus longtemps, avec leur vin énétique d’antiimone, [22][23] leurs petits grains narcotiques [24] et leurs autres médicaments chimystiques. [25] Ainsi meurent les princes, ainsi veulent-ils qu’on les trompe ; aussi sont-ils trompés et occis. [26] Quand vous voudrez m’écrire, confiez vos lettres à M. Persod, le marchand, qui vous portera celle-ci ; [7][27] par son intermédiaire, toutes vos lettres me seront remises en parfaites sûreté et célérité. Vous ne me dites rien de votre graveur, mais quand donc paraîtra cette dixième partie de son ouvrage ? Je n’ai pas besoin de la première feuille du livre de Medicamentis officinalibus du très cher Hofmann, qu’on imprime à Iéna, il me suffit de savoir qu’il paraîtra entièrement purgé de ses imperfections. [8] Que Dieu tout-puissant vous conserve, avec toute votre famille. Vale, très distingué Monsieur, et aimez-moi.
De Paris, le 9e de mai 1666.
Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Sebastian Scheffer, ms BIU Santé no 2007, fos 205 vo‑206 ro.
Dans sa courte lettre du 9 mars 1665 à Johann Daniel Horst, Guy Patin lui annonçait avoir confié à Sebastian Switzer, courtier à Francfort, ce premier paquet contenant :
Notre édition contient deux des trois lettres que Guy Patin disait avoir envoyées à Sebastian Scheffer en mai-juin 1665, ce sont celles du 24 mai et du 4 juin.
V. note [88] de la première de ces deux lettres, pour la double liste d’erreurs typographiques (celle de Patin et celle de Caspar Hofmann) à corriger dans la première édition des deux livres « sur les Médicaments officinaux » (Paris, 1646, v. note [7], lettre 134), dont Scheffer préparait une réédition sous le titre d’Opuscula medica [Opuscules médicaux] (Francfort, 1667, v. note [14], lettre 150).
V. notes :
V. notes [1] supra pour les « Observations » de Johann Schenck et leur privilège, et [3], lettre latine 380, pour l’autre privilège que Guy Patin avait obtenu en vue de permettre à Johann Daniel Horst de rééditer les « Questions médico-légales » de Paolo Zacchias (Francfort, Johann Baptist Schönwetter, 1666).
Jacobi Pontani Soc. Jesu Attica Bellaria, sive litteratorum secundæ mensæ ad animos ex contentione et lassitudine studiosorum lectiunculis exquisitis, jucundis ac honestis relaxandos ac syntagmatum omnium et ante hac tribus partibus editorum Libri tres : nunc alio charactere compendiosius unico Volumine comprehensi, ac Indice generali ornati, aucti et a multis erroribus et mendis purgati evulgantur. Cum consensu Superiorum et Privilegio Sac. Cæs. Majest. [Friandises attiques de Jacobus Pontanus (mort en 1626, v. note [17], lettre latine 7), de la Compagnie de Jésus, ou trois livres de littérature de seconde main pour distraire les esprits de la tension et de la fatigue des études par de petites leçons raffinées, agréables et honnêtes, contenant tous les traités qui ont auparavant été publiés en trois parties. Les voici maintenant publiés, regroupés de manière plus compacte en un seul volume et dans un autre caractère d’imprimerie, enrichis d’un index général, augmentés et purgés de nombreuses erreurs. Avec la permission des supérieurs (de la Société) et le privilège de Sa Majesté le saint empereur] (Francfort, Johannes Godofidus Schönwetter, 1644, in‑8o ; première édition à Augsbourg en 1617).
Il s’agit d’un épais recueil (1 007 pages) de brefs commentaires latins, érudits et variés (un peu à la manière des Adages d’Érasme), sur des sujets tirés de la littérature classique grecque ; ils sont distribués en trois parties (ou livres), formés respectivement de 10, 10 et 13 sections (pouvant contenir chacune jusqu’à 355 chapitres).V. note [4], lettre latine 398, pour la lettre de recommandation que Franz Johann Wolfgang von Vorburg attendait impatiemment de Guy Patin.
Première de deux mentions d’un marchand de Francfort qui pourrait bien être le Pierre Persod, dont Christine de Suède a parlé dans sa correspondance en 1687 (Mémoires concernant Christine, reine de Suède, pour servir d’éclaircissement à l’histoire de son règne et principalement de sa vie privée…, Amsterdam et Leipzig, Jean Schreuder et Pierre Mortier le Jeune, 1760, in‑4o, tome quatrième, page 77) :
« Pour la Ville de Francfort.
Messieurs, je ne puis pas refuser aux bons et très fidèles services que me rend le colonel Cleuter, {a} l’appui de cette recommandation auprès de vous, pour vous prier de lui rendre une bonne et prompte justice sur la prétention qu’il a avec Pierre de Persod, marchand de votre ville ; vous assurant que de toutes les faveurs qu’il recevra de vous dans cette rencontre en ma considération, je vous en aurai une reconnaissance digne de l’amitié que vous me témoignerez en cette occasion, priant Dieu, etc. »
- Maximilien Cleuter, ancien page de la reine, était devenu colonel dans les gardes pontificaux.
V. note [1], lettre latine 308, pour la 9e et dernière partie de la Chalcographica Bibliotheca [Bibliothèque gravée] (Heidelberg, 1664), où Guy Patin avait eu la déception de ne pas voir figurer son portrait ; mais il continuait à nourrir la vaine espérance d’une 10e partie qui ne verrait jamais le jour.
V. supra note [2], pour la réédition du livre de Caspar Hofmann « sur les Médicaments officinaux » que Sebastian Scheffer corrigeait alors et commençait à faire imprimer à Francfort (et non à Iéna, comme écrivait ici Patin).
Ms BIU Santé no 2007, fo 205 vo.
Cl. viro D. Sebast. Scheffero, Medicinæ Doctori, Francofurtum.
Magno gaudio me adfecerunt tuæ literæ, Vir Cl. per quendam nobilem Germanum
mihi redditæ ; sed dic sodes, quinam sunt illi duo qui tanti pretij fecerunt vecturam
suam. Unum quidem invenio fasciculum in meis Adversarijs, traditum die
Martis, 3. Febr. 16… 1665. cuidam Mercatori Parisino, mihi notissimo, transmittendum
D. Io. Dan. Horstio : in quo Hollerius de morbis internis, etc. in folio, contineba-
tur [était contenu] pro eodem ipso D. Horstio, et quem ipse postulaverat. Et in eodem ipso fasciculo
latebat Privilegium regium pro D. Beyero, curâ meâ impetratum, ad excudendas Obser-
vationes Schenkij, etc. de quo me rogavebat ipse D. Horstius, etc. Ibi quoque latebat inclusus erat
exiguus alter fasciculus, Opusculorum Cl Hofmanni, de Calido innato, de Humorib.
et partibus similaribus, pro quo rogabam D. Horstium, ut Tibi redderetur : quem an
adhuc acceperis, certè nescio : scribe si placet an tres illos Tractatus acceperis à D. Horstio,
Ms BIU Santé no 2007, fo 206 ro.
et an illos Tibi habeas, ac in potestate tua, quos D. Horstius ex voto meo Tibi debuit
reddere. De altero fasciculo non memini quid contineret, nec per quem acceperis : hoc tamen
scio, me ad Te scripsisse ter, mensibus Iunio et Majo, et in aliqua ex illis me reposuisse
Errata typographica libri de Medicamentis Officinalibus Cl. Hofmanni. Malè sit infideli
tabellario qui me decepit : sed quis sit ille nescio : si sciero væ Tibi tabellarie : interea
v. laus sit Deo Opt. Max. si cætera habeas, et penes Te fuerint : in posterum, ero
cautior, et sapiam, si Deus voluerit, tuáq. mandata observabo. Tutissimam
omnium puto esse viam per D. du Clos, Med. Metensem, qui nunc est Parisijs, pro
negotijs suæ Civitatis. Cognatum tuum ego magnifacio, et puto eum esse virum
optimum. Iamdudum accepi quæ concredita fuerunt D. Widerholdt, et gratias ago : ^ sed inter illa non de pre-/hendi Orationem de bona mente.
Quæstiones Medico-Legales Pauli Zacchiæ eduntur apud vestrum Schonwetterum,
et hoc scio : misi enim ante mensem, Privilegium regium, ut antehac feceram pro Obs.
Schenkij, ad D. Beyerum. Sed vester ille Schonwetterus nónne edidit Iac. Pontani,
Ies. Germani, Attica bellaria, in 8. ubi si prostent vænalia, vellem habere. Cl. virum
D à Vorburg, quantum in me est, officiosè saluto : sed quod à me petit ut faciam,
nondum potui præstare, varijs impeditus negotijs, quæ me hactenus tamen non necarunt.
Cl. Lotichium saluto, cui utinam aliquo modo utilis esse possem, miserimmiso
hisce temporibus, hocce sæculo, literatis hominibus inimicisissimiso, imò et ipsi virtuti. Sed quî valent
uxor tua, tuúsque filiolus : utrumque saluto, cum tua bona venia. De bello Anglico,
aut Belgico, hîc incerta sunt omnia. Tandem Regina Parens obijt, in manibus Empiricorum
et agyrtarum, per quos diutius superesse ei non licuit, cum suo vino enetico stibiato, cum
suis granulis narcoticis, et alijs Chymisticis medicamentis : Sic moriuntur Principes, sic
volunt decipi, sic etiam decipiuntur, et jugulantur. ^ Te tuámq. familiam servet
Deus Opt. Maximus. Vale, Vir Cl. et me ama. Parisijs, 9. Martij, 1666.
^ Si quando voles ad me scriberes, trade tuas Domino Persod, Mercatori qui hancce meam
Tibi reddet : per hanc viam quidquid scripseris, tutò mihi reddetur, et quam citò. De
tuo Chalcographo nihil scribis ; quandonam veniet pars illa decima ? Primum folium
editionis Ienensis libri de Medicamentis officinalibus Ch. Hofm. non requiro : mihi satis erit
si emendatissima prodeat. isthæc Editio.