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Au très distingué M. Johann Daniel Horst, docteur en médecine, à Francfort.
Très distingué Monsieur, [a][1]
Je vous remercie infiniment pour tous vos cadeaux ; j’entends les opuscules et les thèses [2] que nous avons trouvés dans la caisse que M. Du Clos, [3] qui est de présent à Paris, a pris soin de transporter et nous a remise. Il vous salue et se tient à votre service, disant avoir en mains, à Metz, de nombreuses lettres que votre père a écrites à Samuel Clossæus ; [1][4][5] votre affection pour lui se doit donc fortifier et cimenter pour vous servir tous deux, ainsi que moi et d’autres aussi.
[Ms BIU Santé no 2007, fo 183 vo | LAT | IMG] Votre fils [6] se porte excellemment et se consacre sérieusement aux études ; il s’y attachera même dorénavant avec plus de soins quand l’hiver très froid, qui sévit ici, aura passé ; vous savez bien vous-même comme ce froid scélérat, qui nous torture maintenant, est ennemi des Muses. Au printemps prochain, se feront des opérations chirurgicales, qu’il verra et apprendra à faire, [7] surtout la section de vessie pour l’extraction du calcul. [8] On pratique moins souvent les autres, mais moi et M. Gayan [9] nous appliquerons à les lui faire voir. Je recevrai volontiers les thèses et autres disputations médicales, nouvelles et curieuses dont vous parlez, mais à condition que j’en rembourse la dépense à votre fils. Vous n’avez aucune raison de vous soucier des plus grands livres car je me les achèterai ici quand ils arriveront chez nos libraires. Vers avril et mai, je mènerai votre fils auprès de mes malades, [10] et l’en instruirai le moment venu et quand l’occasion s’en présentera. Dès que possible, je vous enverrai notre Hollierus, in‑fo, [2][11] peut-être par l’entremise de Sebastian Switzer, [12] dont j’apprends qu’il s’en ira d’ici bientôt. Le privilège royal dont vous avez besoin suivra la même voie ; mon fils aîné, Robert P., [13] s’est chargé de l’obtenir de M. Longuet, qui est notre ami et grand audiencier en la grande chancellerie. [14] Il a accepté cette tâche et prendra soin de toute l’affaire, mais l’affaire aurait déjà été conclue si le sceau eût < été > tenu ; [3] c’est-à-dire si M. le chancelier avait comme de coutume tenu l’assemblée idoine, ce que sa mauvaise santé, liée à son grand âge de bientôt 80 ans, ne lui a pas permis. [4][15] Je salue le très distingué M. Lorenz Strauss, [16] que je remercie infiniment pour l’affection et la bienveillance qu’il me porte que je lui rendrai le temps venu avec grand surcroît ; tout comme je rembourserai ce que vous aurez dépensé pour les thèses que vous m’achèterez. Je salue aussi les deux Scheffer, [17][18] excellents hommes qui m’aiment beaucoup. Quant à vous, très distingué Monsieur, vale et aimez-moi.
De Paris, le 24e de janvier 1665.
Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Johann Daniel Horst, ms BIU Santé no 2007, fo 183 ro et vo.
Clossæus est le nom latin de Samuel i Du Clos (Metz 1589-ibid. vers 1650), père de Samuel ii. Docteur en médecine de Montpellier en 1612, Samuel i avait exercé la médecine à Metz à partir de 1616 et était resté fidèle au protestantisme jusqu’à sa mort (v. La France protestante, tome iv, pages 364‑365, pour une biographie plus détaillée).
Clossæus figure en au moins deux endroits dans le tome deuxième desGregorii Horstii Operum Œuvres médicales de Gregor ii Horst] (Nuremberg, 1660, v. note [28], lettre 662).
Problemata tua quando lucem, et nos ipsa videbimus ? prodeant hortor, mi Horsti, perge te et ævum illustrare, et fugitivum jam pene e Germania Apollinem, aut certe per bellum jacentem, sistere et excitare. [Quand verrons-nous vos Problemata ? {a} Je vous exhorte, mon cher Horst, à les publier. Continuez à illuminer votre siècle, et aussi à retenir et réveiller l’Apollon {b} qui s’est presque enfui d’Allemagne, ou que la guerre a du moins couché à terre].
- Gregor. Horstii Centuria Problematum θεραπευτκων [Centurie des Problèmes thérapeutiques de Gregor Horst], troisième tome de ses Operum medicorum (Nuremberg, 1660) (pages 1‑125), contenant dix décades de dix questions chacune, suivies d’échanges épistolaires qu’elles ont suscités.
- V. note [8], lettre 997, pour les nombreux symboles attachés au dieu Apollon.
Tertium casum per literas subdato 3. Calend. Febr. 1630. mihi refert vir erudite doctus, Dn. Samuel. Clossæus, Medic. D. et Physicus Metensis, his verbis : Ex Haga Comitis casum sequentem accepi, quem tribus verbulis propter bellarii festinationem sic hauri : Mons. de la Grange, vir admodum illustris et strenuus capitaneus nostras, ætat. 47. in obsidione Crollana globulo scloperico, abdomen paulo supra umbilicum penetrante, icitur ; post mensem sanatus est integre : expugnato vero Buscoduco, colica passione diem obit. Cadavere a D. Rumphio aperto, intestina tanquam folle inflata apparent, partem vero coli superiorem ventriculo proximam, Spithami longitudinem æquantem, ex violentia præcedentis ictus diaphragmate, supra illud hæsisse, atque consolidatam fuisse repertum est. Mirum ! hominem toto biennio nullam ex hoc vulnere in naturalibus atque vitalibus functionibus obeundis sensisse læsionem. [Dans une lettre datée du 30 janvier 1630, le savant M. Samuel Clossæus, docteur en médecine et naturaliste de Metz, me relate doctement une troisième observation remarquable : « Je l’ai reçue de La Haye et vous la résume en trois mots en raison de la hâte où nous plonge la guerre : lors du siège de Grol, {a} M. de la Grange, illustre et très énergique capitaine de nos armées, en sa 47e année d’âge, fut blessé par une balle d’escopette {b} qui lui pénétra dans l’abdomen, un peu au-dessus de l’ombilic ; il en guérit entièrement au bout d’un mois, mais succomba à une passion colique lors de la prise de Bolduc. {c} À l’ouverture du cadavre, M. Rumphius {d} a trouvé des intestins qui semblaient gonflés comme par un soufflet, dont la partie supérieure du côlon, proche de l’estomac, s’était engagée à travers la blessure précédemment endurée par le diaphragme et s’était fixée au-dessus de lui. Il est admirable que, durant deux années entières, cet homme n’ait ressenti dans ses fonctions naturelles et vitales aucune des gênes que cette plaie aurait dû provoquer. »] {e}
- Épisode de la guerre de Quatre-Vingts Ans (1568-1648, v. note [53], lettre 156) qui permit aux Provinces-Unies de se séparer de l’Espagne, le siège de Grol (aujourd’hui Groenlo en Gueldre), place occupée par les Espagnols, avait commencé le 20 juillet et s’était achevé le 19 août 1627 par la victoire des Néerlandais.
- V. notule {c}, note [11], lettre 254.
- Passion colique ou iliaque est un autre nom de la colique de miséré (occlusion intestinale aiguë, v. note [5], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657). Le 14 septembre 1629, l’armée des Provinces-Unies prit Bolduc (Bois-le-Duc, v. note [14], lettre 76) aux Espagnols après un siège qui avait débuté au mois d’avril précédent.
- Christiaen Rompf, médecin des stathouders Maurice et Frédéric Henri de Nassau, et père de Petrus Augustinus et Christiaen Constantijn (v. note [2], lettre 827).
- La blessure de 1627 avait provoqué une déchirure du diaphragme au travers de laquelle l’angle gauche du côlon s’était engagé sans provoquer de symptômes immédiats. Deux ans plus tard, cette hernie intestinale située dans le thorax avait subi une torsion, provoquant une occlusion intestinale aiguë (miséréré), bas située, qui avait rapidement emporté le capitaine.
V. note [14], lettre 738, pour la réédition (Paris, 1664, dédiée à Guy Patin et à laquelle il avait mis la main) de Jacques Houllier De Morbis internis [Les Maladies internes].
En français dans le manuscrit, mais avec une orthographe différente de ma transcription : « si le Seau eut tenu », ce qui ne correspond à aucune expression que j’aie trouvée prenant « seau » dans le sens de récipient ; mais la majuscule et le contexte m’ont fait opter pour « sceau », avec la bénédiction de Richelet qui atteste les deux orthographes, « seau » et « sceau ».
Le sceau ou scel est la « marque faite sur un instrument public marqué aux armes du prince, de l’État, du seigneur ou du magistrat, dont l’empreinte sert à rendre un acte authentique et exécutoire ». C’est aussi « le temps et le lieu où on scelle : il y aura sceau demain à Versailles chez Monseigneur le Chancelier ; on a publié ce règlement, le sceau tenant » (Furetière). « Tenir le sceau » a donc le sens d’enregistrer une décision royale.
V. note [2], lettre latine 354, pour le privilège dont le libraire Johann Beyer avait besoin à Francfort pour rééditer les Observations médicales de Johann Schenck. Louis Longuet, sieur de Vernouillet, grand audiencier (grand officier de la chancellerie) de France, devait y apposer le sceau royal.
Né le 28 mai 1588 et nommé chancelier à vie en 1635, Pierre iv Séguier (v. note [2], lettre 16) était alors dans sa 79e année. Il gardait les sceaux depuis 1656 (après les avoir déjà tenus de 1633 à 1650, et pendant quelques mois en 1651).
Ms BIU Santé no 2007, fo 183 ro.
Cl. viro D. Io. Dan. Horstio, Med. Doctori, Francofurtum.
Amplissimas ago Tibi gratias, Vir Cl. pro singulis tuis muneribus ; libellos et Theses
intelligo, quas deprehendimus in Cista quam sibi devehi curavit D. du Clos, qui nunc est Parisijs,
eámq. nobis reddidit : ipse Te salutat, et omne officium pollicetur : multas penes se Metis
habere se dixit dicit Epistolas à D. Parente tuo ad Sam. Clossæum, scriptas : quo medio debet firmari et
inter vos conglutinari fortiùs amor ille vester, utrique vestrum, mihique ac alijs utilis futurus.
Ms BIU Santé no 2007, fo 183 vo.
Filius tuus optimè valet, et seriò incumbit studijs, quib. etiam acriùs dabit operam posthac ;
superata hyeme, quæ hîc viget frigidissima : Nosti Tu ipse quàm sit inimicum Musis,
sceleratum istud frigus, quo nunc cruciamur. Proximo vere Operationes Chirurgicæ,
quas videbit et addiscet : præsertim sectionem vesicæ ad extractionem calculi ; aliæ Operationes
minùs frequenter occurrunt, quib. tamen et Ego et D. Gayan invigilabimus. Medicas illas
Theses et alias Disputationes novas et curiosas libenter accipiam, sed ea lege ut pretium refundam
et tradam Filio tuo : de majorib. libris non est quod valde cures, hîc enim à me ementur quum
ad nostros Bibliopolas perevenerint. Circa Aprilem et Majum, Filium tuum ad ægros meos
manuducam, et de ijs pro captu et tempore docebo. Prima data occasione mittam Hollerium
nostrum, in fol. forsan per Sebast. Switzerum, quem huc proxime deventurum audio. Privilegium
regium quod requiris, eamdem viam sequetur : illud obtinendum commisit Filius meus
major natu, Robertus P. Domino Longuet, Amico nostro, et magno in Cancellaria magna
Audientiario, qui totam rem curabit, et istum laborem in se suscepit : æquo pretio omnia peragentur,
ea lege ut etiam tradantur aliquot Exemplaria, quib. suo tempore exhibendis ses Robertus eus
proprio scripto adstinxit, apud D. Longuet : et jam confertum esset negotium si le Seau
eut tenu : i. si talia comitia habuisset pro more D. Cancellarius, quod ipsi non licuit per
adversam valetudinem qua detinetur valde senex, et penè octogenarius. Cl. virum D.
Laur. Straussium saluto, pro cujus in me benevolentia et amore ingentes ago gratias, eásq.
suo tempore referam, et cumulo majore refundam : ut et quæ impenderis pro Thesibus nostris. Saluto quoque utrumque Schefferum, viros
optimos, et mei amantissimos. Tu v. Vir Cl. Vale, et me ama. Parisijs, 24. Ianu. 1665.