[Ms BIU Santé no 2007, fo 87 ro | LAT | IMG]
Au très distingué M. Steph. Scheffer, [1] docteur en médecine à Francfort.
Très distingué Monsieur, [a][1]
J’ai jusqu’ici attendu ce que vous aviez envoyé par les Tournes ; [2] mais bien que ce paquet ne se hâte guère d’arriver, je vous écris afin de ne pas vous inquiéter plus longtemps par mon silence, et afin de vous saluer et remercier pour vos présents que j’attends de jour à autre, ainsi que que votre dernière lettre, datée du 16e de mai. Vous n’avez pas à vous tracasser outre mesure pour le 2e tome des Epistolæ du très distingué Claude Saumaise, pour l’Opus practicum de Sebizius et pour les Criticæ Epistolæ de Reinesius : ils nous arriveront quand ils auront enfin été donnés à imprimer. [2][3][4][5] Je vous ai inutilement mis en peine de les trouver, leurré par le catalogue de votre foire. [6] Je prendrai mieux mes précautions une autre fois et n’ajouterai pas aussi facilement foi à une liste si mensongère. En attendant, je voudrais que vous pardonniez ma curiosité et mon avidité de posséder de tels livres. Il y a diverses raisons pour lesquelles je désirais vivement voir chacun de ceux-là ; peut-être seront-ils publiés un jour et mis en vente ici. J’ai en mains trois traités manuscrits du très distingué Hofmann, de Humoribus, de Partibus similaribus, de Calido innato et spiritibus ; [3][7] comme ils sont physiologiques, je voudrais les joindre aux Chrestomathiæ physiologicæ du même auteur, que j’ai ici à faire imprimer. En réunissant tout cela avec les Chrestomathiæ patholologicæ du même Hofmann, [4] que j’ai ici pareillement manuscrites, on ferait deux tomes in‑fo, un peu moins épais que ce Lexicon etymologicum que votre M. Götze a publié il y a cinq ans. Je traiterais très volontiers avec lui s’il voulait sérieusement songer à les publier, à la condition que tous ces inédits du très distingué Hofmann paraissent ensemble, car je pense que rien ne doit en être détaché, de sorte qu’en étant réunis et en n’étant pas dépareillés, ils forment un Corpus integrum Medicinæ. [5][8][9] Peut-être n’acceptera-t-il pas l’édition d’un si volumineux ouvrage ; mais moi, par la grâce de cette paix dorée qui reviendra bientôt, [10] je ne désespère pas de trouver un autre imprimeur, à Paris, à Lyon, à Genève ou en Hollande. Je salue de tout cœur monsieur votre père, ce vénérable vieillard, [11] je le serre dans mes deux bras et lui souhaite annos Nestoreos. [6][12] J’attendrai patiemment cette Malta vetus et nova dont vous parlez. [7][13][14] Mais avant de passer à autre chose, je voudrais vous prévenir que j’ai aussi ici deux autres traités manuscrits du très distingué Caspar Hofmann, dont le premier est de Sanitate tuenda et le second, medendi Methodum. Ce sont des commentaires fort vigoureux sur les livres de Galien de mêmes titres. Si ces deux ouvrages sont joints aux livres susdits, ils feront deux tomes tout emplis d’érudition en tout genre, de même grosseur que le Lexicon etymologicum de Martini, et que tous les médecins liront et achèteront, [8][15] car ils contiendront une encyclopédie de la matière médicale.
Quant aux livres que vous recherchez, je vous prépare un paquet où vous trouverez le Stadium Medicum ad Lauream Scholæ Parisiensis de Victor Pallu, qui est mort en 1648. [9][16] J’envoie aussi le livre de Jean Chicot que vous indiquez. {Je ne l’ai jamais vu, mais je sais seulement qu’il a un livre, prêt pour une nouvelle édition, de varia Opuscula, de Rheumatismo, de Dolore, de Variolis et morbillis, de Methodo studendi Medicinæ.} Il est toujours en vie, plus que septuagénaire ; il songe à une nouvelle édition de ses opuscules, augmentée de nombreuses parties et corrigée en divers endroits, car les fautes y abondent, en particulier là où il est question de l’antimoine. [10][17][18] En même temps, vous recevrez aussi le Paradoxum orthodoxum, etc. de Henri Bourgeois. Cet auteur est un jeune Parisien qui exerce la médecine dans le duché de Bourgogne, près de Dijon, dans une petite ville au nom obscur. [11][19] Je n’ai jamais vu le livre de François Pidoux de febre purpurea ; [12][20][21] il a été publié à Poitiers, d’où je me chargerai de le faire venir pour moi et pour vous, puis vous l’enverrai avec un autre opuscule d’un autre médecin de la même ville adversus Circulationem sanguinis Harveïanam ; son auteur s’appelle François Umeau, petit-fils de celui qui a jadis écrit un petit livre de Liene. [13][22][23][24][25] Je vous ai expédié tout cela.
[Ms BIU Santé no 2007, fo 87 vo | LAT | IMG] L’arrêt du Parlement contre nos chirurgiens n’est pas encore sous presse, je sais pourtant qu’il est entre les mains de l’imprimeur et j’espère que nous l’aurons bientôt. [14][26][27] Notre roi a enfin procuré la paix à son royaume et il a épousé la fille du roi d’Espagne. [28][29][30] J’espère qu’elle fera refleurir l’honneur de notre imprimerie et que seront publiées chaque année quantité de nouveautés ; je vous les enverrai bien sûr si vous voulez ; au moins, si je vous connais bien, ne vous déplairont-elles pas.
Je n’ai jamais rien entendu dire de quiconque sur votre Italien Franciscus Josephus : [15][31] empiriques et souffleurs chimiques ne réussissent guère à Paris, pour l’abondance des médecins dogmatiques qui ont déclaré la guerre à ces ignobles vauriens et les mettent en fuite ou les réduisent à la mendicité, par autorité de notre École qui rend chacun de nous fort influent. [32][33][34] Mes deux fils vous saluent. L’aîné vient de prendre femme. [35][36] Le second, Charles, éprouve de la répugnance pour le mariage, préférant cultiver l’amour des muses ; il a récemment été élu professeur de pathologie, charge dont il s’acquittera certes heureusement. [37] Je vous salue donc de tout cœur, ainsi que votre très illustre père. Vale, très distingué Monsieur, et ne cessez pas de m’aimer comme vous faites.
Votre Guy Patin de tout cœur.
De Paris, le 22e de juillet 1660.
Brouillon autographe d’une lettre que Guy Patin a écrite à Sebastian Scheffer, ms BIU Santé no 2007, fo 87 ro et vo.
Étourderie de Guy Patin, qui a écrit Steph. (Stephan) au lieu de Seb. (Sebastian).
V. notes :
« des Humeurs, des Parties similaires [du corps humain, v. note [7], lettre 270], de la Chaleur innée et des esprits ».
« Chrestomathies physiologiques » et « Chrestomathies pathologiques » : grâce aux efforts conjugués de Sebastian Scheffer et de Guy Patin, tous ces manuscrits de Caspar Hofmann, à l’exception du traité de Humoribus [des Humeurs], ont fini par être publiés dans ses Opuscula medica [Opuscules médicaux] (Francfort, 1667, v. note [14], lettre 150), et dans les Apologiæ pro Galeno libri tres… [Trois livres d’Apologie pour Galien…] (Lyon, 1668, v. note [1], lettre 929).
« corpus entier de médecine ».
V. note [2], lettre 408, pour le « Lexique étymologique » de Matthias Martini, que Thomas Matthias Götze (Goetzenius, Gotzius ou Götz, 1623-1672), libraire-imprimeur à Francfort-sur-le-Main, avait republié en 1655, in‑4o. Le même Götze allait partiellement satisfaire le souhait de Guy Patin en imprimant une première fois (Opuscula medica, 1667, v. supra note [4]) deux des traités manuscrits de Caspar Hofmann qu’il possédait et chérissait : De Calido innato et spiritibus [La Chaleur innée et les esprits] et De Partibus similaribus [Les Parties similaires (du corps humain, v. note [7], lettre 270)].
V. note [4], lettre 659, pour la Malta vetus et nova [Malte ancienne et moderne] de Burchard Niderstedt (Helmstedt, 1660).
et qui ab omnibus Medicis legantur ac emantur dignissimi dans le manuscrit, où Guy Patin a omis de barrer dignissimi qui aurait requis une construction différente : ab omnibus medicis legi et emi dignissimi [tout à fait dignes d’être lus et achetés par tous les médecins].
Les annotations de Caspar Hofmann « sur la Conservation de santé » de Galien sont restées inédites (v. note [2], lettre latine 443). Ses commentaires sur la « Méthode pour remédier » n’ont été publiés qu’en 1680 à Francfort, sous le titre de Praxis medica curiosa [Pratique médicale méticuleuse], dans une édition préparée par Sebastian Scheffer (v. note [15], lettre de Charles Spon, datée du 6 avril 1657).
V. note [15], lettre 234, pour la description détaillée du « Stade médical pour le laurier de la Faculté de Paris » de Victor Pallu (Paris, 1630) ; avec ici un lapsus de Guy Patin sur la date de sa mort, survenue en 1650 et non pas en 1648 (v. note [54], lettre 229).
Guy Patin avait d’abord écrit qu’il ne connaissait guère Jean Chicot (passage barré dans le manuscrit, traduit entre accolades), puis s’est repris, en se souvenant de lui et de son livre. V. notes :
V. note [5], lettre 577, pour le « Paradoxe orthodoxe » sur la nature humorale du sang (Paris, 1659), par Henri Bourgeois, possible pseudonyme de Pierre Petit (auquel cas Guy Patin semblait ici être complice de la supercherie).
V. note [32], lettre 433, pour le livre de François Pidoux « sur la fièvre pourpre » qui avait sévi à Poitiers en 1651 (Poitiers, 1656). Sa mémoire le trompait quand Guy Patin disait n’avoir jamais vu cet ouvrage, car il avait écrit l’avoir reçu en cadeau de son auteur dans sa lettre du 22 février 1656 à Charles Spon.
V. notes [10], lettre 560, pour l’essai anatomique de François ii Umeau « contre la circulation harveyenne du sang » (Poitiers, 1659), et [6], lettre latine 119, pour celui de son grand-père, François i, « sur la rate ».
V. note [12], lettre latine 131, pour cet arrêt du Parlement en faveur de la Faculté de médecine contre les chirurgiens (Paris, 1660).
V. note [4], lettre 717, pour le charlatan italien Giuseppe Francesco Borri (Josephus Franciscus Burrhus).
Ms BIU Santé no 2007, fo 87 ro.
Clariss. viro D. Steph. Scheffero, Medicinæ Doctori, Francofurtum.
Hactenus à Tornesijs expectavi quod miseras, Vir Cl. sed quum non
properet iste fasciculus, ne diutius angaris de silentio meo, ecce scribo,
ut Te salutem Tibiq. gratias agam de tuis munerib. quæ in dies expecto,
ut et de postrema tua data 16. Maij. De tomo 2. Epistolarum Cl. viri
Cl. Salmasij, de Sebizij Opere practico, et Criticis Epistolis Reinesij, non
est quod acriùs labores ; quum fuerint typis mandatæ tandem ad nos venient.
Tibi frustra negotium feci super ijs perquirendis, deceptus ab Indice Nundi-
narum vestrarum : aliàs cautiùs agam, nec tam mendaci Catalogo ita facilè
fidem adhibebo : interea ignoscus velim meæ curiositati, et aviditati talium
librorum possidendorum : quos singulos videre avebam varijs de causis : for-
tassis aliquando venient in lucem prodibunt, et huc devehentur. Tres hîc habeo Tractatus
MS. Cl. Hofmanni de Humorib. partib. solidis similaribus, de callido innato et spiritib.
quos quia sunt Physiologici, subjunctos vellem Chrestomathijs Physiologicis
ejusdem Authoris, quæas hîc habeo typis mandandas : hæc omnia simul juncta cum
Chrestomathijs Pathologicis ejusd. Hofm. quas hîc pariter habeo MS. facient
duos tomos in folio, paulo minores isto Lexico Etymologico, à quinque annis
edito per vestrum M. Gotzium : cum quo libentissimè agam, si velit de eorum
editione seriò cogitare : ea lege ut hæc omnia Cl. Hofmanni quæ numquam lucem
viderunt, simul edita publicentur : neq. enim ex ijs quidquam disjugendum censeo,
ut simul juncta nec disparata, Corpus integrum Medicinæ conficiant. Fortassis
Gotzius vester tanti Operis editionem in se non recipiet : ego v. per auream illam
Pacem jam reducem, non despero de alio typographo, Paris. Lugdun. Genevensi,
vel Batavo. Venerandum Senem D. Parentem tuum ex animo saluto, ambabus
ulnis amplector, et annos Nestoreos illi voveo. exopto. Maltam illam tuam veterem et
novam patienter expectabo. Sed priusquam ad alia transeam, monitum Te
velim, me hîc quoque habere Cl. Viri Casp. Hofmanni duos alios Tractatus MS.
ex quorum unus est de San. tuenda, alter Methodus medendi : nervosi nimirum
Commentarij in libros Gal. de Sanitate tuenda : et in ejusd. medendi Methodum : si duplex
istud oOpus superiorib. libris adjungatur, fient duo tomi omnigenæ eruditionis plenissimi,
ejusdem magnitudinis cum Lexico Etymologico Martinij, et qui ab omnibus Medicis legantur
ac emantur dignissimi : certam enim Encyclopædiam rei Medicæ continebunt.
Quod spectat ad libros quos requiris, ecce Tibi mitto paro fasciculum, in quo reperies
Victoris Palu Stadium Medicum, ad Lauream Scholæ Parisiensis : Obijt ille anno
1648. Librum quem nuncupas Io. Chicotij etiam mitto : nunquam vidi : sed hoc unum scio,
illum habere ad novam editionem paratum librum quendam variorum Opusculorum,
de Rheumatismo, de Dolore, de variolis et morbillis, de Methodo studendi Medicinæ,
Adhuc ille vivit plusquam septuagenarius ; qui novam ejusmodi Opusculorum
editionem multis adauctam partib. meditatur, et varijs in locis castigatam : neq.
enim caret multis nævis, ^ præsertim ubi de stibio. Simul quoque accipies Henr. Citadini Paradoxum Ortho-
doxum, etc. Ille author est juvenis Parisinus, qui Medicinam facit in Ducatu Bur-
gundico, prope Divionem, in oppidulo obscuri nominis. Fr. Pidoux de febre purpurea
numquam vidi : editus est Pictavij, unde illum devehi curabo pro Te et pro me,
quem postea mittam : cum alio libello alterius Medici ejusdem Urbis, adversus Cir-
culationem sanguinis Harveijanam : ille author vocatur Fr. Ulmus, ejus Nepos qui olim
eruditum libellum scripsit de Liene. Misi hæc omnia.
Ms BIU Santé no 2007, fo 87 vo.
Senatuconsultum in Chirurgicos nostros nondum est typis mandatum, scio tamen illud esse
in manibus Typographi : et spero nos brevi habituros. Rex noster tandem
suo regno pacem reddidit, et in uxorem duxit Hispaniæ regis filiam : tantæ
Pacis beneficio spero fore ut apud nos reflorescat Typographiæ dignitas,
et quotannis nova multa apud nos edantur, quæ haud dubie mittam
si volueris : et si bene Te novi, saltem Medica non displicebunt.
De Italo illo tuo Francisco Iosepho, nihil unquam audivi à quoquam :
Empiricis et Chymicis sufflonibus malè cedit in hac Urbe, propter copiam
Medicorum Dogmaticorum, qui fœdis istis nebulonibus bellum indixerunt,
eósq. fugant, aut in ad mendicitatem redigunt, ea authoritate Scholæ
nostræ quâ singuli pollemus. Filij mei ambo Te salutant : major
natu nuper uxorem duxit : alter, Carolus, à nuptijs abhorret ut
Musarum studia colat : nuper electus fuit Pathologiæ Professor
in Scholis nostris, quo quidem munere feliciter defungitur. Te igitur,
et Cl. Parentem tuum saluto ex animo. Vale, vir Cl. et me amare,
quod facis, ne desine.
Tuus ex animo Guido Patin.
Parisijs, 22. Iulij, 1660.