L. 497.  >
À Claude II Belin,
le 15 octobre 1657

Monsieur, [a][1]

Je vous avertis qu’aux déclamations et oraisons de Melanchthon, [2] il y a six ou sept volumes, et autant d’épîtres, sans compter celui qui a été imprimé en Hollande depuis environ douze ans ; [1] néanmoins, je vous promets de les chercher quand j’irai au Pays latin, [3] où je ne vais guère si je n’y ai grandes affaires. Je n’y prends jamais de malades, [4] c’est trop loin, Hic seges est ubi Troia fuit[2][5] Je me souviendrai aussi de l’Erastus [6] quand il se rencontrera, [3] mais cela est rare. J’ai bien envie de faire un recueil de tous les ouvrages de ce digne auteur et en faire un bel in‑fo[7] mais nos libraires n’y veulent point mordre, c’est la guerre qui empêche tout. Je n’ai jamais vu le Silvaticus [8] de morbis simulatis[4] Celui qui a imprimé le Varandæus [9] à Lyon s’appelle M. Fourmy. [10] Je vous enverrai bientôt la thèse de M. Des Gorris [11][12] et celle de M. Guillemeau ; [13][14] dès que je les aurai, je les porterai chez M. Gérard. [5][15] On imprime toutes les œuvres de Io. Heurnius in‑fo à Lyon, [16] ce sera un bon livre. Il y a ici du Varandæus, c’est un gros in‑fo. Ce même M. Fourmy y a imprimé les Mémoires du maréchal de Tavannes in‑fo [17] mais il ne les vend qu’en cachette à cause qu’il n’en a pu obtenir le privilège, pour plusieurs choses bien hardies qui sont là-dedans, de François ier[18] de Henri ii [19] et de Catherine de Médicis ; [20] et même il est dit là-dedans que Henri iv [21] laissa revenir les jésuites [22] pour la peur qu’il avait de leurs couteaux[6] On imprime ici l’Histoire du feu cardinal de Richelieu en deux tomes in‑fo [23][24] et l’Asie du P. Briet [25] in‑4o, un livre in‑fo du P. Yves de Paris, [26] capucin[27] de Iure naturali, et un certain Gyges Gallus in‑4o d’un autre capucin nommé le P. Zacharie, de Lisieux. [28] M. Vander Linden [29] nous a donné une nouvelle édition du Corn. Celsus[30] chez M. Elsevier [31] à Leyde, [32] laquelle est fort nette, en laquelle il a corrigé le texte en 800 endroits en vertu de quelques livres que je lui avais prêtés, [33] à cause de quoi il m’a dédié cette nouvelle édition ; tandis que M. Rhodius [34] fait la sienne à Padoue [35][36] in‑4o ; et à la fin nous ne manquerons pas de Corn. Celsus car nous avons ici M. Mentel [37][38] qui en veut donner un aussi ; feu M. Moreau [39] avait la même pensée, et y en a encore un autre en Flandres [40] qui idem pollicetur ; adeo verum illud Salomonis, faciendi plures libros nullus est finis[7][41]

Le roi [42] est encore à Metz, [43][44] on dit qu’il vient à Nancy [45] et delà qu’il retournera à Paris. Je vous baise les mains, à monsieur votre fils et à Messieurs nos bons amis, Blampignon, Maillet, Barat, Sorel, Allen, etc., et suis de toute mon affection, Monsieur, votre très humble et très obéissant G.P.

De Paris, ce 15e d’octobre 1657.


a.

Ms BnF no 9358, fo 167, « À Monsieur/ Monsieur Belin, le père,/ Docteur en médecine,/ À Troyes. » ; Reveillé-Parise, no cxxxv (tome i, pages 229‑230).

1.

Parmi les nombreux ouvrages de Philipp Melanchthon, {a} Guy Patin faisait notamment allusion à ses :

2.

« Là croît la moisson dans les champs où fut Troie » : Iam [Déjà] seges est, ubi Troia fuit (Ovide, Héroïdes, épître i, vers 53).

Comme Pénélope (v. note [7], lettre latine 7) pleurant Troie dans le sein d’Ulysse, Guy Patin disait sa nostalgie du Quartier latin de sa jeunesse où il n’avait plus plaisir à se rendre. Il habitait à côté de l’actuel Châtelet, soit à environ une demi-heure à pied de la Sorbonne, et il fréquentait assidûment les nombreuses librairies groupées au bas de la rue Saint-Jacques.

3.

Sans doute les quatre volumes des dissertations de Thomas Lieber, dit Erastus, contre Paracelse (Bâle, 1572-1573, v. note [6], lettre 71). Guy Patin a plusieurs fois déjà dit son désir d’éditer les œuvres complètes de cet auteur, qu’il admirait beaucoup.

4.

« sur les maladies simulées » :

Io. Baptistæ Silvatici Io. Petri Filii, Mediolanensis Medici collegiati. De iis qui morbum simulant deprehendis Liber.

[Livre de Io. Baptista Silvaticus, {a} fils de Io. Petrus, médecin agrégé au collège de Milan, sur ceux qu’on surprend à simuler la maladie]. {b}


  1. Giovambattista Silvatico, médecin natif de Milan, qui professa à Pavie, mort en 1621 ; sans lien de parenté avec Benedetto Silvatico, médecin de Padoue (v. note [7], lettre 406).

  2. Milan, ancienne officine de Pacifius Pontius, 1595, in‑4o de 99 pages. Il y est principalement question des simulations de maladie mentale ou nerveuse, de virginité, d’impuissance virile, de stérilité ou d’empoisonnement.

5.

V. notes :

6.

Cette assertion se trouve dans le Pronostic que faisaient les médisants du temps du roi Henri quatrième (Mémoires de Gaspard de Saulx-Tavannes [v. note [5], lettre 467], édition de J.A.C. Buchon, 1884, page 467) :

« Le roi se plongera dans les amours de toutes voluptés et en la pluralité des femmes, lesquelles il ne forcera que par argent ; et pourvoira à ce qu’il ait des enfants pour lui succéder. Rétablira les jésuites, pour la crainte qu’il a de leurs couteaux, et par là montrer qu’il est vraiment catholique. Ne fera compte des soldats qu’il abandonnera à la justice. Partira les huguenots en trois : les royaux ses pensionnaires, les chefs qui ont des gouvernements et les ministres, les opposant tacitement les uns aux autres, et employant son argent sans que l’un sache ce que l’autre en reçoit. »

V. note [12], lettre 446, pour les Opera omnia de Jan i van Heurne (Lyon, 1658).

7.

« qui promet la même chose ; d’où la vérité de ce que Salomon a dit, qu’“ écrire des livres est un travail sans fin ” [L’Ecclésiaste, v. note [13], lettre 283]. »

V. notes :

Pour les éditions en cours ou en projet de Celse (De Re medica), Guy Patin répétait ici à Claude ii Belin ce que Charles Spon lui avait écrit dans sa lettre datée du 28 août précédent (note [20]).


Correspondance complète de Guy Patin et autres écrits, édités par Loïc Capron. – Paris : Bibliothèque interuniversitaire de santé, 2018. – À Claude II Belin, le 15 octobre 1657

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(Consulté le 19/04/2024)

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