À Charles Spon, le 24 septembre 1658, note 8.
Note [8]

« Au roi qu’on a sauvé en lui faisant boire l’antimoine.

Tu avais enduré les monstruosités des princes rebelles et la rage du lion ibérique, tout comme les fièvres au plus fort de la peste noire. Le redoutable antimoine peut se ruer avec toute la férocité dont il est capable, ton cœur invincible l’endure. Tu pouvais, grand roi, être appelé Alcide, {a} mais ce dernier de ses Travaux fait maintenant que tu le surpasses : quand Alcide meurt au seul contact du poison, tu le prends et le réduis en le chassant de tes entrailles. »


  1. Hercule, v. note [3], lettre de Reiner von Neuhaus  datée du 21 octobre 1663.

    Ces vers antistibiaux attribuaient au roi une vigueur telle qu’il avait pu résister à l’antimoine dont ses médecins avaient prétendument voulu l’empoisonner à Mardyck (v. note [6], lettre 538). Après avoir accompli ses 12 célèbres Travaux, Hercule se maria avec Déjanire, fille d’Œnée. Comme le centaure Nessos voulait abuser de son épouse, Hercule lui décocha une flèche imprégnée du poison de l’hydre de Lerne (v. notule {a}, note [4] des triades du Borboniana manuscrit). En mourant, Nessos donna à Déjanire sa tunique imprégnée du sang qui coulait en abondance de sa plaie, en lui disant de la faire porter à Hercule pour le rendre immortel. L’ayant enfilée, Hercule sentit de vives démangeaisons. Il l’ôta aussitôt, mais trop tard : sa peau partait en lambeaux, le poison de l’hydre lui était entré dans le corps ; certain de mourir, Hercule fit allumer un bûcher et s’y précipita.


La guérison du roi par l’antimoine, dont Guy Patin a obstinément contesté l’authenticité dans ses lettres, créa un profond désarroi parmi les membres de la Faculté qui s’opposaient encore farouchement à ce médicament. Jacques Thévart a plus tard dénoncé leur inconséquence dans sa première Défense de la Faculté de médecine de Paris (1666, pages 13‑14 ; v. note [5], lettre 873) :

« Mais il est à remarquer que dans la contestation qui a été dans la Faculté touchant l’émétique, 61 docteurs l’ont approuvé par leurs signatures {a} et ont rendu témoignage à la vérité. Les autres, par des libelles diffamatoires, ont calomnié leurs confrères, et néanmoins ils s’en servaient eux-mêmes. Les derniers, pour quelques considérations, se servent dudit émétique et n’ont point signé : comme les sieurs Boujonnier, {b} Charpentier, {c} Morisset, {d} Brayer, {e} Puilon, {f} Matthieu, {g} Préaux, {h} Germain, {i} Le Vasseur. {j} Et les sieurs Merlet, {k} Moreau, auteur de la Défense de la Faculté, {l} Piètre, {m} Le Conte, {n} Cornuti {o} et autres décédés, s’en sont servis, qui ne sont et n’étaient tous ni hérétiques et semeurs de nouveautés, ni empoisonneurs privilégiés, ni ignorants et empiriques. Il est vrai qu’entre les 61 docteurs qui ont signé et approuvé l’émétique, il y en a un, lequel après avoir vu que le roi en avait été guéri, au lieu de rendre grâces à Dieu de ce qu’il avait béni un remède qu’il avait loué et confirmé avec ses confrères, fit paraître au jour une épigramme dont la pointe est digne de son esprit, et mérite bien qu’on y fasse quelque réflexion :

Nil mirum in Stygias si non demiserit umbras
Te Stibium (o ! Nostrum
Rex Lodoïce decus !) :
Servarunt vitam victricia fata Ministri,
Præsidibusque Deis, ipsa venena iuvant
. {p}

Quelqu’un des 60 docteurs qui restaient après que cet auteur eut quitté leur parti crut être obligé de lui faire cette repartie :

Doctorem stygias minitantem Regibus undas,
Quis
Maiestatis non putet esse reum ?
Is, medicos, inter stibium qui rite propinant,
Illi cum sociis nomen et ipse dedit
Nunc damnans per quod vita est servata
Monarchæ
desipit, aut per eum res bona facta mala est
. » {q}


  1. En 1652, v. note [3], lettre 333.

  2. François Boujonnier, v. note [3], lettre 12.

  3. Antoine ii Charpentier.

  4. Philibert Morisset, v. note [31], lettre 152.

  5. Nicolas Brayer, v. note [2], lettre 111.

  6. Gilbert Puilon, v. note [30], lettre 399.

  7. Nicolas Matthieu, v. note [29], lettre 273.

  8. Germain Préaux, v. note [5], lettre 664.

  9. Claude Germain, v. note [2], lettre 276.

  10. Claude Le Vasseur, v. note [3], lettre 935.

  11. Jean Merlet, v. note [39], lettre 101.

  12. Ouvrage de René Moreau paru en 1641, v. note [8], lettre 57.

  13. Jean Piètre, v. note [5], lettre 15.

  14. Pierre ii Le Conte, v. note [10], lettre 430.

  15. Jacques-Philippe Cornuti, v. note [5], lettre 81.

  16. « Il n’y a rien d’étonnant à ce que l’antimoine ne t’ait pas fait tomber dans les sombres ondes du Styx (Ô roi Louis, notre plus bel ornement !) : les oracles victorieux du ministre ont préservé ta vie, les poisons eux-mêmes viennent au secours des chefs et des dieux ».

  17. « Qui ne penserait pas coupable de lèse-majesté un docteur menaçant les rois des ondes du Styx ? Celui-là est parmi les médecins qui prescrivent l’antimoine selon les règles et a lui-même signé en sa faveur avec ses collègues ; il déraisonne maintenant en condamnant ce par quoi la vie du monarque a été préservée, ou alors il transforme un bienfait en méfait ».

À la fin de sa Deuxième Défense… (1668, page 31), Thévart cite son « royal distique » :

« Pocula qui Stibii falso dixere venena,
Nunc
Rege incolumi, Regia iure vocent ; {a}

lequel fut ainsi paraphrasé :

“ À quoi bon tant blâmer l’émétique breuvage,
De notre Dieu-Donné l’illustre guérison
Fait voir que ce métal ne fut jamais poison
Il a sauvé le roi, que veut-on davantage ? ” »


  1. « Que ceux qui ont parlé à tort de la potion empoisonnée d’antimoine, maintenant que le roi est sain et sauf, en appellent donc à la justice royale ».

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Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Charles Spon, le 24 septembre 1658, note 8.

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(Consulté le 19/03/2024)

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